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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1960/2022

DCSO/14/2023 du 19.01.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : LP.17.al1; LP.97.al1; LP.97.al2; LP.95
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1960/2022-CS DCSO/14/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 19 JANVIER 2023

 

Plainte 17 LP (A/1960/2022-CS) formée en date du 13 juin 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Carlo LOMBARDINI , avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

 

- A______

c/o Me LOMBARDINI Carlo

Poncet Turrettini

Rue de Hesse 8

Case postale

1211 Genève 4.

-       B______
domicilié
______
______ [GE].

- C______ HOLDING, LUXEMBOURG

c/o Me Per PROD’HOM

Streng SA

Rue du Rhône 23

1204 Genève.

-       C______ LIMITED

c/o Me Per PROD’HOM

Streng SA

Rue du Rhône 23

1204 Genève.

-       E______ CORPORATION
c/o Me Rodolphe GAUTIER
Walder Wyss SA
Rue d’Italie 10
Case postale 3770
1211 Genève 3.

-       F______ LTD
c/o Me Rodolphe GAUTIER
Walder Wyss SA
Rue d’Italie 10
Case postale 3770
1211 Genève 3.

-       G______
______
______ [BS].

-       ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION
FISCALE CANTONALE
CONFEDERATION SUISSE, c/o AFC
Service du contentieux
Rue du Stand 26
Case postale 3937
1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 28 mai 2019, l’Administration fiscale cantonale (ci-après : l’afc), agissant aussi bien pour la Confédération suisse que pour l’Etat de Genève, a remis à l’Office cantonal des poursuites (ci-après: l’Office) deux ordonnances de séquestre fiscal datées du même jour, reposant sur des demandes de sûretés fondées sur les art. 169 à 170 LIFD et les dispositions cantonales correspondantes, dirigées à l’encontre de B______, l’une (séquestre n° 1______) portant sur une créance fiscale alléguée de 154’318’856 fr. plus intérêts au taux de 5% l’an à compter du 29 mai 2019 de l’Etat de Genève, et l’autre (séquestre n° 2______) portant sur une créance fiscale alléguée de 3’431’615 fr. plus intérêts au taux de 3% l’an à compter du 29 mai 2019 de la Confédération.

Les deux ordonnances comportaient une liste identique des valeurs patrimoniales à séquestrer, comprenant notamment divers actifs (créances, valeurs mobilières et parts de fonds) déposés auprès de [la banque] A______ au nom de B______ et de tiers, parmi lesquels les sociétés C______ LIMITED, C______ HOLDING SA (ci-après : C______ HOLDING), F______ LTD (ci-après : F______) et E______ CORPORATION.

Les séquestres ont été exécutés le jour même.

b. Des droits de gage ont été invoqués et des revendications formulées au sujet de certains avoirs séquestrés.

En particulier, le 11 juin 2019, F______ a revendiqué la propriété des actifs déposés sur le compte n° 3______ ouvert à son nom auprès de A______.

Pour sa part, le 30 juillet 2019, A______ a fait valoir, à hauteur d’un montant de 28’230’596 fr. 61, un droit de gage au sens de l’art. 9 de ses Conditions générales sur les actifs déposés sur le compte n° 3______ précité.

Par ailleurs, le 12 juin 2019, A______ a fait valoir, pour un montant de 5’745’466 fr. 83, un droit de gage sur les actifs déposés sur les comptes suivants ouverts en ses livres : n° 4______ au nom de E______, 5______ (ouvert selon l’ordonnance de séquestre au nom de H______ BV), 6______, 7______, 8______, 9______, 10_____, 11_____, 12_____, 13_____, 14_____, 15_____ et 16_____.

Le 2 octobre 2019, C______ LIMITED a pour sa part formellement revendiqué la propriété des avoirs déposés sur le compte n° 17_____ auprès de A______, dont elle est titulaire.

c. Les demandes de sûretés et ordonnances de séquestre prononcées le 28 mai 2019 par l'afc ont été contestées par B______ devant le Tribunal administratif de première instance, autorité qui en a pour l'essentiel confirmé la validité, par jugement du 8 juin 2020. Cette décision a ensuite été contestée devant la Chambre administrative de la Cour, en vain, puis en dernier lieu devant le Tribunal fédéral. Ce dernier, par arrêt du 17 août 2021 (2C_1059/2020), a rejeté le recours formé par B______ contre l'arrêt du 17 novembre 2020 de la Chambre administrative en ce qui concerne l’impôt fédéral direct 2008 à 2017 et l’a partiellement admis en qui concerne l’impôt cantonal et communal 2008 à 2017, ramenant les sûretés y relatives à 125'179'856 fr. au lieu de 154'318'856 fr.

d. Par décisions du 13 août 2019, l'Office a fixé à 231'607'449 fr. 75, respectivement à 4'611'412 fr. 45, l'assiette des séquestres n° 1______ et 2______. Le 25 septembre 2020, au vu du jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 juin 2020 susmentionné, l'Office a réduit ces montants à 172'035'000 fr., respectivement à 4'037'000 fr., soit un total de 176'072'000 fr.

e. Les procès-verbaux de séquestre ont été établis le 20 avril 2020 par l'Office. Ils ne contiennent aucune description précise des avoirs éventuellement séquestrés en mains des trois établissements bancaires interpellés en qualité de tiers débiteurs dès lors que ces derniers avaient indiqué à l'Office qu'ils n'entendaient pas se déterminer en l'état sur la portée du séquestre.

f. Dans le cadre d'un litige relatif à l'assiette du séquestre survenu en été 2020 entre [la banque] A______ et [la société] F______, la première nommée a communiqué à l'Office, par courrier du 13 août 2020, la composition des actifs déposés sur le compte n° 3______ ouvert en ses livres (ci-après : le compte 3______), dont la seconde est titulaire et dont elle revendique la propriété.

