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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2115/2022

DCSO/459/2022 du 10.11.2022 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Normes : lp.266
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2115/2022-CS DCSO/459/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/2115/2022-CS) formée en date du 28 juin 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Julien Blanc, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me BLANC Julien

GVA law

Rue des Alpes 15

Case postale 1592

1211 Genève 1.

- Office cantonal des faillites.

 

 


EN FAIT

A. a. La faillite de A______ a été déclarée par jugement du
8 août 2019.

Elle est liquidée en la forme ordinaire par l'Office cantonal des faillites (ci-après : l'Office; art. 236 LP).

b. Une première version de l'inventaire (art. 221 LP) a été établie le 4 octobre 2019. Elle a été signée le même jour par A______, après que celui-ci eut été rendu attentif aux conséquences pénales d'indications incomplètes sur sa situation de fortune.

Deux immeubles figuraient à l'inventaire, l'un à Genève (rubrique I1 de l'inventaire) et le second en Valais, à B______ (rubrique I2).

L'inventaire a par la suite été complété à plusieurs reprises par l'adjonction de nouveaux actifs (créances et biens meubles) et par la modification de certaines valeurs d'estimation retenues par l'Office.

Il a été déposé le ______ 2020, en même temps que l'état de collocation, et n'a fait l'objet d'aucune plainte dans le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP.

c. L'appel aux créanciers a été publié le ______ 2019. L'état de collocation dans la faillite, ainsi que les états des charges des deux immeubles tombant dans la masse active, ont été déposés le ______ 2020. Ce dépôt a fait l'objet, le même jour, d'une publication.

Ni l'état de collocation ni les états des charges des immeubles inventoriés n'ont fait l'objet d'une plainte dans le délai de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP.

d. Par pli du 16 juin 2022, reçu le 18 juin 2022 par son destinataire, l'Office a avisé A______ du dépôt du tableau de distribution, lequel pouvait être consulté dans ses locaux pendant dix jours. Selon cet avis, les créances admises s'élevaient à 746'983 fr. 86 et le montant distribué aux créanciers non gagistes à 103'451 fr. 03, d'où un découvert de 643'532 fr. 83.

e. Les 21 et 24 juin 2022, A______ s'est rendu dans les locaux de l'Office pour y prendre connaissance des comptes de frais et tableau de distribution du 16 juin 2022. A ces occasions, il a pu consulter les pièces du dossier et obtenir de la part des collaborateurs de l'Office des informations – selon lui inexactes ou insuffisantes – sur le déroulement de la procédure de liquidation de sa faillite.

f. Il résulte du tableau de distribution du 16 juin 2022 que celui-ci n'est que provisoire au sens des art. 266 LP et 82 OAOF, dès lors que plusieurs actifs n'étaient pas encore été réalisés au moment de son établissement.

Il comprenait notamment le tableau de distribution immobilier relatif à la réalisation de l'immeuble de Genève (rubrique I1 de l'inventaire), dont il ressortait que cet actif avait été réalisé le 21 février 2021 par la voie d'une vente de gré à gré. Le produit de réalisation s'était élevé à 575'000 fr., ce qui correspondait au prix de vente (aucun produit de loyers n'étant mentionné). Après couverture des frais d'administration du gage (en 26'339 fr. 25 selon décompte annexé) et désintéressement intégral des créanciers gagistes immobiliers admis à l'état des charges, pour un montant global de 480'894 fr. 24, un reliquat de 67'766 fr. 51 tombait dans le compte de la liquidation générale.

Selon le tableau de distribution des deniers, ce reliquat s'ajoutait au produit de la réalisation de certains actifs (rubriques C1 à C4 et C8 à C13 de l'inventaire), en 39'680 fr. 79, pour arriver à un total disponible de 107'447 fr. 30. Ce montant était affecté au désintéressement complet des créanciers colloqués en première et deuxième classe, à hauteur de 103'451 fr. 03, les frais et charges généraux (13'672 fr. 60) et les frais et charges de liquidation (1'135 fr. 32) demeurant partiellement non couverts.

Ces derniers montants, de même que celui des frais d'administration et de réalisation de l'immeuble de Genève, figuraient dans le compte de frais, pour un total de 41'147 fr. 17.

Le tableau de distribution du 16 juin 2022 comprenait également un tableau de distribution immobilier relatif à l'immeuble de B______ (rubrique I2 de l'inventaire) mentionnant un produit de réalisation nul (l'immeuble n'ayant alors pas encore été réalisé ou le résultat de sa réalisation par voie de commission rogatoire n'étant pas encore connu) et le renvoi en troisième classe, pour leur découvert, des créanciers gagistes immobiliers admis à l'état des charges.

Etait enfin annexée une liste des répartitions et des actes de défaut de biens, dont il résultait un découvert dans la faillite de 643'532 fr. 83, égal au total des créances colloquées en troisième classe augmenté des découverts des créances garanties par gage admises à l'état des charges de l'immeuble de B______ ainsi que d'une partie non garantie par gage de la créance invoquée par un créancier gagiste immobilier sur l'immeuble de Genève.

B. a. Par acte adressé le 28 juin 2022 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le tableau de distribution du 16 juin 2022, concluant à son annulation, à ce que la nullité de l'inventaire établi le 14 octobre 2019 soit constatée, à ce qu'il soit ordonné à l'Office de dresser et de publier un inventaire et un état de collocation complets et exacts et à ce que le dossier soit retourné à l'Office pour "réexamen dans le sens des considérants". A l'appui de ces conclusions, le plaignant a soulevé de nombreux griefs, certains dirigés contre l'inventaire (absence de communication à lui-même, absence de signature par lui-même, absence de publication, estimation erronée de certains actifs, absence de mention du prix de vente de l'immeuble de Genève), d'autres contre l'état de collocation (absence de collocation d'une créance garantie par un gage immobilier sur l'immeuble de Genève), d'autres contre le compte de frais (montant de 41'147 fr. 17 trop élevé et non justifié), d'autres encore contre le tableau de distribution lui-même (absence de mention du produit de réalisation de l'immeuble de B______, mention d'un produit de biens "mobiliers" gagés incompréhensible, absence de réalisation de certains biens mobiliers et contradictions avec l'état de collocation) et d'autres enfin relatifs à un retard dans la liquidation (désintéressement tardif d'un créancier hypothécaire conduisant à l'augmentation des intérêts dus à ce dernier). Plus généralement, le plaignant a déploré un manque de transparence de la part de l'Office, qui lui aurait refusé l'accès à certaines informations et lui aurait donné des renseignements erronés.

b. Par ordonnance du 1er juillet 2022, la Chambre de surveillance a fait droit à la requête d'effet suspensif formulée à titre préalable par le plaignant.

c. Dans ses observations du 29 juillet 2022, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet. Selon lui, la plainte était tardive en tant qu'elle était dirigée contre l'inventaire, l'état de collocation et les états des charges des immeubles tombant dans la masse, et le plaignant n'avait pas qualité pour contester un tableau de distribution provisoire. Quant au fond, les griefs invoqués étaient infondés et découlaient en grande partie d'une méprise sur la nature provisoire du tableau de distribution. L'Office avait fait preuve de transparence et remis toutes les pièces utiles au plaignant, en particulier les relevés des frais de liquidation immobiliers et généraux.

d. Répliquant le 15 août 2022, le plaignant a persisté dans ses conclusions et dans la majorité de ses griefs. Il a reproché pour la première fois à l'Office de ne pas avoir indiqué dans le tableau de distribution le produit de la gérance légale dont l'immeuble de Genève aurait fait l'objet.

e. En l'absence de duplique de la part de l'Office, la cause a été gardée à juger le 30 août 2022.

 

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'Office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_48/2022 du 10 mai 2022 consid. 4.2.1). Le débiteur et le créancier à la poursuite disposent toujours de la qualité pour former une plainte contre une décision de l'Office qui les atteint dans leurs intérêts (Cometta/Möckli, in BSK SchKG I, 2021, n° 41 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, in KUKO SchKG, 2014, n° 11 et ss ad art. 17 LP; Erard, in CR LP, 2005, n° 25 ss ad art. 17 LP).

De pratique constante, la plainte n'est recevable que si elle permet d'atteindre un but concret sur le plan de l'exécution forcée, mais non si la mesure critiquée est irrévocable, lors même qu'une cause de nullité est alléguée (ATF 99 III 58 consid. 2, JT 1974 II 71 et les arrêts cités; GILLIERON, op. cit., n. 156 ad art. 17 LP). Il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur des plaintes formulées dans le seul but de faire constater qu'un organe de poursuite a, en agissant ou en omettant d'agir, violé ses obligations (ATF 99 III 58).

1.1.2 Dans la mesure où, sous réserve de son droit à être consulté sur les productions (art. 244 LP, deuxième phrase), la loi ne prévoit pas de participation du débiteur en faillite à la procédure de vérification et de collocation des créances, sa position juridique n'est pas touchée par le fait qu'un dividende soit versé de manière anticipée à un créancier dans le cadre d'une distribution provisoire au sens de l'art. 266 LP. A défaut d'intérêt juridiquement protégé, il n'a donc pas qualité pour recourir contre un tableau de distribution provisoire au sens de cette disposition. Il n'en va autrement que si le débiteur en faillite fait valoir que le produit total des réalisations excède le montant total des créances colloquées, avec pour conséquence que le paiement à certains créanciers, dans le cadre d'une distribution provisoire, de montants auxquels ils n'auraient pas droit mettrait en danger le versement en sa faveur de l'excédent de liquidation (ATF 129 III 559 consid. 1.2).

1.2 En l'occurrence, la plainte satisfait aux exigences de forme prévues par la loi. Reste à examiner, en relation avec les griefs invoqués, si les autres conditions de recevabilité sont réalisées.

1.2.1 Le plaignant soulève un certain nombre de griefs dirigés contre l'inventaire établi par l'Office le 4 octobre 2019, signé par lui-même le même jour et déposé le ______ 2020 en même temps que l'état de collocation. Dans la mesure toutefois où le dépôt de cet acte valait communication, la plainte est tardive et donc irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre l'inventaire dans sa version au ______ 2020. Le complètement intervenu postérieurement – portant sur trois montres découvertes après coup – n'est pour sa part pas critiqué par le plaignant.

1.2.2 Par identité de motifs, la plainte est tardive et donc irrecevable en tant qu'elle vise l'état de collocation et les états des charges déposés le ______ 2020.

1.2.3 Le plaignant ne soutient pas que le produit total de la réalisation des biens inventoriés excédera le montant total des créances colloquées, ce qui apparaît au demeurant exclu au vu des actifs devant encore être réalisés et des créances colloquées en troisième classe, qui ne bénéficieront pas de la répartition provisoire. On ne voit donc pas en quoi la position juridique du plaignant est touchée par la décision de l'Office de distribuer de manière anticipée le produit des réalisations disponible en faveur de certains créanciers (créanciers bénéficiant d'un droit de gage sur l'immeuble réalisé et créanciers de première et deuxième classe).

La plainte est donc irrecevable de ce point de vue également, faute de qualité pour former une plainte.

L'absence de prise en considération du produit de la réalisation de certains actifs inventoriés, dénoncée par le plaignant, ne change rien à cette appréciation puisque le tableau de distribution contesté n'est que provisoire, et qu'il sera donc suivi d'un tableau de distribution définitif tenant compte de l'ensemble des réalisations. Il est certes exact que les éventuels loyers perçus par l'Office pour la location de l'immeuble de Genève auraient dû être pris en compte dans le tableau de distribution immobilier relatif au même immeuble; aucun élément du dossier ne permet cependant de constater l'existence de cet actif, mentionné tardivement par le plaignant, et celui-ci ne subira aucun préjudice de sa prise en considération – pour autant qu'il existe – dans le tableau de distribution définitif seulement.

1.2.4 Le plaignant se plaint de manière toute générale des frais de liquidation, qu'il estime exagérés. Dans la mesure où il ne conteste pas avoir eu accès à l'ensemble des pièces justificatives desdits frais, cette critique est toutefois insuffisamment motivée et donc irrecevable : il lui aurait en effet appartenu de relever de manière précise les émoluments et frais qu'il considérait injustifiés, et d'expliquer en quoi ils n'avaient pas été retenus de manière conforme aux dispositions applicables.

1.2.5 Le grief fait à l'Office d'avoir tardé à verser à l'un des créanciers gagistes le dividende lui revenant, et d'avoir ainsi causé un dommage aux créanciers – et indirectement au plaignant – sous la forme d'une augmentation des intérêts ne relève pour sa part pas de la plainte mais de l'action en responsabilité contre l'Etat prévue par l'art. 5 LP.

1.2.6 Enfin, le grief adressé à l'Office de manière toute générale d'avoir manqué de transparence et d'avoir répondu de manière inexacte à ses demandes d'observations, outre le fait qu'il ne repose sur aucun allégué précis, n'est mis en relation avec aucune conclusion concrète, de telle sorte qu'il est lui aussi irrecevable.

1.2.7 En fin de compte, la plainte doit être déclarée irrecevable dans son intégralité.

2. Nonobstant cette irrecevabilité, la Chambre de céans relèvera le caractère difficilement compréhensible du tableau de distribution du 16 juin 2022.

Alors même que la principale caractéristique de ce tableau de distribution est de n'être que provisoire, cette particularité ne résulte ni expressément, ni par renvoi à l'art. 266 LP ou à l'art. 82 al. 1 OAOF, de l'avis spécial adressé au plaignant ou des différents documents composant le tableau de distribution lui-même. Seul un examen attentif de ces documents permet de comprendre qu'une partie seulement des actifs inventoriés a été réalisée, ce dont on peut déduire que le tableau de distribution n'est pas définitif.

Plusieurs documents sont du reste de nature à provoquer la confusion. Il en va ainsi en particulier du tableau de distribution relatif à l'immeuble de B______, dont il paraît résulter que la réalisation a eu lieu, que le produit de réalisation a été nul et que les créanciers gagistes ont été renvoyés en troisième classe pour la totalité de leurs créances. Est de même trompeuse la liste des répartitions et des actes de défaut de biens dès lors qu'il est constant que, la réalisation n'étant pas achevée, aucun acte de défaut de biens ne peut en l'état être délivré.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare irrecevable la plainte formée le 28 juin 2022 par A______ contre le tableau de distribution provisoire dressé le 16 juin 2022 par l'Office cantonal des faillites dans la liquidation de sa faillite.

 

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.