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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/15781/2001

CAPH/30/2004 (2) du 05.02.2004 sur TRPH/151/2003 ( CA ) , ARRET/CONTRA

Descripteurs : CONTRAT INDIVIDUEL DE TRAVAIL; EMPLOYÉ DE MAISON ; EMPLOYEUR ; MORT ; COMMUNAUTÉ HÉRÉDITAIRE ; MODIFICATION DE LA DEMANDE ; DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ ; PRESCRIPTION; HEURES DE TRAVAIL SUPPLÉMENTAIRES; INDEMNITÉ DE VACANCES
Normes : CC.8; CO.42.al.2; CO.338a.al2; CO.128.ch3; CO.134.al1.ch.4; CO.134.al2; CTT.13; CTT.23
Résumé : T est engagée par Me A, curateur, en tant qu'employée de maison pour s'occuper de C, qui nécessite une aide de tous les instants, et chez qui elle loge. Suite au décès de C, T assigne son hoirie pour diverses sommes, en alléguant que celle-ci a repris le contrat de travail. Dès lors que le contrat de travail était conclu essentiellement en considération de la personne de l'employeur, il a pris fin au décès de ce dernier. T n'a pas droit à un tort moral en raison de douleurs dorsales, n'étant pas établi qu'elles proviendraient de son activité, et T ayant à ce propos refusé de délier son médecin du secret médical. La prescription ne courant pas pendant les rapports de travail lorsque le travailleur vit dans le ménage de l'employeur, la demande de T n'est pas prescrite. Statuant en équité, la Cour retient que l'état de C, qui nécessitait des soins la nuit, justifiait pour fr. 30'000.- d'heures supplémentaires pendant toute la durée des rapports de travail. L'employée a également droit à une indemnisation des jours de vacances non pris en nature, à l'exception de ceux afférents à l'année 2000, C ayant alors été hospitalisé et T ayant refusé de prendre ses vacances, malgré l'injonction formulée dans ce sens par l'employeur.
En fait
En droit
Par ces motifs

T_______

Dom. élu : ADETRA

Association de défense

des travailleurs (euses)

Chemin de Merdisel 45

 

 

 

 

 

 

 

Partie appelante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’une part

E1______________

E2______________

E3______________

E4______________

E5______________

E6______________

E7______________

E8______________

Dom. élu : Me A_______

Rue Henri-Mussard 22

1208 Genève

 

Parties intimées

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’autre part

 

 

 

 

 

ARRET

 

du jeudi 5 février 2004

 

 

M. Richard BARBEY, président

 

 

Mme Colette WEBER et M. Jean-Luc SCHEIDEGGER , juges employeurs

 

Mme Micheline MAYOR et M. André MOLNAR , juges salariés

 

 

M. Antoine ANKEN, greffier d’audience

 

 

 

EN FAIT

 

 

A. T________ (ci-après ég. l’appelante) a été engagée, dès le mois de février 1995, à teneur d’un contrat de travail oral, par Me A_______, curatrice de B_________ et de son fils C_______, en qualité d’employée de maison chargée de tenir leur ménage. D______, filleule de la mère de T______, a été engagée en même temps que l’appelante, dans le but d’aider cette dernière dans ses tâches.

B______ est décédée le 20 décembre 1995 (pièce 12 déf.).

B. D______ a cessé son activité le 31 août 1997. A cette date, T_______ a demandé à ce que la charge de travail de nuit, précédemment effectuée par D_____, lui soit attribuée en échange d’une augmentation de sa rémunération de 3'000 fr. par mois (pièce 1 déf.). Sa requête fut accueillie favorablement. Avec sa famille, elle s’installa alors gratuitement dans la maison de C______.

 

Le travail de l’employée couvrait l’ensemble des soins requis par C_____, à l’exception de soins médicaux lourds, prodigués par du personnel spécialisé lors de ses séjours hospitaliers. C______ fut notamment hospitalisé durant les périodes suivantes : du 4 mai au 16 juin, du 4 au 20 juillet, du 20 novembre au 11 décembre et du 28 décembre 2000 au 14 janvier 2001, date de son décès (cf. pièce 24 déf.).

Le lendemain, le Dr F______ a délivré à T_______ un certificat d’incapacité de travail d’une durée indéterminée pour cause de maladie (pièce 3 déf.).

 

Le 5 février 2001, T_______ s’est inscrite auprès de l’Office cantonal de l’emploi. Dans le formulaire rempli à cette occasion, elle a indiqué : « Dernier employeur C______ du 01/02/1995 au 14/01/2001 DECES (…) Taux d’activité souhaité 100% » (pièce 2 déf.).

 

Par courrier du 26 juin 2001, Me A______, devenue liquidatrice de la succession C______, a rappelé à T_______ que les rapports contractuels avaient pris fin au décès de celui-ci. Elle lui a indiqué que son salaire lui serait néanmoins versé jusqu’au 30 juin 2001, y compris une indemnité correspondant au treizième salaire pro rata temporis de 3'500 fr., ce qui fut fait (pièce 11 dém.).

 

Au cours des rapports contractuels, le salaire de T_______ a évolué de la manière suivante :

1er février au 31 mars 1995 : 3'000 fr., plus une somme de 1'000 fr. pour la nourriture de C______ et B______ (pièce 17, p. 1 à 5 déf.) ;

1er avril au 30 juin 1995 : 3'600 fr., plus la somme de 1'000 fr. pour la nourriture de C______ et B_______ (pièce 17, p. 6 et 7 déf.) ;

1er juillet 1995 au 31 décembre 1996 : 3'600 fr., plus une somme de 1'500 fr. pour la nourriture de C______ et B______ (pièce 7, p. 7 à 19 et pièce 17 , p. 7 à 10 et 12 à 26 déf.) ;

1er janvier au 31 août 1997 : 3'700 fr., plus une somme de 1'500 fr. pour la nourriture de C_______ et B_______ (pièce 7, p. 2 à 6, pièce 8 et pièce 17, p. 27 à 30 déf.) ;

1er septembre 1997 au 31 décembre 1998 : 6'700 fr., plus une somme de 1'500 fr. pour la nourriture de C______ (pièces 5, 9, 17, p. 1 à 5 et 18, p. 10-11 déf.).

1er janvier au 31 décembre 1999 : 6'800 fr., plus une somme de 1'500 fr. pour la nourriture de C______ (pièces 6 et 18, p. 7-8 déf.) ;

1er janvier au 31 décembre 2000 : 6'900 fr., plus une somme de 1'500 fr. pour la nourriture de C______ (pièces 10 et 18, p. 5-6 déf.) ;

1er au 31 janvier 2001 : 7'000 fr., plus une somme de 1'500 fr. pour la nourriture de C_______ (pièces 11 et 18, p. 1-2 déf.) ;

1er février au 30 juin 2001 : 7'000 fr. (pièces 11 et 18, p. 1, 3-4 déf. ; pv du 15.1.2003 p. 2).

 

Pendant toute la durée de son engagement, T________ a, en outre, bénéficié d’un treizième salaire.

 

C. Le 19 juillet 2001, T________ a ouvert action devant le Tribunal des prud’hommes contre l’hoirie de C______ composée de E1______, E2______, E3______, E4_______, E5______, E6_______, E7______ et E8______ en paiement de 363'168 fr. 80 cts.

 

Elle a par la suite amplifié ses prétentions à concurrence de 379'562 fr., soit 275'562 fr. à titre d’indemnité pour les heures supplémentaires, 42'000 fr. à titre de vacances non prises, 20'000 fr. à titre de tort moral et 42'000 fr. à titre d’indemnité pour résiliation du contrat de travail avec effet immédiat injustifiée (pv. du 15.1.2003, p. 1). Elle a également réclamé la délivrance de décomptes mensuels de salaire. A l’appui de ses conclusions, elle a exposé en substance que le contrat de travail avait passé aux héritiers de C______ conformément à l’article 338a al. 1 CO.

 

Selon son dire, elle avait en outre travaillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre durant des années en s’occupant du défunt et avait donc droit au paiement de ses heures supplémentaires et de ses vacances. En outre les efforts physiques consentis dans ce cadre lui avait causés des problèmes de santé constituant une atteinte à sa personnalité.