La décision prise par l'Office à la suite de cette communication, soit le maintien du séquestre sur la totalité des avoirs déposés sur le compte n° 3______, a été contestée par F______ par la voie de la plainte.

Par décision du 3 décembre 2020, la Chambre de surveillance a invité l'Office à procéder à l'estimation des actifs séquestrés sur le compte n° 3______ puis, s'il devait constater que leur valeur excédait notablement l'assiette du séquestre, à en limiter la portée en désignant les biens libérés.

Donnant suite à cette décision, l'Office a décidé le 26 février 2021 de maintenir les séquestres sur une partie des actifs déposés sur le compte, précisément désignés, et de lever les séquestres en tant qu'ils portaient sur les autres actifs déposés sur le compte. Les procès-verbaux de séquestre n'ont toutefois pas été complétés sur ce point.

g. Le 17 juin 2021, l’Office a reçu [des sociétés] C______ HOLDING, C______ LIMITED, F______ et E______ des courriers l'invitant à prendre sous sa garde les avoirs séquestrés sur les comptes dont elles étaient titulaires en mains de A______ en les transférant auprès d'un autre établissement bancaire de son choix.

Invités à se déterminer sur cette requête, les créanciers et le débiteur ne se sont pas opposés audit transfert.

B. a. Par décision du 18 juin 2021, l’Office a ordonné à A______ de transférer les fonds séquestrés sur des comptes de consignation spécialement ouverts à cet effet auprès de la banque G______ à Genève, avec la précision qu’au regard des droits de gage de 28’230’596 fr. 61 et 5’745’466 fr. invoqués par A______ sur certains comptes susmentionnés, ladite banque était autorisée à conserver en ses livres un montant correspondant d’actifs sur ces comptes, le choix du type d’actifs étant laissé à sa discrétion.

Sur demande de A______ visant à obtenir des précisions au sujet des modalités de transfert et de l’étendue des biens à transférer, l’Office lui a indiqué que des valeurs équivalant à 176’072’000 fr. devaient être transférées depuis le compte de chacun des titulaires, pour autant qu’un montant suffisant figure en compte.

b. Par acte du 2 juillet 2021, A______ a formé plainte au sens de l’art. 17 LP contre la décision de l’Office du 18 juin 2021, concluant à son annulation et, principalement, à ce qu’il soit dit qu’elle conserve sous sa garde des avoirs correspondant à l’assiette des séquestres, subsidiairement à être autorisée à réaliser une partie des actifs séquestrés et à ce qu’il soit dit qu’elle doit transférer sous la garde de l’Office le montant en liquide de 176’072’000 fr., plus subsidiairement à ce qu’il soit dit qu’elle doit transférer sous la garde l’Office des liquidités et valeurs mobilières à hauteur de 176’072’000 fr. et, plus subsidiairement encore, à ce qu’il soit dit qu’elle doit transférer sous la garde de l’Office des liquidités et valeurs mobilières à hauteur de 176’072’000 fr., l’Office étant autorisé à exiger de sa part, en tout temps et à sa discrétion, un complément à hauteur de 10%, soit 17’607’200 fr.

A l’appui de sa plainte, elle a notamment fait valoir que dans la mesure où l’Office avait décidé de prendre sous sa garde non pas un montant équivalant à 176’072’000 fr., mais une somme de 176’072’000 fr. sur chacun des comptes pour lesquels elle revêt la qualité de tiers détenteur (ce qui correspondrait selon elle à 420’601’328 USD, soit environ 240% du montant de l’assiette des séquestres), un tel transfert causerait un dommage important à ses propres intérêts économiques. En effet, cela aurait pour effet de lui faire perdre un montant estimé à 2’800’000 fr. par an en commissions de gestion et frais de dépôt. La plaignante a ainsi proposé plusieurs options permettant, selon elle, d’atteindre le but poursuivi par la décision de l’Office (à savoir protéger les intérêts des créanciers) tout en évitant d’impacter négativement ses intérêts économiques de manière disproportionnée.

c. Le 14 juillet 2021, l’Office a, dans le délai imparti pour répondre à la plainte, rendu une nouvelle décision se substituant à celle contestée par la plaignante.

Par cette nouvelle décision, reçue par A______ le 15 juillet 2021, l’Office a ordonné à la banque de transférer, dans un délai d’une semaine, un montant de 200’000’000 fr. à destination de la banque G______ selon les modalités décrites dans la décision du 18 juin 2021, la détermination des actifs à transférer étant ainsi laissée à la discrétion de A______.

d. Au vu de la décision sur reconsidération rendue par l’Office, A______ a, par pli du 21 juillet 2021, déclaré retirer sa plainte dirigée contre la décision de l’Office du 18 juin 2021, considérant qu’elle était devenue sans objet.

La procédure relative à la plainte déposée le 2 juillet 2021 a dès lors été rayée du rôle, par ordonnance de l’autorité de céans du 22 juillet 2021.

