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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1933/2023

JTAPI/264/2024 du 25.03.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : AMORTISSEMENT(DROIT FISCAL);PARTICIPATION AU CAPITAL;SURENDETTEMENT
Normes : LIFD.62.al4; LIPM.21.al6
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1933/2023 ICCIFD

JTAPI/264/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par RICHA & PARTNERS SA, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2019 de la société genevoise A______ SA (ci-après : la contribuable ou la recourante) qui, durant l’année en cause, détenait des participations dans plusieurs sociétés.

2.             Il résulte de la feuille H de sa déclaration fiscale 2019 que la contribuable a acquis une participation de 80 % dans la société B______ (ci-après : la filiale monégasque) le 3 juillet 2018.

À teneur de ses comptes 2019, la contribuable a entièrement amorti cette participation, le montant de l’amortissement se chiffrant à CHF 3'381'522.-.

3.             Le 13 octobre 2021, donnant suite à une demande de renseignements de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) du 27 septembre précédent, la contribuable a répondu qu’elle avait pratiqué cet amortissement sur recommandation de ses auditeurs et au vu des mauvais résultats réalisés par la filiale monégasque.

4.             À la suite d’une demande que lui a adressée l’AFC-GE le 6 décembre 2021, la contribuable, par pli du 10 janvier 2022, lui a transmis le contrat d’acquisition de la filiale monégasque.

5.             Le 28 mars 2022, la contribuable a confirmé à l’AFC-GE que le prix d’achat de cette société était conforme au marché. Après l’avoir acquise, elle avait procédé à la mise aux standards du groupe C______ auquel elle appartenait. Il en avait résulté une baisse de sa profitabilité. De ce fait, en mai 2019, l’organe de révision avait demandé que cette participation soit amortie.

6.             Par bordereaux datés du 22 novembre 2022, l’AFC-GE a taxé la contribuable pour l’année 2019. Ce faisant, elle a effectué une reprise de CHF 3'381'522.- dans son bénéfice au titre de provision (sic) non admise. D’après ses états financiers, la filiale monégasque n’avait pas subi de perte de valeur significative depuis son acquisition.

7.             Le 6 décembre 2022, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux. L’amortissement – et non la provision comme l’indiquait l’AFC-GE – en question était nécessaire, sans quoi sa participation aurait été surévaluée.

8.             Le 24 janvier 2023, la contribuable a complété sa réclamation. Elle avait fait l’objet d’un contrôle de la part de l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC‑CH) portant sur l’impôt anticipé des années 2015 à 2019. Lors de celui-ci, le taxateur avait analysé les documents portant sur l’acquisition, puis l’amortissement de la filiale monégasque et, le 10 novembre 2021, avait confirmé qu’il n’y avait rien à redire à propos cette transaction. La conclusion de l’AFC-CH devrait rassurer l’AFC-GE quant à la nécessité d’amortir cette participation.

9.             Par deux décisions du 22 février 2023, l’AFC-GE a rejeté la réclamation. 

La contribuable n’avait fourni aucun élément propre à démontrer l’admissibilité de l’amortissement de la filiale monégasque. Celle-ci n’avait pas subi de perte de valeur significative depuis son acquisition, qui justifierait un tel ajustement. La demande de modification du libellé de la reprise ne présentait aucun impact sur le montant de l’impôt dû. Enfin, l’AFC-GE n’était pas liée par les conclusions de l’AFC-CH en matière d’impôt anticipé, dès lors que les problématiques analysées par cette dernière autorité ne concernaient pas le même type d’impôt.

10.         Par acte du 8 juin 2023, la contribuable, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à l’annulation des décisions du 22 février 2023, notifiées le 23 mai suivant et à l’admission de l’amortissement de la participation de la filiale monégasque, le tout sous suite de frais.

Le contrat d’acquisition susmentionné concernait la filiale monégasque, ainsi que les sociétés D______ Ltd (Seychelles), E______ Ltd (Nevis) et F______ Ltd (Nouvelle-Zélande). Elle avait acquis ces sociétés sur une base de valorisation 5 fois l’EBITDA [earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization] consolidé.

En 2017, 2016 et 2015, les trois sociétés G______ et la filiale monégasque avaient encaissé des recettes brutes consolidées se chiffrant à respectivement EUR 1'234'523.-, EUR 1'339'207.- et EUR 1'419'328.-. Pour ces mêmes périodes, elles avaient réalisé un bénéfice après impôt consolidé se montant à respectivement EUR 594'967.-, EUR 620'256.- et EUR 719'998.-.

Étant donné qu’elle n’avait pas l’intention de gérer les quatre sociétés indépendamment, elle avait rapatrié l’ensemble des flux liés aux sociétés G______ pour les regrouper dans la filiale monégasque. Celles-ci avaient alors été rendues inactives.

En 2018 et en 2019, la filiale monégasque avait subi une perte de respectivement EUR 134'658.- et EUR 332'313.-. Cette diminution de profitabilité avait conduit à une diminution réelle de valeur de cette participation, constatée par l’organe de révision, qui avait demandé à ce que celle-ci soit amortie.

Enfin, dans son contrôle relatif à l’impôt anticipé, l’AFC-CH n’avait pas considéré l’acquisition de la participation monégasque comme « occulte » et admis que cette transaction avait été effectuée entre tiers absolus.

11.         Dans sa réponse du 14 septembre 2023, l’AFC-GE a conclu à ce que la reprise au niveau du bénéfice de la recourante soit ramenée de CHF 3'381'522.- à CHF 947'086.- et à la reformatio in pejus de sa taxation en ce sens qu’une réserve latente imposée de CHF 947'086.- soit inscrite dans son bilan fiscal. Pour le surplus, elle a conclu au rejet du recours.

a.              Sur le plan de l’impôt sur le bénéfice, l’amortissement intégral de la participation de la filiale monégasque était excessif. En effet, en appliquant la même méthode que la recourante pour déterminer le prix d’acquisition de celle-ci, l’on constatait qu’elle avait conservé sa capacité de rendement et donc une valeur en 2019, bien que ses fonds propres soient devenus négatifs.

La recourante indiquait qu’elle avait déterminé le prix d’acquisition de la filiale monégasque et des sociétés G______ sur la base d’une valorisation de cinq fois l’EBITDA, à savoir selon les comptes consolidés des années 2014 à 2017. Au 31 décembre 2017, les fonds propres consolidés de ces quatre sociétés se chiffraient à EUR 247'912.-, soit une valeur très éloignée du prix de CHF 3'381'522.- payé pour l’acquisition des quatre participations. Par conséquent, leur valeur de rendement avait représenté le critère essentiel pris en compte par la recourante pour déterminer leur prix d’acquisition. Cette méthode n’avait pas été contestée lors de l’acquisition des titres en 2018 et, par souci de cohérence, elle devait également s’appliquer en 2019, s’agissant de déterminer leur valeur.

Pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017, le bénéfice avant impôt consolidé des quatre sociétés se chiffrait à respectivement EUR 758'214.-, EUR 731'196.-, EUR 626'331.- et EUR 601'811.-, soit en moyenne à EUR 679'388.-. Celle-ci représentait la contre-valeur de CHF 696'171.-. Le coût d’investissement des participations se chiffrant à CHF 3'381'522.-, il en résultait un multiple de l’EBITDA de 4.857 (CHF 3'381'522.- / CHF 696'171.-).

La valeur à la fin 2019 devait être calculée de la même manière, à savoir en multipliant par 4.857 la moyenne des bénéfices avant impôt consolidés de 2016 à 2019. Cette moyenne s’élevait à EUR 190'293.-, soit (626'331.- + 601'811.- – 134'658.- – 332'313.-) / 4. Ce montant représentait la contre-valeur de CHF 194'994.-. À la fin de l’année 2019, la filiale monégasque valait ainsi CHF 947'086.- (CHF 194'994.- * 4.857).

b.             Au niveau de l’impôt sur le capital, il convenait de procéder à une reprise à titre de réserve latente imposée de CHF 947'086.- dans le bilan fiscal de la recourante pour des raisons de systématique fiscale. Il en résultait une reformatio in pejus de la taxation de la recourante et il convenait de lui donner l’occasion de se déterminer à cet égard.

12.         Par réplique du 5 octobre 2023, la contribuable a repris les conclusions formulées dans son recours et a conclu à ce qu’il ne soit pas entré en matière sur la demande de reformatio in pejus sollicitée par l’AFC-GE dans sa réponse.

Elle n’avait pas choisi la méthode d’évaluation de la filiale monégasque, le prix avait été proposé par le vendeur. En outre, le coût d’investissement représentait le prix effectivement payé. Il était faux de conclure que celui-ci avait été fixé sur la base d’un multiple de l’EBITDA, calculé sur une moyenne de quatre exercices, soit de 2014 à 2017. Il était également inexact de retenir une telle méthode de valorisation pour évaluer en 2019.

Il était également inexact d’évaluer en 2019 la participation monégasque, en se fondant sur des résultats réalisés en 2016-2017, périodes au cours desquelles la société était encore profitable. En effet, au vu des résultats avant impôts des années 2018 et 2019, il apparaissait que la société avait perdu sa capacité bénéficiaire, sa valeur de rendement était nulle et ses fonds propres, négatifs. Estimée selon la méthode des praticiens, la participation monégasque était dépourvue de valeur. Sachant que l’amortissement était entièrement justifié, il n’y avait pas lieu de procéder à la reformatio in pejus sollicitée par l’AFC-GE.

13.         Dans sa duplique du 30 octobre 2023, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

La recourante ne saurait prétendre qu’elle avait payé CHF 3'381'522.- pour acquérir sa participation simplement parce qu’il s’agissait du prix exigé par le vendeur. Il était évident qu’elle avait procédé à sa propre estimation et elle avait nécessairement effectué celle-ci selon une certaine méthode comptable, sans toutefois expliquer laquelle. La recourante soutenait que la valeur de la participation monégasque était nulle, si on l’estimait d’après la méthode des praticiens. Or, elle n’avait pas choisi cette méthode, mais celle du multiple de l’EBITDA pour estimer sa filiale en 2018. Enfin, même si elle avait eu le droit d’adopter en 2019 la méthode des praticiens, elle aurait dû prendre en compte la moyenne des bénéfices consolidés des trois dernières années (2017 à 2019) et non celui réalisé au cours des deux dernières années.

Pour le surplus, l’AFC-GE a persisté dans les termes et les conclusions de sa réponse.

14.         Par mémoire complémentaire du 15 novembre 2023, la contribuable a maintenu son recours.

15.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             La recourante conteste la reprise de CHF 3'381'522.- effectuée dans son bénéfice imposable, que l’AFC-GE a acceptée, dans sa réponse, de diminuer. Elle s’oppose également à la reformatio in pejus proposée par l’autorité intimée au niveau de l’impôt sur le capital.

4.             Selon les art. 11 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM – D 3 15) et 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net.

Les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial sont considérés comme bénéfice net imposable (art. 12 al. 1 let. e LIPM et 58 al. 1 let. b LIFD). Les corrections de valeur et les amortissements effectués sur le coût d’investissement des participations qui remplissent les conditions prévues à l’art. 21 al. 5 let. b LIPM - respectivement art. 70 al. 4 let. b LIFD - sont ajoutés au bénéfice imposable dans la mesure où ils ne sont plus justifiés (art. 21 al. 6 LIPM et 62 al. 4 LIFD).

5.             Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.1 non publié aux ATF 147 II 155), alors que le droit commercial impose pour l'évaluation des actifs des valeurs maximales et que la gestion d'entreprise cherche les « véritables » valeurs, le droit fiscal vise les bénéfices réels de la période; à cette fin, il impose des limites à l'évaluation des actifs (Bewertungsuntergrenzen). En matière d'impôt sur la fortune des personnes physiques, la valeur vénale est en principe déterminante pour l'estimation (art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14). Il n'y a pas de règle équivalente pour l'impôt sur le bénéfice des personnes morales. En la matière, le principe directeur est l'imposition selon la capacité économique (art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

6.             Pour les titres qui ont fait l'objet d'un transfert substantiel entre tiers indépendants, la valeur vénale correspond généralement au prix d'acquisition. Le prix obtenu lors d'un tel transfert n'est toutefois à prendre en considération que s'il permet de déterminer une valeur vénale représentative et plausible de la société, situation qui doit être examinée selon l'ensemble des circonstances. Si tel est le cas, la détermination par le biais de la méthode dite « des praticiens » n'a pas lieu d’être (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.3 non publié aux ATF 147 II 155).  

7.             L’amortissement permet de tenir compte de l’usure progressive ou de la baisse de valeur d’un actif. Il peut s’agir d’immobilisations corporelles (bâtiments, machines, outils et autres installations, etc.) ainsi que d’immobilisations incorporelles. L’art. 62 LIFD englobe également l’amortissement extraordinaire. Celui-ci porte généralement sur des actifs non soumis à une usure. En l’occurrence, cet amortissement permet de prendre en compte une dépréciation due à des circonstances extraordinaires et non prévisibles commercialement. Un tel amortissement peut par exemple s’avérer nécessaire en présence (i) de la diminution de valeur d’un bien-fonds, (ii) d’une chute des prix du marché, (iii) de pertes sur des participations, des créances ou d’autres avoirs, voire encore (iii) en raison de l’usure anormale des installations d’exploitation (Robert DANON, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, § 19, 26, 27, p. 1224- 1225).

