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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4342/2020

JTAPI/296/2022 du 25.03.2022 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/761/2022

Descripteurs : CONSULTATION DU DOSSIER;FARDEAU DE LA PREUVE;CHARGES COMMERCIALES(DROIT FISCAL);PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;RENVERSEMENT DU FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : LIFD.114; LPFisc.17; LIFD.58; CEDH.6
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4342/2020 ICCIFD

JTAPI/296/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mars 2022

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Mes Fouad SAYEGH et Yacine REZKI, avocats, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne les taxations 2006 à 2015 de A______ SA (ci-après : la société).

2.             Inscrite au Registre du commerce (ci-après : RC) en 1988, la société déploie son activité dans le domaine du recouvrement de créances.

Durant les années en cause, Madame B______, juriste de formation, en était l’administratrice avec signature individuelle. Son mari, Monsieur C______, économiste, exerçait la fonction de directeur financier et a été inscrit au RC jusqu’en 2012.

3.             Par lettre du 26 septembre 2016, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fait part à la société que, dans le cadre d’un contrôle ponctuel de sa déclaration d’impôt 2015, elle procéderait à un contrôle sur place. Elle l’a invitée à présenter son grand-livre, son plan comptable, son journal des écritures, les pièces justificatives, ainsi que les relevés mensuels de ses comptes bancaires.

4.             Il résulte du procès-verbal de l’entretien du 9 novembre 2016 que l’AFC-GE avait passé en revue des frais qu’elle considérait comme revêtant un caractère privé (frais de téléphone, de véhicule et de représentation) et qu’elle s’était posée la question de l’amortissement en 2015 d’un logiciel développé par Monsieur D______.

5.             Par pli recommandé du 7 décembre 2016, l’AFC-GE a informé la société de l’ouverture à son encontre d’une procédure en rappel et en soustraction d’impôt pour les années 2006 à 2014, ainsi que d’une procédure pour tentative de soustraction pour l’année 2015.

À la suite du contrôle mené sur place, elle avait constaté l’existence de charges non justifiées par l’usage commercial, qui avait conduit à une diminution du bénéfice imposable de la contribuable. L’AFC-GE a adressé à la précitée une demande de renseignement en lien avec les travaux [informatiques] confiés à E______ Sàrl.

6.             Au cours d’entretiens qui se sont tenus les 8 et 9 novembre 2016, les époux C______ ont confirmé que la société E______ Sàrl ne devait pas être considérée comme un proche.

7.             Le 20 décembre 2016, le mandataire de la société à cette époque a été reçu dans les locaux de l’AFC-GE. À cette occasion, il a produit différents documents.

8.             Par courriel du 31 octobre 2017, M. C______ a confirmé à son mandataire son accord à une solution négociée avec l’AFC-GE et se rapportant aux reprises concernant les charges liées à E______ Sàrl, aux éléments de la déclaration spontanée, aux frais de téléphone et de représentation, aux primes d’assurance-vie, ainsi qu’à l’amortissement du logiciel. En échange, la quotité des amendes devait être limitée à une demi-fois les impôts soustraits.

9.             Par courriel du 20 novembre 2017, le mandataire de la société a exposé que les époux C______ acceptaient, par gain de paix, une reprise de 10 % au niveau de leurs frais de représentation. Il transmettait une attestation signée par M. C______ sur la reconnaissance de [ses] erreurs.

Dans ce document, daté du 16 novembre 2017 et intitulé « À qui de droit », son auteur indiquait que son épouse et lui n’avaient pas conscience que leurs agissements pouvaient avoir de telles conséquences sur la situation fiscale de leur entreprise ; ils le regrettaient. À l’époque des faits, Mme B______ connaissait une profonde dépression ayant lourdement entamé sa capacité de travail et mis en péril son entreprise. Ils avaient imaginé la constitution d’un capital de retraite de cette manière. Ils avaient décidé de collaborer entièrement avec l’AFC-GE. Elle devait en tenir compte lors de la fixation des amendes.

10.         Le 20 décembre 2018, l’AFC-GE a informé la société de la clôture des procédures ouvertes le 7 décembre 2016 et lui a notifié des bordereaux de rappel d’impôt et, pour l’année 2015, des bordereaux de taxation. Ce faisant, elle a effectué des reprises au niveau de son bénéfice au titre de charges non justifiées par l’usage commercial facturées par E______ Sàrl, F______ Sàrl et G______ Sàrl.

L’AFC-GE lui a également notifié des bordereaux d’amendes pour soustractions intentionnelles, dont la quotité s’élevait aux quatre cinquièmes des impôts soustraits. Pour 2015, celle-ci se chiffrait au huit quinzièmes des droits éludés, dès lors que seule une tentative de soustraction avait été commise. À titre de circonstances aggravantes, l’AFC-GE a retenu la bonne connaissance juridique dont disposaient les organes sociaux, la mise en place de structures insolites, l’importance des montants soustraits, ainsi que le concours avec d’autres infractions. Comme circonstances atténuante, elle a tenu compte de leur bonne collaboration, de leur repentir sincère pour certaines périodes, ainsi que de l’effet économique important des reprises. Enfin, la procédure en soustraction d’impôt s’était terminée sans pénalité pour les années 2006 et 2007.

11.         Le 18 janvier 2019, la société a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux.

L’AFC-GE n’avait, à aucun moment, justifié les reprises en lien avec F______ Sàrl. Or, étant donné que le siège de cette société se trouvait à Genève, il eût été aisé pour le fisc de vérifier sa correspondance liée aux factures et quittances remises.

En outre, il apparaissait que les redressements en lien avec G______ Sàrl se fondaient uniquement sur le fait que ces charges informatiques étaient trop importantes au regard de son activité et de son chiffre d’affaires. Pourtant, elle avait produit des justificatifs signés de la main du propriétaire de G______ Sàrl attestant de la réception des sommes qu’elle avait comptabilisées comme charges. Par ailleurs, les développements informatiques impliquaient des coûts importants sans garantie d’un résultat satisfaisant. Les dépenses revendiquées étaient ainsi justifiées par l’usage commercial.

L’AFC-GE n’avait fourni de justification, ni à propos de la méthode de calcul, ni quant à la raison de la requalification des frais de véhicules, de téléphone et de représentation, qualifiés de privés. Enfin, la société était la bénéficiaire de l’indemnité de l’assurance-vie en cas de réalisation du risque, si bien que la prime y relative constituait une charge justifiée commercialement.

S’agissant des amendes, l’AFC-GE indiquait qu’elle avait retenu un concours d’infractions comme circonstances aggravante. Or, la société ne disposait d’aucune information au sujet de la commission d’autres infractions. En ce qui concernait sa bonne collaboration, elle avait reconnu sans équivoque les prestations en lien avec E______ Sàrl. Il avait été entendu que, par économie de procédure, elle admettrait des reprises en lien avec des frais privés (repentir sincère) en échange de la réduction de la quotité de l’amende. Les discussions avaient porté sur un quantum de 0.5 à 0.66 fois les impôts éludés. En arrêtant celui-ci à 0.8 fois les droits soustraits, l’AFC-GE n’avait pas respecté l’esprit de ces négociations. Les amendes devaient ainsi être revues à la baisse.

12.         Par décision du 18 novembre 2020, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

La comptabilité indiquait que les charges relatives à E______ Sàrl, F______ Sàrl et G______ Sàrl avaient été acquittées par le crédit d’un compte bancaire, mais en réalité, elles avaient été payées en espèces. Les comptes n’étaient ainsi pas tenus conformément aux prescriptions légales.

La contribuable avait reconnu que les frais se rapportant à E______ Sàrl et F______ Sàrl et G______ Sàrl n’étaient pas justifiés commercialement. Elle entretenait par ailleurs des liens étroits ou avait des intérêts des sociétés créancières concernées : Mme B______ était actionnaire et gérante de E______ Sàrl, son mari était associé de F______ Sàrl et M. D______ était un proche du couple C______ depuis plusieurs années.

La société avait remis des tableaux indiquant les montants reçus de la part de E______ Sàrl et de G______ Sàrl. Cependant, les dates et sommes mentionnées ne correspondaient ni aux dates de retraits, ni aux montants. Par ailleurs, la contribuable n’avait transmis ni contrat, ni trace des interventions. Les factures concernant G______ Sàrl avaient été émises plus de quatre ans après la radiation de cette société, de sorte qu’elles ne pouvaient être prises en considération.

La contribuable ne contestait pas le principe des amendes, mais uniquement leur quotité. L’on se trouvait en présence d’un concours d’infractions, étant donné que la société avait dissimulé des éléments imposables dans plusieurs déclarations. S’agissant du repentir sincère en échange de la diminution de la quotité des amendes, elle avait déjà identifié de nombreuses charges non justifiées. Il avait été discuté une quotité raisonnable des reprises des reprises. Elle n’avait articulé aucune quotité d’amende. Enfin, elle avait fait preuve de modération, compte tenu des nombreuses circonstances aggravantes et elle avait pris en considération les circonstances atténuantes.

13.         Par acte du 18 décembre 2020, la société, sous la plume de son nouveau mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, principalement à la réforme de la décision du 18 novembre précédent, ainsi qu’à son acquittement et, subsidiairement à ce que l’AFC-GE soit enjointe de produire l’intégralité de ses notes internes, le tout sous suite de frais et dépens.

Son approche et sa valeur ajoutée consistait à traiter des dossiers de recouvrement en négociant avec les débiteurs. Elle avait eu recours aux services de M. D______, programmeur, qui avait conçu un logiciel répondant à ses besoins.

L’enjeu principal de la cause consistait à déterminer si l’AFC-GE avait formulé une promesse ferme selon laquelle la quotité des amendes serait réduite au deux tiers des impôts éludés en contrepartie des aveux des époux C______ et de sa lettre d’excuses. Leurs aveux étaient inexploitables. Ils avaient été obtenus alors que Mme B______ se remettait à peine de graves problèmes de santé. Ils avaient été concédés par gain de paix et en contrepartie de la promesse d’une diminution de la quotité des amendes. Or, l’autorité intimée n’avait pas réduit le montant de l’amende.

