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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/134/2022

JTAPI/43/2022 du 20.01.2022 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL);VIOLENCE DOMESTIQUE
Normes : LVD.8; LVD.2; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/134/2022 LVD

JTAPI/43/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 janvier 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

Madame B______ et Madame C______

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 16 janvier 2022, prise en application de l'art. 8 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 (LVD - F 1 30), le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de dix jours - à savoir du 16 janvier 2022 à 22h30 au 26 janvier 2022 à 22h30 - à l'encontre de Monsieur A______ lui interdisant de contacter et de s'approcher de Mesdames B______ et C______, et de s'approcher ou de pénétrer à leur adresse privée, située chemin D______, ainsi qu’à l’adresse E______.

Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association F______, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 LVD), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

a frappé sa fille C______ d’un coup de poing au visage de manière à lui provoquer une rougeur à l’œil. L’avoir traitée de « garce » et « pauvre fille ». Avoir traité son épouse, B______, de « porc » et de « cesso », ainsi que précédemment avoir dit à son épouse et sa fille qu’elles étaient « grosses et inutiles », les avoir menacées de les enterrer et de tout brûler.

M. A______ démontre par son comportement violent qu'il est nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes » (sic).

2.             M. A______ a immédiatement déclaré s'opposer à cette mesure devant le commissaire de police, lequel a transmis cette opposition au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le jour même.

3.             Il résulte du rapport de renseignements établi par la police le 16 janvier 2022 que Mmes B______ et C______ se sont présentées au poste de police des Pâquis afin de signaler qu'elles subissaient des violences de la part de M. A______, mari de la première et père de la seconde.

Il ressortait de l'audition de la première qu'un conflit avait éclaté le 15 janvier 2022 à leur domicile. Durant le conflit M. A______, alcoolisé, s'était montré agressif envers sa femme ainsi que sa fille et les aurait injuriées.

Durant les 36 derniers mois, aucune intervention au domicile conjugal n'était à relever. M. A______ n'avait pas d'arme enregistrée à son nom.

4.             Il ressort du procès-verbal d'audition de Mme C______ qu'elle vivait ainsi que son grand frère, âgé de 25 ans, chez ses parents. La relation entre ces derniers était très mauvaise mais à sa connaissance, ils n'avaient pas entamé de démarche de divorce. Sept ou huit ans plus tôt, elle, sa mère et son frère avaient quitté le domicile suite à un épisode de violence au cours de laquelle la police était intervenue. À cette occasion, son père était rentré ivre, avait insulté tout le monde et il s'était saisi d'un couteau. Elle ne se rappelait pas des détails. Ils étaient retournés au domicile trois mois plus tard et son père était également revenu vivre avec eux car ils avaient eu pitié de lui et que toute la famille leur avait promis qu'il serait gentil.

Elle ne parlait plus à son père depuis deux ans. Elle restait à la maison pour sa mère. Son père était dépressif et alcoolique et refusait de se faire aider. Elle entendait régulièrement ses parents se disputer. Lorsqu'il buvait, son père devenait vraiment très agressif et violent. Il prenait très régulièrement les poignets de sa mère qu'il serrait très fort ce qui avait parfois pour effet de laisser des bleus. Sa mère n'avait jamais fait constater ces marques par un médecin. Elle n'avait jamais vu son père frapper sa mère.

Elles subissaient très régulièrement des insultes. Il leur disait qu'elles étaient grosses, qu'elles ne servaient à rien et il les injuriait en italien. Il les menaçait très régulièrement, disant qu'il allait les enterrer, qu'il allait mettre le feu à tout. Il disait qu'il ne partirait que quand sa mère lui aurait donné l'argent de son deuxième pilier ce qui signifiait qu'ils perdraient alors la maison puisque sa mère avait investi ce montant pour son achat.

Le 15 janvier 2022, son père travaillait dans le garage. Elle savait qu'il cachait de l'alcool dans le garage et qu'il en consommait quand il s'y trouvait. Le soir, il était arrivé dans le salon et s'était assis à table. À sa voix, sa mère et elle avaient compris qu'il était alcoolisé. Après avoir répondu sèchement à sa mère qu'il ne voulait pas manger, il avait commencé les insultes. Elle-même avait quitté la pièce car elle savait que sa présence avait tendance à empirer les choses.

Alors qu'elle était à l'étage, elle avait entendu sa mère crier. Elle était descendue et avait vu son père extrêmement proche de sa mère. À son attitude, on voyait qu'il avait envie de la frapper. Elle avait pris l'habitude de descendre quand elle entendait sa mère crier pour la protéger car elle pensait qu'il ne la toucherait jamais. Son père et elle s'étaient insultés. Au bout d'un moment, n'en pouvant plus de se faire insulter et alors qu'il était assis elle avait pris les lunettes qui se trouvaient sur la table et les lui avait lancées dessus. Il s'était levé, avait pris ses lunettes dans la main droite et lui avait donné un coup de poing dans l'œil gauche. Il portait des gants de cuisine. C'était la première fois qu'il la frappait.

Sa mère lui avait demandé de partir, de sorte qu'elle avait pris son chien et était partie. Elle était restée une dizaine de minutes pour écouter si la situation empirait puis elle était allée chercher son frère qu'elle avait ramené à la maison. Quant à elle, elle était allée dormir chez sa grand-mère. Lorsqu'elle avait écouté à la porte elle avait entendu son père au téléphone visiblement avec un avocat.

Elle ne s'était pas rendue dans une permanence pour le coup reçu à l'œil mais elle avait encore assez mal. Elle autorisait la police à photographier l'hématome qu'elle avait au-dessus de l'œil.

Depuis qu'elle avait 8 ans, elle en avait 21 aujourd'hui, elle et sa mère avaient droit, presque tous les jours, à des injures et moins fréquemment cela devenait beaucoup plus violent.

Son père s'en était pris à son frère, à une reprise, le jour où son père s'était saisi du couteau, lorsque la police était intervenue. Il lui semblait qu'il l'avait plaqué contre le mur.

Son père ne travaillait plus depuis environ un an. Son permis de conduire lui avait été retiré pour ivresse au volant.

Elle souhaitait que son père soit éloigné du domicile car sa mère avait eu peur et elle pensait qu'il était vraiment temps qu'elle fasse des choix. C'était la première fois que son père avait levé la main sur elle. C'était allé trop loin.

5.             Il ressort du procès-verbal d'audition de Mme B______ que la situation du couple s'était dégradée dans les années 2000 lorsque son mari s'était mis à boire suite à plusieurs mauvaises histoires au travail. Il l'avait souvent menacée mais il ne l'avait jamais frappée. Elle avait décidé de se séparer de lui, il y avait sept ou huit ans. Cependant, ils avaient continué à vivre sous le même toit tout en étant séparés.

Le 15 janvier 2022, son mari était allé ranger le garage. Lorsqu'il était revenu à la maison, elle avait constaté qu'il avait passablement bu. En effet, il était fortement excité, s'exprimait mal et ne marchait pas très droit. D'emblée, il lui avait demandé de lui fournir le numéro de téléphone d'une connaissance en Italie. Elle s'était énervée car elle en avait marre qu'il boive. Cela lui arrivait fréquemment de trop boire et il devenait instable. Elle l'avait grondé fortement. Suite à cela, il s'était aussi énervé et s'était mis à crier. Il l'avait insultée en italien la traitant de « porc » et de « cesso ». Leur fille qui avait entendu les cris, était descendue de l'étage. Il avait alors insulté sa fille de « garce» et de « pauvre fille », à plusieurs reprises. Il avait dit des obscénités dont elle ne se souvenait plus. Sa fille, devenue hors d'elle, lui avait jeté des lunettes de vue dessus. Son mari avait essayé de pousser sa fille et elle s'était interposée. Elle avait vraiment eu peur pour sa fille. Celle-ci lui avait dit qu'elle allait quitter le domicile pour la soirée. C'était après-coup, lorsque sa fille était allée chez sa grand-mère qu'elle lui avait dit qu'elle avait mal à l'œil gauche. Elle supposait que lorsqu'elle s'était interposée, sa fille avait dû recevoir un coup au niveau de l'œil par son mari. Tout était allé très vite et elle n'avait pas vu le coup. Elle avait très peur pour sa fille et pour elle-même. Pour ces faits, elle déposait plainte pénale.

6.             Lors de son audition par la police, M.A______ a expliqué que depuis un an et demi ou deux ans, sa fille ramenait son petit ami, un Colombien, à la maison. Celui-ci vivait chez eux, sans participer aux frais ce qu'il ne supportait pas. Pour l'accueillir, sa femme dormait sur le canapé du salon. Il avait dû aménager une pièce pour son épouse. À chaque fois qu'il parlait du Colombien, ils se disputaient. Il craignait que ce dernier ne lui vole ses montres de valeur qu'il avait à la maison. Le 15 janvier, il avait travaillé au garage et sa femme l'avait aidé un peu. Lorsqu'ils étaient rentrés à la maison, ils avaient croisé le Colombien. Il avait demandé quand il partirait de la maison. Son épouse avait alors commencé à s'énerver « tu ne dois pas dire le Colombien, etc. ». Il était sorti sur la terrasse. Sa fille qui avait entendu qu'ils criaient était descendue et l'avait poussé. Il l'avait à son tour également poussée. Elle lui avait lancé des lunettes dessus.

Il contestait avoir insulté sa fille et son épouse. Il disait seulement que c'était une pauvre fille qu'elle était grosse et qu'elle ne servait à rien. Elles le traitaient de « merde » parce qu'il avait fait un autre enfant avec une autre femme. Cet enfant avait sept ans.

Il contestait les menacer régulièrement de les enterrer et de mettre le feu à tout. Sa fille lui avait lancé des lunettes mais il ne l'avait pas frappée. Il avait une blessure à l'index droit, il ne pouvait plus le plier. Il n'aurait pas dû la frapper.

Il buvait de temps en temps quand il mangeait. Sinon il buvait de l'eau. Peut-être que sa fille était dépressive. Il contestait devenir agressif lorsqu'il buvait.

Il contestait prendre les poignets de son épouse de manière à lui faire des hématomes. Il reconnaissait toutefois lui avoir serré les poignets ce matin uniquement. Elle le forçait à faire des choses et après elle appelait la police.

Il niait avoir menacé sa famille avec des couteaux.

7.             Lors de l'audience du 18 janvier 2022 devant le tribunal, M. A______ a confirmé son opposition à la mesure d'éloignement.

Il a expliqué que depuis deux ans, un ami de sa fille, d'origine colombienne, habitait dans leur maison. Il logeait dans la chambre de sa femme, laquelle avait ainsi dormi pendant un an sur le canapé du salon, puis s’était installée dans une chambre qu’il avait complètement retapée. Cette personne ne s’était jamais présentée à lui. Il ne lui parlait pas. M. A______ a indiqué qu’il ne tolérait pas cette situation et c’était la raison pour laquelle ils se disputaient de temps en temps, sa femme et lui.

Le 15 janvier 2022, la présence de cette personne avait été l'occasion d'une nouvelle dispute avec sa femme. Sa fille, qui ne lui parlait plus depuis deux ans, était descendue et avait commencé à le pousser en l'insultant.

M. A______ a contesté avoir donné un coup de poing à sa fille. Il lui avait simplement jeté ses lunettes dessus.

Il a expliqué qu’il avait eu un enfant hors mariage. Sa femme le lui reprochait souvent. Elle lui demandait sur un air de reproche s'il était noir. Elle ne l'avait jamais vu, il n’avait jamais amené cet enfant à la maison. Cet enfant s'appelait G______ et avait sept ans. Il l'avait reconnu et le voyait de temps en temps. Il ne versait aucune contribution d'entretien en sa faveur. Sa mère n'en avait pas besoin. D'ailleurs, il n’avait pas d'argent à lui verser.

M. A______ a tenu à relever l'attitude de sa fille qui avait appelé son petit chien G______, comme son fils.

M. A______ a indiqué qu’il avait un atelier de couture installé dans la maison. Toutefois, depuis quatre ou cinq ans, il ne travaillait plus. Il a expliqué qu’il était un créateur. Il faisait faire des chaussures en Italie qu’il vendait dans un magasin. Toutefois, depuis la COVID, les affaires allaient mal.

Concernant sa relation avec son épouse, M. A______ a indiqué qu'il la considérait comme normale. Il a déclaré qu'il respectait sa femme et qu'elle le respectait. Il admettait que la naissance de G______ n'avait pas été facile pour elle et pour ses enfants. Sa femme avait appris la naissance de cet enfant en recevant un document de la commune proposant des rabais pour un troisième enfant. Il lui avait caché cette naissance pour ne pas la blesser.

M. A______ a souligné que s’il devait quitter la maison, il ne saurait pas où aller, n’ayant aucune famille à Genève.

Mme B______ a maintenu ses déclarations faites à la police. Son époux avait omis d’indiquer au tribunal qu'il était alcoolique. Elle a précisé qu’ils étaient déjà séparés. Selon le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 12 mai 2014 qu'elle produisait, ils étaient autorisés à vivre séparés.

À la suite de ce jugement, son mari avait, dans un premier temps, quitté la maison. Puis, il avait beaucoup insisté auprès de ses enfants et d’elle-même pour réintégrer le domicile familial. Elle l’avait laissé revenir en lui demandant d'arrêter de boire. C’étaient ses problèmes d'alcool qui altéraient leur relation. Elle essayait de l'aider autant qu’elle pouvait, mais elle ne savait pas comment s'y prendre et cela la mettait en colère, d'où leurs disputes. Si son mari logeait à la maison, ils vivaient toutefois séparés.

Mme B______ a précisé que lorsque l'enfant G______ était né, ils étaient déjà séparés.

Elle travaillait comme office manager au sein de l'entreprise I______ qui se situait dans l'ensemble D______. Elle travaillait à plein temps et entretenait tous les membres de sa famille. Elle subvenait également aux besoins de son mari.

Concernant la personne colombienne qui vivait dans la maison, Mme B______ a indiqué qu’il s’agissait du petit ami de sa fille. Elle avait accepté qu'il vive avec eux. Il était très gentil et ne dérangeait pas. Son mari ne le supportait toutefois pas.

Mme B______ a expliqué que le 15 janvier 2022, son mari était allé ranger le garage, elle l’avait d'ailleurs également aidé un peu et quand il était rentré, elle l’avait vu tituber et cela l’avait mis hors d’elle et provoqué la dispute entre eux. Sa fille était alors descendue pour lui venir en aide. Celle-ci et son père s’étaient poussés mutuellement et elle avait tenté de les séparer. Elle n’avait pas vu de coup de la part de son mari sur sa fille, mais elle la croyait totalement, ce d'autant qu’elle avait vu les photos de son visage.

Mme C______ a déclaré qu’il était exact que son ami H______ vivait à la maison depuis un an. Contrairement à ce qu'avait indiqué son père, elle le lui avait présenté à l'occasion d'un repas. Sa mère avait été d'accord qu'il vive à la maison.

Elle a confirmé qu’elle ne parlait plus à son père depuis deux ans. Pour le repas de présentation, elle y avait participé à la demande de sa mère qui souhaitait qu'H______ soit présenté à son père.

Elle a déclaré qu’elle souffrait beaucoup de la relation qu’elle avait avec son père, qu'aujourd'hui elle le détestait pour tout le mal qu'il avait fait à sa mère, à son frère et à elle-même. C’était la violence qu'il avait lorsqu'il avait bu qui l’avait toujours effrayée, et ceci déjà petite.

Concernant la naissance de G______, elle ne l’avait appris que tardivement lorsqu’elle avait accompagné sa mère à l'office des poursuites relativement à des dettes de son père. C'était à cette occasion qu’on leur avait parlé d'un troisième enfant, G______. Elle n’avait pas tout de suite compris qu'il parlait d'un enfant car son petit chien, qu’elle avait depuis 2017, s'appelait par hasard également G______.

À ce jour, elle souhaitait que son père quitte la maison, car il n'avait pas su tenir ses promesses.

Mme B______ a ajouté qu’aujourd'hui, la situation était devenue vraiment insupportable et qu'elle envisageait une procédure de divorce. Sans une réelle prise de conscience de son mari sur son addiction et des soins appropriés, la situation ne pourrait pas changer.

Elle a ajouté qu’elle était propriétaire de la maison qu’ils habitaient.

M. A______a indiqué qu’il n’était pas alcoolique. D'ailleurs, il pouvait vivre sans boire pendant des mois.

Il a souligné tout le travail qu’il avait fait dans la maison ; il avait tout refait. Pour lui, le problème venait uniquement du fait que ce garçon vivait à la maison.

Il a tenu à dire que son fils était un garçon brillant, alors que sa fille avait toujours eu des problèmes.

Il a encore ajouté que depuis le 16 janvier 2022, il dormait dans la cave du magasin. Il avait de la famille en Italie.

Mme C______ a transmis au tribunal un constat médical daté du 17 janvier 2022 à teneur duquel un discret érythème de la conjonctive au niveau latéral avait été relevé.

La représentante du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de la mesure prononcée.

8.             Il ressort notamment du jugement du Tribunal de première instance du 14 mai 2014, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, et d'accord entre les parties : que les époux A______ et B______ ont été autorisés à vivre séparés ; que Mme B______ s'est vue attribuer la jouissance exclusive du domicile conjugal ; qu'il était donné acte à M. A______ qu'il s'engageait à quitter le domicile conjugal d’ici au 13 avril 2014 à 18 heures ; qu'il s'engageait, sous réserve de l'exercice de son droit de visite, à ne pas s'approcher à moins de 50 m de Mme B______ et des enfants et à moins de 100 m du domicile conjugal ; qu'il lui en était fait interdiction en tant que de besoin ; que cette interdiction était prononcée sous la menace des peines prévues par l'article 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

9.             Selon la base de données de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) M. A______ est le père de l'enfant, G______, né le ______2013.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, il ressort clairement du dossier que la situation de la famille qui partage le même toit malgré la séparation des conjoints est particulièrement difficile.

Il doit être relevé à cet égard que des mesures protectrices de l'union conjugale ont été prononcées le 12 mars 2014 déjà, lesquelles faisaient notamment interdiction à M. A______ de s'approcher de sa femme, de ses enfants, sous réserve de l'exercice du droit de visite, et du domicile, révèlent que les tensions au sein de la famille étaient déjà saillantes à cette époque.

La naissance en 2013 de G______, issu d'une relation extraconjugale de M. A______ et dont l'existence a été révélée fortuitement à Mme B______ puis au reste de la famille, semble également être une source de disputes.

Par ailleurs, le fait que Mme C______ ne parle plus à son père depuis environ deux ans démontre l'ambiance délétère qui règne dans ce foyer.

De plus, la non acceptation de la présence de l'ami de sa fille dans la maison, alors que son épouse y est favorable, et exprimée en audience de manière véhémente par M. A______, semble engendrer les nombreuses altercations entre les conjoints et nourrir un fort ressentiment entre le père et sa fille.

Enfin, pour Mme B______ et Mme C______, ce serait la consommation excessive d'alcool par M. A______ qui serait à l'origine de son comportement violent à leur égard et de leurs nombreuses querelles.

À ce stade, il s'agit pour le tribunal d'examiner si c'est à juste titre que le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement du domicile conjugal à l'encontre de M. A______ et lui a en outre fait interdiction de contacter ou de s'approcher de sa fille et de sa femme et de l'adresse professionnelle de celle-ci.

Les déclarations des parties divergent au sujet du conflit survenu le 15 janvier 2022.

S'agissant de la vraisemblance des déclarations faites à la police par Mme B______ et Mme C______, le tribunal relèvera que les explications données par ces deux personnes concordent et que concernant le coup porté au visage de sa fille, elles sont corroborées par les photos réalisées par la police et le constat médical produit. Quant à M. A______, ses versions ont en revanche varié puisque devant le commissaire de police, il a finalement reconnu avoir frappé sa fille, tout en précisant qu'il regrettait son geste alors qu'il l'a fermement nié devant le tribunal. Concernant les insultes ou injures, s'il a réfuté en avoir prononcé, affirmant s'être contenté de répondre à celles de sa fille, il a toutefois admis lui avoir dit qu'elle était « une pauvre fille, qu'elle était grosse et qu'elle ne servait à rien ». Il s'agit là de propos particulièrement offensants de la part d'un père à sa fille qui révèlent une violence verbale incontestable. Du reste, lors de l'audience, le tribunal a pu relever que le ton adopté par M. A______ alors qu'il a comparé son fils, qu'il a décrit comme un jeune homme brillant, à sa fille, laquelle selon lui n'avait eu que des problèmes, dénotait d'un dénigrement certain à l'égard de cette dernière.

Par ailleurs, tandis que Mme B______ admet s'emporter facilement contre son mari, lorsqu'elle le voit ivre et ne plus vouloir accepter la situation, M. A______ nie toute violence ou insulte, jugeant normale la qualité de sa relation avec sa femme et conteste fermement souffrir d'une addiction à l'alcool.

Il apparaît ainsi que non seulement M. A______ est dans le déni de ses propres responsabilités, mais qu'il montre une insistance très forte à tenter de démontrer qu'il n'est qu'une victime, usant pour cela de plaintes répétées à l'encontre de sa femme et de sa fille qui ont accueilli dans leur maison l'ami de cette dernière alors que M. A______ y est farouchement opposé, situation qui selon lui serait la cause de tous leurs conflits, ce d'autant qu'il se considère totalement légitimé à revenir et à demeurer au domicile familial, compte tenu des travaux qu'il y aurait réalisés et du fait que sans ressources, il ne saurait où aller.

Le coup de poing porté à sa fille lors de l'altercation du 15 janvier 2022, lequel compte tenu des éléments rappelés plus haut apparaît comme suffisamment établi, constitue à l'évidence un acte de violence physique tombant sous le coup de la LVD. Les autres faits mentionnés plus haut qui s'inscrivent dans un cadre globalement hostile, révèlent aussi et surtout une violence psychique qui a atteint un niveau que l'art. 2 al. 1 LVD couvre amplement.

Par conséquent, étant rappelé que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de la personne de leur auteur, le tribunal ne pourra en l'espèce que confirmer la mesure d'éloignement prononcée à l'égard de M. A______ pour une durée de dix jours, qui constitue la durée la plus courte prévue par la loi. En effet, il apparaît que le retour de M. A______ au domicile familial est pour le moment contre-indiqué et n'aurait sans doute pour effet que de faire monter d'un niveau supplémentaire la pression psychologique que supportent sa femme et sa fille.

Pour ces raisons, l'opposition de M. A______ sera rejetée.

6.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

7.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 16 janvier 2022 devant le commissaire de police par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 16 janvier 2022 pour une durée de dix jours ;

2.             la rejette ;

3.             confirme la mesure d'éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 16 janvier 2022 pour une durée de dix jours ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le 20 janvier 2022

 

Le greffier