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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/25260/2020

CAPH/197/2022 du 16.12.2022 sur JTPH/84/2022 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25260/2020-3 CAPH/197/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 16 DECEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 21 mars 2022 (JTPH/84/2022), comparant par
Me Christian BRUCHEZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12,
case postale 3647, 1211 Genève 3, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Yvan JEANNERET, avocat, Keppeler Avocats, rue Ferdinand-Hodler 15, case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/84/2022 du 21 mars 2022, reçu par les parties le lendemain, le Tribunal des prud’hommes, statuant par voie de procédure ordinaire, a, à la forme, déclaré recevables la demande formée le 23 avril 2021 par A______ contre B______ SA (chiffre 1 du dispositif) ainsi que les allégués et le bordereau de pièces complémentaires déposés par la précitée le 29 octobre 2021 (ch. 2).

Au fond, le Tribunal a condamné B______ SA à établir un certificat de travail à l’attention de A______ dont le contenu a été précisé (ch. 3), dit que la procédure était gratuite et qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 5).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 5 mai 2022, A______ a formé appel contre ce jugement, dont il a sollicité l’annulation du chiffre 5 du dispositif.

Il a conclu à ce que la Cour condamne B______ SA à lui verser le montant net de 33'230 fr. 80, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 août 2020.

b. Par réponse du 9 juin 2022, B______ SA a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées le 17 octobre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______ SA est une société de droit suisse sise à Genève ayant pour but l’exploitation d’une entreprise de transports, la fourniture et la commercialisation de prestations de transport par bus et tout autre moyen de transport public ainsi que toute prestation de services connexes, et la construction, l’exploitation et l’administration des infrastructures et installations qui y sont liées.

B______ SA est une entreprise sous-traitante des C______ [entreprise de transports].

b. Par contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er novembre 2012, A______ a été engagé par B______ SA en qualité de conducteur de bus de ligne à partir du 1er novembre 2012.

Le salaire mensuel brut convenu était de 4'100 fr., versé treize fois l’an, auquel s’ajoutaient diverses primes et la rémunération des heures supplémentaires.

En dernier lieu, A______ percevait un salaire mensuel brut de 4'575 fr., versé treize fois l’an. Pour la période de janvier à août 2020, il a perçu au total un salaire brut de 44'307 fr. 77.

c.a Dès septembre 2014, A______ a mené une activité syndicale au sein [du syndicat] D______.

En 2016, il a notamment participé à une table ronde avec l’Office cantonal de l’inspection et des relations de travail (ci-après OCIRT), dont l’intervention avait été sollicitée par le D______.

En 2018, A______ s’est investi dans les discussions entre son employeur et le syndicat portant sur différentes revendications, notamment les primes repas, les amplitudes de travail, la revalorisation des salaires, les préférences horaires et la nécessité de locaux de repos et de WC aux terminus.

c.b A______ a allégué avoir été élu délégué du personnel en 2014.

Il a produit une "décision de la commission de gestion" de B______ SA du 14 novembre 2017, sur laquelle un espace est réservé à la signature du représentant de l'employeur et du représentant des salariés. Le nom de A______ ne figure pas sur ce document et aucune signature n'y est apposée pour le compte du représentant des salariés.

A______ a également produit des courriers du D______ faisant état de son rôle de "délégué syndical".

c.c Entendu par le Tribunal en qualité de témoin, E______, conducteur de bus ayant travaillé pour B______ SA de 2012 à septembre 2018, a déclaré ne pas se souvenir que A______ ait été élu par le personnel. Il savait toutefois que celui-ci s'était beaucoup investi dans sa mission de délégué syndical. Il a également déclaré que A______ ne s'entendait pas avec les membres de la direction et que l'hostilité de la direction à son encontre s'était progressivement intensifiée.

Le témoin F______, conducteur de bus ayant travaillé pour B______ SA du 1er novembre 2010 au 31 juillet 2018, a déclaré que A______ avait été nommé représentant syndical par les membres du personnel syndiqué de B______ SA. Il n'avait pas remarqué une quelconque hostilité de la part de la direction de B______ SA à l'encontre de A______ depuis que celui-ci avait été nommé délégué syndical.

Le témoin G______, vice-président du D______, a confirmé au Tribunal que A______ avait été élu en 2014 en qualité de représentant syndical pour B______ SA. "Sauf erreur de [s]a part, ( ) A______ a[vait] été élu ou désigné par ses collègues". Ne résidant pas à Genève, le témoin G______ avait été tenu informé par sa collègue, H______, laquelle lui avait rapporté que A______ s'était beaucoup engagé dans sa mission de représentant syndical. Selon lui, B______ SA ne cultivait pas le dialogue social. Selon les échos qu'il avait eus à l'époque, il supposait que A______ faisait "l'objet de tracasseries liées à son activité syndicale de la part de sa direction".

Le témoin H______, secrétaire syndicale du D______, a confirmé que A______ avait été élu par les membres du syndicat employés auprès de B______ SA et qu'il s'était beaucoup investi dans sa mission. Elle a déclaré que le rôle et la légitimité de A______ avaient toujours été remis en cause par B______ SA. Il était reproché à l'employé son esprit négatif et de ne pas jouer un rôle de médiateur entre la direction et ses collègues qu'il représentait.