Il convenait d’entendre le ou les enquêteurs impliqués dans la procédure de contrôle, l’ancien mandataire de la société, les époux C______ et de requérir l’accès aux notes internes de l’AFC-GE, laquelle tenait en principe un journal synthétisant le contenu des entretiens.

S’agissant de la déductibilité des charges, c’était à tort que l’AFC-GE lui reprochait l’absence de justificatifs détaillés et prétendait que les pièces produites étaient trop générales et vagues. En effet, la procédure liée aux bordereaux d’amendes était soumise au principe de la présomption d’innocence. Il en résultait que le fardeau de la preuve quant à la non-déductibilité des charges incombait à l’autorité intimée. Celle-ci devait ainsi démontrer – ou à tout le moins rendre plausible – que les charges n’étaient pas déductibles et que leur déduction constituait une soustraction d’impôt. Puisque les reprises ne se fondaient que sur des aveux inexploitables, elles devaient être annulées.

14.         Dans sa réponse du 14 mai 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

M. C______ avait décidé, de son propre chef, d’écrire un courrier par le biais de son mandataire. Elle avait découvert les inexactitudes dont était entachée la comptabilité de la recourante et avait poursuivi ses investigations compte tenu des incohérences manifestes entre la comptabilité, les documents bancaires et les pièces justificatives présentées. Ainsi, il était sans fondement de prétendre qu’elle fondait l’essentiel de son argumentation sur les aveux des époux. Même s’ils n’avaient pas exprimé d’aveux pour E______ Sàrl, elle disposait de suffisamment d’éléments pour refuser la déduction des charges en lien avec F______ Sàrl et G______ Sàrl.

La demande d’accès aux notes internes devait être rejetée car le droit de consulter le dossier ne s’étendait pas à ces documents.

Il ne lui incombait pas de prouver en quoi la déduction des charges constituait une soustraction.

En fixant la quotité des amendes à quatre cinquièmes des impôts éludés pour la soustraction consommée et à huit quinzièmes pour la tentative de soustraction, elle n’avait pas outrepassé son pouvoir d’appréciation. Elle avait au contraire tenu compte de toutes les circonstances. Elle n’avait pas demandé à la contribuable, respectivement aux époux C______, de rédiger une « attestation à qui de droit » et ne s’était par ailleurs jamais prononcée sur une éventuelle proposition de réduction de la quotité des amendes. Enfin, les « aveux » des époux C______ ne constituaient pas une circonstance aggravante, mais au contraire, une circonstance atténuante, qui avait été prise en compte dans la fixation de la quotité des amendes.  

15.         Par réplique du 6 juillet 2021, la société a maintenu son recours.

Elle souhaitait entendre, à titre de témoins, les époux C______, M. D______, ainsi que Monsieur H______, son précédent mandataire.

Elle n’avait pas remis de son propre chef la lettre d’excuses contenant ses aveux. Ceux-ci avaient fait l’objet d’âpres négociations avec l’AFC-GE, à l’issue desquelles l’enquêteur en charge du dossier avait explicitement proposé un accord visant à réduire la quotité de la peine en contrepartie d’aveux.

La remise de paiement en espèces à E______ Sàrl ne suffisait pas pour procéder à un rappel d’impôt concernant les charges en lien avec cette société. L’AFC-GE indiquait avoir examiné de manière approfondie ces dépenses « compte tenu des aveux ». Elle avait motivé la reprise sur les charges en lien avec F______ Sàrl et G______ Sàrl, car elles étaient plutôt similaires à E______ Sàrl. En l’absence d’aveux, l’AFC-GE aurait été contrainte d’effectuer une analyse des prix de transfert et d’examiner en détail les prestations des sociétés pour lesquelles les charges avaient été refusées.

Le principe de l’égalité des armes exigeait que les autorités de poursuite transmettent à la défense toutes les preuves pertinentes. Or, les notes internes constituaient des éléments à décharge lui permettant de démontrer l’existence d’une promesse d’une réduction de la quotité des amendes en contrepartie de ses aveux.

S’agissant des incohérences figurant dans la comptabilité, il n’était pas inhabituel que la facture soit établie en fin d’année, la date d’émission n’ayant pas à correspondre à celle du paiement. L’indication de références bancaires sur une facture ne faisait pas obstacle à un paiement en espèces. Ces montants n’avaient pas à être arrondis à la décimale. Enfin, les factures ne devaient pas indiquer le détail des prestations.

16.         Dans sa duplique du 30 juillet 2021, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

17.         Le 18 août 2021, la société a déposé des observations spontanées.

18.         Le 25 janvier 2022, le tribunal a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

Mme B______ a déclaré que Monsieur I______, contrôleur en charge du dossier, lui avait fait comprendre, ainsi qu’à son époux que s’ils avouaient que l'argent transféré à la société E______ Sàrl revenait à leur avantage, ils bénéficieraient d'une réduction de l'amende et que le contrôle se terminerait. Son mari avait ainsi transmis le document « À qui de droit » du 16 novembre 2017 à leur mandataire, M. H______ qui, le 31 octobre précédent, avait écrit un courriel à l'attention de M. I______ récapitulant les termes de leur accord. Ils n’avaient reçu aucune confirmation de l’AFC-GE au sujet de la suite de l’accord conclu.

Madame J______, contrôleuse fiscale, a exposé qu’elle avait remplacé M. I______, en congé maladie, ainsi que l’autre contrôleur, qui avait changé de service. L’AFC-GE ne se prononçait jamais sur la quotité de l'amende lors des discussions avec les contribuables. En cas de repentir sincère, l'attitude du contribuable pouvait amener à une réduction de la quotité de l'amende. Le document du 16 novembre 2017 ne mettait pas fin à la procédure dans la mesure où ce n'était pas un accord. L'AFC-GE avait encore l'intention d'instruire la procédure et un entretien avec M. H______ avait eu lieu le 8 décembre 2017. Elle ne demandait jamais de lettre d’excuses et ne signait jamais d'accord avec un contribuable, mais si celui-ci reconnaissait, par exemple un pourcentage de frais de représentation non-justifié, ce pourcentage était repris dans le cadre de la taxation. Enfin, elle ne faisait que contrôler la comptabilité et vérifier que les frais étaient justifiés par l'usage commercial, mais ne s'intéressait pas à la réalité de l'existence ou non des logiciels informatiques.

19.         Le 16 février 2022, la recourante a présenté des observations à la suite de l’audience du 25 janvier précédente.

Se fondant sur un courriel de M. H______ du 14 février 2022 annexé, elle a fait valoir que M. I______ avait demandé aux époux C______ la rédaction d’une lettre d’aveux en contrepartie d’engagements qui n’avaient pas été tenus.

Afin de démontrer le caractère commercialement justifié des charges informatiques, il convenait de s’intéresser à l’existence des logiciels et du bien-fondé des dépenses consenties par elle en vue de leur développement. Elle a produit une analyse des coûts informatiques qui lui avaient été facturés par M. D______ de 2006 à 2014, rédigée le 10 février 2022 par Monsieur K______.

20.         Le 16 février 2022, l’AFC-GE s’est déterminée, consécutivement à l’audience du 25 janvier précédente. Elle s’était limitée à rester objective et à fonder son argumentation sur les éléments factuels du dossier. L’ensemble des reprises liées aux sociétés E______ Sàrl, F______ Sàrl et G______ Sàrl étaient basées sur l’absence de justifications probantes.

21.         Par pli du 3 mars 2022, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse, à l’exception des reprises portant sur l’année 2006, le rappel d’impôt étant prescrit.

22.         Les arguments de la recourante seront repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l'autorité fiscale lui permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou qu'une taxation entrée en force est incomplète ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l'autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l'impôt qui n'a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 LIFD ; art. 59 al. 1 LPFisc).

4.             Au jour du présent jugement, le rappel d’impôt afférent à l’année fiscal 2006 est prescrit (art. 152 al. 3 LIFD ; art. 61 al. 3 LPFisc), de sorte que les bordereaux de rappel d’impôt 2006 du 20 décembre 2018 sont annulés.

5.             La recourante sollicite l’accès aux pièces internes de l’AFC-GE.

6.             Le droit du contribuable à la consultation du dossier est une garantie constitutionnelle issue de l'art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

7.             Le contribuable a le droit de consulter les pièces du dossier qu’il a produites ou signées (art. 114 al. 1 1ère phr. LIFD ; art. 17 al. 1 LPFisc). Il peut prendre connaissance des autres pièces une fois les faits établis et à condition qu’aucune sauvegarde d’intérêts publics ou privés ne s’y oppose (art. 114 al. 2 LIFD ; art. 17 al. 2 LPFisc). Lorsqu’une autorité refuse au contribuable le droit de consulter une pièce du dossier, elle ne peut se baser sur ce document pour trancher au détriment du contribuable que si elle lui a donné connaissance, oralement ou par écrit, du contenu essentiel de la pièce et qu’elle lui a au surplus permis de s’exprimer et d’apporter ses propres moyens de preuve (art. 114 al. 3 LIFD ; art. 17 al. 4 LPFisc).

L’autorité qui refuse au contribuable le droit de consulter son dossier confirme, à la demande de celui-ci, son refus par une décision susceptible de recours (art. 114 al. 4 LIFD ; art. 17 al. 5 LPFisc).

8.             Le droit à la consultation du dossier ne s’étend pas aux documents internes d’une procédure administrative, soit aux documents qui ne servent pas de preuves à l’autorité et ne revêtent qu’un usage interne, c’est-à-dire servent à la formation de l’opinion interne de l’autorité (ATF 132 II 485 consid. 3.4 ; ATF125 II 473 consid.4a = RDAF 2000 I 631). Les notes internes comprennent, par exemple, les projets et les notes du fonctionnaire fiscal chargé de l'affaire, les procès-verbaux des réunions et la correspondance au sein de l'autorité concernant l'appréciation juridique ou la procédure de taxation, ainsi que les ordonnances du juge délégué d'une autorité de recours (arrêt du Tribunal fédéral 2C_136/2011 du 30 avril 2012 consid. 2).

9.             En l’occurrence, la société demande l’accès aux notes internes de l’AFC-GE, en vue de démontrer que celle-ci lui aurait promis une réduction de la quotité des amendes en contrepartie d’aveux exprimés par les époux C______. Cette conclusion doit être rejetée, car le droit à la consultation de tels documents n’existe pas. De toute manière, ces pièces ne revêtent aucune valeur probante et ne peuvent justifier des reprises. Au reste, ainsi qu’il sera démontré dans les considérants qui suivent, l’autorité intimée n’est pas fondée sur celles-ci pour procéder aux redressements litigieux.

Partant, la requête de consultation doit être rejetée.

10.         La société sollicite l’audition du contrôleur en charge du dossier, de son précédent mandataire (M. H______), ainsi que de M. D______.

11.         Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 et les références citées).

12.         En l'espèce, le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires à l'examen des griefs de la recourante, de sorte qu'il n'y a pas lieu de donner suite à l'audition des témoins sollicitée. L'on voit d'ailleurs mal ce qu'elle pourrait apporter de plus que les pièces déjà présentes au dossier. En particulier, la contribuable a transmis un courriel de M. H______, daté du 14 février 2022 détaillant, selon elle, les circonstances dans lesquelles les époux C______ avaient exprimé des aveux en échange d’une réduction de la quotité de l’amende. Le contrôleur en charge du dossier, ou plus exactement sa remplaçante, a été entendue oralement lors de l’audience du 25 janvier 2022. Enfin, s’agissant de la justification des charges informatiques facturées par M. D______, la société a produit, une analyse réalisée le 10 février 2022 par M. K______.

Partant, la requête d’audition de témoins est rejetée.

13.         La société conteste les reprises opérées par l’AFC-GE.

Dans un premier grief, elle se plaint d’une violation par l’AFC-GE des règles sur le fardeau de la preuve, lui reprochant de lui avoir indûment imposé de démontrer le caractère commercialement justifié des charges litigieuses.

14.         Sont déduites du bénéfice net les charges justifiées par l’usage commercial (art. 59 LIFD et 13 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 - LIPM - D 3 15).

15.         Des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l'usage commercial justifie les frais en cause. Conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d'apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées sont en relation directe avec l'acquisition ou le maintien du chiffre d'affaires. Il ne suffit pas d'en tenir une liste (arrêts du Tribunal fédéral 2C_273/2013 du 16 juillet 2013 consid. 3.3 ; 2A.461/2001 du 21 février 2002 consid. 3.1 ; ATA/1249/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5b).

16.         L'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne trouve pas application dans les procédures fiscales qui n'ont pas un caractère pénal. Les procédures en rappel d'impôt n'y sont donc pas soumises. En revanche, la procédure réprimant la soustraction fiscale est une procédure à caractère pénal à laquelle l'art. 6 CEDH est applicable (ATF 140 I 68 consid. 9.2).

17.         En l’espèce, il résulte des règles relatives au fardeau de la preuve qu’il incombe à la société de prouver le caractère justifié par l’usage commercial des charges litigieuses et non à l’AFC-GE de démontrer que lesdites dépenses ne sont pas justifiées commercialement. Par ailleurs, dès lors que la procédure de rappel d’impôt ne revêt aucun caractère pénal, le principe de la présomption d’innocence, dont la précitée se prévaut, et qui trouve son fondement notamment à l’art. 6 par. 2 CEDH, ne s’applique pas.

Il s’ensuit que l’autorité intimée a fait une application correcte des règles relatives au fardeau de la preuve.

18.         Dans un second grief, la recourante fait valoir que les reprises doivent être annulées, au motif qu’elles se fondent exclusivement sur des aveux exprimés par les époux C______, qui ne sont pas exploitables. Elle se fonde en particulier sur le courriel de M. H______ du 14 février 2022, selon lequel M. I______ avait sollicité de sa part une lettre d’aveux s’agissant des charges liées aux logiciels développés par E______ Sàrl, qui devaient être utilisés dans la procédure de rappel et de soustraction, en contrepartie desquels la quotité de l’amende serait réduite au minimum. La remise d’une telle lettre devait mettre fin à l’ensemble de la procédure. Au moment des négociations portant sur la lettre d’aveu, l’AFC-GE n’avait formulé aucune question portant sur les charges liées aux programmes informatiques de M. D______, de F______ Sàrl, alors même qu’elle disposait de tous les documents relatifs aux charges inhérentes à ces programmes. La recourante fait également valoir que les déclarations ont été consenties alors que Mme B______ se remettait à peine de graves problèmes de santé. Or, l’autorité intimée avait enfreint sa promesse, puisque la quotité des amendes avait été arrêtée à quatre cinquièmes des impôts éludés, s’agissant des soustractions consommées et à huit quinzièmes de ceux-ci pour ce qui était des tentatives de soustraction. Enfin, en l’absence de tels aveux, l’AFC-GE aurait été contrainte de procéder à une analyse complète des prix de transfert et d’examiner en détail les prestations des sociétés pour lesquelles les charges avaient été refusées.

19.         L’autorité intimée ne partage pas son point de vue. Elle fait valoir que le document que la société nomme « aveux » a été remis de son propre chef par M. C______. Aucune conclusion n’en a été tirée, puisqu’elle disposait d’assez d’éléments pour procéder aux reprises, à savoir par l’examen des pièces comptables et des justificatifs. De toute manière, elle ne demande jamais de lettres d’excuses de la part du contribuable, ne signe jamais d’accord avec lui et ne se prononce pas sur la quotité de l’amende.

20.         La recourante ne peut être suivie.

a. Elle ne peut tirer aucune conclusion du fait que Mme B______ avait connu de graves ennuis de santé. En effet, elle n’était pas sa seule animatrice, puisque son époux exerçait la fonction de directeur financier et qu’il a été inscrit au RC jusqu’en 2012. Par ailleurs, ce dernier était présent lors du contrôle qui s’est tenu dans ses locaux les 8 et 9 novembre 2016. En outre, c’est lui qui a signé l’attestation « à qui de droit du 16 novembre 2017 », qu’elle qualifie d’aveux. Enfin et surtout, celle-ci a été représentée par un mandataire dès que les procédures en rappel et en soustraction d’impôt ont été ouvertes.

b. C’est également à tort que la recourante soutient que, sans les prétendus aveux, l’AFC-GE aurait été contrainte de procéder à une analyse complète des prix de transfert et d’examiner en détail les prestations des sociétés pour lesquelles les charges avaient été refusées. En effet, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, il incombe à la société de démontrer le caractère justifié par l’usage commercial de ces dépenses.

c. L’attestation du 16 novembre 2017, signée par M. C______, n’a pas la portée que la société lui prête. Son ancien mandataire indique qu’elle concerne la reconnaissance des erreurs commises par les époux. Il en ressort qu’ils demandent à l’AFC-GE de tenir compte de leur pleine et entière collaboration dont ils ont fait preuve au cours de la procédure de rappel et de soustraction d’impôt. Toutefois, le contenu de ce document demeure trop vague pour que, de bonne foi, l’on puisse en inférer que son auteur reconnaisse l’existence de soustractions déterminées au point qu’il suffise à fonder les reprises litigieuses. Cette pièce ne saurait, par conséquent, être qualifiée d’aveux. La recourante ne non plus saurait tirer aucun avantage des courriels des 31 octobre 2017 et 14 février 2022, qui font état d’une reconnaissance des reprises en échange d’une réduction de la quotité des amendes, dès lors qu’ils ont été échangé entre M. C______ et son mandataire. En effet, elle ne démontre pas que l’autorité intimée lui aurait jamais promis une quelconque réduction de la quotité des amendes en échange d’aveux, ni qu’elle aurait validé une proposition en ce sens. Au contraire, lors de l’audience du 25 janvier 2022, Mme J______ a déclaré que l’AFC-GE ne signait jamais d’accord avec les contribuables et qu’elle ne se prononçait pas sur la quotité des amendes durant la procédure.

21.         Il convient d’examiner si la société – à qui le fardeau de la preuve incombe – a démontré que les charges litigieuses sont justifiées par l’usage commercial.

22.         La fonction première de la comptabilité commerciale est de fournir un système d’information fiable. Cette fiabilité intéresse en particulier les créanciers et les actionnaires de l’entreprise ou encore l’administration fiscale (déclaration d’impôt). Le principe d’intégralité (art.957a al.2 ch.1 et 958c al.1 ch.1 CO) exige que toutes les informations qui sont nécessaires à l’évaluation de la situation économique de l’entreprise (art.957a al.1 CO) soient communiquées. En particulier toutes les dettes de l’entreprise doivent être complétement enregistrées. Le principe de fiabilité, quant à lui, englobe les principes de l’exactitude des comptes, de la sincérité (fidélité) du bilan et de l’absence d’arbitraire. Selon ce principe, les informations fournies dans les comptes doivent être exemptes d’erreurs importantes et de distorsions. En particulier, les écritures ne doivent pas être falsifiées ou déformées. De plus, les transactions doivent être enregistrées chronologiquement et intégralement dans un journal, la comptabilité doit être tenue en partie double et les comptes doivent s’aligner sur une structure logique qui soit conforme à un plan comptable reconnu.

Le principe de justification de chaque enregistrement par une pièce comptable, qui concerne l’établissement de la comptabilité (art.957a al.2 ch 2 CO), commande de documenter chaque opération significative par une pièce comptable reflétant l’élément de fait concerné (MSA 2014, 33). En l’occurrence, la pièce justificative doit porter le libellé de l’écriture, son montant, les références de l’émetteur et la date de son établissement (Robert DANON in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2ème édition, 2017, art. 58 § 21 - 24, p. 1059-1060).

23.         Devant le tribunal, seules demeurent litigieuses les reprises relatives aux charges en lien avec les sociétés E______ Sàrl, F______ Sàrl et G______ Sàrl.

24.         En ce qui concerne que les redressements liés E______ Sàrl, la recourante se contente de prétendre qu’ils découlent d’aveux inexploitables et que l’AFC-GE n’a pas démontré que ces coûts n’étaient pas justifiés par l’usage commercial. Cette argumentation doit être rejetée, pour les motifs exposés supra (consid. 15 et 20c). Partant, les reprises seront validées.