C. a. Par acte adressé du 21 juillet 2021, A______ a formé une nouvelle plainte au sens de l’art. 17 LP, cette fois-ci contre la décision du 14 juillet 2021, concluant à son annulation et, principalement, à ce qu’il soit dit qu’elle conserve sous sa garde les avoirs correspondant à l’assiette globale des séquestres concernés, subsidiairement à ce qu’il soit ordonné à l’Office de lui indiquer quelles valeurs mobilières devaient être réalisées aux fins de dégager un montant en liquide de 176’027’000 fr., qu’elle conserverait ensuite, à charge pour elle de le présenter en tout temps à l’Office. Les états des portefeuilles des comptes sur lesquels les séquestres avaient porté étaient annexés à la plainte, ainsi qu'un tableau récapitulatif.

En substance, elle a fait valoir que la décision de l’Office était inopportune et disproportionnée, au motif qu’il n’existait pas de motifs sérieux de craindre que les biens séquestrés soient détournés ou qu’ils soient sujets à dépréciation et que le montant demandé par l’Office était largement supérieur à celui de l’assiette globale des séquestres. Pour le surplus, dans la mesure où les liquidités déposées sur les comptes séquestrés étaient insuffisantes pour permettre à la banque de s’acquitter du montant demandé, l’Office devait lui indiquer quelles valeurs mobilières devraient être réalisées.

b. Dans ses observations, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte faute de qualité pour porter plainte de A______, subsidiairement à son rejet.

Pour leur part, F______, E______, C______ HOLDING et C______ LIMITED ont toutes conclu au rejet de la plainte.

c. Par décision DCSO/47/2022 prononcée le 3 février 2022 dans la cause A/2476/2021, la Chambre de céans a déclaré la plainte irrecevable en tant qu'elle portait sur la décision de l'Office de prendre sous sa garde, à hauteur de 200'000'000 fr., les avoirs séquestrés en mains de la plaignante. Cette dernière n'avait en effet pas fait valoir dans sa plainte que la mesure attaquée porterait atteinte à ses intérêts dignes de protection, n'invoquant pas en particulier la lésion d'un droit qui lui serait reconnu de par la loi, étant rappelé que la décision contestée réservait expressément les droits de gage auxquelles elle prétendait. Le retrait de valeurs confiées à un établissement bancaire entrait par ailleurs dans son activité commerciale et il incombait à la plaignante de s'en accommoder, à plus forte raison lorsque ce retrait intervenait en accord avec les débiteurs séquestrant et les tiers dépositaires (DCSO/47/2022 consid. 1.3.1).

La plainte a en revanche été déclarée recevable en tant qu'elle portait sur la décision de l'Office de laisser à A______ le soin de choisir les valeurs devant lui être remises était de nature à entraîner pour elle un préjudice de nature juridique, ce qui lui permettait de contester par la voie de la plainte ce pan de la décision contestée (DCSO/47/2022 consid. 1.3.2).

Sur le fond, la Chambre de céans a retenu qu'il incombait à l'Office, et à lui seul, de déterminer sur quelles valeurs le séquestre avait porté et lesquelles il entendait prendre sous sa garde (DCSO/47/2022 consid. 2.3). La décision contestée a donc été annulée en tant qu'elle mettait à la charge de A______ le choix des actifs devant être placés sous sa garde et l'Office a été invité à déterminer, conformément aux art. 275 et 95 LP, les actifs séquestrés, à compléter les procès-verbaux de séquestre par l'indication des biens séquestrés, de leur estimation et, le cas échéant, des actifs libérés en application des art. 97 al. 1 et 95 LP, à communiquer les procès-verbaux de séquestre complétés, ainsi que sa décision relative aux art. 97 al. 1 et 95 LP si elle était rendue séparément, aux parties intéressées puis, une fois les actifs séquestrés déterminés, à en réclamer la remise à A______.

N'ayant fait l'objet d'aucun recours au Tribunal fédéral, la décision DCSO/47/2022 est aujourd'hui entrée en force.

D. a. Après entrée en force de la décision DCSO/47/2022, l'Office a requis et obtenu de A______ diverses informations supplémentaires sur les avoirs séquestrés en ses mains.

b. Par courriers adressés à l'Office le 11 février 2022, plusieurs tiers dépositaires formels des valeurs séquestrées en mains de A______, soit C______ LIMITED, C______ HOLDING, F______ et E______, ont informé l'Office de leur accord sur le maintien du séquestre sur des avoirs, précisément désignés, déposés auprès de A______ sous titularité de F______. Interpellés sur ce point, les créanciers séquestrant, par courrier du 10 mars 2022, ont confirmé à l'Office qu'ils ne s'opposaient pas à ce qu'il prenne sous sa garde – en les transférant en mains de la banque G______ – les valeurs séquestrées mais qu'ils entendaient que les actifs transférés soient déterminés conformément à l'art. 95 LP, ce qui impliquait que ceux revendiqués soient séquestrés en dernier; suivait une liste de divers actifs sur lesquels, selon les créanciers séquestrant, le séquestre devait être prioritairement maintenu.

c. Par décision du 19 mai 2022, communiquée le même jour aux débiteur, créanciers séquestrant et aux tiers titulaires d'actifs en mains de A______, l'Office a décidé de maintenir le séquestre sur une partie des avoirs séquestrés, précisément désignés, de prendre ces avoirs sous sa garde en ordonnant à A______ de les transférer sur un compte ouvert par ses soins auprès de la banque G______, de lever pour le surplus, une fois ce transfert achevé, le séquestre frappant les autres actifs énumérés dans l'ordonnance de séquestre, de compléter ensuite le procès-verbal de séquestre et de l'envoyer aux parties. Tels qu'ils résultent de cette décision, les avoirs demeurant soumis au séquestre se composent de divers montants en monnaies suisse et étrangère, pour un total de l'ordre de 1'100'000 fr., et de titres, pour un montant total estimé à environ 186'000'000 fr.

Selon ses explications, l'Office avait jugé préférable de procéder à la sélection des actifs sur lesquels le séquestre devait être maintenu par une décision séparée plutôt que par le complètement de l'ordonnance de séquestre de manière à pouvoir, après les avoir pris sous sa garde, consigner cette opération au procès-verbal de séquestre et ouvrir les délais des art. 106 et suivants LP.

d. La décision du 19 mai 2022 n'a fait l'objet d'aucune plainte.

E. Par courrier adressé le 2 juin 2022 à A______, reçu le lendemain 3 juin 2022 par cette dernière, l'Office l'a informée prendre sous sa garde divers actifs précisément décrits parmi ceux sur lesquels les séquestres avaient porté – soit les actifs énumérés dans sa décision du 19 mai 2022 – et lui a enjoint de transférer lesdits actifs à la banque G______, auprès de laquelle il avait ouvert les relations bancaires nécessaires, d'ici au 13 juin 2022.

F. a. Par acte adressé le 13 juin 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la "décision" rendue le 2 juin 2022 par l'Office (soit le courrier visé sous let. E ci-dessus), concluant à son annulation, à ce que l'assiette du séquestre soit recalculée de manière à tenir compte de l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_1059/2020 rendu le 17 août 2021, à ce que les procès-verbaux des séquestres, dûment complétés, lui soient notifiés et à ce que l'Office, après lui avoir octroyé un délai raisonnable pour se déterminer, rende un nouvelle décision sur les avoirs à transférer en mains de la banque G______, dont la valeur ne devait pas excéder l'assiette nouvellement déterminée des séquestres.

Selon A______, elle disposait de la qualité pour porter plainte contre l'injonction contestée dès lors que, en prenant sous sa garde des valeurs pour un montant excédant l'assiette du séquestre, et à plus forte raison l'assiette du séquestre telle qu'elle aurait dû être revue à la baisse ensuite de l'arrêt 2C_1059/2020 rendu le 17 août 2021 par le Tribunal fédéral, lequel avait réduit d'environ 29'000'000 fr. le montant des sûretés pouvant être requises du débiteur par la Confédération suisse et l'Etat de Genève, l'Office lui causait un préjudice économique sous forme d'une perte des commissions et frais de garde qu'elle aurait été en droit de prélever sur les actifs pris à tort sous sa garde par l'Office.

Sur le fond, A______ a fait valoir une violation de son droit d'être entendue, Selon elle en effet, elle avait la position d'une partie intéressée à la détermination des objets séquestrés et à leur estimation, de telle sorte que, conformément à la décision DCSO/47/2022 du 3 février 2022, l'Office aurait dû lui donner l'occasion de s'exprimer sur ce point avant de rendre sa décision du 19 mai 2022 et lui notifier celle-ci.

L'Office avait par ailleurs commis un abus de droit en prenant sous sa garde – soit en ordonnant le transfert à la banque G______ – d'actifs pour une valeur excédant l'assiette du séquestre, que ce soit celle qu'il avait déterminée ou celle, adaptée à la baisse, qu'il aurait dû retenir au vu de l'arrêt 2C_1059/2020 rendu le 17 août 2021 par le Tribunal fédéral.

Sans en tirer de conséquences juridiques en relation avec les conclusions formulées, A______ a par ailleurs allégué dans sa plainte diverses difficultés, liées tantôt aux obligations de diligence lui incombant en matière financière tantôt aux formalités auxquelles une réglementation étrangère soumettait le transfert de certains titres, qui selon elle l'empêcheraient de donner suite à l'injonction de l'Office.

b. Par ordonnance du 21 juin 2022, la Chambre de surveillance a octroyé à la plainte un effet suspensif partiel, en ce sens que A______ était provisoirement dispensée de transférer à la banque G______ certains actifs visés par l'injonction du 2 juin 2022.

c. Dans ses observations du 13 juillet 2022, l'Office a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet, de la plainte.

Selon lui, le préjudice économique invoqué par la plaignante ne lui conférait pas la qualité pour porter plainte. D'une part, comme l'avait retenu la Chambre de surveillance dans sa décision DCSO/47/2022 du 3 février 2022 (consid. 1.3.1), l'intérêt de la banque dépositaire d'actifs séquestrés à ce que ces actifs demeurent sous sa garde pendant la procédure de poursuite n'était pas en soi digne de protection, à tout le moins lorsque, comme dans le cas d'espèce, les tiers dépositaires formels de ces actifs avaient manifesté leur volonté que ceux-ci ne soient plus confiés à ladite banque. D'autre part, il n'apparaissait pas que la prise sous la garde de l'Office des actifs concernés, pour un montant inférieur à 200'000'000 fr. soit susceptible d'empiéter fortement sur ses activités commerciales.

Sur le fond, il n'avait aucune obligation de consulter A______ avant de rendre une décision limitant la portée du séquestre à certains actifs ni de lui notifier une telle décision; elle n'avait donc pas qualité de partie intéressée au sens de la décision DCSO/47/2022 du 3 février 2022.

Le montant des avoirs demeurant séquestrés et pris sous sa garde par l'Office était certes supérieur à l'assiette des séquestres, arrêtée en dernier lieu à un total de 176'072'000 fr., mais cela résultait d'un accord entre les créanciers séquestrant et les tiers formellement titulaires des avoirs séquestrés. La valeur des titres sur lesquels le séquestre était maintenu avait été arrêtée sur la base des indications données par A______; d'éventuelles variations à la hausse ou à la baisse de la valeur de ces titres, conduisant à une sous-couverture ou à une sur-couverture momentanées du montant à hauteur duquel le séquestre était maintenu, n'était pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de sa décision. Enfin, le montant de 200'000'000 fr. avait été suggéré par A______ elle-même dans la plainte qu'elle avait formée le 2 juillet 2021 contre la décision rendue le 18 juin 2021 par l'Office (cf. let. B.b ci-dessus).

d. Par déterminations du 12 juillet 2022, la Confédération suisse et l'Etat de Genève ont conclu à ce qu'il soit ordonné à l'Office d'enjoindre à A______ de transférer en priorité divers avoirs – énumérés – n'ayant pas fait l'objet de revendications. Il devait par ailleurs être ordonné à A______ de produire diverses pièces relatives à l'impossibilité alléguée par cette dernière d'exécuter l'injonction de l'Office du 2 juin 2022.

e. Par détermination du 12 juillet 2022, F______ et E______ ont conclu à l'irrecevabilité de la plainte faute de qualité pour agir de A______ et, subsidiairement et au fond, à son rejet. Elles ont en particulier fait valoir que la décision de l'Office du 19 mai 2022 – dont l'injonction adressée le 2 juin 2022 à la plaignante était le miroir – ne portait que sur l'identification des avoirs faisant l'objet des séquestres, point sur lequel A______ ne bénéficiait d'aucun droit d'être entendu. Quant au montant de 200'000'000 fr. à hauteur duquel l'Office avait maintenu le séquestre, il résultait de la décision DCSO/47/2022 du 3 février 2022.

f. Par détermination du 12 juillet 2022, C______ LIMITED et C______ HOLDING ont elles aussi conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la plainte, pour des motifs similaires à ceux avancés par F______ et E______.

g. A______ a répliqué par mémoire du 2 août 2022.

Sur la recevabilité de la plainte, elle a persisté à faire valoir le préjudice économique que constituerait la perte de commissions et frais sur les montants transférés selon elle à tort. Elle a par ailleurs invoqué un préjudice juridique dans la mesure où il pourrait lui être reproché d'avoir donné suite à une injonction illégale de l'Office.

Sur le fond, elle a pour l'essentiel persisté dans l'argumentation invoquée dans sa plainte.

h. Par courriers adressés les 16, 19 et 29 août 2022 à la Chambre de céans, A______ et l'Office lui ont transmis divers pièces et lettres relatifs à l'exécution de l'injonction du 2 juin 2022.

j. La cause a été gardée à juger le 12 septembre 2022.

 

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

Par mesure de l'Office, il faut entendre tout acte matériel d'autorité accompli par l'Office en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète, ayant pour objet la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et produisant des effets externes (ATF 116 III 91 consid. 1).

1.1.2 La plainte est en l'espèce dirigée, formellement, contre l'injonction faite à la plaignante par l'Office de transférer en mains d'un tiers désigné par lui divers actifs séquestrés, précisément désignés, et l'indication qu'une fois ce transfert effectué les séquestres seraient levés sur les autres actifs initialement séquestrés se trouvant encore en ses mains. Il s'agit là d'une mesure de l'Office, susceptible d'être contestée par la voie de la plainte.

Pour le surplus, la plainte respecte la forme écrite prévue par la loi, comporte une motivation et des conclusions permettant de comprendre les griefs formulés par la plaignante et ce qu'elle souhaite, et a été déposée dans les dix jours de la réception du courrier de l'Office du 2 juin 2022.

Elle satisfait donc, dans cette mesure, aux conditions de recevabilité fixées par la loi.

1.1.3 La plaignante reproche en premier lieu à l'Office une violation de l'art. 97 LP (applicable par renvoi de l'art. 275 LP) relatif à l'assiette du séquestre : selon elle en effet, l'Office aurait dû procéder de lui-même à une révision à la baisse de l'assiette du séquestre, fixée en dernier lieu à un total de 176'072'000 fr.; cette assiette constituant la limite supérieure du séquestre, l'Office ne pouvait maintenir le séquestre sur des avoirs d'une valeur estimée par lui à un montant supérieur, en l'espèce 200'000'000 fr.; son pouvoir d'ordonner le transfert de ces avoirs en mains d'un établissement tiers était lui aussi limité à l'assiette du séquestre.

En second lieu, la plaignante fait valoir qu'en sa qualité de tiers intéressé elle aurait dû être consultée avant que la décision du 19 mai 2022, par laquelle l'Office avait déterminé les actifs devant demeurer soumis au séquestre, estimé leur valeur, décidé leur transfert en mains d'un établissement bancaire tiers et, une fois ce transfert effectué, levé le séquestre sur les autres actifs sur lesquels il avait initialement porté – décision dont l'injonction contestée du 2 juin 2022 ne constituait qu'une mesure d'exécution – ne soit prise, et que cette décision aurait dû lui être notifiée.

Au vu de cette argumentation, la recevabilité de la plainte soulève deux questions. La première, qui a trait à la qualité de la plaignante pour former une plainte, sera examinée sous considérant 1.2 ci-dessous. La seconde concerne la portée, quant à la force de chose décidée, de la décision de l'Office du 14 juillet 2021 par laquelle l'Office, déjà, avait fait injonction à la plaignante de transférer en mains d'un tiers des valeurs pour un montant de 200'000'000 fr. (cf. let. B.c ci-dessus). Elle sera examinée sous consid. 1.3 ci-dessous.

1.2.1 Comme déjà relevé, la qualité pour former une plainte au sens de l'art. 17 LP suppose une atteinte à un intérêt – juridique ou de fait – digne de protection.

Le tiers se prétendant propriétaire d'actifs saisis ou séquestrés n'a en principe pas d'intérêt propre à contester la saisie ou le séquestre (ATF 130 III 400 consid. 2) : c'est en effet par la voie de la procédure de revendication aménagée par les art. 106 ss. LP qu'un tel tiers doit faire valoir ses droits (ATF 112 III 75 consid. 1a et 1.d). Dans la mesure où l'interdiction de la saisie (ou du séquestre) excessive prévue par l'art. 97 al. 2 LP, qui suppose l'obligation pour l'Office d'estimer la valeur des actifs saisis ou séquestrés (art. 97 al. 1 LP), vise en premier lieu à protéger le débiteur (ATF 112 III 75 consid. 1a), les tiers s'en prétendant propriétaires ne disposent de même, en principe, pas de la qualité pour former une plainte contre une violation de cette disposition, en particulier contre l'estimation par l'Office des actifs saisis ou séquestrés (ATF 112 III 75 consid. 1a et 1d; Foëx/Martin-Rivara, in BAK SchKG I, 3ème édition, 2021, N 26 ad art. 97 LP). Il n'en va différemment que pour le tiers propriétaire du gage dans la poursuite en réalisation de ce gage et pour le tiers propriétaire d'objets sur lesquels le bailleur fait valoir son droit de rétention, ces exceptions étant justifiées par l'impossibilité pour ces tiers propriétaires d'obtenir par la procédure de revendication que leur bien soit soustrait à la procédure de poursuite (ATF 112 III 75 consid. 1).

Ce qui précède vaut à plus forte raison pour le tiers qui, sans prétendre à aucun droit de propriété ou de gage sur les actifs séquestrés, les détient, par exemple en qualité de dépositaire. De la même manière que le tiers se prétendant propriétaire, le "quart détenteur" d'objets saisis ou séquestrés ne dispose en effet, en principe, d'aucun intérêt propre à ce que ces actifs ne soient pas saisis ou séquestrés, respectivement à ce qu'ils ne soient pas saisis ou séquestrés dans une mesure excédant ce qu'autorise l'art. 97 al. 2 LP.

Le tiers en mains duquel sont saisis ou séquestrés des actifs sur lesquels il ne prétend à aucun droit devant être pris en compte dans la procédure d'exécution forcée dispose cela étant de la qualité pour porter plainte lorsqu'il fait valoir que la saisie ou le séquestre viole des droits que la loi lui accorde, ou que la mesure contestée porte gravement atteinte à ses intérêts commerciaux. Une banque dépositaire d'actifs séquestrés a ainsi été admise à contester par la voie de la plainte qu'un séquestre sur des avoirs appartenant nominalement à des tiers non déterminés mains en réalité au débiteur puisse être exécuté en ses mains, car les modalité d'exécution de la mesure auraient impliqué une atteinte essentielle à son activité (ATF 96 III 107 consid. 1). De la même manière, la possibilité pour une banque se trouvant dans la même situation de contester par la plainte l'exécution à son siège principal d'un séquestre s'étendant à toutes ses succursales a été admise au vu de l'ampleur de la charge impliquée (ATF 80 III 122 consid. 2). Dans un troisième cas (ATF 103 III 36 consid. 1), la qualité pour porter plainte a été reconnue à une banque dépositaire qui faisait valoir qu'elle disposait d'un droit à ce que l'avis de séquestre qui lui était adressé mentionne le montant maximal à concurrence duquel le séquestre devait être exécuté.

1.2.2 En l'occurrence, la plaignante invoque en premier lieu une violation de l'art. 97 LP relatif à l'assiette du séquestre. Or cette disposition vise à protéger le débiteur, et non les tiers, contre une saisie ou un séquestre excessif, de telle sorte que, sous réserve d'exceptions, seuls le débiteur et le créancier poursuivant ou séquestrant disposent de la qualité pour contester par la voie de la plainte les décisions de l'office des poursuites relatives à la fixation de l'assiette de la saisie ou du séquestre et à l'estimation des biens saisis ou séquestrés. On ne voit pas en particulier en quoi le tiers en mains duquel des actifs – sur lesquels il ne prétend à aucun droit préférable – sont séquestrés serait touché par le séquestre, et moins encore par la limitation de la portée du séquestre à certains de ces biens seulement.

En sa qualité de banque dépositaire d'actifs séquestrés sur lesquels elle n'invoque aucun droit préférable, la plaignante n'a donc, en principe, pas qualité pour contester (au travers de l'injonction du 2 juin 2022) la décision du 19 mai 2022 par laquelle l'Office a décidé de limiter la portée du séquestre à certains actifs, dont la valeur a été estimée par ses soins. Ne pouvant se prévaloir d'une violation de l'art. 97 LP (qu'il s'agisse de la détermination de l'assiette du séquestre ou de l'estimation des actifs séquestrés), et ne contestant pas – ou plus – que l'Office puisse transférer auprès d'un tiers les actifs séquestrés, elle n'a pas non plus qualité pour se plaindre que ce transfert porte sur des actifs d'une valeur totale supérieure à l'assiette totale des séquestres.

