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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/5761/2020

CAPH/71/2023 du 23.06.2023 sur JTPH/88/2022 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5761/2020-5 CAPH/71/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 23 JUIN 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 23 mars 2022 (JTPH/88/2022), comparant par Me Mattia DEBERTI, avocat, NOMEA AVOCATS SA, avenue de la Roseraie 76A, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, France, intimée, comparant par le syndicat C______, ______, auprès duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/88/2022 du 23 mars 2022, reçu le 25 mars 2022 par les parties, le Tribunal des prud'hommes (ci-après: le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée le 12 novembre 2020 par B______ contre A______ SA (chiffre 1 du dispositif), renoncé à l'audition de quatre témoins supplémentaires (ch. 2), condamné A______ SA à verser à B______ la somme nette de 14'564 fr. 70, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2019, à titre d'indemnités pour licenciement abusif (ch. 3), dit qu'il n'était pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B.            a. Par acte déposé le 6 mai 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ SA appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut au déboutement de B______ de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au rejet de cet appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Par avis du 18 juillet 2022 du greffe de la Cour, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger, A______ SA ayant renoncé à son droit de répliquer par courrier du 11 juillet 2022.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. La société A______ SA a pour but l'exploitation d'un ou de plusieurs établissements médico-sociaux, notamment celui dénommé D______ à E______ (GE) (ci-après: l'EMS).

b. Par contrat de travail du 28 mai 2015, B______ a été engagée par A______ SA, en qualité d'aide-soignante qualifiée au sein de l'EMS, à compter du 1er août 2015, pour une durée indéterminée.

Le salaire mensuel brut convenu était de 4'169 fr. 60, versé treize fois l'an, pour une activité à 80%. En septembre 2019, celui-ci s'élevait à 4'481 fr. 45.

Ce contrat de travail était soumis à la Convention collective de travail des établissements médico-sociaux genevois (ci-après: CCT).

c. En septembre 2018, F______ a été engagé par A______ SA en qualité d'infirmier chef adjoint au sein de l'EMS.

d. Le 13 juin 2019, aux environs de 7h30, une résidente de l'EMS, occupant une chambre au 4ème étage, a chuté de son lit après avoir enjambé la barrière de celui-ci et s'est fracturé le col du fémur gauche.

e. Par courrier du 24 juin 2019, A______ SA a licencié B______ pour le 30 septembre 2019 et l'a libérée de son obligation de travailler, en se référant aux motifs invoqués lors de l'entretien du jour même.

f. Le 13 août 2019, A______ SA a établi un certificat de travail intermédiaire en faveur d'B______, lequel mentionnait qu'elle démontrait "de bonnes compétences professionnelles", donnait "satisfaction dans l'accomplissement de ses fonctions", était "organisée dans le cadre de son travail et effetu[ait] ses tâches avec autonomie et efficacité" et entretenait "des bonnes relations avec les collègues, les responsables hiérarchiques ainsi qu'avec les résidents et leurs familles".

g. Par courrier du 10 septembre 2019, B______ a indiqué à A______ SA qu'elle contestait son congé "intervenant dans le cadre du licenciement de plusieurs de ses collègues de son équipe et motivé par aucun motif objectif".

h. G______, H______, I______ et J______, tous soignants à l'EMS dans l'équipe du 4ème étage, ont également été licenciés, de même que K______, membre de l'équipe de garde de nuit.

A l'instar de B______ (cf. consid. D infra), ils ont assigné A______ SA, par-devant le Tribunal, en paiement d'indemnités pour licenciement abusif. Les causes afférentes ont été réenregistrées sous n° C/5760/2020, C/5762/2020, C/5763/2020, C/5764/2020 et C/5765/2020.

D. a. Par acte déposé le 12 novembre 2020 au greffe du Tribunal, après l'échec de la tentative de conciliation, B______ a assigné A______ SA en paiement de la somme nette de 24'274 fr. 35, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2019, à titre d'indemnités pour licenciement abusif. Elle a également conclu à la jonction de la présente cause, enregistrée sous n° C/5761/2020, avec celles susvisées.

Elle a allégué avoir été licenciée sans motif objectif et "visiblement" en raison de la chute d'une résidente, dont elle n'était pas responsable. L'ensemble des employés ayant émis des réserves à l'encontre de F______ avait d'ailleurs été licenciés.

b. Dans sa réponse, A______ SA a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Elle a allégué avoir licencié la précitée en raison d'une rupture du lien de confiance. Cette décision faisait suite à plusieurs entretiens avec celle-ci et les "nombreuses actions entreprises par la direction en vue de résoudre les dysfonctionnements de l'équipe soignante du 4ème étage" de l'EMS. Les manquements professionnels imputables à B______ et son attitude lorsqu'elle avait été confrontée à ses supérieurs hiérarchiques démontrait qu'elle assumait un rôle important dans les dysfonctionnements de ladite équipe. De l'automne 2017 jusqu'à l'été 2019, cette équipe avait été concernée par de nombreux problèmes relationnels et de prises en charge des résidents. A cet égard, A______ SA a produit un tableau récapitulatif "de suivi des actions entreprises" envers ladite équipe (pièce n° 2). Durant cette période, B______ travaillait dans celle-ci en qualité d'aide-soignante de jour. Dès 2019, de nombreux entretiens avaient eu lieu avec cette équipe pour résoudre les problèmes rencontrés dans celle-ci. A la suite de l'incident du 13 juin 2019, il avait été constaté que la sonnette de la résidente en question était débranchée depuis le 4 juin 2019. Or, cette résidente était connue de l'équipe soignante du 4ème étage pour utiliser de manière récurrente la sonnette. Une enquête avait été immédiatement ouverte, afin de comprendre pourquoi ladite sonnette était restée débranchée pendant une dizaine de jours et pourquoi aucun soignant n'avait été interpelé par cette situation. Il en était ressorti que certains employés de l'équipe du 4ème étage refusaient de se remettre en question et adoptaient un comportement dénotant un manque d'implication dans les tâches qu'ils devaient assumer.

c. Par ordonnance du 22 mars 2021, le Tribunal a ordonné la jonction de l'instruction des causes n° C/5760/2020, C/5761/2020, C/5762/2020, C/5763/2020, C/5764/2020 et C/5765/2020.

d. Lors de l'audience du Tribunal du 8 juin 2021, B______ a rectifié ses conclusions en ce sens qu'elle réclamait la somme nette de 19'420 fr., après correction. Elle a déclaré avoir travaillé à l'EMS dès août 2015 en qualité d'aide-soignante de jour. Elle n'avait eu qu'une seule évaluation de son travail à l'issue de sa période d'essai et n'avait jamais reçu d'avertissement écrit ou oral. Elle avait été licenciée en raison de la chute de la résidente du 13 juin 2019. A la suite de cet incident, ses collègues et elle-même avaient été convoqués par leurs supérieurs, afin de rendre des comptes sur la sonnette débranchée de la résidente. On leur avait également demandé de changer l'organisation du fonctionnement de l'étage. Puis, le lundi suivant, elle avait été convoquée à un entretien, sans en connaître les motifs, et avait été licenciée pour rupture du lien de confiance. Elle ne savait pas ce que signifiait cette rupture de confiance et les explications fournies ce jour-là ne l'avaient pas aidée à comprendre. Elle ne s'était jamais plainte du comportement de F______ à ses supérieurs ou à ses collègues. Ce dernier était nouveau et il fallait lui laisser du temps pour faire ses preuves. Selon elle, il n'y avait pas de problèmes spécifiques au 4ème étage. Les seuls soucis rencontrés étaient liés aux quelques nouveaux projets mis en place. En fonction des instructions données, il arrivait que cela ne fonctionne pas, de sorte que l'équipe le mentionnait à F______. Ils n'étaient pas en opposition avec celui-ci, mais défendaient les intérêts des résidents. Les collaborateurs souffraient d'une pression de la part de F______. Elle-même n'avait jamais refusé de collaborer. Certes, il y avait de "fortes têtes" dans l'équipe, mais elle n'en faisait pas partie. Toutefois, lorsqu'elle avait des choses à dire ou faire pour le bien-être des résidents, elle le disait, même si cela ne correspondait pas à la vision de F______, dont les directives n'étaient pas toujours cohérentes.

K______, entendue en qualité de partie et séparément dans la cause n° C/5760/2020, a déclaré avoir toujours effectué son travail avec une grande conscience professionnelle. Les blâmes et avertissements qu'elle avait reçus entre 2013 et 2018 étaient collectifs et injustifiés. Elle était la seule infirmière de nuit responsable des quatre-vingts résidents. Elle n'était pas spécifiquement rattachée à l'équipe du 4ème étage et n'était pas au courant d'éventuels problèmes liés à celle-ci. Elle n'avait pas rencontré de difficultés avec F______, mais elle savait que certains collaborateurs avaient des problèmes avec lui. Elle travaillait dans l'équipe de nuit lorsque la résidente était tombée de son lit. L'heure exacte de sa chute n'était pas connue, mais elle avait été retrouvée vers 7h30. A ce moment, son travail était terminé et son rapport avait été remis entre 7h00 et 7h15. Sauf en cas d'urgence, le travail auprès des résidents se terminait à 6h30 et l'équipe de jour arrivait à 7h30. Cette résidente faisant partie des personnes à risque, de sorte qu'elle était allée la voir à la fin de sa tournée entre 6h15 et 6h30. Celle-ci se trouvait alors dans son lit et ne manifestait aucun comportement inquiétant. Cette résidente avait souvent utilisé la sonnette à son arrivée dans l'EMS, mais moins avant l'incident, ce qu'elle-même expliquait par le fait qu'elle était bien intégrée et se sentait moins angoissée. Les employés ne pouvaient pas remarquer que la sonnette était débranchée si le résident ne le signalait pas ou s'ils ne vérifiaient pas directement la prise, étant précisé qu'il y avait beaucoup de fils branchés autour de la sonnette. Il existait également un tableau de contrôle des sonnettes, auquel les infirmières n'avaient pas accès. Seuls les responsables de la maintenance pouvaient le constater et les en informer. Il n'arrivait pas que les résidents ne sonnent pas pendant plusieurs nuits. En général, ces derniers se plaignaient auprès de l'équipe s'il n'y avait pas de réponse lorsqu'ils sonnaient. La résidente en question n'avait toutefois pas sonné, parce que les infirmières allaient souvent la voir.