25.         S’agissant des reprises en rapport avec G______ Sàrl et F______ Sàrl, l’AFC-GE fait valoir qu’elles ne découlent pas des aveux des époux C______, mais de ses propres investigations. En particulier, aucune trace des interventions n’est référencée et aucun carnet d’intervention, ni timesheet n’a été remis. Il n’existe pas d’échange de lettres concernant la maintenance et les dépannages hors contrat. Elle a par ailleurs pu relever de nombreux indices relatifs à la problématique des charges comptabilisées.

De son côté, la recourante justifie les charges liées au développement des logiciels par la production d’une expertise réalisée par M. K______. Ce document détaille les frais relatifs au développement d’un logiciel de recouvrement de créances créé par M. D______ pour la recourante. De 2006 à 2008, il a facturé CHF 68'400.-, ce qui représente approximativement CHF 205'200.- sur trois ans. Pour les périodes suivantes, les coûts se montaient à respectivement CHF 41'210.- (2009), CHF 173494.- (2010), CHF 101'035.- (2011), CHF 167'973.- (2012), CHF 196'154.- (2013) et 172'413.- (2014). L’auteur de cette expertise estime que la recourante a dû rémunérer M. D______ a hauteur de quelque CHF 1 million.

26.         Le point de vue de l’AFC-GE doit être approuvé. Les retraits effectués par la recourante en cours d’année ne sont pas justifiés par une facture correspondante, ni par un quelconque autre document. Certes, les deux sociétés en question établissent des factures à la fin de l’année, mais leurs montant ne correspond pas au total des montants reçus en espèce par ces entreprises, qui ressortent de tableaux signés par elles.

L’examen de la comptabilité fait apparaître plusieurs irrégularités.

Alors que la recourante indique avoir réglé ces sociétés en espèces, les écritures figurants au débit de ses comptes de charges n° 1______ (F______ Sàrl) et n° 2______ (G______ Sàrl) ont pour contre-écritures le compte passif n° 3______ (banque).

La contribuable objecte que la mention d’un compte bancaire n’exclut pas le paiement en espèces. Cette explication ne résiste pas à l’examen. En effet, si les factures émises par ces deux sociétés concernaient l’exercice commercial en cours, elles doivent tenir compte des versements effectués en cours d’année, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En revanche, si elles se rapportent à l’année suivante, la contribuable doit avoir recours à un compte d’actif transitoire et les montants débités de ses comptes de charges doivent être compensés par des crédits équivalents. Ainsi, son compte d’exploitation ne serait pas touché. Or, la recourante n’a pas procédé de la sorte.

Il s’ensuit que la comptabilité viole plusieurs principes du droit commercial notamment et ne revêt ainsi force aucune probante. Force est ainsi de constater que la contribuable n’a pas été en mesure de prouver à satisfaction de droit la justification par l’usage commercial des charges ayant fait l’objet des reprises.

Enfin, si l’expertise de M. K______ fait certes état d’un travail important déployé par M. D______, les montants qu’il aurait facturés à la recourante pour son activité informatique et qui sont évoqués dans ce document, ne sont étayés par aucune pièce justificative.

Il s’ensuit que les reprises en lien avec G______ Sàrl et F______ Sàrl seront dès lors confirmées.

27.         La société conteste les amendes, en se prévalant notamment d’une violation du principe de la présomption d’innocence et de l’inexploitabilité des aveux des époux C______.

28.         Est notamment puni d'une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète (art. 175 al. 1 LIFD). En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait ; si la faute est légère, l'amende peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD).

Selon les art. 181 al. 1 LIFD et 74 al. 1 LPFisc, lorsque des obligations de procédure ont été violées ou qu'une soustraction ou une tentative de soustraction d'impôt a été commise au profit d'une personne morale, celle-ci est punie d'une amende.

Pour que cette infraction soit retenue, il faut qu'il y ait soustraction d'un montant d'impôt, en violation d'une obligation légale incombant au contribuable, une faute de ce dernier, ainsi qu'un lien de causalité entre le comportement illicite et la perte fiscale subie par la collectivité (arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2018 du 17 juin 2019 consid. 4.2.1).

Lorsque la soustraction d'impôt est commise au profit une personne morale, la faute au sens des art. 175 al. 1 LIFD ne peut être qu'un attribut de la personne physique, soit d'un organe de la personne morale, dont le comportement doit être imputé à celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2C_11/2018 du 10 décembre 2018 consid. 10.2).

29.         Le bien juridiquement protégé par les art. 175 LIFD est le patrimoine de la collectivité publique, qui est lésé dès lors que les ressources financières n’augmentent pas conformément à ce que prévoit la loi fiscale. Ces dispositions protègent la créance fiscale en tant que fortune de la collectivité publique (ATF 121 II 257 consid. 5b). La soustraction fiscale suppose tout d’abord objectivement une insuffisance, totale ou partielle, dans le montant de l’impôt qui résulte d’une taxation. Le dommage porté aux intérêts pécuniaires de la collectivité correspond à la différence entre le montant de l’impôt fixé dans la décision définitive de taxation et le montant qui aurait été dû si le contribuable n’avait pas violé ses obligations. Dans ce contexte, le principe de périodicité prend une importance déterminante en raison du besoin de l’État d’assurer une source régulière de rentrées fiscales, afin de financer les tâches qui lui sont dévolues (arrêt du Tribunal fédéral 2C_907/2012 du 22 mai 2013 consid. 5.3.1).

