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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2195/2021

JTAPI/308/2022 du 25.03.2022 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : LEASING;IMMEUBLE;DÉDUCTION DES INTÉRÊTS PASSIFS;CRÉDIT HYPOTHÉCAIRE;CONCUBINAGE
Normes : LIFD.33.leta; LIPP.34.leta; LIPP.56.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2195/2021 ICCIFD

JTAPI/308/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mars 2022

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Monsieur Alain MARTIGNIER, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2019 de Madame A______ qui, durant l’année en cause, était employée auprès de la société B______ Sàrl.

2.             À teneur du Registre foncier (ci-après : RF), la contribuable est inscrite comme unique propriétaire de la parcelle n° 1______ sise sur la commune de C______ (ci-après : la parcelle).

Le 5 septembre 2018, la D______ (ci-après : D______) a octroyé à la contribuable et à son concubin un prêt hypothécaire d’un montant maximum de CHF 830'000.-, en vue de financer leur résidence principale sur ladite parcelle. Le contrat prévoit qu’en cas de pluralité de débiteurs, ceux-ci sont solidairement responsables, conformément aux art. 143 et ss. de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220).

3.             Dans sa déclaration fiscale 2019, la contribuable a fait valoir en déduction des intérêts et une dette hypothécaires se montant à respectivement CHF 12'937.- et à CHF 830'000.-. Elle a également mentionné des intérêts et une dette chirographaires envers le E______ SA (ci-après : le E______) s’établissant à respectivement CHF 721.- et à CHF 5'165.-, ainsi qu’envers son concubin en CHF 11'954.- et en CHF 415'000.-.

4.             Le 25 mars 2020, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a demandé à la recourante le lui transmettre les justificatifs des dettes et des intérêts.

5.             La contribuable a répondu par lettre du 12 mai 2020.

Elle était codébitrice avec son conjoint de la dette hypothécaire. Le montant de la dette qu’elle avait déclarée envers ce dernier, ainsi que des intérêts y relatifs représentaient la moitié de la valeur du bâtiment et la moitié de la valeur locative nette. Il résultait de la correspondance échangée pour sa taxation 2018 que les concubins étaient économiquement copropriétaires du bâtiment et codébiteurs de l’hypothèque.

La contribuable a produit un contrat de leasing automobile conclu avec le E______, ainsi que ses annexes. Elle a également transmis quatre décomptes d’intérêts pour l’année 2019 établis par la D______ pour un montant total de CHF 12'937.- (arrondi à l’unité), la dette s’élevant à CHF 830'000.-. Ce document précisait le les intérêts seraient débités de l’avoir du compte n° 2______, libellé au nom de la contribuable et de celui de son concubin.

6.             Par bordereaux datés du 3 juin 2020, l’AFC-GE a taxé la recourante pour l’année 2019.

Ce faisant, elle n’a admis en déduction, ni la dette envers son concubin, ni celle liée au leasing automobile, ni non plus les intérêts y relatifs. En revanche, la défalcation des intérêts et la dette hypothécaires a été acceptée à concurrence des montants déclarés.

Les montants de leasing n’étaient pas déductibles fiscalement. Par ailleurs, s’agissant des intérêts et de la dette chirographaires envers son concubin, étant donné que l’immeuble était intégralement imposable auprès de la contribuable, elle ne pouvait faire valoir deux fois la même déduction.

7.             Le 30 juin 2020, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux.

Dans le cadre du contrat de leasing, les intérêts et la dette en capital étaient déductibles conformément aux dispositions légales.

Elle était seule propriétaire de la parcelle, mais copropriétaire avec son concubin du bâtiment édifié sur celle-ci. Elle avait déclaré, conformément à sa taxation 2018, la valeur totale de l’immeuble, à savoir le terrain et le bâtiment, la valeur locative nette, ainsi que la dette et les intérêts hypothécaires. Elle avait déduit la part de son revenu qui n’était pas le sien (demi-valeur locative) et celle de la dette correspondant à la portion du bien dont elle n’était pas propriétaire.

La réclamation portait également sur d’autres points, qui ne sont actuellement plus litigieux.

8.             Par décision du 10 juin 2021, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

Inscrite au RF comme unique propriétaire de l’immeuble, la contribuable était entièrement responsable des impôts y afférents. Pour que la situation particulière fût prise en considération il aurait fallu qu’un droit distinct et permanent soit inscrit au RF, lequel n’emportait toutefois aucun effet rétroactif. Il n’y avait pas lieu de réduire la part de son concubin, qui était déjà comprise dans le montant total.

En outre, le leasing était considéré comme un moyen de financement assimilable à une location, si bien qu’aucune déduction n’était admise sur le plan fiscal.

9.             Par acte du 28 juin 2021, la contribuable, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, en substance, à la déduction de la dette et des intérêts liés au leasing, et à ce que la moitié de la valeur de la dette et des intérêts hypothécaires soient admis en déduction.