La plaignante fait certes valoir que la violation par l'Office de l'art. 97 LP, conduisant à un transfert en mains d'un tiers d'actifs représentant une valeur supérieure à ce qui devrait être l'assiette du séquestre, emporte une atteinte à ses intérêts pécuniaires en ce qu'elle la prive de revenus importants sous la forme de commissions et frais de garde. Un tel intérêt ne saurait cependant fonder une qualité pour contester par la voie de la plainte la détermination par l'Office des actifs sur lesquels le séquestre devait être maintenu, lesquels devaient être transférés en mains d'un tiers. La perception de commissions et de droits de garde constitue en effet la contrepartie contractuelle de prestations apportées par la plaignante à sa clientèle et, dans la mesure où la plaignante ne conteste pas la possibilité pour l'Office de faire transférer sous la garde d'un tiers les actifs séquestrés – mesure à laquelle ni les créanciers ni le débiteur ni les tiers invoquant des droits préférables ne se sont opposés –, il est dans l'ordre des choses que ces montants ne soient plus dus. L'apport et le retrait par la clientèle d'une banque d'avoirs confiés entrent dans le cadre de son activité commerciale, et aucun droit général de conserver ces avoirs pour une durée indéterminée ne lui est reconnu. La plaignante ne dispose donc d'aucun intérêt digne de protection à la conservation, dans un but uniquement pécuniaire, des actifs visés par l'injonction du 2 juin 2022.

Il n'est pour le surplus pas établi que la mesure contestée porterait une grave atteinte aux intérêts commerciaux de la plaignante. Celle-ci ne chiffre pas le montant des commissions et frais de garde qu'elle aurait pu facturer ni les économies qu'elle pourra réaliser, et ne fournit aucune donnée chiffrée sur l'importance pour son activité commerciale des revenus tirés des actifs excédant selon elle l'assiette du séquestre. Comme elle le relève elle-même, l'activité de la plaignante consiste à accepter des actifs du public, à les conserver et à les gérer : on ne voit pas en quoi la mesure contestée porterait atteinte à cette activité, étant rappelé que les principaux titulaires formels des actifs séquestrés ont expressément approuvé – et même requis – leur transfert en mains d'un tiers désigné par l'Office.

La plaignante a enfin avancé dans ses écritures en réplique qu'elle disposerait d'un intérêt juridique à la contestation de l'injonction du 2 juin 2022, consistant dans le risque que le débiteur, ou un tiers titulaire formel des actifs séquestrés et transférés sur un compte ouvert au nom de l'Office auprès d'un établissement bancaire tiers, lui reproche par la suite d'avoir donné suite à une instruction portant sur des actifs dont la valeur excéderait l'assiette des séquestres. Un tel risque – et donc un intérêt juridique à l'éviter – doit cependant être nié dès lors que, comme relevé ci-dessus, la plaignante n'a pas qualité pour contester les décisions de l'Office relative à l'art. 97 LP. A cela s'ajoute que, selon les explications de l'Office, sa décision du 19 mai 2022 relative à la limitation de la portée du séquestre en application de l'art. 97 al. 2 LP a été communiquée aux parties (soit aux débiteur et créanciers) ainsi qu'aux tiers titulaires des comptes sur lesquels se trouvaient des actifs séquestrés et n'a fait l'objet d'aucune plainte (observations de l'Office du 13 juillet 2022, ch. 35 et 36).

Il résulte de ce qui précède que la plaignante n'a pas qualité pour former plainte contre l'injonction du 2 juin 2022, et indirectement contre la décision du 19 mai 2022, en tant qu'elles concernent l'application de l'art. 97 LP.

La plaignante fait cela étant également valoir qu'elle aurait disposé d'un droit à être consultée avant que la décision du 19 mai 2022 ne soit rendue, et que cette décision aurait dû lui être notifiée. Si ce point de vue devait être justifié, la plaignante serait effectivement atteinte dans ses intérêts juridiques. Elle dispose donc, à cet égard, de la qualité pour former plainte.

1.3.1 Une fois entrées en force de chose jugée formelle et matérielle, les décisions en matière d'exécution forcée ne peuvent plus – sous réserve des cas de nullité (art. 22 al. 1 et 2 LP) – être modifiées qu'à certaines conditions. Même si l'autorité de la chose jugée a une portée limitée en droit de la poursuite, une décision ne peut ainsi en principe être modifiée qu'en cas de modification de l'état de fait pertinent (ATF 133 III 580 consid. 2.1; Meier, in BAK SchKG I, N 126 et 127 ad art. 17-21 LP).

1.3.2 En l'occurrence, l'Office, par décision du 14 juillet 2021, a ordonné à la plaignante de transférer des actifs séquestrés pour un montant de 200’000’000 fr. à un tiers désigné par lui. La plainte formée par la plaignante contre cette décision a été déclarée irrecevable "en tant qu'elle port[ait] sur la décision de l'Office de prendre sous sa garde, à hauteur de 200'000'000 fr., les avoirs séquestrés en ses mains" par la Chambre de céans (décision DCSO/47/2022 du 3 février 2022); elle n'a été admise qu'en ce qu'elle concernait la détermination des actifs devant être transférés. La décision du 14 juillet 2021 est donc entrée en force de chose décidée formelle et matérielle quant au principe du transfert en mains du tiers désigné par l'Office d'actifs à hauteur de 200'000'000 fr.

Dans la présente procédure de plainte, la plaignante conteste derechef le montant de 200'000'000 fr. à hauteur duquel l'Office entend prendre sous sa garde, en en ordonnant le transfert à un tiers désigné par lui, des actifs séquestrés. Elle ne fait toutefois valoir aucun fait nouveau justifiant un réexamen de la question.

Pour ce motif également, la plainte est irrecevable en tant qu'elle porte sur le montant à hauteur duquel l'Office a ordonné le transfert d'actifs.

1.4 La plaignante fait valoir, sans en tirer de conséquences juridiques, que l'exécution de l'injonction de l'Office du 2 juin 2022 se heurterait à des difficultés pratiques et juridiques, voire serait impossible.

Il n'y a pas lieu dans le cadre de la présente plainte d'entrer en matière sur ces difficultés alléguées, apparues postérieurement aux mesures contestées. Il incombe à l'Office de veiller à l'exécution de ses décisions, voire à les modifier si des éléments de fait nouveaux en remettent les fondements en cause. Pour sa part la plaignante, sous peine d'engager sa responsabilité civile, doit en principe exécuter les décisions de l'Office; elle n'a certes pas à répondre d'une impossibilité d'exécution qui ne lui est pas imputable, mais ne saurait invoquer des prétextes pour refuser de s'exécuter.

1.5 Dans leurs déterminations du 12 juillet 2022, les créanciers séquestrant ont pris des conclusions différant dans leur teneur du dispositif de la décision du 19 mai 2022. Dans la mesure où ils n'ont pas formé plainte en temps utile contre cette décision, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce point.

2. 2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst confère au justiciable, entre autres prérogatives, le droit de s'exprimer sur tous les éléments pertinents avant qu'une décision touchant sa situation personnelle ne soit rendue.

Au vu des particularités de la procédure d'exécution forcée, en particulier des exigences de célérité qu'elle implique et de l'impossibilité pratique de donner aux parties (et a fortiori aux tiers) la possibilité de s'exprimer avant toute mesure requise par la loi (Meier, op. cit., N 66 ad art. 17-21 LP), le droit des parties et des tiers touchés dans leurs intérêts de faire valoir leur point de vue s'exerce dans le cadre de la procédure de plainte au sens de l'art. 17 LP (Meier, op. cit., N 61 ad art. 17-21 LP). L'office n'a donc pas à donner systématiquement aux parties la possibilité de s'exprimer avant qu'une décision les concernant ne soit prise, celles-ci, de même que les tiers intéressés, conservant toutefois la possibilité de transmettre à l'office une prise de position spontanée, dont il devra tenir compte (Meier, op. cit., N 66 et 67 ad art. 17-21 LP).

Les décisions de l'office doivent en principe être notifiées aux parties. Elles ne doivent en revanche pas nécessairement être notifiées aux tiers, même si elles les concernent (Meier, op. cit., N 74 ad art. 17-21 LP).

2.2 En l'occurrence, la décision rendue le 19 mai 2022 par l'Office portait sur la limitation de la portée des séquestres à certains actifs, en application des art. 95 et 97 LP, et leur transfert en mains d'un tiers désigné par l'Office, étant rappelé que, sur ce dernier point, elle se bornait à confirmer une décision précédente. En ce sens, et dans la mesure où elle comporte une estimation de la valeur des biens sur lesquels le séquestre est maintenu, la décision du 19 mai 2022 est analogue à un procès-verbal de séquestre révisé au sens de l'art. 276 LP. Or ni cette disposition ni la jurisprudence n'imposent à l'office de donner aux parties à la procédure de séquestre la possibilité de s'exprimer avant l'établissement ou le complètement du procès-verbal de séquestre. L'art. 95 al. 4 bis LP prévoit certes que, dans la détermination de l'ordre dans lequel les actifs doivent être saisis, respectivement séquestrés, l'office doit tenir compte des circonstances, et notamment d'une demande conjointe du créancier et du débiteur, mais cette disposition n'impose aucune consultation des tiers, seraient-ils concernés.

L'Office n'avait donc aucune obligation de donner à la plaignante l'occasion de s'exprimer avant de rendre la décision du 19 mai 2022, dont l'injonction du 2 juin 2022 constitue une mesure d'exécution.

Une notification de la décision du 19 mai 2022 à la plaignante n'était pas davantage requise par la loi ou la jurisprudence. En tout état, l'absence de notification n'aurait pas empêché la plaignante de contester le contenu de cette décision par la voie d'une plainte contre son exécution, sous forme de l'injonction du 2 juin 2022.

La plainte est donc mal fondée en ce que la plaignante invoque une violation de son droit d'être entendue.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare irrecevable, en tant qu'elle concerne l'injonction qui lui est faite de transférer divers actifs précisément déterminés en mains d'un établissement bancaire tiers, la plainte formée le 13 juin 2022 par A______ contre le courrier que lui a adressé l'Office cantonal des poursuites le 2 juin 2022 dans le cadre des séquestres 1______ et 2______.

Déclare la plainte recevable en tant que A______ dénonce une violation de son droit d'être entendue.

Au fond :

Rejette la plainte.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.