Le témoin I______, ancien directeur d'exploitation de B______ SA, retraité depuis mars 2020, a déclaré au Tribunal que A______ n'avait jamais été élu par les membres du personnel en qualité de représentant du personnel. Celui-ci était simplement le représentant du syndicat.

d. Le 19 mars 2018, le D______ a adressé un préavis de grève à la direction de B______ SA pour le 27 mars 2018.

B______ SA a saisi la Chambre des relations collectives de travail (ci-après CRCT), ce qui a entraîné la suspension de la grève. A______ a participé aux négociations menées entre B______ SA et le D______ sous l’égide de la CRCT.

e. Le 24 mars 2018, A______ a adressé, sur un groupe intitulé « Conducteurs B______ », par le biais du système de messagerie WhatsApp, un message dont la teneur principale était la suivante : « ( ) pour maintenir un maximum la pression pendant les négociations, il faut continuer à refuser les heures supp et les modifications de planning ( ) ».

f. Par pli recommandé du 23 avril 2018, B______ SA a adressé un avertissement à A______.

Il était reproché au travailleur d’avoir, par l’envoi du message WhatsApp mentionné ci-dessus (cf. supra let. e), incité ses collègues à ne pas accepter les remplacements et donc les heures supplémentaires, afin de faire pression sur l’employeur pendant la période des négociations, lors de laquelle il devait s’abstenir de toutes mesures de lutte et de médiatisation. Un tel comportement constituait une faute grave.

B______ SA a déclaré au Tribunal que certains employés réclamaient de pouvoir effectuer davantage d’heures supplémentaires pour voir leur salaire augmenter, ce qui engendrait des critiques et des pressions de la part du D______. Le message transmis par A______ « mettait encore plus sous pression les démarches de négociations ».

g. Par courrier du 15 mai 2018, signé par H______, le D______ s’est opposé à cet avertissement au nom et pour le compte de A______ et a sollicité la consultation du dossier personnel de l’employé. Le syndicat a relevé que, lorsque l’avertissement avait été communiqué, les parties se trouvaient "sous la cautèle de la CRCT", qui prohibait "tout mouvement de lutte ou de médiatisation". L'avertissement, prononcé sans preuves à l’encontre de son délégué, avait été perçu comme un moyen de pression.

Par pli de son conseil du 18 mai 2018, B______ SA a persisté dans sa position. Elle s’est étonnée de l’intervention du D______ à titre de "mandataire" ainsi que de la requête en consultation du dossier personnel, estimant que requérir la production de messages rédigés par A______ et par la secrétaire syndicale elle-même (dont la teneur avait, de plus, déjà été retranscrite) relevait "de la plaisanterie". Pendant les négociations devant la CRCT, l’employeur restait libre d’adresser un avertissement à un employé en raison d’une grave violation de la loi et de ses obligations contractuelles. De plus, lors d'une audience s'étant déroulée le 3 mai 2018, la CRCT avait "manifesté sa réprobation et avait collectivement rappelé à l’ordre [le D______], à raison des agissements à l’origine de l’avertissement notifié à ( ) A______".

Le 6 juillet 2018, le D______ a réitéré sa demande d’accès au dossier personnel de A______.

Par courrier du 30 juillet 2018, B______ SA a maintenu sa position, estimant que la demande d’accès formulée par l’employé était chicanière, dans la mesure où son but était de connaître l’identité de la personne faisant partie du groupe WhatsApp ayant transmis le message litigieux à l’employeur.

h. Par courriel du 3 mars 2019, A______ a attiré l’attention du directeur d’exploitation de B______ SA, I______, sur des problèmes liés à ses tours de repos.

Par courriel du 12 mars 2019, il a informé I______ et un responsable des C______ de divers problèmes liés à la sécurité au travail s’agissant des barrières à l’entrée des nouveaux bus, des temps de fermeture des portes, des changements de bus sur ligne et des temps de service de cinq heures. Il a en outre indiqué ne pas avoir reçu de réponse de la part de I______ à son courriel du 3 mars 2019.

Par courriel du 18 mars 2019, I______ a fourni des explications au sujet des barrières et du temps de fermeture des portes des nouveaux bus, précisant qu’il en avait déjà fait part à l’employé "il y a quelques semaines". S’agissant du courriel du 3 mars 2019, il demeurait dans l’attente d’informations mais allait "malgré tout" modifier le service de l’employé.

Par courriel du même jour, A______ s’est dit insatisfait des réponses de B______ SA et a précisé envisager un "recours".

i. Par courrier du 26 mars 2019, A______ a informé l’Office fédéral des transports (ci-après OFT) de "quelques problèmes" au sein de B______ SA concernant les plannings, les tours de repos, les services de réserve, la propreté et l’hygiène dans les locaux de pause, la propreté des bus, la pompe à gasoil, les retraits sur salaire, la prise de service, les réunions d’informations et convocations, l’environnement, le covoiturage et les voies de bus.

Par pli du 6 juin 2019, la Division sécurité de l’OFT a répondu à A______ sur les points relevant de sa compétence (soit le planning, les tours de repos, le service de réserve, la propreté et l’hygiène des locaux de pause, la prise de service) et l’a informé avoir transmis les questions ne relevant pas de la loi sur la durée du travail (LDT) à "d'autres sections spécialisées" de l'OFT. S’agissant du courriel du 12 mars 2019 adressé à I______ et à un responsable des C______, dont l'OFT avait eu connaissance, la voie du dialogue et la recherche de solutions communes devaient être privilégiées, de sorte qu’il était préférable de "s’adresser prioritairement à la hiérarchie ainsi qu’à l’entreprise mandante".

j. Le 18 juillet 2019, un entretien a eu lieu entre J______, directeur de B______ SA, et A______, accompagné de la secrétaire syndicale du D______, H______.

A l’issue de l’entrevue, B______ SA a notifié un avertissement écrit à A______.

B______ SA a reproché à A______ de "graves manquements", soit d’avoir communiqué directement avec les C______ et l’OFT, sans autorisation de sa hiérarchie et en utilisant sa boîte mail personnelle, d’avoir ouvertement critiqué son employeur à cette occasion et d’avoir refusé d’essayer sa nouvelle tenue de travail le 18 mai 2019. B______ SA s'est également plainte du fait que l'employé avait utilisé la radio de l’entreprise à des fins non-professionnelles le 29 mai 2019, pour critiquer l’engagement de l'employeur dans les négociations de la CCT, ainsi que "le personnel travaillant dans les bureaux". Selon B______ SA, ladite conversation constituait un acte de dénigrement public dans la mesure où les radios étaient audibles par les clients et les collaborateurs des C______.

L'employé était soumis à un délai d'épreuve de douze mois à compter du 18 juillet 2019.

j.a S'agissant du premier reproche, A______ a déclaré, lors de son audition par le Tribunal, qu'il avait dans un premier temps signalé les problèmes indiqués dans son courriel du 12 mars 2019 à son employeur, en particulier à K______, agent d’exploitation, qui devait relayer les informations à la direction. Aucune mesure n’ayant été prise, il avait estimé utile de s'adresser aux C______ et à l'OFT.

B______ SA a allégué avoir toujours apporté une réponse aux revendications portées à sa connaissance par A______. Vu sa position de sous-traitante des C______, elle était soumise à un devoir de résultat et de qualité, raison pour laquelle l’employé ne devait communiquer sur de tels sujet qu’à l’interne.

j.b S'agissant du deuxième reproche, A______ a déclaré qu'il disposait déjà d'une tenue de travail conforme, que la nouvelle tenue ne comportait qu'une différence mineure au niveau du pantalon et qu’il était à disposition pour essayer sa nouvelle tenue de travail pendant son temps de travail mais pas durant ses pauses.

B______ SA a déclaré au Tribunal que l’entreprise comptait plus de quatre-vingts collaborateurs et qu’il était important que ceux-ci fassent preuve de souplesse lorsqu’il s’agissait de fixer un entretien, en acceptant par exemple des rendez-vous en dehors de leurs heures de service. A______ était un des seuls qui refusait de le faire, ce qui engendrait des frais supplémentaires (pour pouvoir le remplacer lors d’une convocation).

Le témoin I______ a déclaré avoir trouvé "choquant" que A______ refuse de se déplacer pour essayer sa tenue de travail en dehors de ses heures de travail.

j.c Il est établi que les bus sont équipés de deux radios, l’une destinée à l’usage interne de l’entreprise et l’autre à la communication avec la centrale C______ uniquement. La radio interne de B______ SA permet aux conducteurs de communiquer soit avec la centrale B______ SA, soit avec un collègue, soit avec l’ensemble des collègues.

S’agissant de la communication radio litigieuse, A______ a allégué que certains collègues discutaient sur la radio interne au sujet de problèmes relatifs à la négociation de la Convention collective de travail. Il s’était alors "permis" de corriger certaines informations qu’ils diffusaient qui étaient inexactes. Lesdits collègues avaient ensuite poursuivi leur discussion, sans qu’il n’intervienne à nouveau.

B______ SA a déclaré au Tribunal que les négociations menées avec la CRCT ne concernaient que la direction de B______ SA et le D______ et ne devaient donc pas être divulguées par radio. Les radios étaient par ailleurs maintenues sur haut-parleur dans les véhicules et les conversations pouvaient être entendues par une partie de la clientèle. La conversation de A______ avait été entendue par K______, agent d’exploitation, ainsi que par un agent de réserve, lesquels avaient rapporté que A______ s’était plaint de la lenteur des négociations et avait émis des critiques à l’encontre de la société.

B______ SA a également allégué que l’utilisation abusive de la radio interne avait fait l’objet de rappels à l’ordre signifiés à d’autres conducteurs.

Le témoin I______ a déclaré que les faits reprochés s'étaient déroulés en soirée et lui avaient été rapportés par un collègue qui se trouvait encore dans les bureaux à ce moment-là. A______ avait utilisé la radio interne de l'entreprise pour tenir des propos dénigrant l'entreprise, dont il ne pouvait préciser la teneur. Selon lui, si la conversation avait eu lieu à une heure tardive c'est parce que A______ devait penser qu'il n'y avait plus personne dans les bureaux. Les propos litigieux avaient été entendus par tous les conducteurs de B______ SA qui se trouvaient au volant de leur véhicule et par la clientèle à proximité du poste de conduite. Le témoin I______ ne savait pas si ces propos avaient été rapportés aux C______, mais le responsable C______ lui avait demandé de "calmer un petit peu ce Monsieur".

k. Par courrier du 14 août 2019, A______ a contesté l'avertissement du 18 juillet 2019.

S’agissant du premier reproche formulé, il a indiqué avoir communiqué oralement à ses supérieurs les problèmes évoqués, sans que ceux-ci ne soient traités. Il a alors estimé qu'il était tenu de communiquer des problèmes pouvant mettre en danger tant la sécurité des employés que celle des usagers, ce d’autant que ses collègues lui faisaient part de dysfonctionnements et attendaient de lui qu’il les relaye.

Par ailleurs, A______ a fait valoir que l’essayage des uniformes devait être programmé pendant les heures de travail.

Enfin, il a indiqué ne pas avoir voulu dénigrer ses collègues lors de l’utilisation de la radio et s’être contenté d’intervenir dans une conversation dans laquelle il avait été interpellé par des collègues.

l. Du 21 août au 9 septembre 2019, A______, représenté par le D______, et B______ SA ont échangé des courriers au sujet de ce deuxième avertissement, chacun persistant dans ses positions respectives.

Le D______ s’est plaint de ce que B______ SA entravait l’activité syndicale de A______ et a transmis une « pétition concernant l’avertissement » de la part d’une « petite délégation de travailleurs et de membres du D______ » à B______ SA. Le 16 octobre 2019, les C______ ont adressé à B______ SA un courrier à ce sujet.

B______ SA a fait valoir que l'avertissement était exclusivement lié à l’attitude de l’employé en tant que chauffeur, face à des problématiques liées au service, et n’avait aucun rapport avec son activité syndicale, qu’il pouvait librement exercer dans le respect du droit.

m. Le 17 mai 2020, A______ a repris son service avec un retard d’environ 15 minutes après avoir atteint le terminus de la ligne 1______ et pris une pause (arrivée au terminus à 10h36 et départ prévu initialement à 11h12).

Il a expliqué avoir dû se rendre urgemment aux toilettes après s’être senti mal.

Il est admis qu’en cas de retard, les régulateurs des C______ (soit la radio centrale de transmission, ci-après la RCT) ou B______ SA devaient être informés par téléphone ou par radio. A son retour dans le véhicule, A______ a répondu à un appel de la RCT qui lui demandait d’expliquer son retard, étant précisé que la RCT avait déjà tenté de joindre le conducteur. Selon lui, il n’était pas nécessaire, vu l’urgence, qu’il prenne contact avec son employeur. A la fin de son service, il a rempli un avis de sinistre.

A teneur de la "main courante et évènements conducteurs – année 2020" établi par B______ SA concernant le 17 mai 2020, A______ n’était pas joignable avant son retour dans le véhicule.

Les témoins K______, conducteur de bus de 2016 à 2018, puis assistant d'exploitation depuis 2018 au sein de B______ SA, et L______, responsable d'exploitation, ont déclaré que A______ aurait dû avertir la RCT. En cas d'échec, il devait prendre contact avec B______ SA par radio ou par téléphone afin que le nécessaire soit fait, ce qui a été confirmé par B______ SA, laquelle a précisé que des agents de réserve, prévus pour de tels cas de figure, étaient disponibles. Un retard de 15 minutes était important et se reportait sur toute la ligne. K______ a déclaré avoir reçu un appel téléphonique de la RCT l'informant de ce qui s'était passé et B______ SA avait fait l'objet d'"un évènement rapporté".

Ce retard a abouti à l’envoi par M______, gestionnaire de l’offre sous-traitant au sein des C______, à B______ SA d'un courrier électronique, que le témoin L______ a qualifié de courriel de "remontrances", ainsi qu’à un signalement par la RCT. Les C______ n'ont toutefois pas prononcé à l'encontre de B______ SA de pénalité financière, qui s'élève habituellement à 600 fr. selon les témoins K______ et L______, en raison de ce retard.

A______ a déclaré qu’il s’agissait de son seul retard en huit ans d’activité, tandis que B______ SA a fait valoir qu'elle avait perçu le retard et le manque de réaction comme une attitude négative de l'employé.

n. Lors d’un entretien du 26 juin 2020, B______ SA, représentée par K______ et L______, a signifié à A______ la résiliation du contrat de travail avec effet au 31 août 2020.

A l’issue de l’entretien, B______ SA a remis à l'employé une lettre de licenciement, sur laquelle ce dernier a indiqué son opposition.

Dans son jugement, le Tribunal a retenu que, lors de cet entretien, A______ avait été mis en communication téléphonique avec J______, qui avait justifié le licenciement par le cumul de deux avertissements et le retard du 17 mai 2020, lors duquel l’employé n’avait pas respecté les procédures internes. Ce fait n'est plus remis en cause dans le cadre de l'appel.

o. A______ s’est inscrit au chômage en France (Pôle emploi). Il a allégué avoir perçu des indemnités correspondant à 57% de son salaire brut.

Il a ensuite travaillé à temps partiel (50%) pour N______ [entreprise de recrutement] SA en qualité de chauffeur de bus du 2 novembre 2020 au 31 mars 2021. A______ a déclaré que, durant cette période, Pôle emploi lui a versé des indemnités complémentaires pour compléter son salaire assuré. A teneur du certificat de travail produit, la société a été très satisfaite des performances de A______.

A______ a allégué avoir, par la suite, retrouvé un emploi à 100% dans son domaine d'activité.

p. Par demande du 24 novembre 2020, déclarée non conciliée le 11 janvier 2021 et portée devant le Tribunal le 23 avril 2021, A______ a assigné B______ SA en paiement de la somme nette de 33'230 fr. 80 avec intérêts à 5% dès le 31 août 2020 à titre d’indemnité pour licenciement abusif. Il a également pris des conclusions relatives à la remise d'un certificat de travail.

Il a fait valoir que son licenciement était abusif, puisqu’il était lié à son activité syndicale. Il avait fourni des prestations de qualité et s’était investi dans son travail à l’entière satisfaction de son employeur.

q. Dans sa réponse du 2 juillet 2021, B______ SA a conclu au déboutement de A______ de ses conclusions.

Elle a allégué que le licenciement de A______ avait été prononcé à la suite de divers manquements de l’employé, lesquels avaient donné lieu à deux avertissements, et, en particulier, qu'il "faisait suite à un nouveau manquement" de l'employé, soit le retard du 17 mai 2020.

B______ SA a également allégué que ce licenciement ne présentait aucun lien avec l’activité syndicale de A______.

r. Le Tribunal a procédé à l'audition des parties et de plusieurs témoins, dont les déclarations ont été intégrées dans la mesure utile à l'état de fait retenu ci-dessus.

s. Lors de l'audience du 15 décembre 2021, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives. A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que les motifs de licenciement avancés par B______ SA étaient l’attitude négative de A______, ainsi que le cumul entre les avertissements des 23 avril 2018 et 18 juillet 2019 et le retard de l’employé le 17 mai 2020 et a considéré que le licenciement n’était pas abusif.

Selon le Tribunal, les deux avertissements adressés à A______ les 23 avril 2018 et 18 juillet 2019 étaient justifiés. En effet, le premier avertissement faisait suite à un message adressé le 23 mars 2018 par l’employé via la messagerie WhatsApp à ses collègues, les invitant à refuser d’effectuer des heures supplémentaires pour maintenir la pression sur l'employeur, alors que la Chambre des relations collectives de travail avait été saisie par B______ SA. Dans la mesure où l’employé était au courant de cette saisine et de l’interdiction de toute mesure de lutte et de médiatisation pendant les négociations, son attitude n’était pas conforme au droit. S'agissant du second avertissement, le Tribunal a retenu que la discussion entre des collègues et le travailleur, pendant le service, sur la radio interne de l’entreprise, sur haut-parleurs, n’avait pas de lien direct avec l’activité syndicale du travailleur et était audible par les conducteurs de bus, les collaborateurs de la centrale et les usagers. Le témoin I______ avait déclaré que les C______ lui avaient fait part de leur inquiétude quant à l’attitude du travailleur, ce qui démontrait que les propos tenus par ce dernier avaient largement circulé. B______ SA était en droit d’attendre une attitude exemplaire de la part de ses employés et avait indiqué avoir rappelé à l’ordre d’autres conducteurs de bus suite à une utilisation abusive de la radio. L'avertissement apparaissait dès lors justifié sur ce point. Le Tribunal a par ailleurs considéré que le fait de porter des revendications devant les C______ et l'OFT, sans avoir eu une discussion formelle au préalable avec la hiérarchie contrevenait aux obligations de diligence de l'employé. Il n’y avait pas lieu de déterminer si le refus de l'employer d'essayer l’uniforme de travail en dehors des heures de travail était justifié vu que ce motif était accessoire dans le cadre de l’avertissement.

Quant aux évènements du 17 mai 2020, il était admis que la RCT devait être contactée immédiatement en cas de retard, ce que n’avait pas fait A______. Le retard avait été important, au point que la RCT avait tenté de joindre le conducteur plusieurs fois, sans succès, et avait fini par prendre contact avec B______ SA directement. Compte tenu du court laps de temps entre le retour de pause et le départ de la course, A______ devait prévoir qu’un malaise, même léger, allait engendrer du retard au départ de la course. B______ SA pouvait attendre de l'employé qu’il respecte les directives en prenant contact avec la RCT ou la centrale par radio interne ou par message, afin que les mesures nécessaires (comme un éventuel remplacement) soient prises.

Selon le Tribunal, B______ SA pouvait "raisonnablement se montrer déçue" de l’attitude de A______, compte tenu des deux avertissements déjà prononcés, de sorte que la décision de le licencier ne prêtait pas le flanc à la critique.

Le Tribunal a ensuite retenu que A______ ne pouvait pas être considéré comme un représentant élu des travailleurs, relevant que celui-ci confondait la notion de représentant du personnel et celle de délégué syndical. Par ailleurs, A______ n’avait pas allégué le nombre d’employés de B______ SA syndiqués auprès du D______, de sorte que le Tribunal n’était pas en mesure de déterminer la proportion du personnel ayant participé à son élection en tant que représentant syndical.

Statuant sur les conclusions de l'employé relatives à la délivrance d'un certificat de travail, le Tribunal a retenu que l'employé avait entretenu de bonnes relations avec ses collègues de travail, les clients et sa hiérarchie compte tenu des déclarations des témoins, de l’absence de plainte de la part de la clientèle, et du déroulement du licenciement. Quant à la qualité du travail, aucun élément figurant à la procédure ne permettait de retenir un manquement de la part de A______. Excepté le retard reproché, il n’avait jamais causé d’accident ou de retard et son attitude négative vis-à-vis de son employeur n’était pas lié à la qualité de son travail.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142, 145 al. 1 let. a et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une affaire de nature pécuniaire, qui statue sur des conclusions dont la valeur litigieuse, compte tenu de l'ensemble des prétentions demeurées litigieuses en première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuées par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (art. 157 CPC en lien avec l'art. 310 let. b CPC; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 2).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la présente procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et 58 CPC). La procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC).

2. L'appelant fait grief aux premiers juges de ne pas avoir retenu qu'il était le représentant élu des travailleurs et de l'avoir ainsi privé du bénéfice de la présomption instaurée par l'art. 336 al. 2 let. b CO.

2.1 Est abusif le congé donné pendant que le travailleur, représentant élu des travailleurs, est membre d’une commission d’entreprise ou d’une institution liée à l’entreprise et que l’employeur ne peut prouver qu’il avait un motif justifié de résiliation (art. 336 al. 2 let. b CO).

La protection de l’art. 336 al. 2 let. b CO concerne en particulier les représentants des travailleurs, membres de la représentation, élus conformément aux art. 5 à 7 de la Loi fédérale sur l’information et la consultation des travailleurs dans les entreprises du 17 décembre 1993 (Loi sur la participation, RS 822.14). Par ailleurs, lorsque le travailleur est membre d'une commission paritaire, peu importe que celle-ci n'ait jamais fonctionné (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 2019, p. 801).

Constitue une commission d’entreprise ou une institution liée à l’entreprise, "toute commission au sein de laquelle, seuls ou à plusieurs, des travailleurs accomplissent une activité de représentation de leur collègues", tels une commission de négociation ou de travail, un comité de sécurité ou un conseil de fondation de prévoyance (Perrenoud, Commentaire romand, Code des obligations I, n. 47 ad art. 336 CO). Un travailleur assumant des responsabilités déléguées par ses collègues, ou une organisation de travailleurs doit être considéré comme un représentant élu. De même, un travailleur formellement élu bénéficie de la protection même si la commission dont il est membre ne s'est jamais réunie, ou s'il n'a encore eu aucune activité depuis son élection (Bruchez/Mangold/Schwab, Commentaire du contrat de travail, 2019, p. 382). L'élection doit revêtir un caractère interne à l'entreprise. Ainsi, les travailleurs élus au sein d'un organisme externe, tel qu'un syndicat, ne sont pas protégés par cette disposition (Favre, Les différents types de licenciements en droit du travail, 2019, p. 152).

L'art. 336 al. 2 let. b CO a pour but d'assurer aux représentants élus des travailleurs la protection nécessaire, afin qu'ils puissent défendre effectivement les intérêts de ceux-ci sans craindre des sanctions de leur employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4D_14/2014 du 7 juillet 2014 consid. 4.1). La particularité de ce cas de protection réside dans le fait qu'il s'agit en réalité d'une protection temporelle et que la loi prévoit un renversement du fardeau de la preuve : dès l'instant où le travailleur revêt l'une des qualités énumérées, c'est à l'employeur qu'il incombe d'apporter la preuve d'un motif justifié de résiliation, l'abus étant présumé. Concrètement, l'employeur doit établir non seulement l'existence de circonstances constitutives d'un motif justifié, mais encore que lesdites circonstances ont effectivement constitué la cause du congé litigieux (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 801; Perrenoud, op. cit., n. 48 ad art. 336 CO).

2.2 En l'espèce, l'appelant critique la décision du Tribunal de ne pas faire application de l'art. 336 al. 2 let. b CO, estimant qu'il a prouvé sa qualité de représentant du personnel et démontré qu'il faisait partie de la commission de gestion de l'intimée en sa qualité de "représentant des salariés".

Or, la seule pièce produite à cet égard (cf. ci-dessus, "En fait", let. C c.b) ne permet pas de retenir ce qui précède, celle-ci ne contenant aucune indication quant à l'identité de la personne endossant le rôle de représentant des salariés au sein de la commission de gestion.

Les allégations de l'appelant sont, de plus, contredites par les déclarations des témoins F______, H______ et I______. Ceux-ci ont déclaré que l'appelant avait été nommé en qualité de représentant syndical par les membres syndiqués du personnel de l'intimée, et non en qualité de représentant du personnel. Quant au témoin E______, il ne se souvenait pas si l'appelant avait été élu par le personnel, mais a déclaré que celui-ci s'était beaucoup investi dans sa mission de "délégué syndical". Le fait que le témoin G______ ait indiqué que "sauf erreur de [s]a part", l'appelant avait été élu ou désigné par ses collègues ne change rien à la constatation qui précède. En effet, ce témoin a ensuite fait référence au rôle de représentant syndical de l'appelant et précisé qu'il ne résidait alors pas à Genève, de sorte qu'il ne connaissait de la situation que ce que lui avait rapporté la secrétaire syndicale.

De plus, les courriers du D______ font état du rôle de "délégué syndical" de l'appelant.

Enfin, contrairement à ce que prétend l'appelant, les notions de "représentant du personnel" et de "représentant syndical" ne se confondent pas, l'art. 336 al. 2 let. b CO n'étant pas applicable lorsque le travailleur en question a été élu au sein d'un organisme externe, tel qu'un syndicat.

C'est donc à juste titre que le Tribunal a refusé d'appliquer cette disposition et, partant, de renverser le fardeau de la preuve.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

3. L'appelant fait grief au Tribunal de ne pas avoir considéré que son licenciement était abusif.

3.1 Aux termes de l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties.

En droit suisse du travail, la liberté de la résiliation prévaut, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1; 131 III 535 consid. 4.1). En particulier, la résiliation n'a pas être motivée pour être valable; ce n'est que si l'autre partie le demande que l'auteur du congé est tenu de le motiver par écrit (art. 335 al. 2 CO). Le refus de motiver n’empêche pas le congé de produire tous ses effets; la seule conséquence étant que l’attitude de la partie qui résilie est prise en compte par le juge, notamment lorsqu’il s’agit de se prononcer sur le caractère abusif du congé; et la motivation inexacte du congé ne constitue pas, en tant que telle, un motif de licenciement abusif. Autrement dit, un congé ne peut être considéré comme abusif sur le seul fondement du caractère non avéré des griefs invoqués à l’appui de la résiliation (ORDOLLI/WITZIG, Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 6 ad art. 335 CO).

Le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est cependant limité par les dispositions sur le congé abusif (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.1).

L'art. 336 al. 1 et 2 CO contient une liste non exhaustive de cas dans lesquels la résiliation est abusive (ATF 132 III 115 consid. 2.1). Le congé est abusif lorsqu'il est donné par l'employeur en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance du travailleur à une organisation de travailleurs ou en raison de l'exercice conforme au droit d'une activité syndicale (art. 336 al. 2 let. a CO). Cette disposition instaure une protection spéciale de la liberté syndicale garantie à l'art. 28 al. 1 Cst. La première hypothèse de cette disposition protège en particulier la liberté d'association tant positive (droit de fonder un syndicat, d'adhérer à un syndicat existant) que négative (droit de ne pas adhérer à un syndicat ou d'en démissionner); pour être abusif, il faut que le congé ait été donné parce que le travailleur est syndiqué. La seconde hypothèse visée par la norme précitée est celle de l'activité syndicale. Elle n'est protégée que si elle est exercée de manière conforme au droit, c'est-à-dire si elle respecte le contrat et la loi, voire les dispositions de la convention collective de travail ou du contrat-type de travail applicables. L'activité syndicale se rapporte notamment à la possibilité d'informer l'ensemble des travailleurs sur le rôle et l'organisation des syndicats, à la nécessité de défendre, le cas échéant, les droits des travailleurs ainsi qu'au renforcement de l'organisation syndicale sur le lieu de travail. Les travailleurs syndiqués ne bénéficient d'aucun privilège particulier quant à leur obligation de diligence et de fidélité, contrairement aux représentants élus des travailleurs qui peuvent exercer leur mandat durant les heures de travail, à condition que le mandat l'exige et que leurs activités professionnelles le permettent (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 800). Pour que le congé soit abusif, il doit exister un lien de causalité entre l'activité syndicale exercée conformément au droit et le licenciement. Afin de pouvoir dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel (arrêts du Tribunal fédéral 4A_485/2015 du 15 février 2016, consid. 3.1; 4A_408/2010 du 7 octobre 2010 consid. 2.3).

Dans le cadre de l'art. 336 al. 2 let. a CC, relatif au congé donné en raison de l'appartenance ou non appartenance à un syndicat ou en raison de l'exercice d'une activité syndicale et à la différence des cas prévus aux art. 336 al. 1 let. a et b CO (raison inhérente à la personnalité ou en raison de l'exercice d'un droit constitutionnel), le fait que l'activité syndicale d'un travailleur perturbe le travail en commun dans l'entreprise ne constitue pas un motif justifiant le licenciement (Portmann/Rudolph, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I (2015), n. 16 ad art. 336 CO).

L'employeur n'abuse pas de son droit de résiliation s'il met un terme au contrat du travailleur en raison des critiques de celui-ci quant à la stratégie, l'organisation ou la gestion de l'établissement décidées par l'employeur. Un travailleur demeure subordonné à son employeur et n'est donc pas en position de faire prévaloir sa propre vision de la manière de gérer l'établissement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_325/2008 du 6 octobre 2008 consid. 3). N'est de même pas abusif le congé qui est fondé sur des manquements ou des défauts de caractère du travailleur qui nuisent au travail en commun (ATF 136 III 513 consid. 2.5).

En application de l'art. 8 CC, c'est, en principe, à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif (ATF 123 III 246). Le juge peut présumer l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur. Celui-ci doit alors fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations (ATF 130 III 699 consid. 4).

3.2 En l'espèce, l'appelant soutient avoir été licencié en raison de son activité syndicale et reproche au Tribunal de ne pas avoir admis le caractère abusif du congé, alors qu'il a considéré que la qualité de son travail ainsi que les bonnes relations avec les collègues, les clients et la hiérarchie étaient établies.

Il prétend que le fait que les avertissements des 23 avril 2018 et 18 juillet 2019 étaient partiellement en lien avec son activité syndicale, comme l'a retenu le Tribunal, prouve que son licenciement est uniquement motivé par sa position de délégué syndical et partant abusif.

Or, même à retenir que ces avertissements ont un lien avec son activité syndicale, celle-ci n'a, en tout état, pas été exercée de manière conforme au droit, de sorte qu'elle n'est pas protégée. En effet, le premier avertissement a été signifié suite à l'envoi par l'appelant d'un message électronique sur un groupe WhatsApp regroupant plusieurs employés, incitant ces derniers à refuser d'effectuer des heures supplémentaires. Le comportement reproché à l'appelant excède le cadre d'une activité syndicale conforme au droit et est constitutive d'une violation de son obligation de fidélité, ce d'autant que l'appelant savait que la CRCT avait été saisie, ce qui impliquait l'interdiction de lutte et de médiatisation pendant lesdites négociations. L'appelant, bien que syndiqué, demeurait subordonné à l'intimée et n'était donc pas en position de donner des instructions à ses collègues pour imposer sa propre vision de la manière de gérer l'entreprise.

Il en va de même des motifs ayant conduit l'intimée à notifier un second avertissement à l'employé, en particulier de la communication de revendications directement aux C______ et à l'OFT sans discussion préalable avec la hiérarchie et de la conversation par radio lors de laquelle il avait critiqué son employeur. Sur ce premier point, l'appelant fait toutefois valoir avoir suffisamment communiqué avec son employeur au sujet des problèmes relayés aux C______ et à l'OFT avant de s'adresser à ces derniers. Si, en effet, il ressort des courriers versés à la procédure que certaines problématiques communiquées par courriel aux C______ avaient déjà été abordées oralement avec le directeur d'exploitation de l'intimée (le courriel de ce dernier faisant état de discussions ayant eu lieu "il y a quelques semaines" au sujet des barrières et du temps de fermeture des portes des nouveaux bus), il en va différemment de celles signalées à l'OFT (notamment les services de réserve, la propreté des locaux de pause et des bus, la pompe à gasoil et le "retrait sur salaires"). Il pouvait être attendu de l'appelant qu'il soumette ses revendications par écrit à sa hiérarchie, afin d'entamer une discussion, laquelle pouvait, cas échéant, être conduite sous l'égide de la CRCT. Le comportement de l'employé, bien que s'inscrivant dans le cadre d'activités syndicales, contrevenait à ses obligations de diligence et de fidélité. Enfin, la communication radio litigieuse excédait, elle aussi, le cadre d'une activité conforme au droit, puisqu'elle avait eu lieu durant les heures de travail de l'employé et était audible par les conducteurs de bus, les collaborateurs de centrale et les usagers, ce que l'appelant ne pouvait ignorer. Le témoin I______ a déclaré à ce sujet que C______ avaient fait part de leur inquiétude quant à l'attitude de l'appelant, ce qui permet de retenir que la conversation a été entendue par des personnes externes à l'entreprise.

Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que les deux avertissements étaient justifiés.

L'appelant soutient à tort qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de ces avertissements pour déterminer si le congé est abusif, dans la mesure où ils ne présentent aucun lien avec le retard du 17 mai 2020 qui a motivé son licenciement. En effet, ces avertissements démontrent le bien-fondé des motifs avancés par l'employeur dans la mesure où le licenciement a été prononcée à la suite de divers manquements donnant lieu à des avertissements, et où le retard reproché a eu lieu durant la mise à l'épreuve de douze mois prononcée lors du second avertissement du 18 juillet 2019.

Ce retard est par ailleurs admis, de même que le non-respect de la procédure à suivre dans une telle situation, quand bien même l'appelant fait valoir qu'il n'était pas en mesure de la suivre, au vu de son état. Bien que ce retard n'ait pas été sanctionné par une pénalité financière, il a fait l'objet d'un courrier électronique des C______ ainsi que d'un signalement par la RCT.

Enfin, le fait qu'il s'agissait de l'unique retard de l'appelant en huit ans de relations contractuelles avec l'intimée ou que le licenciement ait été communiqué plus d'un mois après l'incident ne suffisent pas à faire apparaître comme non réel le motif de congé avancé par l'intimée.

En définitive, il apparaît que les motifs invoqués par l'employeur à l'appui du congé sont constatables et réels. Il ne s'agit pas de prétextes destinés à cacher un motif qui serait abusif au sens de l'art. 336 al. 2 let. a CO.

L'appelant ayant échoué à établir le caractère abusif du congé, c'est à juste titre que le Tribunal a rejeté ses prétentions pécuniaires.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

4. La procédure est gratuite (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 5 mai 2022 par A______ contre le jugement JTPH/84/2022 rendu le 21 mars 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/25260/2020-3.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Monique LENOIR, juge salariée; Madame Véronique FERNANDES, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière  :

Véronique FERNANDES

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.