Elle a repris, en les développant, les arguments exposés dans sa réclamation.

Lors de l’achat de sa voiture, elle avait conclu un contrat de leasing et elle avait contracté une dette, porteuse d’intérêts. Elle n’avait pas contracté cet emprunt auprès d’une banque, mais auprès du vendeur. Le principe était comparable, seul le créancier différait. C’était à tort que l’AFC-GE assimilait cet endettement à une location, car ce contrat ne prévoyait pas la perception d’intérêts. Partant, les intérêts et la dette liés au leasing étaient déductibles.

10.         Dans sa réponse du 17 août 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Unique propriétaire de l’immeuble de C______, la recourante était imposable sur la totalité de la valeur locative et de la valeur fiscale de ce bien. Elle seule pouvait faire valoir la totalité de la dette hypothécaire grevant cet immeuble. La dette envers son concubin n’était pas admissible, car l’accepter revenait à déduire, pour un même immeuble, une dette supérieure au montant dû envers la D______.

La recourante avait conclu avec un contrat de leasing avec le E______ et non un contrat de prêt à la consommation. Le montant revendiqué en déduction représentait la dette des mensualités de leasing, ainsi que les intérêts y relatifs. Ces sommes constituaient un paiement pour pouvoir utiliser un véhicule durant une période déterminée, assimilables à une location, et donc non déductible.

11.         Par réplique et duplique des 7 et 30 septembre 2021, les parties ont campé sur leurs positions, réitérant leurs arguments exposés dans leurs précédentes écritures.

12.         Le 23 novembre 2021, le tribunal a invité la recourante à lui transmettre toutes pièces justificatives, notamment bancaires, aptes à démontrer qu’elle s’était acquittée en 2019 des intérêts hypothécaires qu’elle faisait valoir en déduction.

13.         Le 30 novembre 2021, la contribuable a transmis au tribunal copie des décomptes déjà produit le 12 mai 2020.

14.         Par lettre du 14 décembre 2021, l’AFC-GE a fait valoir qu’en l’absence d’un droit de copropriété, d’usufruit ou d’habitation du concubin de la recourante, celle-ci était seule redevable de l’impôt sur la fortune et du revenu afférents à l’immeuble. Par conséquent, elle était seule légitimée à déduire la dette et les intérêts en lien avec ce bien. Elle ne pouvait, en revanche, prétendre à une déduction supplémentaire correspondant à la moitié de la dette hypothécaire.

15.         Le 4 février 2022, le tribunal a invité la contribuable à transmettre toutes pièces attestant de la part des intérêts hypothécaires dont elle s’était acquittée en 2019 – notamment un extrait de tous les mouvements du compte bancaire duquel ces intérêts avaient été prélevés.

16.         Le 15 février 2022, la recourante a produit vingt-deux relevés bancaires du compte n° 2______, selon lesquels celui-ci avait été crédité chaque mois à concurrence de CHF 650.- de février à décembre 2019 par M. F______ et, durant la même période, d’une somme identique par la recourante. Elle a également remis quatre avis de débit de ce compte d’un montant de CHF 3'234.15 par débit.

17.         Par pli du 2 mars 2022, l’AFC-GE a exposé que la recourante pouvait déduire la totalité de la dette et des intérêts hypothécaires, étant donné qu’elle était seule imposée sur le bien immobilier. L’application d’une telle solution empêchait que des contribuables puissent choisir le mode de déclaration des éléments en lien avec l’immeuble, en fonction des avantages qu’ils pourraient en retirer.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             En premier lieu, la recourante sollicite la déduction de la dette et des intérêts liés à son contrat de leasing automobile.

4.             Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2A.148/2002 du 7 mai 2002 consid. 3.1 ; RDAF 2017 II 473 consid. 2.1 p. 477 ; RDAF 1993, 416), les mensualités d’un leasing automobile, ainsi que la dette qui y est liée ne sont pas déductibles pour un contribuable salarié. Une dette d’intérêts nécessite l'existence d'une dette de capital. Le contrat de leasing ne remplit justement pas cette condition, car il s’agit d’un transfert d’usage à titre onéreux, comparable fiscalement à un bail à loyer. Cela ne change rien que le propriétaire ait, en vue de l’achat de la chose cédée, employé un capital, dont les intérêts sont pris en compte dans le calcul de la rémunération. Cela vaut également pour le bail. Pour cette raison, la jurisprudence, dans le cas de contribuables salariés, traite les mensualités de leasing pour l’utilisation d’un véhicule privé, de la même manière que le loyer d’un appartement, soit comme une dépense pour assurer leur train de vie, qui n’est pas déductible.

5.             La contribuable ne peut être suivie. C’est à tort qu’elle assimile le contrat conclu avec le E______ avec un crédit contracté auprès d’une banque. En effet, contrairement à ce qui prévaut lorsqu’un emprunt a été souscrit auprès d’un institut bancaire, le rapport de dette fait défaut dans le cas du contrat de leasing automobile, lequel est comparable à un bail. En conséquence, l’intéressée – qui, en 2019, exerçait une activité lucrative salariée auprès de B______ Sàrl – ne peut déduire de son revenu, respectivement de sa fortune, ni les intérêts, ni les mensualités de leasing encore dus par elle.