 

L’hoirie défenderesse a d’emblée excipé de l’irrecevabilité de la demande, faute d’indication des identités des différents héritiers, mais ce moyen a été écarté par arrêt présidentiel de la Cour d’appel du 13 août 2002. Elle s’est ensuite opposée à la demande, en se prévalant notamment de l’article 338a al. 2 CO et en contestant l’existence d’heures supplémentaires de travail. Trois témoins ont alors été entendus.

 

D. Par jugement du 19 mars 2003, le Tribunal des prud'hommes a partiellement admis les conclusions de T_______ en ce qui concerne les indemnités pour vacances non prises, en lui attribuant le montant brut de 21'589 fr.10 cts. Dans son calcul du droit aux vacances, il a exclu la période du 1er février 1995 au 19 juillet 1996 au motif que les créances y relatives étaient prescrites. La défenderesse a également été condamnée a délivrer à l’employée des fiches de salaires pour la période courant à partir de juillet 1996.

 

Pour le surplus, le Tribunal a débouté T_______ de ses conclusions.

 

E. T______ appelle de ce jugement, en chiffrant désormais ses prétentions à 386'561 fr. 60 cts., soit 275'562 fr. à titre d’heures supplémentaires, 45'499 fr. 80 cts. à titre d’indemnité de vacances, 20'000 fr. à titre de tort moral et 45'499 fr. 80 cts. à titre d’indemnité pour licenciement immédiat injustifié.

 

L’hoirie intimée conclut à la confirmation de la décision attaquée, sous réserve des vacances. Selon ses calculs, une semaine de vacances seulement resterait due à l’employée.

 

F. Les éléments suivants ressortent pour le surplus du dossier :

 

a) Ainsi que l’ont rappelé les témoins G_______, H______, I______ et J______, C_______ était dans un état de dépendance complet et, par conséquent, ne pouvait pas vivre seul. Son état nécessitait également des interventions nocturnes de la part de T_______, que ce soit pour le changer ou lui administrer des médicaments en raison de ses problèmes cardiaques.

 

Les tâches de T_______ lui imposait une présence quasi-permanente auprès de C_______, celui-ci ne pouvant être laissé seul plus d’une heure.

 

b) Il ressort d’une IRM lombaire pratiquée le 30 janvier 2001 que l’état de santé de T______ n’a pas subit d’évolution négative entre 1999 et 2001, qu’en tout état de cause elle ne souffre que d’une légère discopathie L5-S1 et qu’elle ne souffre ni de hernie discale, ni de sténose canalaire foraminale (pièce 10 dem.).

 

Par ailleurs, le Dr F______, dans un certificat médical daté du 13 janvier 2003, constate, depuis 1997, une nette aggravation de cervicalgies, de tendinite du coude et de lombalgie. Il ne précise pas la cause de ces aggravations, même s’il avance qu’elles ont pu être favorisées par la prise en charge de C______. Quant aux autres pathologies constatées, il n’en mentionne pas l’origine (pièce 30 dem.).

 

Enfin, il convient de rappeler que T_______ a refusé de délier le Dr J_______ de son secret médical en ce qui la concernait personnellement (pv. du 5.2.2004, p. 2).

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 59 de la loi sur la juridiction des prud'hommes; ci-après LJP), l'appel de T________ est recevable.

 

Cependant, l’amplification des conclusions de T______ en appel est irrecevable (art. 312 LPC par analogie). Dès lors, la Cour ne tiendra compte que des conclusions formées par l’appelante en première instance. Toutefois, pratiquement cela n’aura pas d’incidence étant donné la jurisprudence du Tribunal fédéral. La Haute Cour permet, en respectant le montant global des conclusions, de l’attribuer par poste sans tenir compte de la répartition établie par le demandeur.

 

 

2. L’appel incident des intimés concernant les vacances restant à payer à l’appelante est également recevable pour avoir été interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 61 et 62 LJP).

 

 

3. L’article 338a al. 2 CO prévoit que le contrat de travail conclu essentiellement en considération de la personne de l’employeur prend fin à son décès ; toutefois, le travailleur peut réclamer une indemnité équitable pour le dommage causé par l’extinction prématurée du contrat. La doctrine cite, pour illustrer cette disposition, le cas de l’employé(e) de maison comme l’exemple typique de travailleur engagé essentiellement en considération de la personne de l’employeur (Wyler, Droit du travail, p. 393 ; Staehelin/Vischer, ZK, n. 3 ad art. 338a CO).

 

En l’espèce, T______ a été engagée en qualité d’employée de maison chargée de tenir le ménage de C______. Il faut donc retenir que le contrat était conclu essentiellement en considération de la personne de l’employeur au sens de l’article 338a al. 2 CO et qu’en conséquence il a pris fin à la mort de l’employeur ;

 

La Cour rejoint donc le Tribunal dans son argumentation et confirme sur ce point le jugement attaqué.

 

4. L’appelante allègue ensuite avoir été atteinte dans sa santé et en ressentir des troubles physiques importants. Elle estime de ce fait avoir subi en tort moral et demande une indemnité de 20'000 fr. à ce titre.

 

La Cour rejoint le Tribunal dans son argumentation et confirme sur ce point également le jugement attaqué. En effet, l’appelante n’a jamais prouvé le lien de causalité entre ses douleurs dorsales et son activité professionnelle. Les possibilités de l’établir ont par ailleurs été limitées par le fait que T_______ a refusé de libérer son médecin de son secret professionnel.

 

 

5. L’article 128 ch. 3 in fine CO, applicable par renvoi de l’article 341 CO, prévoit que les créances du travailleur à l’égard de l’employeur se prescrivent par cinq ans. L’article 134 CO prévoit cependant des exceptions, notamment lorsque le travailleur vit dans le ménage de l’employeur (art. 134 al. 1 ch. 4 CO). Dans ce cas, la prescription ne court pas, et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue tant que durent les rapports de travail.

 

La ratio legis de cette disposition réside dans le fait que le législateur n’a pas voulu que le travailleur, dans une situation de forte dépendance vis-à-vis de son employeur, doive effectuer des démarches pour sauvegarder son droit, tant que les rapports de travail continuaient (voir à cet égard : Berti, Das Erlöschen der Obligationen, Zweite Lieferung, Art. 127-142 OR, Zürich 2002, n°4 p. 128 ad art. 134 OR ; dans le même sens, Pichonnat, Commentaire romand, Code des obligations I, n°6 p. 769 ad art. 134 ; SJ 1988 209 cons. 3).

 

La prescription commence à courir, ou reprend son cours, dès l’expiration du jour où cessent les causes qui la suspendent (art. 134 al. 2 CO).

 

En l’espèce, il n’est pas contesté que T_______ vivait dans le ménage de son employeur depuis le 1er septembre 1997. Ainsi, la prescription des créances antérieures à cette date a été suspendue, pour ne recommencer à courir qu’à la mort de C______. Quant aux créances nées pendant la cohabitation, leur prescription n’a commencé à courir qu’à la mort de ce dernier.

 

La prescription a été interrompue par la demande en justice de T________ du 19 juillet 2001. Le délai de prescription avait alors repris ou débuté depuis environ six mois. Il est donc clair que les créances remontant à 1995 n’étaient pas encore prescrites.

 

Dès lors, il faut donner raison à l’appelante sur ce point et en tenir compte le calcul des prétentions qu’elle fait valoir en appel.

 

6. L’appelante allègue avoir accompli de nombreuses heures de travail supplémentaires qui n’auraient pas été compensées et pour lesquelles elle aurait droit à une indemnité de 275'562 fr.

 

a) A teneur de l’art. 13 al. 1 CTT, en cas de nécessité, le travailleur est tenu d’exécuter des heures de travail supplémentaires, dans la mesure où il peut s’en charger et où les règles de la bonne foi permettent de le lui demander. L’employeur est tenu de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en versant un salaire normal majoré d’un quart au moins du salaire global (art. 13 al. 3 CTT).