G______, entendue en qualité de partie et séparément dans la cause n° C/5762/2020, a déclaré avoir travaillé à l'EMS dès 2015 en qualité d'aide-soignante aux côtés de B______. Elle avait eu un entretien d'évaluation à l'issue de sa période d'essai, puis un second en mai 2019, lors duquel F______ avait relevé des points négatifs sur son travail. Elle avait contesté cette évaluation, qui ne reflétait pas la réalité, d'autant plus qu'aucun blâme ou avertissement ne lui avait été adressé au préalable. Suite à sa contestation, une réunion de médiation devait avoir lieu, mais celle-ci avait été annulée à trois reprises. F______ ne connaissait pas bien les membres de l'équipe, ni les résidents. Ses instructions ne privilégiaient pas ces derniers et étaient parfois inadaptées. Elle ne s'était pas opposée auxdites instructions, mais elle les avait exécutées dans l'ordre qu'elle estimait correct pour les résidents. Le protocole que devait suivre les employés était institutionnel et essentiellement oral. Comme la communication avec F______ était compliquée, elle n'avait pas osé discuter de la mise en place d'un autre protocole. Ce n'était qu'après la chute d'une résidente, soit quelques jours avant son licenciement, qu'elle avait reçu un protocole strict, différent de celui des autres étages. Elle ne savait pas pourquoi les membres de l'équipe du 4ème étage semblaient avoir posé problème, car lorsque F______ donnait des instructions, ils les exécutaient. Il y avait des projets tests à cet étage, raison pour laquelle il y avait peut-être eu des problèmes. L'équipe subissait beaucoup de pression de la part de F______. Elle se souvenait d'une réunion, lors de laquelle elle avait fait part d'une situation complexe et F______ lui avait répondu que c'était à elle de se remettre en question, car elle était "maltraitante", ce qui l'avait fait pleurer. Ce dernier lui avait ensuite dit qu'elle était trop susceptible. Elle n'avait pas compris les raisons de son licenciement, mais pensait qu'il résultait de la chute de la résidente. Lors de son entretien de licenciement, on lui avait indiqué que rien ne pouvait lui être reproché et qu'elle était une bonne aide-soignante. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle se trouvait dans le groupe des employés licenciés. Elle n'avait jamais eu de problèmes avec les résidents ou la hiérarchie. Elle avait pourtant accepté de se remettre en question suite à son évaluation négative, raison pour laquelle elle avait "demandé des comptes" sur celle-ci, afin de pouvoir s'améliorer.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 9 juin 2021, H______, entendue en qualité de partie et séparément dans la cause n° C/5763/2020, a déclaré avoir travaillé à l'EMS dès 2011 en qualité d'aide-soignante de jour. Elle avait eu quatre ou cinq évaluations, toujours positives, dont la dernière datait de 2015, et n'avait jamais reçu de blâme ou d'avertissement. Si on lui avait indiqué quelles fautes elle avait commises, elle aurait pu s'améliorer et ne pas les répéter. Concernant la pièce n° 2 produite par A______ SA, dont il ressortait qu'elle manquait de motivation en 2017, H______ a déclaré que cette période correspondait au décès de sa mère. Elle avait travaillé six ans au 4ème étage de l'EMS où l'équipe était soudée. F______ rabaissait cette équipe, mais elle-même ne s'était jamais plainte de ce dernier auprès de ses supérieurs. Ils discutaient entre collègues des agissements de F______, qui ne leur convenaient pas. Lorsque la résidente était tombée de son lit, elle était en vacances. Elle avait travaillé deux jours sur les dix jours précédents cette chute. A son retour de vacances, F______ lui avait fait part de cet incident, du problème de la sonnette et du fait qu'elle n'était pas bien intégrée au sein de l'équipe. Elle avait été licenciée pour ces raisons injustes. L'accusation de ne pas avoir constaté que la sonnette était débranchée était d'autant plus injuste qu'il était impossible de le voir, le lit masquant la prise. De plus, durant la journée, cette résidente se trouvait généralement au salon. S'agissant de son prétendu problème d'intégration, elle avait posé des questions, mais n'avait pas obtenu de réponse.

I______, entendu en qualité de partie et séparément dans la cause n° C/5764/2020, a déclaré avoir travaillé en qualité d'aide-soignant à l'EMS dès décembre 2012. Il avait fait partie de l'équipe de jour affectée à tous les étages, puis il avait travaillé durant quatre ans au 4ème étage. Ses rapports avec ses collègues de cet étage étaient très bons. Il avait eu trois ou quatre évaluations, la dernière ayant eu lieu entre 2016 et 2017. Il n'avait jamais reçu de blâme ou d'avertissement. La communication avec F______ était difficile. Tous les matins, ce dernier indiquait à l'équipe qu'il y avait des problèmes, alors qu'ils faisaient ce qui leur était demandé s'agissant des résidents. Pour le reste, en cas de désaccord, "on pouvait discuter", notamment s'agissant du fait de faire ou non de la gymnastique. Il ne trouvait pas utile d'en faire le matin, car il valait mieux s'occuper des résidents. Lorsqu'on lui indiquait qu'il devait se rendre à la salle de gymnastique, il le faisait, afin de ne pas avoir de problèmes. Tous les matins, F______ lui demandait s'il avait fait de la gymnastique. Il ne s'était jamais plaint de ce dernier auprès de ses collègues ou de la hiérarchie. Il n'avait pas compris pour quelles raisons il avait été licencié, alors que d'autres collaborateurs pas. On lui avait reproché de ne pas avoir constaté que la sonnette de la résidente, qui avait chuté, était débranchée depuis dix jours et que l'équipe du 4ème étage dysfonctionnait. Or, selon lui, il s'agissait du système informatique qui n'avait pas fonctionné, mais la faute avait été mise sur l'équipe.

J______, entendue en qualité de partie et séparément dans la cause n° C/5765/2020, a déclaré avoir été infirmière aux 3ème et 4ème étages de l'EMS. En 2014, elle était devenue infirmière référente du 4ème étage. Elle avait eu une première évaluation après son temps d'essai, puis une deuxième en 2018. En 2014, on lui avait reproché de travailler toute seule et demandé d'y remédier, ce qu'elle avait fait. Elle avait dû s'adapter à la façon de travailler de l'EMS. En 2018, sa supérieure lui avait indiqué être ravie de travailler avec elle. Elle avait un excellent rapport avec ses collègues du 4ème étage. Au début, F______ était ouvert à la discussion, puis la situation s'était dégradée. Il l'avait manipulée et accusée d'être arrogante et méprisante. Il avait le sentiment que les membres de l'équipe étaient contre lui et qu'ils devaient toujours être de son avis. Elle n'avait jamais reçu de blâme ou d'avertissement. On lui avait toutefois reproché de manière informelle d'être un peu autoritaire, mais jamais irrespectueuse. Le jour de la chute de la résidente, elle avait pris son service à 7h00 et avait trouvé celle-ci parterre vers 7h30. Elle ne savait pas si la résidente avait tenté d'actionner la sonnette durant la nuit, car elle ne faisait pas partie de l'équipe de nuit, précisant que le système ne fonctionnait pas très bien et qu'il y avait souvent des problèmes de sonnette qui ne fonctionnait pas ou ne s'affichait pas sur leurs écrans. Il s'agissait de problèmes informatiques, de sorte que cela ne pouvait pas être reproché au personnel soignant. Tous les membres de l'équipe de jour avaient été convoqués, mais ils n'avaient pas pu répondre aux questions de la hiérarchie, puisqu'ils étaient arrivés après l'incident. Le vendredi, une réunion avait eu lieu, au cours de laquelle F______, notamment, avaient indiqué que l'incident avec la résidente était très grave et demandé ce qu'il fallait faire pour "casser" l'équipe du 4ème étage, qui était "rebelle". Ce sentiment était probablement dû au fait que les membres de cette équipe n'étaient pas toujours en accord avec F______ et étaient considérés comme étant contre lui. Le lundi suivant, elle avait été licenciée, au motif qu'on n'avait plus confiance en elle, sans lui avoir laissé le temps de réfléchir à des solutions aux questions posées le vendredi.

f. Lors de l'audience du 1er septembre 2021, B______ a déclaré qu'au cours des deux réunions ayant suivi la chute de la résidente, les membres de l'équipe avaient reconnu qu'il y avait eu un dysfonctionnement au niveau de la sonnette de la résidente. Ils avaient d'ailleurs accepté, sans discuter, le nouveau protocole mis en place. L'état d'esprit de l'équipe avait également fait l'objet de discussions. Il leur avait été demandé pour quelles raisons ils formaient une équipe "rebelle", ce qu'ils n'étaient pas.

I______ a déclaré qu'au cours des deux réunions en question, il avait été discuté du fonctionnement de l'équipe du 4ème étage et de comment les membres de celle-ci pouvaient se remettre en question.

J______ a déclaré que lors de la réunion du vendredi faisant suite à l'incident, une supérieure avait demandé aux membres de l'équipe du 4ème étage de "redresser la barre" et avait proposé une nouvelle organisation, mise en place immédiatement. Le lundi suivant, elle avait été licenciée, à l'instar des autres membres de l'équipe. Ils n'avaient ainsi pas eu le temps de prouver qu'ils étaient prêts à se remettre en question.

G______ a déclaré avoir suivi la nouvelle organisation susvisée dès la sortie de la réunion. Lors de celle-ci, elle ne se souvenait pas avoir dit qu'elle se remettrait en question ni qu'elle avait eu l'occasion de le dire.

L______, représentant de A______ SA et directeur de l'EMS depuis avril 2016, a déclaré que F______ et une autre supérieure lui avaient relaté, dès février 2019, des dysfonctionnements dans l'équipe du 4ème étage, ayant abouti à la chute d'une résidente en juin 2019. A la suite de cet incident, une enquête avait été menée. Deux entretiens avec les collaborateurs avaient eu lieu. D'un commun accord, l'équipe de direction avait décidé de licencier neuf employés. L'enquête avait démontré que la sonnette de la résidente en question était débranchée depuis dix jours. Il reprochait ainsi aux collaborateurs l'absence de réaction face à l'accompagnement d'une résidente connue pour activer la sonnette une quinzaine de fois par jour. Les employés licenciés avaient été présents, à un moment ou à un autre, durant ces dix jours et ne s'étaient pas demandé s'ils étaient responsables. Lorsqu'ils avaient été interrogés à cet égard, leurs réponses étaient "vides". Il avait constaté une absence de remise en question de tous les membres de l'équipe, de sorte qu'il n'avait plus confiance en eux, raison pour laquelle ils avaient été licenciés. Il avait été choqué de la légèreté avec laquelle ces derniers avaient considéré ce grave incident. Il n'y avait pas un seul responsable, mais toute l'équipe l'était. Il était inadmissible de laisser une sonnette désactivée pendant une si longue période sans s'en apercevoir. Le système de sécurité n'était pas nouveau, mais avait fait l'objet de mises à jour, qui n'avaient pas créé de dysfonctionnements particuliers. L'équipe du 4ème étage était un peu "un Etat dans l'Etat". On lui avait rapporté qu'il s'agissait d'une équipe "rebelle", insolente et démotivée, sans toutefois nommé de collaborateurs en particulier. Il n'avait aucun reproche personnel à faire à l'encontre des employés concernés. Il n'avait pas envisagé de les séparer en les répartissant dans les autres étages. Pour lui, il n'y avait pas une ambiance si délétère au 4ème étage, mais il y avait "quelques problèmes normaux, gérés par [ses] cadres". C'était une équipe qui se gérait de façon relativement autonome, mais pas toujours dans l'intérêt des résidents.

Entendu en qualité de témoin, n'ayant "aucun lien avec les parties" à teneur du procès-verbal de son audition, F______ a déclaré avoir été responsable des équipes soignantes au sein de l'EMS de septembre 2018 à août 2020. L'ambiance qui régnait au sein de l'équipe du 4ème étage était bonne. Le fonctionnement de cette équipe était un peu différent des autres étages, en ce sens que ses membres avaient une identité propre et ne respectaient pas toujours les consignes institutionnelles, ce dont il avait fait part à ses supérieurs. La communication avec certains membres de cette équipe avait été difficile et la situation pouvait être "tendue". Une partie de celle-ci était détachée par rapport au fonctionnement institutionnel et n'acceptait pas facilement les consignes. C'était "un Etat dans l'Etat". Il y avait eu des réunions, lors desquelles les choses avaient été discutées et les situations réglées. Il avait constaté que, dans cette équipe, la plupart des employés prenaient acte de ce qui leur était reproché et modifiaient leur comportement. Il n'avait "jamais" eu à se plaindre auprès de ses supérieurs d'un manque de remise en question, "pour la plupart". La chute de la résidente était la conséquence de plusieurs dysfonctionnements. Il n'avait pas été confronté à des difficultés graves avant cet incident. La problématique de la sonnette était inacceptable. Il n'était toutefois pas en mesure d'indiquer pour quelles raisons la résidente n'avait pas évoqué ce problème de sonnette avec les soignants. Il n'y avait pas de contrôle systématique du fonctionnement des sonnettes, ni d'alarme lorsqu'une de celles-ci était débranchée. Lorsque les résidents étaient dans les lieux communs, ils n'avaient pas de sonnette puisqu'ils étaient sous surveillance. Il ne se souvenait pas si la résidente ayant chuté était plus souvent dans sa chambre ou dans les lieux communs. Elle n'était pas alitée en permanence. Cet incident avait conduit à deux réunions avec les collaborateurs. Il n'avait pas eu de retour de ces réunions de la part de ces derniers, mais n'avait pas constaté de comportement négatif de leur part.

g. Lors de l'audience du Tribunal du 6 septembre 2021, le Dr M______, entendu en qualité de témoin, a déclaré être le médecin répondant de l'EMS. A la suite de la chute d'une résidente, il avait assisté aux deux réunions, dont le but était de comprendre ce qui s'était passé avec la sonnette et pour quelles raisons l'équipe n'avait pas remarqué la diminution du nombre de sonneries. Il était improbable qu'une résidente sonnant de manière récurrente ne sonne plus du tout. Lorsqu'il avait demandé des réponses à l'équipe, personne n'avait répondu. Au contraire, les membres de celle-ci cherchaient des excuses. Il avait eu de la peine à "faire circuler ce qu'il voulait quant à cette situation" et à fédérer les collaborateurs autour d'une réflexion et d'une remise en question. Il aurait souhaité que ceux-ci admettent avoir commis une erreur, précisant toutefois ne pas se souvenir si l'un d'eux avait effectivement indiqué s'être trompé. Pour lui, ce manque de remise en question était grave et avait engendré une rupture du lien de confiance, de sorte qu'il ne pouvait plus travailler avec ces collaborateurs. Lors du second entretien, ces derniers semblaient "dire que les choses auraient pu se passer différemment", mais lui-même n'avait pas trouvé "qu'il y avait cette volonté de réaliser la gravité de cette situation". Il ne pouvait pas toutefois "englober tout le monde", mais il s'agissait d'une ambiance générale. Quelque temps auparavant, une supérieure lui avait indiqué avoir de la peine à gérer l'équipe du 4ème étage, en raison d'un manque de communication, confirmé par F______, et de coopération; la situation était difficile et elle essayait de trouver des solutions, mais n'y arrivait pas. Lui-même n'avait pas rencontré de problèmes avec cette équipe.

N______, entendue en qualité de témoin, a déclaré avoir travaillé à l'EMS de février 2015 à août 2020 en qualité d'aide-soignante de jour, notamment au 4ème étage. Il y avait une bonne cohésion dans cette équipe et elle n'y avait pas ressenti un "esprit revendicateur". Elle avait travaillé durant la période précédant la chute de la résidente, mais elle avait eu quatre jours de repos. C'était elle qui avait trouvé celle-ci au pied de son lit, lorsqu'elle avait pris son service vers 7h30. Elle avait appelé une infirmière, mais n'avait pas fait de rapprochement entre le fait que la sonnette n'avait pas fonctionné et la chute de la résidente. Cette résidente ne sonnait pas souvent dans la journée, car elle était "dans le fauteuil à l'étage". A la suite de cet incident, il y avait eu des réunions, dont elle ne se souvenait pas la teneur. Elle ne se souvenait pas non plus qu'on lui avait reproché de ne pas avoir constaté que la sonnette était débranchée. Lorsque des membres de l'équipe avaient été licenciés, elle en avait déduit que tout le monde avait sa part de responsabilité. Elle ne savait toutefois pas pour quelles raisons elle n'avait pas été licenciée.

Entendue en qualité de témoin, O______ a déclaré avoir travaillé à l'EMS de 2014 à 2018 en qualité d'aide-soignante au 4ème étage. C'était un équipe très agréable, soudée, qui disait ce qu'il y avait à dire, mais qui n'était pas "en révolte" contre la direction.

A l'issue de l'audience, les parties ont plaidé, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le motif du licenciement de B______ était abusif, celui-ci ne lui ayant pas été clairement communiqué et sa responsabilité dans l'incident de la chute d'une résidente n'ayant pas été établie.

A______ SA n'avait pas démontré qui était responsable du débranchement de la sonnette de la résidente ayant chuté, ni même établi avoir mis en place toutes les mesures nécessaires, qui auraient permis de se rendre compte de ce problème. B______ travaillait d'ailleurs de jour, soit lorsque la résidente se trouvait généralement dans les lieux communs de l'EMS, de sorte qu'elle ne pouvait pas se rendre compte d'un éventuel défaut concernant la sonnette. B______, ainsi que ses collègues licenciés, n'avaient pas bénéficié de la possibilité, ni du temps nécessaire, pour éventuellement changer de comportement, voire trouver collectivement une solution au problème de sonnette. Ils n'avaient d'ailleurs pas reçu d'avertissement à ce sujet.

B______ ayant fait opposition à son licenciement durant le délai de congé et initié la présente procédure dans le délai utile, les conditions du versement d'une indemnité pour licenciement abusif étaient remplies. A______ SA, qui estimait que B______ avait violé ses devoirs contractuels, voire commis une faute, aurait dû suivre la procédure prévue par la CCT, notamment la progressivité des sanctions. Or, la précitée n'avait pas fait l'objet préalablement d'un blâme ou d'un avertissement et n'avait pas eu l'occasion de "rectifier" sa pratique, si celle-ci était vraiment problématique.

B______ avait ainsi droit à une indemnité pour licenciement abusif équivalent à trois mois de salaire.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale de première instance rendue dans le cadre d'un litige portant sur une valeur litigieuse de plus de 10'000 fr. au dernier état des conclusions de première instance (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Il a été déposé dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la décision et respecte, au surplus, la forme prescrite (art. 130, 131, 145 al. 1 let. a et 311 CPC). L'appel est ainsi recevable.

1.2 La valeur litigieuse étant inférieure à 30'000 fr., la procédure simplifiée est applicable (art. 243 al. 1 CPC) et la cause est soumise aux maximes inquisitoire (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

2.             La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

3.             Il n'est pas contesté par les parties que leur relation contractuelle était soumise à la CCT compte tenu de l'activité exercée par elles dans un établissement médico-social genevois.

4.             L'appelante sollicite l'annulation du jugement entrepris, sans toutefois remettre en cause de manière motivée le chiffre 1 du dispositif, par lequel le Tribunal a refusé d'auditionner des témoins supplémentaires.

Le chiffre 1 du dispositif du jugement attaqué sera, par conséquent, confirmé.

5.             L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir retenu que le licenciement de l'intimée était abusif.

5.1.1 Selon le principe posé à l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. En droit suisse du travail prévaut la liberté de la résiliation, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier (ATF 131 III 535 consid. 4.1). Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre fin unilatéralement au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO).

L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère les cas dans lesquels la résiliation est abusive. Cette liste n'est pas exhaustive; elle concrétise avant tout l'interdiction générale de l'abus de droit. Un congé peut donc se révéler abusif dans d'autres situations que celles énoncées par la loi; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.2).

De manière générale, le congé doit être qualifié d'abusif s'il est donné pour un motif qui n'est pas digne de protection (Dunand, Commentaire du contrat de travail, 2022, n° 10 ad art. 336 CO). Ce n'est pas le but premier du congé, soit la fin des rapports de travail, qui donne au congé son caractère abusif, mais le motif intérieur qui a poussé de manière décisive la partie à résilier le contrat. Ce motif doit être examiné au moment où le congé est notifié (arrêt du Tribunal fédéral 4A_439/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.2).

En principe, une exécution insatisfaisante de la prestation de travail est reconnue comme valant un motif légitime de licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_139/2008 du 20 juin 2008 consid. 4). Le licenciement est en revanche abusif lorsque l'employeur le motive en accusant le travailleur d'une faute lourde, portant atteinte à son honneur personnel et professionnel, s'il apparaît que l'accusation est infondée et que, de plus, l'employeur l'a élevée sans s'appuyer sur aucun indice sérieux et sans avoir entrepris aucune vérification. Au regard de l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur viole alors gravement son devoir de protéger la personnalité du travailleur (arrêts du Tribunal fédéral 4A_245/2019 du 9 janvier 2020 consid. 4.2; 4A_694/2015 du 4 mai 2016 consid. 2.2 et 4A_99/2012 du 30 avril 2012 consid. 2.2.1).

N'est pas abusif le congé donné à l'encontre d'un collaborateur dont le caractère difficile a fait naître une situation conflictuelle sur le lieu de travail, et intervient après que l'employeur a pris toutes les mesures nécessaires pour tenter de résoudre le conflit. S'il s'abstient d'agir ou ne prend que des mesures insuffisantes, l'employeur enfreint son devoir d'assistance et commet un abus en licenciant l'employé. Est ainsi abusive la résiliation signifiée à un travailleur en raison de sa mésentente avec un chef de service, sans avoir cherché à désamorcer le conflit (ATF 132 III 115 consid. 2.2 et 5.1; 125 III 70 consid. 2c). De même, est abusif le licenciement prononcé par un employeur dont il est avéré qu'il voulait se débarrasser à tout prix d'un collaborateur et a agi par pure convenance personnelle, sans parvenir à démontrer l'existence de manquements professionnels de la part de l'employé (arrêts du Tribunal fédéral 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 2.2.1 et 4A_203/2007 du 10 octobre 2007 consid. 3 et 7).

5.1.2 Aux termes de l'art. 336a CO, la partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l'autre une indemnité (al. 1). L'indemnité est fixée par le juge, compte tenu de toutes les circonstances; toutefois, elle ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaire du travailleur. Sont réservés les dommages-intérêts qui pourraient être dus à un autre titre (al. 2)

Selon l'art. 336b al. 1 CO, la partie qui entend demander l'indemnité fondée sur les art. 336 et 336a CO doit faire opposition au congé par écrit auprès de l'autre partie au plus tard jusqu'à la fin du délai de congé. Si l'opposition est valable et que les parties ne s'entendent pas pour maintenir le rapport de travail, la partie qui a reçu le congé peut faire valoir sa prétention à une indemnité. Elle doit agir par voie d'action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous peine de péremption.

5.1.3 L'appréciation du caractère abusif d'un licenciement suppose l'examen de toutes les circonstances de l'espèce (ATF 132 III 115 consid. 2.1 à 2.5; 131 III 535 consid. 4.2). Par ailleurs, le juge dispose d'un large pouvoir pour apprécier le caractère abusif d'un congé, ainsi que pour fixer le montant de l'indemnité selon l'art. 336a CO (Perrenoud, Commentaire romand CO I, 2021, n° 10 ad art. 336 CO).

5.1.4 En application de l'art. 8 CC, c'est en principe à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif. Elle doit établir non seulement le motif abusif, mais aussi l'existence d'un lien de causalité entre l'état de fait fondant le caractère abusif du congé et la résiliation du contrat de travail. L'appréciation du caractère abusif d'un licenciement suppose l'examen de toutes les circonstances du cas d'espèce afin de déterminer quel est le motif réel du congé (arrêts du Tribunal fédéral 4A_408/2011 du 15 novembre 2011 consid. 5.2 et 4A_564/2008 du 26 mai 2009 consid. 2.1; Dunand, op. cit., n° 22 ad art. 336 CO).

En ce domaine, la jurisprudence a cependant tenu compte des difficultés qu'il pouvait y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui a donné le congé. Selon le Tribunal fédéral, le juge peut présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de "preuve par indices". De son côté, l'employeur ne peut rester inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1).

5.1.5 A teneur de l'art. 3.10 de la CCT, l'employé qui enfreint ses devoirs généraux ou particuliers, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est passible de sanctions, sans préjudice de celles pénales ou civiles, qui pourraient être prononcées contre lui.

Les sanctions disciplinaires sont les suivantes, par ordre croissant de gravité: l'avertissement écrit (a), le blâme écrit (b) et le licenciement (c).

L'employeur doit préalablement inviter l'employé intéressé à s'exprimer sur les motifs invoqués contre lui. Il peut se faire accompagner par la personne de son choix. Demeurent réservées les dispositions relatives au licenciement pour juste motif. Les sanctions sont notifiées à l'employé par lettre recommandée, avec indication des motifs.

5.2.1 En l'espèce, le courrier de licenciement remis à l'intimée le 24 juin 2019 ne comportait pas l'énoncé de motifs, mais renvoyait à un entretien du même jour. La teneur de cet entretien, en particulier les motifs éventuellement invoqués de vive voix, n'a pas été clairement établie. A cet égard, l'intimée a uniquement évoqué une rupture du lien de confiance, en précisant ne pas avoir compris sa signification.

En première instance, dans son mémoire réponse, l'appelante a motivé le licenciement de l'intimée par une rupture du lien de confiance, en raison de ses manquements professionnels et de son attitude, en ce sens qu'elle assumait un rôle important dans le dysfonctionnement de l'équipe du 4ème étage de l'EMS.

L'appelante n'a toutefois pas établi les manquements professionnels imputables à l'intimée. En effet, celle-ci a déclaré en audience n'avoir eu qu'une seule évaluation de son travail à l'issue de sa période d'essai et n'avoir jamais reçu d'avertissement écrit ou oral de la part de l'appelante, depuis son engagement en 2015, ce que cette dernière n'a pas contesté. Par ailleurs, le certificat de travail établi le 13 août 2019, soit après le licenciement de l'intimée, ne fait pas état d'éventuels manquements; au contraire il mentionne ses bonnes compétences professionnelles, le fait qu'elle donnait satisfaction dans l'accomplissement de ses fonctions, effectuées avec autonomie et efficacité, ou encore qu'elle entretenait de bons rapports avec sa hiérarchie.

Concernant les prétendus dysfonctionnements au sein de l'équipe du 4ème étage de l'EMS, la responsabilité de l'intimée n'a pas été démontrée. L'appelante n'a d'ailleurs pas allégué de fait précis. Au contraire, l'appelante, soit pour elle L______, a déclaré en audience n'avoir aucun reproche personnel à faire à l'encontre des employés licenciés, dont l'intimée. Ce dernier a, certes, déclaré qu'on lui avait rapporté que l'équipe du 4ème étage était "rebelle" ou "un Etat dans l'Etat", mais il n'a nommé aucun collaborateur en particulier. Il a d'ailleurs précisé que cette équipe rencontrait "quelques problèmes normaux gérés par [ses] cadres", ce qui a été confirmé par le témoin F______, soit le responsable direct de l'équipe du 4ème étage. En effet, ce dernier a confirmé l'existence de problèmes de communication et de collaboration avec celle-ci, mais a précisé qu'à la suite de discussions, ces situations avaient été réglées. La crédibilité de ce témoignage est renforcée par le fait que F______ n'est plus subordonné à l'appelante, ce dernier ayant quitté l'EMS en août 2020 et le procès-verbal de son audition mentionnant qu'il n'a aucun lien avec les parties.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le témoignage du Dr M______ ne saurait remettre en doute ce qui précède. En effet, ce dernier a déclaré qu'on lui avait effectivement rapporté les problèmes de communication et de coopération rencontrés avec l'équipe du 4ème étage, mais ne pas les avoir lui-même constatés. Il a également précisé ne jamais avoir rencontré de difficultés de communication avec cette équipe.

Par ailleurs, les témoins N______ et O______ ont toutes deux confirmé que l'équipe du 4ème étage n'était pas "en révolte" et n'avait pas un "esprit revendicateur".

Compte tenu de ce qui précède, les déclarations de l'intimée - qui a admis que les membres de l'équipe du 4ème étage étaient des "fortes têtes" - et des employées licenciées G______ - qui a admis que l'existence de projets tests au sein de cette équipe avait causé des problèmes et avoir parfois suivi les instructions dans l'ordre qu'elle estimait correct pour les résidents - ou encore J______ - qui a admis que les membres de cette équipe n'étaient pas toujours d'accord avec les instructions données par F______ -, ne sauraient suffire à démontrer les "graves dysfonctionnements" au sein de cette équipe, depuis un an et demi, comme soutenu par l'appelante. A cet égard, la pièce n° 2 produite par celle-ci ne suffit pas non plus à établir de tels dysfonctionnements, allant au-delà des "quelques problèmes normaux" relevés par L______. Ce dernier a, en outre, déclaré qu'il n'y avait pas une ambiance délétère au sein de l'équipe du 4ème étage, raison pour laquelle il n'avait pas envisagé de séparer les membres de celle-ci et de les répartir dans les autres étages de l'établissement. Il s'agissait pourtant d'une mesure efficace pour résoudre le prétendu dysfonctionnement de cette équipe allégué par l'appelante.

Il s'ensuit que l'instruction de la cause n'a pas permis d'établir que l'appelante était confrontée depuis un an et demi à de graves dysfonctionnements au sein de l'équipe du 4ème étage, ni le fait que l'intimée assumait un rôle important dans ceux-ci. Les motifs du licenciement litigieux invoqués par l'appelante dans son mémoire réponse - à savoir une rupture du lien de confiance consécutive à plusieurs manquements professionnels de l'intimée et à sa participation au dysfonctionnement de l'équipe du 4ème étage - ne reposent donc pas sur des faits avérés et ne constituent pas les réels motifs de ce licenciement.

Lors de l'instruction de la cause, l'appelante a justifié le licenciement de l'intimée par d'autres motifs que ceux évoqués ci-dessus. En effet, L______ a déclaré, sans équivoque, que l'absence de remise en question consécutive à la problématique de la sonnette de la résidente, qui était tombée de son lit, avait entraîné une perte de confiance envers l'intimée, raison pour laquelle elle avait été licenciée, ainsi que certains de ses collègues du 4ème étage de l'EMS. Le témoin M______ a confirmé que ce manque de remise en question était grave et avait engendré une rupture du lien de confiance envers ces derniers.

Les enquêtes menées à la suite de cet incident n'ont toutefois pas permis d'établir une responsabilité personnelle de l'intimée, ce qui n'est pas remis en cause par l'appelante. L'intimée travaillait de jour, soit à partir de 7h30 selon les déclarations, non contestées, de K______. Or, la chute de la résidente a été constatée vers 7h30 et est donc intervenue avant que l'intimée ne prenne son service.

Il n'est pas non plus établi que la problématique de la sonnette de la résidente, soit le fait qu'elle était débranchée depuis plusieurs jours, soit imputable à l'intimée. Comme retenu par les premiers juges, l'appelante n'a pas démontré avoir mis en place les mesures nécessaires, afin de permettre à celle-ci de se rendre compte de ce problème. Le témoin F______ a indiqué à ce titre qu'il n'y avait pas de contrôle systématique de l'utilisation des sonnettes, ni d'alarme lorsque celles-ci étaient débranchées. K______ a, certes, déclaré qu'il "n'arrivait pas que les résidents ne sonnent pas pendant plusieurs nuits", mais elle a également précisé que lorsqu'une sonnette ne fonctionnait pas, les résidents en faisaient part aux employés. A cet égard, le témoin F______ a reconnu ne pas être en mesure d'expliquer les raisons pour lesquelles la résidente en question n'avait pas évoqué ce problème de sonnette avec les soignants. K______ a également déclaré qu'il existait un tableau de contrôle, auquel les infirmières n'avaient pas accès, de sorte que seuls les responsables de la maintenance pouvaient constater un problème. J______ a déclaré qu'il y avait souvent des problèmes de sonnette, qui ne fonctionnait pas ou ne s'affichait pas sur les écrans de contrôle. I______, quant à lui, a déclaré qu'il y avait eu un problème informatique. Sur ce point, l'appelante s'est limitée à alléguer que le système de sécurité n'était pas nouveau, mais avait fait l'objet de mises à jour, qui n'avaient pas créé de dysfonctionnements particuliers, sans autres précisions.

Par ailleurs, H______ a déclaré que la résidente ayant chuté se trouvait généralement au salon de l'EMS durant la journée, accompagnée du personnel soignant, ce qui a été confirmé par le témoin N______. Cette dernière a, en outre, précisé que ladite résidente n'utilisait pas souvent la sonnette en journée. A cet égard, le témoins F______ a confirmé que lorsque les résidents étaient dans les lieux communs, ils n'utilisaient pas leur sonnette. Dans ces circonstances, il se justifie encore moins de reprocher à l'intimée, qui travaillait de jour au sein de l'EMS, de ne pas avoir constaté que la sonnette de la résidente était débranchée, comme retenu par les premiers juges.

Le témoin M______ a, certes, déclaré ne pas avoir constaté de remise en question de la part des employés du 4ème étage, lors des deux réunions ayant suivi l'incident. Il n'a toutefois pas spécifiquement formulé de reproche à l'encontre de l'intimée à cet égard. Il a d'ailleurs admis ne pas se souvenir si l'un des collaborateurs avait effectivement indiqué avoir commis une erreur. Le seul fait que ces derniers n'ont pas apporté de réponses s'agissant de la problématique de la sonnette ne saurait suffire à retenir que l'intimée ne se serait pas remise en question ou n'aurait pas eu conscience de la gravité de la situation.

En tous les cas, comme retenu par les premiers juges, l'appelante n'a pas donné la possibilité, ni le temps nécessaire, à l'intimée et aux autres employés licenciés, de modifier leur pratique suite à la chute de la résidente, ainsi qu'à la problématique de la sonnette, et d'en poser le constat. Un nouveau protocole avait, en effet, été mis en place à la suite de la réunion du vendredi suivant l'incident et immédiatement suivi par les employés, selon les déclarations non contestées de ces derniers. Le témoin F______ a d'ailleurs indiqué ne pas avoir constaté de comportement négatif de la part de ceux-ci lors de la réunion. Or, ils ont été licenciés deux jours plus tard, soit le lundi suivant. Il s'agit d'un délai manifestement trop court pour permettre d'apprécier une réelle remise en question et l'adoption d'un nouveau comportement. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que tel n'aurait pas été le cas. Au contraire, le témoin F______ a déclaré que les membres de l'équipe de 4ème étage avaient, auparavant, pris acte de ce qui leur avait été reproché, avaient modifié leur comportement et qu'il n'avait "jamais" eu à se plaindre d'un manque de remise en question, "pour la plupart", sans toutefois nommer d'employés en particulier.

Dans ces circonstances, la responsabilité de l'intimée dans la chute de la résidente, ainsi que son manque de remise en question à la suite de cet incident, n'ont pas été démontrés, comme retenu par les premiers juges.

L'appelante a ainsi échoué à établir la réalité des manquements ayant selon elle motivé le licenciement de l'intimée, alors que celle-ci a pu apporter des éléments faisant apparaître son licenciement disciplinaire comme objectivement infondé, faute de responsabilité dans la chute de la résidente, ce qu'elle a soutenu dans sa demande en paiement, contrairement à ce que soutient l'appelante.

En outre, certains membres de l'équipe du 4ème étage n'ont pas été licenciés, comme N______, ce qui renforce le caractère infondé et donc abusif du licenciement de l'intimée et de ses collègues. En effet, N______ a déclaré avoir travaillé les jours précédents la chute de la résidente, soit lorsque la sonnette ne fonctionnait pas, et assisté aux réunions ayant suivi cet indicent, lors desquelles le manque de remise en question ayant engendré une rupture du lien de confiance avait eu lieu, selon l'appelante. Cela étant, ces éléments n'ont pas été reprochés à N______, contrairement à l'intimée et ses collègues licenciés. A cet égard, l'intimée a émis l'hypothèse que seuls les employés ayant rencontré des difficultés avec F______ avaient été licenciés, ce qui paraît plausible, compte tenu de ce qui précède.

5.2.2 Indépendamment de la question de savoir si l'appelante a ou non respecté l'art. 3.10 de la CCT, compte tenu du caractère disciplinaire du licenciement de l'intimée, le calcul de la quotité de l'indemnité allouée à celle-ci pour licenciement abusif correspondant à trois mois de salaire, ne prête pas le flanc à la critique.

En effet, l'intimée a été licenciée en raison d'un incident d'une certaine gravité, alors que sa responsabilité et son absence de remise en question en lien avec celui-ci n'ont pas été établis, ce qui était de nature à porter atteinte à son honneur personnel et professionnel.

Par ailleurs, la réalisation des conditions de l'art. 336b al. 1 CO n'est pas remise en cause par l'appelante.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement entrepris sera entièrement confirmé.

6.             La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., la procédure d'appel est gratuite (art. 114 let. c et 116 al. 1 CPC; art. 71 RTFMC; art. 19 al. 3 let. c LaCC) et il ne sera pas alloué de dépens d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 6 mai 2022 par A______ SA contre le jugement JTPH/88/2022 rendu le 23 mars 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/5761/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Anne-Christine GERMANIER, juge employeur; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.