6.             En second lieu, la recourante fait valoir en déduction, d’une part, la totalité de la dette hypothécaire, à savoir CHF 8’30'000.-, ainsi que les intérêts y relatifs et, d’autre part, une dette envers son concubin, de CHF 415'000.-, soit la moitié de la dette hypothécaire, ainsi que les intérêts qui y sont liés.

7.             Sont déduits du revenu les intérêts passifs privés à concurrence du rendement imposable de la fortune, augmenté d’un montant de CHF 50'000.- (art. 33 let. a LIFD ; art. 34 let. a de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

Sont déduites de la fortune brute les dettes chirographaires ou hypothécaires justifiées par titres, extraits de comptes, quittances d'intérêts ou déclaration du créancier (art. 56 al. 1 LIPP).

8.             La déduction de l’art. 33 let. a LIFD suppose l'existence d'une dette dont le contribuable répond personnellement et définitivement. Lorsque le contribuable est codébiteur solidaire, il ne peut déduire les intérêts passifs qu'à concurrence de la part de la dette dont il répond définitivement. Par conséquent, il est sans importance que le codébiteur solidaire puisse être recherché pour le tout. Il dispose en effet d'un droit de recours contre l'autre ou les autres codébiteurs solidaires, de sorte qu'en définitive il ne répond de la dette que pour sa part. L'insolvabilité éventuelle des codébiteurs n'y change rien (arrêts du Tribunal fédéral 2C_427/2014 du 13 avril 2015 consid. 5.2 ; 2A.508/2001 du 26 juin 2002 consid. 2.1).

9.             Dans un arrêt du 13 avril 2015 (2C_142/2014 in RDAF 2015 II p. 458), le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la question de la déductibilité des intérêts hypothécaires pris en charge à raison de 40 % par une contribuable vivant en concubinage dans une villa, propriété exclusive de son concubin. Les deux concubins étaient preneurs du crédit hypothécaire.

Le Tribunal fédéral a retenu que la déduction ne peut a priori être autorisée que pour les intérêts effectivement versés, ce qui a pour conséquence que seul le débiteur peut procéder à cette déduction. La contribuable doit être qualifiée de débitrice au sens du droit civil et du droit fiscal. Ce qui est déterminant pour la déductibilité, c'est la manière dont la charge des intérêts a été répartie dans les rapports internes. Les deux concubins ne peuvent pas à eux deux porter en déduction plus de 100 % des intérêts effectivement versés. Ceci présuppose une preuve claire au sujet de la répartition des charges. Le Tribunal fédéral s’est posé la question de savoir si les concubins optimisaient leurs charges fiscale en se répartissant le service des intérêts et la dette, mais n’a trouvé aucun indice dans le cas d’espèce.

En conclusion, il a admis que la contribuable était autorisée à déduire de son revenu brut les intérêts hypothécaires payés - et de même à déduire la dette qui les génère de la fortune brute.

10.         En l’espèce, la thèse de l’AFC-GE, liant la déductibilité des intérêts hypothécaires à la qualité de débiteur des impôts immobiliers ne peut être suivie, car elle contrevient clairement à la jurisprudence du Tribunal fédéral arrêtée dans son arrêt 2C_142/2014 cité supra.

La recourante est seule propriétaire de la parcelle. Il résulte du contrat de financement hypothécaire conclu avec la D______ qu’elle est codébitrice solidaire avec son concubin de l’emprunt contracté auprès de la banque. Elle doit ainsi être qualifiée de débitrice au sens du droit fiscal. Il ressort des avis de crédits bancaires transmis au tribunal le 15 février 2022 que durant l’année 2019, les concubins ont alimenté à parts égales le compte n° 2______, duquel les intérêts hypothécaires ont été prélevés par la D______. Puisqu’elle n’a pris en charge que la moitié des intérêts hypothécaires, elle ne peut défalquer que la moitié de la somme débitée du compte commun (CHF 6'468.50) – et non son intégralité – ainsi que la moitié de la dette (CHF 415'000.-).

L’intéressée ne saurait faire valoir une seconde fois ces mêmes déductions à titre de dette envers son concubin, pour tenir compte du fait que celui-ci répond également du paiement de la dette et des intérêts hypothécaires. En effet, donner droit à cette conclusion aurait pour conséquence de permettre à la contribuable de défalquer l’intégralité de la dette et des intérêts, ce que la jurisprudence exclut.

Bien que les bordereaux entrepris admettent des déductions auxquelles la recourante n’a pas droit, le tribunal renoncera à réformer in pejus ses taxations et confirmera ces décisions.

11.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

12.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 juin 2021 par Madame A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 10 juin 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Caroline GOETTE et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière