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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/6360/2021

CAPH/80/2023 du 26.06.2023 sur JTPH/154/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6360/2021-4 CAPH/80/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 26 JUIN 2023

 

Entre

A______, sise ______ [ZH], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 24 mai 2022 comparant par Me Patrick SPINEDI, avocat, Spinedi Avocats Sàrl, rue Saint-Léger 2, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, comparant par
Me Giuseppe DONATIELLO, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, Case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/154/2022 du 24 mai 2022, reçu le 25 mai 2022 par [la banque] A______, le Tribunal des prud'hommes a déclaré irrecevables les conclusions subsidiaires conditionnelles de A______ figurant dans sa duplique du 24 mars 2022 (chiffre 1 du dispositif) et invité A______ à mieux agir si elle s’en estime fondée (ch. 2).

B.            a) Par acte déposé le 23 juin 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation et, ce faisant, que soient déclarées recevables, sous suite de frais et dépens, les conclusions subsidiaires prises par ses soins dans sa duplique du 24 mars 2022.
b) Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement.

c) A______ a répliqué le 20 septembre 2022, persistant intégralement dans ses conclusions.

d) B______ a dupliqué le 21 octobre 2022, persistant intégralement dans ses conclusions.

e) Les parties ont été avisées par plis du greffe du 9 novembre 2022 que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a) B______ a été engagée par A______, à compter du 1er juillet 2018, par contrat de travail signé entre les parties le 22 juin 2018.

b) Par courrier du 21 août 2020, A______ a résilié les rapports de travail la liant à B______, avec effet au 30 novembre 2020.

c) Les parties ont signé une convention (Termination Agreement) datée du 21 août 2021, prévoyant le versement à l’employée d’une somme de 20'500 fr. Cette convention comporte notamment un article 13 intitulé "Recognition of additional benefits" et un article 14 intitulé "Balance clause", sur la portée desquels les parties divergent.

d) B______ allègue avoir été victime d’un accident domestique à mi-septembre 2020, lequel aurait entraîné une incapacité de travail.

e) Le 1er décembre 2020, A______ a délivré un certificat de travail à B______, lequel spécifie que son contrat de travail a pris fin le 30 novembre 2020.
f) Par courrier du 3 décembre 2020, B______ a adressé un courrier à A______ lui signifiant que "l'accord de fin de contrat" signé entre les parties ne pouvait faire obstacle à l'application des art. 336c et 362 CO, sur lequel elle avait fondé sa demande. L'art. 13 du contrat ne visait que les cas de licenciement contraire au droit, et non les cas de protection contre les congés en temps inopportun, de sorte que son délai de congé avait été suspendu en raison de son incapacité de travail.
g) Le 11 décembre 2020, A______ a répondu que la "convention de résiliation" du 21 août 2020 avait accordé des avantages importants à l'employée, sous forme d'un paiement spécial de 20'500 fr. (correspondant à deux mois de salaire) et d'un programme d'outplacement de 3 mois, avantages auxquels elle n'aurait pas eu droit en cas de résiliation par l'employeur. L'accord signé remplaçait la résiliation de l'employeur et en concluant cet accord, l'employée avait légalement renoncé à la prolongation du délai de préavis en cas d'incapacité de travail pendant la période de préavis, de sorte que la relation de travail avait pris fin le 30 novembre 2020.

h) Par requête de conciliation du 24 mars 2021, B______ a fait valoir des prétentions en paiement à l’encontre de A______ de la somme de 31'350 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 31 janvier 2021, au titre de salaires pour les mois de décembre 2020 à février 2021, et a sollicité l’établissement d’un certificat de travail conforme à la loi.

i) Suite à l’échec de la tentative de conciliation du 17 mai 2021, B______ a introduit son action auprès du Tribunal des Prud’hommes le 11 août 2021.

j) Par réponse du 1er novembre 2021, A______ a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions et à sa condamnation aux frais et dépens de l’instance.

k) Le Tribunal des Prud’hommes a tenu une audience de débats d’instruction le 19 janvier 2022.B______ a, à cette occasion, déposé des déterminations écrites sur les allégués de A______ du 1er novembre 2021, formé des allégués complémentaires et déposé un bordereau de preuves ainsi que des pièces complémentaires. A______ a sollicité que les deux écritures contenant les déterminations écrites sur ses propres allégués et les allégués complémentaires de B______ soient considérées comme une réplique, en réponse à laquelle elle souhaitait un délai pour dupliquer.

Sur quoi, le Tribunal a réservé la suite de la procédure par ordonnance.

l) Par ordonnance du 9 février 2022, le Tribunal a indiqué que les écritures de B______, déposées à l'audience du 19 janvier 2022, devaient être considérées comme une réplique à laquelle A______ devait pourvoir dupliquer et a imparti un délai à cette dernière pour ce faire.

m) A______ a déposé le 24 mars 2022, une "duplique avec conclusions amplifiées" aux termes de laquelle elle a conclu, "sur demande principale", au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens, et "subsidiairement, pour le cas où la clause 14 de la convention conclue entre les parties serait invalidée", à ce que B______ soit condamnée à restituer à A______ les sommes de 25'500 fr. et de 9'612 fr. 25, avec intérêts à 5% l'an à compter du 30 novembre 2021, débouté de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

n) Par ordonnance du 5 avril 2022, le Tribunal a fixé un délai à B______ afin de se déterminer sur cette écriture, notamment sur les allégués et pièces complémentaires qu'elle contenait, en particulier d'indiquer s'ils étaient admis ou contestés, ainsi que sur la recevabilité des nouvelles conclusions subsidiaires de A______.

o) B______ a déposé le 19 avril 2022 des déterminations sur les allégués complémentaires et les conclusions amplifiées de A______ et conclu à l’irrecevabilité des nouvelles conclusions de cette dernière, lesquelles étaient condamnatoires et portaient sur l'invalidation de la convention conclue entre les parties, laquelle n'avait pas été invalidée dans le délai d'une année de l'art. 31 CO.
p) Le 29 avril 2022, le Tribunal a informé les parties de ce qu'il allait délibérer sur la question de la recevabilité des conclusions amplifiées de A______ et leur a communiqué la composition du Tribunal, en leur accordant un délai de 7 jours pour faire valoir un éventuel motif de récusation.

q) Le 9 mai 2022, A______ a fait savoir qu'elle n'avait aucun motif de récusation mais a conclu à ce que la question de la recevabilité de ses conclusions subsidiaires soit réservée et, subsidiairement, à ce que lesdites conclusions soient déclarées recevables, persistant pour le surplus dans l'ensemble de ses conclusions.

D.           Dans son jugement, le Tribunal a retenu que le dépôt d'une demande reconventionnelle dans le mémoire de duplique de la défenderesse était tardive, puisqu'elle aurait dû être déposée dans le mémoire de réponse. Elle a également considéré que la défenderesse avait pris des conclusions conditionnelles en faisant dépendre leur éventuelle admission de l'avènement d'une condition, de sorte que, quand bien même les conclusions subsidiaires étaient subsidiaires, elles devaient être déclarées irrecevables.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

La décision par laquelle le tribunal met fin au procès en déclarant la demande irrecevable (art. 59 et 60) constitue une décision finale au sens de l'art. 308 al. 1 let. a CPC (JEANDIN, in CPC Commenté, 2ème éd. 2019, n. 7 ad art. 308 CPC).

Est également assimilée à une décision finale la décision partielle par laquelle le juge statue sur un objet indépendant de celui qui reste en cause ou met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (JEANDIN, op. cit., n. 8 ad art. 308 CPC), ou encore la décision par laquelle le tribunal tranche séparément une conclusion du demandeur parmi plusieurs, voire les conclusions reconventionnelles du défendeur, en réservant un examen ultérieur de la demande principale (arrêt du Tribunal fédéral
4A_545/2014 du 10 avril 2015 consid. 2.1; TAPPY, CR CPC, ad art. 237 N 3).

1.2 En l'espèce, le chiffre 1 du dispositif du jugement du 24 mai 2022 déclare irrecevables les "conclusions subsidiaires conditionnelles" figurant dans la duplique de l'appelante du 24 mars 2022. Il met ainsi fin au procès en tant qu'il portait sur lesdites conclusions, que le Tribunal a qualifié de conclusions reconventionnelles. Sous cet angle, le jugement querellé constitue une décision finale.

La valeur litigieuse étant supérieure à 10'000 fr., la voie de l'appel est ouverte à l'encontre de cette partie du dispositif.

Interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, et 311 CPC), l'appel est dès lors recevable.

1.3 La réponse de l’intimée ainsi que les réplique et duplique sont recevables dans la mesure où elles ont été déposées dans les délais légaux, respectivement impartis à cet effet (art. 312 al. 2, 316 al. 1 CPC).

2.             L’appelante reproche au Tribunal une violation de l'art. 124 CPC. Elle lui fait grief d'avoir enfreint les principes de célérité et d'économie de procédure. Elle considère que le Tribunal aurait pu statuer sur la recevabilité de ses conclusions subsidiaires avec le jugement au fond, ce qui aurait éviter une multiplication des voies de recours.

2.1.1 A teneur de l'art. 124 al. 1 CPC, le Tribunal conduit le procès. Il prend les décisions d'instruction nécessaires à une préparation et à une conduite rapide du procès.

L'art. 124 al. 1 CPC consacre le principe selon lequel le tribunal est maître du procès, son avancement ne dépendant ainsi pas de la volonté des parties. L'autre aspect de l'art. 124 al. 1 CC a pour objet de confier les opérations de déroulement du procès au tribunal en conformité avec les exigences constitutionnelles de célérité (art. 29 al. Cst.).

2.1.2 Lorsque la cause est en état d'être jugée, le tribunal met fin au procès par une décision d'irrecevabilité ou par une décision au fond (art. 236 CPC).

La décision partielle n'est qu'une variante de la décision finale (ATF 141 III 395, consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_122/2019 du 10 avril 2019 consid. 1.2).

Une décision partielle est en principe rendue pour des raisons d'économie de procédure. Le juge s'appuie alors sur les arts. 125 lit. a et 222 al. 2 CPC afin de simplifier le procès en limitant la procédure à des conclusions déterminées (JEANDIN/PEYROT, Précis de procédure civile, Zurich 2015).

La décision qui ne tranche que les conclusions reconventionnelles d'un plaideur constitue une décision partielle (cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2014 consid. 2; HEIZMANN/BRAIDI, Petit Commentaire CPC, ad art. 236 N. 11).

2.2 En l'espèce, il ne peut être reproché au Tribunal d'avoir statué par un jugement partiel sur des conclusions qui étaient susceptibles de mettre un terme à une partie du procès, cette solution permettant de limiter la procédure et participant au contraire à une saine administration de la justice. Bien que les conclusions concernées soient subsidiaires, le Tribunal était fondé à se prononcer sur leur nature, laquelle méritait d'être immédiatement clarifiée, puisque l'appelante a annoncé en tête de ses écritures de duplique des "conclusions additionnelles amplifiées", qu'elle a cependant prises dans ses conclusions, "subsidiairement, pour le cas où la clause 14 de la convention conclue entre les parties serait invalidée", conclusions au surplus condamnatoires envers l'intimée. Le Tribunal a par ailleurs dûment annoncé aux parties qu'il entendait statuer sur cette question, l'appelante s'étant encore exprimée par écrit à ce sujet, avant que la décision ne soit rendue.

Le grief de l'appelante sera ainsi rejeté.

3.             L'appelante reproche au Tribunal une violation de l'art. 221 al. 1 let. b CPC. Elle fait grief au Tribunal d'avoir rejeté ses conclusions subsidiaires au motif qu'elles étaient conditionnelles. Elle soutient que la précision qu'elle a apportée, selon laquelle lesdites conclusions devraient être traitées "pour le cas où la clause 14 de la convention conclue entre les parties serait invalidée", ne constitue pas une condition dont dépendraient les conditions subsidiaires, mais "la condition de l'examen desdites conclusions subsidiaires", puisque ce n'est que si cet article 14 était invalidé, et donc les conclusions principales de l'intimée admises, que le Tribunal devrait se prononcer sur les conclusions subsidiaires qu'elle a prises.
L'intimée considère, au contraire, que ces conclusions subsidiaires ne dépendent pas de l'admission des conclusions de l'intimée, mais de l'invalidation de la clause 14 de la convention, selon la formulation employée par l'appelante, la convention n'étant pas impactée par la demande formée par l'intimée, qui vise uniquement à faire valoir ses droits découlant des périodes de protection de l'art. 336c CO, droits qui ne sont, selon elle, pas concernés par le contenu de la convention. Ainsi, elle soutient que les conclusions subsidiaires de l'appelante ne dépendent pas de l'admission des conclusions de l'intimée, mais bien d'une condition étrangère à la demande, ce qui n'est pas valable juridiquement.

3.1 L'art. 221 al. 1 lit. b CPC précise que la demande doit contenir des conclusions.

Selon un principe général de procédure civile, une conclusion doit être formulée de telle manière qu'en cas d'admission, le jugement puisse être exécuté (arrêts du Tribunal fédéral 4A_6112011 du 3 janvier 2012, 4A_686/2014 consid. 4.3.1).
Comme tous les actes de procédure, les conclusions doivent être interprétées conformément au principe de la bonne foi, en particulier sur la base de la motivation à leur appui (ATF 123 IV 125c; 115 Ia 107 consid, 2b; 105 II 149 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_783/2009 consid. 3.3.2). Dès lors, une désignation ou expression inexacte n'est pas à elle seule déterminante (arrêts du Tribunal fédéral 5C_159/2000 consid. 3c/aa, 4A_440/2014 consid. 3.3).

Les conclusions conditionnelles, qui font dépendre le prononcé du jugement d'une condition, sont irrecevables (LEUENBERGER, in Kommentar zur Schwizerischen Zivilprozessornung (ZPO), 3ème éd. 2016, n. 36-37 ad art. 221 CPC).

3.2 En l'espèce, la question qui oppose les parties concernant la survenance d'une condition, externe ou interne à la procédure, préalable au prononcé des conclusions subsidiaires prises par la partie appelante, peut demeurer indécise.

En effet, en tant que l'appelante ferait dépendre le prononcé desdites conclusions subsidiaires de l'annulation de la clause 14 de la convention signée entre les parties, condition qui serait externe à la procédure selon l'interprétation qu'en fait l'intimée, les conclusions de l'appelante devraient être considérées comme des conclusions conditionnelles, qui sont partant irrecevables au sens des principes rappelés ci-dessus.

En tant qu'il s'agirait, au contraire, uniquement de conclusions subsidiaires, formées à titre éventuel en cas d'admission des conclusions de l'intimée, comme le soutient l'appelante, la validité desdites conclusions ne peut, quoi qu'il en soit, pas être examinée en dehors de l'examen de l'art. 224 CPC, puisque l'appelante a pris, certes à titre subsidiaire, des conclusions condamnatoires envers l'intimée. Il sera procédé à cet examen infra, l'appelante faisant grief au Tribunal d'avoir fait une mauvaise application de l'art. 224 CPC au cas d'espèce.

4.             L'appelante reproche au Tribunal une violation de l'art. 224 CPC. Elle lui fait grief d'avoir considéré que les conclusions subsidiaires qu'elle a prises seraient des conclusions reconventionnelles, ce qui ne serait pas le cas selon elle, puisqu'en cas de retrait de la demande, ou de déboutement de l'intimée, le Tribunal ne devrait pas statuer sur lesdites conclusions. Dans pareils cas, lesdites conclusions ne subsisteraient pas, ce qui démontre leur nature subsidiaire.

L'intimée est d'avis que la nature reconventionnelle des conclusions prises prime sur leur nature subsidiaire, puisqu'une instruction devrait porter sur celles-ci, de sorte qu'elles auraient dû être formulées dans le mémoire de réponse de l'appelante.

4.1.1 A teneur de l'art. 224 al. 1 CPC, le défendeur à une action peut déposer une demande reconventionnelle dans sa réponse, si la prétention qu'il invoque est soumise à la même procédure que la demande principale.

Si une demande reconventionnelle est introduite, le tribunal fixe un délai au demandeur pour déposer une réponse écrite (art. 224 al. 2 CPC).

La réalisation des conditions de recevabilité est examinée d'office par le juge (art. 60 CPC). Si celles-ci ne sont pas remplies, le juge n'entre pas en matière sur la demande reconventionnelle et rend une décision finale d'irrecevabilité (art. 236 CPC); si au contraire les exigences sont remplies, le prononcé d'une décision incidente constatant la recevabilité (art. 237 CPC) est possible (HEINZMANN/HERMANN-HEINIGER, PC CPC, art. 224 N 47).

Il n'y a pas de règles spéciales sur l'examen de la recevabilité de conclusions reconventionnelles. Les conditions de recevabilité peuvent être examinées d'office au plus tard avec le fond, mais peuvent donner lieu à une instruction et une décision séparées conformément à l'art. 125 let. a, susceptibles de déboucher sur une décision partiellement finale ou incidente, écartant ou admettant l'introduction des prétentions reconventionnelles litigieuses (cf TAPPY, CR CPC, ad art. 224 N18).

4.1.2 Aux termes de l'art. 224 al. 1 CPC, le défendeur doit formuler sa demande reconventionnelle dans sa réponse. Il s'agit d'une condition de recevabilité (HEINZMANN/HERMANN-HEINIGER, op. cit. , art. 224 N 48).

La demande reconventionnelle doit être clairement identifiable. Elle est soumise aux exigences posées par l'art. 221 CPC et emporte les mêmes conséquences que le dépôt d'une demande principale, notamment en créant la litispendance (art. 61 CPC, KILLAS, BK ZPO, N 49; TAPPY, CR CPC, N 9).

D'un point de vue temporel, l'introduction de la demande reconventionnelle en procédure de première instance doit intervenir en même temps que la réponse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2019du 17 août 2020 consid. 4). Elle ne peut donc pas être formulée avant que le tribunal ait donné la possibilité au défendeur de prendre position sur la demande, ni après le dépôt de la réponse (WILLISEGGER, BSK ZPO, N 32 s; SUTTER-SOMM, KomZPO, N 21). Une demande reconventionnelle ne saurait en particulier être introduite au moment de la duplique (HEINZMANN/HERMANN-HEINIGER, op. cit, ad art. 224 N 50).

Une modification de la demande principale ou l'allégation de nouveaux faits par le demandeur ne justifie pas non plus l'introduction d'une demande reconventionnelle après la réponse (arrêt du Tribunal fédéral 5A_618/2015 du 2 mars 2016 consid. 5.2).

4.1.3 Bien que formulée dans le cadre d'une demande principale pendante, l'action reconventionnelle est une action indépendante. Elle subsiste même si la demande principale est retirée par le demandeur ou si elle est déclarée irrecevable (HEINZMANN/HERMANN-HEINIGER, PC CPC, ad art. 224 N 10).

Le Tribunal fédéral a considéré qu'une demande reconventionnelle pouvait être déposée à titre éventuel, pour le cas où la demande principale serait admise (arrêts du Tribunal fédéral 4P_266/2006 du 13 décembre 2006 consid. 1.2; 4A_342/2018 du 21 novembre 2018; BOHNET, CPC annoté, ad art. 224 CPC N 4).

La demande reconventionnelle éventuelle, qui, par sa nature, n'est pas indépendante car le défendeur principal/demandeur reconventionnel formule une prétention pour le cas où la demande est admise, ou que le juge entre en matière à son égard, est admissible selon la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 4P_266/2006 du 13 décembre 2006, consid. 1.2; 4A_342/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3) et la doctrine majoritaire. En effet, il ne s'agit pas d'une action conditionnelle proscrite en matière civile, car la condition à laquelle est soumise la demande reconventionnelle dépend de la survenance d'un évènement interne au procès et non pas d'un évènement externe à celui-ci (HEINZMANN/HERMANN-HEINIGER, op. cit., art. 224 N 11 et références citées).

4.2 En l'espèce, l'appelante ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que ses conclusions subsidiaires ne devraient pas être qualifiées de reconventionnelles. Si certes, elles ont un caractère subsidiaire et éventuel, il n'en demeure pas moins que l'appelante ne se contente pas de s'opposer à la demande principale mais forme, au cas où celle-ci serait admise, des conclusions reconventionnelles en paiement de sommes d'argent à l'encontre de l'intimée.

Si jurisprudence et doctrine majoritaire ont admis la possibilité de formuler une demande reconventionnelle éventuelle, pour le cas où la demande principale serait admise, ce qui implique que, si l'action principale est rejetée, il n'est pas entré en matière sur l'éventuelle demande reconventionnelle, cette pratique est cependant peu courante. Seuls deux arrêts du Tribunal fédéral cités supra (4P_266/2006 du 13 décembre 2006 consid. 1.2; 4A_342/2018 du 21 novembre 2018) consacrent cette possibilité, laquelle n'est en soi pas contestée par l'intimée.

Si le principe est admis, force est de constater que, dans chacun des deux arrêts précités, la demande reconventionnelle éventuelle a été formée dans le cadre de la réponse du défendeur à l'action. La doctrine est, quant à elle, muette sur le moment auquel doit être introduite une telle demande dans la procédure. Il ne peut cependant être admis qu'elle puisse être formée au-delà du mémoire-réponse du défendeur. En effet, le demandeur à l'action doit pouvoir se déterminer sur la requête reconventionnelle éventuelle et l'instruction de la cause doit également porter sur cette question, de sorte qu'elle ne peut être introduite à un autre moment du procès, sauf à contraindre le tribunal saisi à devoir rendre un jugement partiel sur la demande principale, avant que d'instruire la requête reconventionnelle éventuelle en cas d'admission de la demande principale, ce que ne peut avoir voulu le législateur. Ceci serait en effet contraire au principe d'économie de procédure et à celui selon lequel le tribunal est seul maître du procès.

Ainsi, une demande reconventionnelle éventuelle, pour le cas où la demande principale serait admise, doit répondre aux mêmes exigences de recevabilité que toute demande reconventionnelle, soit être formée au plus tard dans le mémoire de réponse de la partie défenderesse au procès en première instance, conformément à l'art. 224 al. 1 CPC. En l'espèce, cette requête ayant été déposée dans le mémoire de duplique de l'appelante, elle est ainsi irrecevable, ce que le tribunal a constaté à bon droit.
Le grief de l'appelant formé contre le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris sera rejeté.

4.3 Aucun grief n'étant formé contre le chiffre 2 du dispositif de ce jugement, malgré la conclusion de l'appelante visant à l'annulation de l'entier du jugement, le jugement querellé sera entièrement confirmé.

5.             La procédure étant gratuite, il n'est pas perçu aucun frais ni alloué de dépens (art. 19 al. 3 let. c et 22 al. 2 LaCC, art. 71 RTFMC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 23 juin 2022 par A______ contre le jugement JTPH/154/2022 rendu par le Tribunal des Prud'hommes le 24 mai 2022 dans la cause C/6360/2021.

Au fond :

Le confirme.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaire, ni alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.