8.             L’application de l’art. 62 al. 4 LIFD - comme l’art. 21 al. 6 LIPM - entraîne en effet une augmentation du bénéfice imposable indépendamment de toute réévaluation ou aliénation de ses participations par la société. Il s’agit donc d’une règle correctrice ayant une portée propre par rapport au droit comptable. Cette disposition légale constitue une exception au caractère définitif de l’amortissement. Elle permet ainsi au fisc de récupérer les amortissements pratiqués sur des participations qui ne seront vendues qu’à très long terme ou peut-être jamais. En cela, elle complète l’art. 70 al. 4 let. a LIFD qui conduit à la reprise des amortissements lors de la vente de la participation (Robert DANON, op. cit. art. 62, § 43, p. 1229-1230).

9.             Les amortissements ne sont autorisés que sur les actifs qui ont subi une dépréciation définitive ou à tout le moins durable. Seuls les amortissements qui tiennent compte de l’ampleur de la dépréciation sont justifiés par l’usage commercial (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2017 du 16 juillet 2018 consid. 2).

Des amortissements extraordinaires (corrections de valeur) doivent être effectués sur les participations lorsque celles-ci ont durablement perdu de la valeur. La raison de cette moins-value n’est pas pertinente (ATF 119 Ib 116 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_141/2016 du 13 octobre 2016 consid. 3.3 ; 2C_1168/2013 du 30 juin 2014, rés. in RDAF 2015 II 34 consid. 3 ; 2C_309/2013 du 18 septembre 2013 consid. 2 = RDAF 2014 II p. 346).

10.         En l’espèce, il n'est pas contesté que la recourante a acquis le 3 juillet 2018 la filiale monégasque, ainsi que les sociétés G______ auprès d’un tiers indépendant. Dès lors, le prix d'acquisition, à savoir CHF 3'381'522.-, représente en principe la valeur du marché. Un amortissement de cette participation n'est envisageable qu'en cas de perte de valeur de celle-ci ou, selon la doctrine, d'achat à un prix surfait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.3 non publié aux ATF 147 II 155).

La recourante justifie l’amortissement litigieux par les mauvais résultats enregistrés par la filiale monégasque en 2018 et en 2019, ainsi que par la recommandation de son auditeur.

De son côté, l’AFC-GE, se référant au principe de permanence des méthodes d’évaluation, ancré à l’art. 958c al. 1 ch. 6 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), fait valoir qu’il convient d’estimer la participation en 2019 de la même manière qu’en 2018, à savoir par le multiple de l’EBITDA. Elle aboutit à une valeur de CHF 947'086.- pour l’année fiscale 2019.

En 2019, la filiale monégasque a subi une perte de EUR 332'313.- Par ailleurs, à la fin de cette même année, les actifs de cette société ne couvraient pas ses fonds étrangers. En effet, tandis que les premiers totalisaient EUR 670'348.-, les seconds se montaient à EUR 970'873.-. Ainsi, les fonds étrangers étaient négatifs, puisqu’ils se chiffraient à EUR -300'524.-. Par ailleurs, il ne ressort pas du bilan de la filiale monégasque que celle-ci disposerait d’actifs comprenant des réserves latentes.

Il en découle que cette société se trouvait en situation de surendettement, au sens de l’art. 725b CO (cf. Pascal MONTAVON, Abrégé de droit commercial, 6ème édition, 2017, p. 391). Or, jamais un tiers indépendant n’accepterait de payer CHF 3'381'522.-, ni même CHF 947'086.- pour acquérir une société surendettée.

Il convient de retenir qu’à la fin 2019, la participation litigieuse était dépourvue de toute valeur. C’est dès lors à bon droit que la recourante l’a intégralement amortie. Cette déduction n’est cependant pas définitive, puisqu’en application des art. 62 al. 4 LIFD et 21 al. 6 LIPM, les corrections de valeur sur participations, qu'elles s'apparentent à un amortissement ou à une provision, peuvent en tout temps faire l’objet d’une reprise par l’AFC-GE si elles ne sont plus justifiées.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis. Le dossier est renvoyé à l’AFC-GE pour établissement de nouveaux bordereaux prenant en compte un amortissement de la filiale monégasque, en CHF 3'381'522.-.

12.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient gain de cause, est dispensée du paiement d’un émolument. L’avance de frais de CHF 700.-, versée à la suite du dépôt du recours, lui sera restituée.

Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, dès lors qu’elle n’y a pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 juin 2023 par A______ SA contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 22 février 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de taxation dans le sens des considérants ;

4.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à la recourante de l’avance de frais de CHF 700.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Pascal DE LUCIA et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière