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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3868/2022

DCSO/203/2023 du 11.05.2023 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Deni de justice; retard injustifié; commandement de payer; notification; procuration; débiteur détenu; poursuite abusive; débiteur domicilié à l'étranger
Normes : lp.17.al3; lp.22.al1; lp.60; lp.66.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3868/2022-CS DCSO/203/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 11 MAI 2023

 

Plainte 17 LP (A/3868/2022-CS) formée en date du 21 novembre 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Damien Cand, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me CAND Damien

Gillioz Dorsaz & Associés

Rue du Général-Dufour 11

Case postale 5840

1211 Genève 11.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ est avocat à B______ (France).

b. Par accord transactionnel et reconnaissance de dette signé le 17 mai 2019 par les deux intéressés, C______ a reconnu devoir à A______ la somme de 8'120'000 euros à titre d'indemnité pour plusieurs années d'activité déployée à son service exclusif, sans rémunération. Cet accord mettait fin à un litige survenu entre les parties portant sur la rémunération due par la première à la seconde. L'accord prévoyait notamment que les parties convenaient de la possibilité pour l'une d'entre elles de saisir le président du Tribunal de Grand Instance de B______ pour qu'il puisse, sur simple requête, conférer au présente acte force exécutoire en vertu de l'art. 1567 du Code de procédure civile. En outre, il prévoyait que l'ensemble des biens immobiliers propriété de C______ à B______ et à D______ étaient cédé, sans bénéfice de discussion, à A______ afin que leur prix de vente vienne en imputation du montant reconnu.

Cet acte a été enregistré le 4 février 2021 sur requête de A______ par le notaire E______ à F______.

c. Sur requête de A______, le Tribunal de première instance de Genève (ci-après le Tribunal), par ordonnance du 30 août 2021, a autorisé le séquestre des avoirs détenus par C______, "domicilié chemin 1______ no. ______, [code postal] G______ (France)" auprès de H______ (ci-après la banque ou H______) à concurrence de 8'707'890 fr., notamment les comptes 2______, 3______ et 4______. La créance invoquée à l'appui du séquestre reposait sur l'accord transactionnel et reconnaissance de dette du 17 mai 2019 dont le Tribunal a reconnu la force exécutoire en Suisse par décision séparée du même jour.

d. A teneur du procès-verbal de séquestre n° 5______, du 2 septembre 2021, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a exécuté le séquestre auprès de H______ le 31 août 2021. La banque a répondu le même jour qu'elle prenait note de la mesure ordonnée et se prononcerait sur sa portée une fois qu'elle serait devenue définitive.

e. A______ a requis le 8 septembre 2021 la poursuite de C______, domicilié "chemin 6______ no. ______, [code postal] B______", en validation du séquestre.

f. L'Office a établi le 22 septembre 2021 un commandement de payer, poursuite n° 7______, sommant C______, "domicilié chemin 1______ no. ______, [code postal] G______ (France)" de verser à A______ le montant de 8'707'890 fr. plus intérêt à 5% l'an dès le
18 décembre 2019.

g. Agissant selon les voies de l'entraide internationale, l'Office a requis le Procureur près le Tribunal de Grande instance de B______ de procéder à la notification du procès-verbal de séquestre n° 5______ et du commandement de payer n° 7______ à C______, au chemin 1______ no. ______, [code postal] G______.

A teneur du procès-verbal de renseignement judiciaire établi le 15 janvier 2022 par la gendarmerie nationale, compagnie départementale de B______, les opérations de notification se sont déroulées de la manière suivante :

"Le 29 octobre 2021, nous déposons une convocation dans la boîte aux lettres de Monsieur C______ dont l'adresse est no. ______ chemin 1______ à G______ [code postal]. Le 3 novembre 2021, l'intéressé nous contacte avec un numéro inconnu. Il nous informe ne plus se trouver sur le territoire national car il n'a plus de visa. Il nous déclare se trouver Algérie. Durant cet appel il nous demande de prendre attache avec son avocat pour les procédures le concernant. Nous prenons donc attache avec Me A______, avocat au barreau de B______ [code postal]. Son numéro est le +33 8______. Ce dernier nous confirme que son client se trouve en Algérie mais il n'a pas son adresse. Nous précisons avoir pris contact avec le service urbanisme de la mairie de G______ [code postal]. Ce dernier nous informe que C______ n'était plus propriétaire de la propriété au no. ______ chemin 1______ à G______ [code postal]. En effet, la maison est vendue depuis le 30/04/2021 à Monsieur I______ né le ______ 1968 à B______ [code postal]".

Ce rapport de notification a été retourné le 24 février 2022 à l'autorité requérante par le Procureur de B______ et reçu le 7 mars 2022 par l'Office.

h. Sur cette base, l'Office a contacté le numéro de téléphone mentionné dans le rapport comme étant celui du conseil français de C______. Son interlocuteur l'a invité à lui envoyer, à l'adresse de courriel J______@gmail.com, une procuration type permettant à un tiers de prendre possession d'un acte de poursuites.

i. La procuration a été retournée à l'Office, remplie, signée et datée du
15 mars 2022, par courriel du 15 mars 2022 émanant de l'adresse C______@gmail.com, et désignait K______, rue 9______ no. ______, [code postal] L______, Suisse, en qualité de représentant autorisé à recevoir des actes de poursuite pendant une période de six mois dès la date de la signature de la procuration. La mention selon laquelle "le bénéficiaire de la présente procuration est autorisé à faire opposition au commandement de payer qui lui est notifié pour le compte du poursuivi" a été expressément tracée dans le texte de la procuration.

Elle était accompagnée d'une photocopie du passeport de C______.

j. L'Office a établi le 16 mars 2022 un nouveau commandement de payer, poursuite 7______, à notifier à C______, domicilié "chemin 6______ no. ______, [code postal]B______".

K______ s'est présenté le 16 mars 2022 au guichet de l'Office pour en prendre possession en se légitimant au moyen de l'autorisation d'établissement C en Suisse de K______, citoyen français, domicilié rue 9______ no. ______, [code postal] L______.

La mention "notification à une autre personne, K______, avec procuration" a été apposée au dos du commandement de payer par l'Office.

k. Aucune opposition n'a été formée au commandement de payer.

l. A______ a requis le 28 avril 2022 de l'Office la continuation de la poursuite n° 7______ contre C______, domicilié "c/o Monsieur M______, chemin 6______ no. ______, [code postal]B______".

m. Procédant à des vérifications sur internet, l'Office a découvert que M______ était membre du comité de direction d'une société canadienne, N______ INC, aux côtés de A______.

n. Dans le cadre d'un échange de courriels avec H______ le 12 mai 2022, l'Office a été informé par la banque que C______ était incarcéré en Algérie depuis juin 2019.

En outre, la banque ne connaissait pas l'adresse de courriel C______@gmail.com pour son client.

o. L'Office a établi le 12 mai 2022 un procès-verbal de saisie confirmant qu'il avait envoyé le 3 mai 2022 à H______ l'avis conversion du séquestre en saisie définitive, portant sur les avoirs de C______ détenus auprès de la banque. Ceux-ci n'étaient pas détaillés, ni chiffrés dans le procès-verbal qui portait la mention "la relation concernée a été annoncée par H______ au MROS (Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent) auprès de l'Office fédéral de la police (FedPol). H______ est toujours dans l'attente d'une réponse concernant le dépôt d'un séquestre pénal". En revanche, l'Office a joint au procès-verbal de saisie une évaluation du portefeuille 10_____ ouvert au nom de C______, comportant un extrait du compte courant faisant état de liquidités à hauteur de 3'654'213 euros.

Le procès-verbal de saisie a été établi en mentionnant l'adresse suivante du débiteur : "chemin 6______ no. ______, [code postal] B______".

p. Le 22 mai 2022, l'Office a souhaité s'assurer auprès de C______, à l'adresse de courriel C______@gmail.com, qu'il pouvait lui communiquer le procès-verbal de saisie en le remettant à son fondé de procuration, à l'instar du commandement de payer, ou s'il souhaitait le recevoir par pli recommandé avec accusé de réception.

C______ a répondu par retour de courriel, une heure plus tard, qu'il maintenait la procuration en faveur de K______ et qu'il était inutile de transmettre un recommandé.

q. L'Office a rendu le 30 mai 2022 une décision, reçue le 1er juin 2022 par A______, à teneur de laquelle il déclarait nuls le commandement de payer, poursuite n° 7______, et la notification dudit commandement de payer, rejetait la réquisition de continuer la poursuite, annulait le procès-verbal de saisie du 12 mai 2022 et décidait de procéder à une nouvelle tentative de notification du commandement de payer directement en mains du débiteur en Algérie.

A l'appui de cette décision, l'Office exposait avoir d'importants doutes sur la validité du processus de notification du commandement de payer au débiteur sur la base des indications fournies par le créancier. Il souhaitait procéder à une nouvelle notification sur la base des informations obtenues dans l'intervalle, à savoir que le débiteur était incarcéré en Algérie depuis 2019. Il lui semblait en effet, après avoir enquêté, que la notification du commandement de payer, à laquelle il avait procédé en mains de K______, fondé de procuration, le 16 mars 2022, avait pu être faite en réalité en mains d'une personne agissant pour le compte du prétendu créancier, se faisant passer pour le débiteur. L'Office se prévalait à cet égard de divers indices dont notamment le fait qu'il était douteux que C______ ait disposé d'un téléphone ainsi que d'une adresse de courriel qu'il aurait pu librement utiliser en prison, que le créancier avait indiqué trois adresses différentes du débiteur à B______ sur les actes destinés à l'Office alors que le débiteur ne disposait plus d'aucune adresse dans cette ville et était incarcéré en Algérie, que H______ ne connaissait aucune adresse de courriel du débiteur correspondant à C______@gmail.com, que l'adresse de courriel J______@gmail.com correspondait à une agence immobilière dont A______ était le gérant. Compte tenu de ces circonstances, l'Office a décidé de procéder à la notification du commandement de payer directement en mains du débiteur à l'adresse de l'établissement où il était détenu en Algérie.

r. Cette décision n'ayant pas été contestée par A______, l'Office s'est adressé à lui le 14 juillet 2022 afin qu'il lui communique les coordonnées de l'établissement pénitentiaire où était détenu C______ de manière à ce qu'il puisse, dans un premier, lui demander de désigner un représentant en Suisse autorisé à recevoir les actes de poursuite pour lui, en application de l'art. 60 LP. Le créancier a répondu le 18 juillet 2022 que le courrier destiné à des détenus en Algérie devait être envoyé au "Ministère de la justice, administration pénitentiaire, attn détenu [no]______, [adresse)______, ______[Algérie]".

s. L'Office a envoyé le 20 juillet 2022 à C______, à l'adresse susmentionnée, un formulaire de déclaration en application de l'art. 60 LP, l'invitant, soit à faire élection de domicile chez un représentant pour la notification des actes de poursuites, soit à déclarer accepter directement la notification de tous les actes de poursuite.

Ce formulaire a été transmis le 21 juillet 2022 à l'Office fédéral de la justice en vue de sa notification par voie diplomatique à C______.

t. L'Office a reçu le 11 octobre 2022 en retour la déclaration en application de l'art. 60 LP et les documents de notification en Algérie, confirmant leur remise à C______.

La déclaration en application de l'art. 60 LP, signée par C______ et datée du 11 août 2022, comportait le texte manuscrit suivant : " Je vous confirme être l'auteur de l'envoi et de la procuration envoyée le 15 mars 2022, que je maintiens K______ comme représentant. La procuration que j'ai donnée est toujours valable. Le soussigné déclare faire élection de domicile chez M. K______ demeurant rue 9______ no. ______, [code postal] L______, Genève, Suisse". C______ a tracé la rubrique du formulaire selon laquelle il souhaitait la notification directe de tous les actes de poursuite.

u. Par courrier du 7 novembre 2022, reçu le 8 novembre 2022 par A______, l'Office a informé ce dernier avoir reçu la réponse de C______ qui confirmait la procuration en faveur de K______ pour recevoir les actes de poursuite qui lui étaient destinés.

L'Office précisait toutefois qu'au vu des circonstances du dossier, il se devait de procéder à des investigations complémentaires afin de s'assurer de la validité de cette procédure d'exécution. Il demandait notamment au débiteur de lui communiquer une copie de la requête de séquestre déposée auprès du Tribunal et ayant donné lieu à l'ordonnance de séquestre du 30 août 2021.

B. a. Par acte expédié le 18 novembre 2022 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre la décision contenue dans le courrier du 7 novembre 2022 de l'Office de procéder à des investigations complémentaires. Il concluait à l'annulation de cette décision et à ce que l'Office soit enjoint à continuer la procédure de poursuite. Il faisait grief à l'Office d'abuser de son pouvoir d'appréciation en procédant à des investigations complémentaires et en prolongeant indûment le processus d'exécution forcée, provoquant un retard injustifié. En l'espèce, l'Office avait désormais obtenu l'aval direct du destinataire des actes de poursuite pour une remise en mains de K______, suite à une notification conforme au droit de la déclaration en application de l'art. 60 LP au débiteur.

b. Dans ses observations du 23 décembre 2022, l'Office a maintenu sa volonté de procéder à des investigations complémentaires et contesté abuser de son pouvoir d'appréciation ou empêcher l'avancement de la procédure d'exécution forcée. Il concluait par conséquent au rejet de la plainte. En substance, il estimait avoir suffisamment d'éléments en mains pour considérer qu'il n'avait pas d'assurance que le débiteur avait bien reçu les actes de poursuites et que les communications qui provenaient prétendument de ce dernier étaient bien de lui. En outre, il avait des doutes sur la validité de la poursuite, en ce sens que le créancier ne cherchait en réalité pas à simplement à se faire payer par le débiteur. A cet égard, l'Office s'étonnait que la procuration remise à K______ indique expressément qu'il n'était pas autorisé à faire opposition alors que si le débiteur était convaincu de devoir payer son créancier, il lui suffisait de donner instruction à sa banque de le payer. L'Office faisait également état d'une information provenant de H______ selon laquelle des personnes étaient venues à ses guichets, le 21 novembre 2021, dont une se faisant passer pour C______ pour retirer les fonds déposés.

c. Dans une réplique du 20 janvier 2023, A______ s'est prononcé sur les divers objets de doutes de l'Office qui l'avaient conduit à rendre la décision entreprise et à les contester.

S'agissant de la dénonciation MROS par la banque, elle n'avait vraisemblablement pas eu de suite, aucune information n'ayant été communiquée depuis lors par le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent; le plaignant invitait à toute bonne fin la Chambre à interpeller ledit bureau afin de déterminer si une mesure de blocage et/ou l'ouverture d'une procédure avaient été ordonnées.

L'Office ne pouvait remettre en cause la validité de la notification des actes envoyés au débiteur en Algérie et la procuration conférée à K______. Il n'y avait notamment pas lieu d'exiger une légalisation de la signature du débiteur sur la déclaration en application de l'art. 60 LP du 22 août 2022 puisqu'il n'y avait aucune raison de douter que les autorités algériennes avaient bien remis ce document à l'intéressé et que celui-ci l'avait bien rempli.

Le plaignant ne niait pas que l'adresse de courriel J______@gmail.com correspondait à une entité proche de lui, mais que les messages envoyés à cette adresse avaient bien été retransmis au débiteur. En outre, il admettait connaître M______, qui était d'ailleurs également bien connu du débiteur.

Enfin, s'agissant du fait que H______ aurait reçu la visite de personnes ayant tenté de se faire passer pour le débiteur et retirer les avoirs en compte, il était inconnu du plaignant et il contestait avoir participé à une telle opération.

d. La Chambre a informé les parties par avis du 13 février 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable. Elle n'est soumise à aucun délai en tant qu'elle se fonde sur les griefs de retard injustifié ou de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

2. 2.1.1 Il y a retard non justifié, au sens de l'art. 17 al. 3 LP, lorsqu'un organe de l'exécution forcée n'accomplit pas un acte qui lui incombe – d'office ou à la suite d'une requête régulière – dans le délai prévu par la loi ou dans un délai raisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances (Cometta/Möckli, Basler Kommentar, SchKG I, 2ème édition, 2010, n° 31-32 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, Kurz Kommentar, SchKG, 2ème édition, 2014, n° 32 ad art. 17 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 55 ad art. 17 LP).

Il y a déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsque l'Office (ou un autre organe de l'exécution forcée) refuse de procéder à une opération alors qu'il en a été régulièrement requis ou qu'il y est tenu de par la loi. Cette disposition vise ainsi le déni de justice formel – soit la situation dans laquelle aucune mesure n'est prise ou aucune décision rendue alors que cela devrait être le cas – et non le déni de justice matériel – soit la situation dans laquelle une décision est effectivement rendue, mais qu'elle est arbitraire (Erard, op. cit., n° 52 à 54 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, op. cit., n° 32 ad art. 17 LP). Il en découle qu'il ne peut en principe y avoir déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsqu'une mesure ou une décision susceptible d'être attaquée dans le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP a été prise par l'Office, quand bien même elle serait illégale ou irrégulière (ATF 97 III 28 consid. 3a; Erard, op. cit., n° 53 ad art. 17 LP).

2.1.2 A réception d'une réquisition de poursuite, l'Office vérifie que celle-ci est conforme aux prescriptions de l'art. 67 al. 1 et 2 LP ainsi que, sur la base des indications données par le créancier et de ses propres vérifications, sa compétence à raison du lieu. Si la réquisition de poursuite répond aux exigences de l'art. 67 al. 1 et 2 LP et n'est pas nulle pour un autre motif, l'Office rédige (art. 69 al. 1 LP) et notifie (art. 71 al. 1 LP) sans attendre le commandement de payer. Ces dispositions constituent des prescriptions d'ordre imposant à l'Office d'agir sans délai, "aussi vite que possible"; leur éventuelle violation est toutefois sans effet sur la validité du commandement de payer (Gilliéron, Commentaire LP, n° 14 ad art. 71 LP; Malacrida/Roesler, Kurz Kommentar, SchKG, n° 3 ad art. 71 LP).

Une fois le commandement de payer établi conformément à l'article 69 alinéa 2 LP, la durée de la procédure de notification proprement dite dépend en partie de circonstances sur lesquelles l'Office n'a pas de prise, telles la présence du débiteur ou d'un tiers habilité à recevoir le commandement de payer à sa place au moment de la notification, de l'éventuelle absence de collaboration du débiteur, de sa diligence, d'éventuelles difficultés à le localiser, etc. L'Office n'en est pas moins tenu de poursuivre de manière diligente et sans désemparer ses efforts en vue de la notification, dans le respect des articles 64 et suivants LP.

2.1.3 En application de l'art. 66 al. 2 LP, lorsque le débiteur demeure à l'étranger, il est procédé à la notification par l'intermédiaire des autorités de sa résidence.

Aux termes de l'art. 60 LP, lorsque la poursuite est dirigée contre un détenu qui n'a pas de représentant, le préposé lui accorde un délai pour en constituer un, à moins que l'autorité tutélaire n'ait à y pouvoir. La poursuite demeure suspendue jusqu'à l'expiration de ce délai. L'art. 60 a pour finalité de permettre à toute personne détenue visée par une poursuite, dont par définition la liberté d'action et les forces psychiques sont amoindries, de veiller à la sauvegarde de ses intérêts en constituant un représentant vis-à-vis de l'Office (ATF 108 III 3 c. 2, JdT 1984 II 22; Foëx, Jeandin, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 1 ad a art. 60 LP).

2.1.4 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). La notification consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 LP), par le préposé, un employé de l'Office ou la poste (art. 72 al. 1 LP). Il est attesté sur chaque exemplaire de l'acte par la personne qui procède à la notification le jour où elle a lieu et la personne à qui il a été remis (art. 72 al. 2 LP).

La notification irrégulière du commandement de payer n'est pas frappée de nullité absolue; l'acte est simplement annulable dans le délai de plainte de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP. Ce n'est que si l'acte n'est pas parvenu en mains du poursuivi que la poursuite est absolument nulle, et que sa nullité peut et doit être constatée en tout temps. Si, malgré le vice de la notification, le poursuivi a quand même eu connaissance du commandement de payer, il produit ses effets dès que celui-ci en a eu connaissance; dans un tel cas, le délai pour porter plainte contre la notification, ou pour former opposition, commence à courir du moment où le poursuivi a eu effectivement connaissance de l'acte (ATF 128 III 101 consid. 2; arrêt 5A_6/2008 du 5 février 2008 consid. 3.2 et les arrêts cités). Dans cette hypothèse, l'autorité de surveillance n'ordonnera toutefois une nouvelle notification que si le débiteur peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection; tel n'est pas le cas s'il a une connaissance telle du contenu de l'acte, qu'une nouvelle notification n'apporterait rien de plus et pour autant que ses droits soient sauvegardés nonobstant le vice de la notification parce qu'il a pu porter plainte ou faire opposition dans le délai qui a couru dès cette prise de connaissance (ATF 120 III 114 consid. 3b; 112 III 81 consid. 2). Une connaissance suffisante du commandement de payer peut être retenue si le débiteur reçoit un acte de poursuite ultérieur, tel que la commination de faillite, qui lui permet de prendre connaissance des mêmes informations que celles figurant dans le commandement de payer, soit le montant de la poursuite, le titre et la cause de la créance invoquée et le délai d'opposition au commandement de payer, qui court dès ce moment (Jeanneret, Lembo, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 33 à 35 ad art. 64 LP; Ruedin, op. cit., n° 9 ad art. 72 LP et les références citées).

2.1.5 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1). La nullité doit être constatée en tout temps et indépendamment de toute plainte par l'autorité de surveillance (art. 22 al. 1 LP).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'Office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur. L'existence d'un abus ne peut donc être reconnue que sur la base d'éléments ou d'un ensemble d'indices démontrant de façon patente que l'institution du droit de l'exécution forcée est détournée de sa finalité (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; ATF 115 III 18 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019, 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3; DCSO/321/10 du 8 juillet 2010 consid. 3.b)..

2.2 En l'espèce, l'Office ne saurait se voir reprocher un déni de justice dès lors qu'il est actif et qu'il a rendu une décision contre laquelle le plaignant a pu former une plainte.

S'agissant d'un retard injustifié de l'Office, il est indéniable que le fait qu'aucun commandement de payer n'ait pu être valablement notifié à ce jour suite à la réquisition de poursuite du 8 septembre 2021 est objectivement excessif. Cela étant, les circonstances exceptionnelles du cas d'espèce expliquent ce délai. A vrai dire, le plaignant en est responsable. En fournissant délibérément des indications erronées à l'Office aux fins d'obtenir une notification des actes de poursuites par des canaux qui n'avaient aucune chance d'atteindre le débiteur détenu en Algérie, le créancier ne pouvait qu'éveiller la suspicion de l'Office et contraindre celui-ci à des vérifications inhabituelles et longues, mais justifiées. Le plaignant en est d'ailleurs conscient puisqu'il n'a pas contesté la décision de l'Office du 30 mai 2022 annulant, à raison, tous les actes de poursuite effectués jusque-là. Eu égard à l'importance que revêt le commandement de payer et les exigences qualifiées s'agissant de sa notification, rappelées ci-dessus, l'Office ne pouvait se satisfaire de la situation en l'occurrence. Le grief de retard injustifié est par conséquent également mal fondé.

Reste à déterminer si l'Office, en décidant de procéder à de nouvelles investigations le 7 novembre 2022, n'abuse pas de son pouvoir d'appréciation ainsi que le lui reproche le plaignant et ne s'écarte pas des exigences légales en matière de procédure d'exécution forcée.

Il ressort des pièces de la procédure que le débiteur a été atteint par le formulaire de déclaration en application de l'art. 60 LP. Il fait peu de doute qu'il l'a rempli personnellement et signé. A cet égard, les mentions manuscrites apposées sur ce formulaire sont d'une écriture similaire à celle de la procuration du 15 mars 2022. La signature est la même. Elle correspond par ailleurs à celle figurant sur le passeport du débiteur dont la photocopie est annexée à la procuration précitée – à noter que les doutes de l'Office concernant ce passeport étaient fondés sur une mauvaise lecture de la pièce : le débiteur n'est pas titulaire d'un passeport algérien et d'un passeport chinois ayant le même numéro; le passeport algérien comporte un visa pour la Chine. Il est certes étonnant que le débiteur ait tracé, sur la procuration du 15 mars 2022, l'autorisation délivrée au fondé de procuration de former opposition au commandement de payer, semblant par-là priver celui-ci de la possibilité de défendre pleinement ses intérêts. Cela étant, cet élément est insuffisant pour remettre en cause la validité du document. Il en va de même de la mention biffée par C______ sur la déclaration en application de l'art. 60 LP qui implique qu'il ne souhaite pas de notifications directes en ses mains des actes de poursuite alors que cela pourrait paraître dans son intérêt en l'occurrence. Il y a donc en l'espèce un ensemble d'éléments désormais suffisant permettant à l'Office de considérer que le débiteur a manifesté clairement et librement sa volonté de ne pas se voir notifier directement les actes de poursuite et que ceux-ci doivent l'être à K______. En tous les cas, suite à la notification survenue en Algérie, l'Office ne dispose plus d'indices suffisants – même si certaines circonstances du dossier restent inexplicables – lui permettant de penser que ce ne serait pas le débiteur qui aurait rempli et signé librement ce formulaire.

S'agissant finalement de problématiques relevant du blanchiment, il n'appartient pas à l'Office de se substituer aux devoirs de dénonciation et d'investigation de la banque détentrice des avoirs et du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent MROS, ce dernier ayant été formellement saisi de ce cas.

Il n'y a pas non plus d'indices selon lesquels la poursuite serait abusive parce que l'institution aurait été détournée de sa seule finalité d'exécution forcée de dettes d'argent. La poursuite est fondée sur une créance documentée dont le créancier tente d'obtenir le paiement par le biais d'un séquestre puis d'une poursuite en validation. Un éventuel arrière-plan économique douteux de la créance, du titre de créance et de l'opération de recouvrement n'est pas suffisamment perceptible à ce stade pour autoriser l'Office à envisager une poursuite abusive et à rendre une décision de nullité, eu égard aux conditions très restrictives dans lesquelles une telle nullité peut être admise, quand bien même la manière d'engager la poursuite par le plaignant a pu soulever les plus légitimes interrogations.

Aussi, si, depuis le 7 novembre 2022, l'Office n'a pas obtenu plus d'informations permettant de remettre en cause la réalité de l'arrière-plan économique de la procédure de recouvrement, ainsi que la validité de la procuration et de la déclaration en application de l'art. 60 LP signées par le débiteur, voire de la poursuite, il n'a plus de raison de s'opposer à la notification des actes de poursuites.

La Chambre de surveillance invitera par conséquent l'Office à y procéder.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Reçoit la plainte du 18 novembre 2022 de A______ contre le courrier de l'Office du 7 novembre 2022 dans la poursuite 7______.

Au fond :

Invite l'Office à procéder à la notification des actes de poursuite conformément à la procuration et la déclaration en application l'art. 60 LP signées par C______, dans la mesure déterminée par les considérants qui précèdent.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.