La soustraction est punissable aussi bien lorsqu'elle est commise intentionnellement que lorsqu'elle l'est par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_813/2017 du 17 septembre 2018 consid. 9.3 et les arrêts cités). La conformité du comportement du contribuable à ses obligations légales s'examine de manière objective, et non suivant la représentation subjective que celui-ci avait des événements à l'époque (ATA/203/2014 du 1er avril 2014 consid. 6c).

30.         La procédure réprimant la soustraction fiscale est une procédure à caractère pénal à laquelle l'art. 6 CEDH est applicable (ATF 140 I 68 consid. 9.2).

31.         Le principe de présomption d'innocence ancré aux art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH s'applique en matière de procédure pénale. Il constitue un aspect particulier du droit à un procès équitable garanti à l'art. 6 § 1 CEDH (arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme Janosevic c. Suède, du 23 juillet 2002, req. no 34619/97, § 96 ; ACEDH Phillips c. Royaume-Uni, du 5 juillet 2001, req. no 41087/98, § 40 ; ACEDH Barbera, Messegué et Jabardo c. Espagne, du 6 décembre 1988, req. no 10590/83, § 67). Il interdit aux autorités d'accomplir leurs devoirs en partant de l'idée que les personnes faisant l'objet d'une enquête sont coupables des faits qui leur sont reprochés (ACEDH Chambaz du 5 avril 2012, req. no 11663/04 § 70 ; ACEDH Barbera précité § 77). Il oblige aussi l'accusation à supporter la charge de prouver les allégations dirigées contre la personne poursuivie (ACEDH Phillips précité § 40 ; ACEDH Barbera § 77). Sur la base de ce principe, l'administration fiscale doit prouver qu'il existe des motifs d'infliger des majorations d'impôts en application des lois pertinentes (ACEDH Janosevic précité § 98).

32.         Cependant, le droit de la personne poursuivie d'obliger l'accusation à prouver les allégations dirigées contre elle n'est pas absolu. En effet, tout système juridique connaît des présomptions de fait ou de droit, auxquelles la CEDH ne met pas obstacle en principe du moment que les États contractants ne franchissent pas certaines limites prenant en compte la gravité de l'enjeu et préservant les droits de la défense (ACEDH Phillips précité § 40). Les États contractants doivent ménager un équilibre entre l'importance de l'enjeu et les droits de la défense ; en d'autres termes, les moyens employés doivent être raisonnablement proportionnés au but légitime poursuivi (ACEDH Janosevic précité § 101). De plus, la CourEDH n'est pas appelée à examiner in abstracto la compatibilité des présomptions posées par la législation nationale avec la CEDH, mais à déterminer si la manière dont cette présomption a été appliquée dans le cas concret a violé le droit à un procès équitable au sens de l'art. 6 § 1 CEDH (ACEDH Phillips précité § 41).

33.         Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_207/2019 du 16 juillet 2019) En matière d'administration des preuves, il ne confère cependant pas plus de droits au justiciable que ne le fait l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt 1C_407/2007 du 31 janvier 2008 consid. 5.2). Il en découle qu'en l'occurrence, l'examen du respect de l'art. 6 par. 1 CEDH se confond avec celui de la disposition constitutionnelle précitée.  

34.         En l’occurrence, la recourante ne peut être suivie.

En effet, contrairement à ce qu’elle soutient, l’AFC-GE n’a pas utilisé des aveux que les époux C______ auraient formulés en échange d’une réduction de la quotité de l’amende. En outre, c’est indûment qu’elle se prévaut d’une violation du principe de la présomption d’innocence. Bien que la procédure de soustraction d’impôt présente un caractère pénal, le fardeau de la preuve du caractère justifié par l’usage commercial des charges déduites par la recourante n’est pas renversé. Or, en l’espèce, la contribuable n’a pas prouvé que les charges objets des reprises étaient justifiées commercialement. Pour le surplus, elle ne prétend pas que les époux C______ – dont la faute lui est imputable – n’auraient agi que par simple négligence, voire qu’ils n’auraient commis aucune faute du tout. Enfin, il s’avère que la quotité des amendes, soit quatre cinquième des impôts soustraits, ne se révèle pas excessive, puisque l’AFC-GE a pris en compte tant les circonstances atténuantes (bonne collaboration des époux, repentir sincère et important effet économique des reprises) que les circonstances aggravantes (bonnes connaissances juridiques des précités, concours d’infractions et structures insolites).

En conséquence, les bordereaux d’amendes sont confirmés.

35.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement en ce sens que les bordereaux de rappel d’impôt 2006 du 20 décembre 2018 sont annulés ; il est en revanche rejeté pour le surplus.

36.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 400.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 décembre 2020 par A______ SA contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 18 novembre 2020 ;

2.             l’admet partiellement ;

3.             annule les bordereaux de rappel d’impôt 2006 du 20 décembre 2018 ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l'avance de frais de CHF 100.- ;

6.             condamne l’État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 400.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Jean-Marie HAINAUT et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière