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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3145/2022

DCSO/90/2023 du 09.03.2023 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : Plainte; motivation insuffisante; validité de la représentation du plaignant par son organe; commissaire désigné par l'autorité de surveillance du fondateur
Normes : lp.17; lp.20a.al2.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3145/2022-CS DCSO/90/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 9 MARS 2023

 

Plainte 17 LP (A/3145/2022-CS) formée en date du 27 septembre 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

______

______

______.

- LA FONDATION B______

c/o C______ SA

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. LA FONDATION B______ (ci-après : la FONDATION), dont le siège est à Genève, est inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) depuis le ______ 2010. Elle a pour but d'effectuer des dons en faveur de projets humanitaires initiés dans le Canton de Genève et liés au développement en faveur des populations démunies.

b. Par décision du 9 novembre 2016, l'Autorité cantonale genevoise de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance (ci-après : ASFIP) a notamment :

- nommé D______ en qualité de commissaire de la FONDATION, avec signature individuelle;

- destitué les membres du Conseil de fondation – aux nombres desquels A______, membre avec signature individuelle, et E______, membre président avec signature individuelle – et révoqué leurs pouvoirs de représentation;

- dit que le commissaire remplaçait le Conseil de fondation dans ses tâches de gestion, avec mission d'administrer la FONDATION selon les dispositions légales et statutaires;

- dit que le commissaire aurait notamment la mission de préserver les biens et les intérêts de la FONDATION, d'entreprendre toute démarche utile afin d'obtenir le remboursement des fonds prêtés par la FONDATION et d'entreprendre toute démarche utile qui permettrait à la FONDATION de déployer une certaine activité pour atteindre ses buts statutaires;

- dit que la nomination du commissaire demeurait valable jusqu'à sa levée par une nouvelle décision;

- dit que la décision était immédiatement exécutoire nonobstant recours;

- requis le RC de procéder aux inscriptions et publications nécessaires.

Dans les considérants de sa décision, l'ASFIP a exposé qu'en date du
28 juillet 2016, la FONDATION lui avait transmis un projet de comptes pour l'exercice 2015 présentant un surendettement, alors que le Conseil de fondation avait affirmé, quelques jours plus tôt, que la FONDATION n'était pas en découvert. Par différents autres courriers, l'ASFIP avait relevé d'autres graves problèmes de gestion et financiers. Or, les membres du Conseil de fondation ne lui avaient pas communiqué les documents requis, notamment les documents annuels pour l'exercice 2015, en dépit d'un courrier les informant que faute de donner suite à cette injonction, l'ASFIP serait contrainte de prendre toutes mesures nécessaires pour que les biens de la FONDATION soient employés conformément à leur destination statutaire, y compris la destitution des membres du Conseil de fondation et la nomination d'un commissaire.

c. Le 16 juin 2017, trois commandements de payer ont été notifiés à A______ sur réquisition de la FONDATION, représentée par son commissaire, à savoir :

- un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 196'450 fr. + intérêts à 5% dès le 1er janvier 2012, avec pour titre de créance : "Actions en dommages-intérêts et enrichissement illégitime par actes illicites commis en 2010-2011";

- un commandement de payer, poursuite n° 2______, portant sur la somme de 156'936 fr. 25 + intérêts à 2.5% dès le 1er janvier 2016, avec pour titre de créance : "Remboursement d'un prêt consenti indûment le 5 mars 2013. Acte illicite";

- un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur la somme de 191'047 fr. + intérêts à 5% dès le 22 août 2015, avec pour titre de créance : "Remboursement anticipé d'un prêt consenti indûment le 2 décembre 2011. Acte illicite";

d. A______ a formé opposition totale à ces commandements de payer.

B.            a. Par acte déposé le 26 juin 2017 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre les trois commandements de payer qui lui avaient été notifiés le 16 juin 2017. Il invoquait en substance le caractère abusif des poursuites qui visaient uniquement à lui nuire et à exercer une contrainte sur lui, les créances invoquées étant inexistantes. En outre, elles avaient été requises par D______ au nom et pour le compte de la FONDATION, alors qu'il n'en avait pas les pouvoirs puisque sa désignation en qualité de commissaire de la FONDATION n'était pas définitive, E______ ayant recouru contre la décision de l'ASFIP du 9 novembre 2016.

b. Par décision DCSO/581/17 du 9 novembre 2017, la Chambre de surveillance a rejeté la plainte au motif que D______ avait été désigné par une décision déclarée exécutoire nonobstant recours et qu'il avait été inscrit au Registre du commerce, de sorte que l'Office était fondé à s'y référer pour admettre une réquisition de poursuite signée par D______. Sur le fond, le plaignant n'avait pas établi le caractère abusif des poursuites attaquées.

C. a. Le 17 septembre 2022, trois nouveaux commandements de payer ont été notifiés à A______ sur réquisition de la FONDATION, représentée par son commissaire, à savoir :

- un commandement de payer, poursuite n° 4______, portant sur la somme de 196'450 fr. + intérêts à 5% dès le 1er janvier 2012, avec pour titre de créance : "Actions en dommages-intérêts et enrichissement illégitime par actes illicites commis en 2010-2011";

- un commandement de payer, poursuite n° 5______, portant sur la somme de 156'936 fr. 25 + intérêts à 2.5% dès le 1er janvier 2016, avec pour titre de créance : "Remboursement d'un prêt consenti indûment le 5 mars 2013. Acte illicite";

- un commandement de payer, poursuite n° 6______, portant sur la somme de 191'047 fr. + intérêts à 5% dès le 22 août 2015, avec pour titre de créance : "Remboursement anticipé d'un prêt consenti indûment le 2 décembre 2011. Acte illicite";

. b. A______ a formé opposition totale à ces commandements de payer.

D. a. Par acte expédié le 27 septembre 2022, A______ a formé une plainte à la Chambre de surveillance contre ces commandements de payer, concluant à leur annulation.

En substance, le plaignant invoque un "doute" quant aux pouvoirs de D______ pour signer une réquisition de poursuite au nom de la FONDATION. Un mandat de gré à gré lui avait été confié, non limité dans le temps et le montant des honoraires. Actuellement la durée du mandat (cinq ans) et le montant des honoraires (168'276 fr. 43 correspondant à la fortune de la FONDATION au moment de la désignation du commissaire) dépassaient les seuils admis en matière de marchés publics dans le cadre de l'art. 9 al. 5 let. b RMP (RS/GE L.6.05.01; 48 mois, exceptionnellement 60 mois, et 150'000 fr.). Il s'interrogeait par conséquent sur la caducité du mandat du commissaire de la FONDATION.

b. Dans ses observations du 20 octobre 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte, rappelant que la décision de l'AFSIP désignant D______ en qualité de commissaire de la FONDATION n'était pas limitée dans le temps et déployait ses effets jusqu'à nouvelle décision révoquant la mesure, décision qui n'avait pas été rendue à la connaissance de l'Office et que le plaignant ne produisait pas.

c. Dans ses observations du 20 octobre 2022, la FONDATION, sous la plume de D______, a confirmé que ce dernier était toujours désigné commissaire.

d. Il ressort de l'extrait du Registre du commerce consacré à la FONDATION que D______ est toujours inscrit en qualité de commissaire et dispose de la signature individuelle.

e. La Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du
21 octobre 2022 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts
(ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable à ces égards.

2. 2.1.1 La réquisition de poursuite doit notamment énoncer le nom et le domicile du créancier et, s'il y a lieu, de son mandataire (art. 67 al. 1 LP). Elle doit être datée et signée (ATF 119 III 4, JdT 1995 II 98; Ruedin, Commentaire Romand, Poursuites et faillites, 2005, n° 35 ad art. 67 LP). Elle doit émaner du poursuivant lui-même, le cas échéant par l'intermédiaire de ses organes s'il s'agit d'une personne morale, ou d'un représentant dûment mandaté à cet effet (Ruedin, op. cit., n° 14 ad art. 67 LP).