 

Seules les heures supplémentaires ayant été proposées par l’employeur ou non ordonnées ou approuvées, mais connues de lui de telle manière que le travailleur a pu déduire que leur exécution était approuvée, donnent lieu a rémunération. Dans ce second cas, il est en outre nécessaire que les heures de travail supplémentaires aient été accomplies dans l’intérêt de l’employeur. Est déterminant le fait que l’employeur en ait eu connaissance (Favre/Munoz/Tobler, Contrat de travail Code annoté, p. 35 ; Brunner/Buhler/Waeber, Commentaire du contrat individuel de travail, 2ème éd., p. 32). Lorsque le travailleur effectue des heures de travail supplémentaires contrairement à la volonté de son employeur ou à son insu, leur indemnisation n’est pas due.

 

Il appartient au travailleur d’apporter la preuve de l’exécution et de l’ampleur des heures de travail supplémentaires, du fait qu’elles ont été ordonnées ou connues et qu’elles étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts légitimes de l’employeur (cf. art. 8 CC ; Brunner/Buhler/Waeber, ibid). Le Tribunal fédéral a récemment assoupli le fardeau de la preuve en matière d’heures de travail supplémentaires. Il a admis la possibilité, pour le juge, d’appliquer l’art. 42 al. 2 CO par analogie si le travailleur a prouvé avoir effectué des heures supplémentaires mais n’a pas pu en établir le nombre de manière exacte ; le juge devra cependant être convaincu, sur le principe, que le travailleur a bien exécuté des heures supplémentaires. Le travailleur devra encore alléguer et prouver, dans la mesure du possible, toutes les circonstances qui permettront au juge d’apprécier le nombre d’heures supplémentaires exécutées (ATF np du 18.7.2003 X. c/Y. cause 4P. 73/2003 cons. 2.3 ; 2.5).

 

b) L’appelante n’a pas réussi à prouver le nombre considérable d’heures de travail supplémentaires dont elle requiert l’indemnisation. La teneur du dossier permet néanmoins de retenir qu’elle a bien effectué des heures supplémentaires, connues de l’employeur, respectivement de la curatrice et accomplies dans son intérêt.

 

Dès lors, il est possible d’appliquer l’art. 42 al. 2 CO et d’estimer le nombre de ces heures en tenant compte de toutes les circonstances du cas d’espèce. Sachant que C_______ avait un rythme de vie inversé, qu’il vivait la nuit et dormait le jour, qu’il connaissait parfois des périodes d’incontinence nécessitant des interventions de T_______, il apparaît équitable et conforme à la réalité d’attribuer à l’appelante un montant global de 30'000 fr. à titre d’indemnité pour les heures supplémentaires. Ce montant prend en compte les faits que le droit aux heures supplémentaires effectuées avant le 19 juillet 2001 n’est pas prescrit, que T________ n’a pas eu, au cours de son contrat, à intervenir tous les jours pour prêter assistance à C______ et que les interventions en question, bien que déplaisantes, ne devaient jamais être très longues.

 

 

7. L’appelante réclame une indemnité pour vacances non prises d’un montant de 45'499 fr. 80 cts.

 

a) Selon l’article 23 al. 1 lit.a CTT, le droit aux vacances est de 4 semaines par année de service. L’employeur fixe la date des vacances en tenant compte des désirs du travailleur dans la mesure compatible avec les intérêts de la maison (art. 23 al. 4 CTT).

 

Il appartient à l’employeur, débiteur des vacances, de prouver que le travailleur a bénéficié des vacances auxquelles il avait droit en fonction de la durée des rapports de travail (ATF np du 15.9.1999 A. et A. c/B. cause 4C. 230/1999, cons. 4 ; Aubert, Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, n°133). Cependant, le travailleur qui n’a pas pris ses vacances alors que son employeur le lui avait demandé ne peut en réclamer le paiement.

 

Lorsque le contrat est parvenu à son terme et que le travailleur n’a pas pris toutes ses vacances en nature, l’employeur lui doit une indemnisation en argent pour autant qu’il ne soit plus en mesure de les lui fournir en nature (ATF 107 II 430 = JT 1982 I 94 ; Wyler, op. cit., p. 266). Dans ce cas, les vacances sont calculées après la période de référence. Il convient donc d’appliquer aux salaires relatifs à cette période la proportion de 8,33%.

 

Quant à la prescription, la règle de l’art. 134 al. 2 CO s’applique (cf. cons. 4).

 

b) En l’espèce, pour les motifs indiqués plus haut (cf. cons. 4), il faut tenir compte des créances en vacances non prises remontant à 1995, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal de première instance. En revanche, le raisonnement du Tribunal quant aux vacances de l’année 2000 est correct. C’est par sa faute que l’appelante n’a pas été en mesure de bénéficier de son droit aux vacances. En effet, devant l’injonction de l’employeur de prendre celles-ci entre le 20 novembre et le 11 décembre, elle a refusé, alléguant que l’état de santé de C______ ne permettait pas son départ. Or ce dernier était hospitalisé, et rien n’empêchait l’employée d’exercer son droit. Les vingt-deux jours couvrant la période en question ne devront par conséquent pas être pris en compte. Quant au solde de six jours, l’intimée n’a pas suffisamment prouvé que l’appelante a pu les prendre en nature.

 

Pour le surplus, l’employeur n’a pas démontré avoir permis à la travailleuse de bénéficier de son droit aux vacances et reste donc débiteur à cet égard. L’indemnité due à ce titre sera la suivante :

 

du 1er février au 31 mars 1995 : le salaire hebdomadaire, avec 13ème salaire, est de 750 fr. 60 cts. Pour deux mois, soit 8,66 semaines, le salaire se monte à 6'500 fr. 20 cts. La proportion de 8,33% appliquée à ce montant donne 541 fr. 45 cts. qui correspondent à l’indemnité pour vacances non prises relatives à ces deux mois. Le calcul étant le même, seul le résultat sera mentionné pour les périodes suivantes ;

du 1er avril au 30 juin 1995, soit 12,99 semaines, le droit aux vacances est de 974 fr. 60 cts.;

du 1er juillet 1995 au 31 décembre 1996, soit 77,94 semaines, le droit aux vacances est de 5'847 fr. 70 cts.;

du 1er janvier 1997 au 31 août 1997, soit 34,65 semaines, le droit aux vacances est de 2'671 fr. 10 cts.;

du 1er septembre 1997 au 31 décembre 1998, soit 69,28 semaines, le droit aux vacances est de 9'673 fr. 95 cts.;

du 1er janvier 1999 au 31 décembre 1999, soit 52 semaines, le droit aux vacances est de 7'369 fr. 35 cts.;

pour l’année 2000, restent six jours de vacances non prises par T_______, soit 0,86 semaine. Le droit aux vacances est de 1'484 fr. 65 cts.;

du 1er au 14 janvier 2001, soit 1,99 semaines, le droit aux vacances est de 297 fr. 70 cts.

 

L’appelante a droit, au total, à 28'860 fr. 50cts. à titre d’indemnité pour vacances non prises.

 

8. Les circonstances du cas d'espèce justifient de mettre, pour moitié, l’émolument d’appel à la charge de l’hoirie C______, soit : E1_______, E2______, E3________, E4_______, E5_______, E6______, E7______ et E8______ (art. 78 LJP), de même que la totalité de l’émolument alloué au témoin J_______, dont la déposition s’est révélée déterminante.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

La Cour d'appel des prud'hommes, groupe 5,

 

A la forme :

 

- reçoit l'appel interjeté par T_______ contre le jugement du tribunal des prud'hommes du 19 mars 2003 rendu en la cause n° C/15781/2001 ;

 

Au fond :

 

- annule ledit jugement;

 

Puis statuant à nouveau :

 

- condamne l’hoirie C______, soit : E1______, E2______, E3______, E4______, E5_______, E6______, E7_______ et E8______ à payer à T_______ la somme brute de 58'860 fr. 50 cts. (cinquante-huit mille huit cents soixante francs et cinquante centimes) plus intérêts à 5% l’an dès le 19 juillet 2001.

 

- déboute les parties de toute autre conclusion.

 

- condamne l’hoirie C_____, soit : E1____, E2_____, E3_____, E4_____, E5____, E6_____, E7_____ et E8_____ à rembourser à T_____ le montant de 500 fr. (cinq cents francs) représentant la moitié de l’émolument d’appel.

 

- condamne l’hoirie C_____, soit : E1______, E2_____, E3____, E4_____, E5_____, E6______, E7____ et E8_____ à verser à l'Etat le montant de 200 fr.  (deux cents francs).

 

 

 

Le greffier de juridiction Le président