L'Office n'est pas tenu de vérifier si une société est valablement et suffisamment représentée lors de la signature de la réquisition, ni les pouvoirs d'un éventuel représentant. Le poursuivi qui invoque l'absence de qualité des organes de la poursuivante ou de pouvoirs du représentant doit agir par la voie de la plainte au sens de l'art. 17 LP (ATF 130 III 231 consid. 2.1; BlSchK 1994, p. 101, 103-104; Ruedin, op. cit., n° 36 ad art. 67 LP).

2.1.2 Lorsque la personne morale indiquée comme poursuivant est inscrite au Registre du commerce, les autorités de poursuites et de surveillance doivent s'en tenir au mode de signature inscrit sur le registre (ATF 84 III 75 consid. 2, JdT 1958 II 110; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 31 ad art. 67 LP).

2.1.3 Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité absolue d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), les moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande (ATF
142 III 234 consid. 2.2; 126 III 30 consid. 1b; 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

2.2 En l'espèce, le plaignant invoque un "doute" quant aux pouvoirs de D______ et leur éventuelle caducité en application de la réglementation en matière de marchés publics.

2.2.1 Dans la mesure où le plaignant se limite à manifester des "doutes" au regard de la réglementation en matière de marchés publics, sans développer un argument particulièrement technique et dont la conséquence, si la plainte devait être admise, serait la remise en cause d'une inscription au Registre du commerce et une décision en force de l'ASFIP, la question de la recevabilité de sa plainte au regard de l'obligation de la motiver se pose.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus, l'Office n'a pas à vérifier d'office la validité de la représentation d'une personne morale qui requiert la poursuite. De son côté, la Chambre de surveillance, si elle doit instruire d'office les griefs qui lui sont soumis par voie de plainte s'agissant de la validité de la réquisition de poursuite, elle est également liée par l'inscription au Registre du commerce et n'a pas à s'en écarter sans de bonnes raisons. Il appartient par conséquent au plaignant de fournir des griefs étayés contre une représentation alléguée défectueuse d'une personne morale par l'organe inscrit au Registre du commerce. L'hypothèse émise par le plaignant que le mandat conféré à D______ serait soumis au droit des marchés publics et en serait affecté, sans procéder au moindre examen pour déterminer si le mandat du commissaire désigné par décision de l'ASFIP tombe sous le coup d'une telle réglementation, est à cet égard insuffisante. Le plaignant n'évoque pas non plus les conséquences juridiques d'une éventuelle omission d'appliquer la réglementation en matière de marchés publics sur le pouvoir de représentation de D______ au cas d'espèce. L'indigence de la motivation d'une plainte qui tend à remettre en cause des pouvoirs inscrits au Registre du commerce et découlant d'une décision en force, dotée de la force de chose décidée, conduit par conséquent à la déclarer irrecevable.

Au vu de la portée réelle de la plainte, qui tend plus à remettre en cause une inscription au Registre du commerce et la décision de l'ASFIP que la validité des poursuites entreprises, il est d'ailleurs douteux que la Chambre de surveillance soit matériellement et fonctionnellement compétente pour statuer, même à titre préjudiciel, dans une matière qui est réglée par une décision en force prononcée par l'autorité compétente.

La plainte sera par conséquent déclarée irrecevable.

2.2.2 Même si la plainte avait été recevable, la Chambre de céans l'aurait rejetée, dans la mesure où elle l'a comprise.

Le mandat litigieux de commissaire ne relève selon toute vraisemblance pas d'un "marché public" au sens de l'art. 2 let. a RMP car le cocontractant du mandataire n'est pas une "autorité publique" au sens de l'art. 7 RMP, mais la FONDATION – même si la désignation et la mission du commissaire sont imposés par l'autorité de surveillance, qui est indubitablement une "autorité publique". En outre, ce n'est pas cette dernière qui rémunère le commissaire, mais la FONDATION, au moyen de sa fortune, ce qu'admet d'ailleurs le plaignant. Ainsi, faute d'entrer dans le champ d'application du RMP, le mandat de commissaire confié à D______ ne peut être remis en cause sur la base d'arguments tirés de ce règlement.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare irrecevable la plainte du 27 septembre 2022 de A______ contre les poursuites nos 4______, 6______ et 5______.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.