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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/16021/2023

ACJC/447/2024 du 05.04.2024 sur JTBL/1052/2023 ( SBL ) , IRRECEVABLE

Normes : CO.257.ald; CPC.257
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16021/2023 ACJC/447/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU VENDREDI 5 AVRIL 2024

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant et recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 7 décembre 2023,

et

B______ SA, sise ______ (VS), intimée, représentée par C______ SA, ______ (VD).

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1052/2023 du 7 décembre 2023, communiqué pour notification aux parties le 11 décembre suivant, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement n° 1______ de 3 pièces au 1er étage de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, [code postal] E______ [GE], ainsi que la cave n° 3______ qui en dépend (ch. 1 du dispositif), autorisé B______ SA à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), précisé que, l'évacuation portant sur un logement, l'exécution du jugement par la force publique devrait être précédée de l'intervention d'un huissier judicaire (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 18 décembre 2023 à la Cour de justice, A______ a formé "recours" contre ce jugement, dont il a conclu à l'annulation.

b. Dans sa réponse du 9 janvier 2024, B______ SA a indiqué maintenir sa requête.

c. Les parties ont été avisées le 12 février 2024 par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. A______, locataire, et B______ SA, bailleresse, ont conclu le 29 novembre 2022 un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement n° 1______ de 3 pièces au 1er étage de l'immeuble sis rue 2______ no. ______, [code postal] E______, dont dépend une cave n° 3______.

Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'710 fr. par mois.

b. Par avis comminatoire du 13 avril 2023, B______ SA a mis en demeure A______ de lui régler dans les 30 jours le montant de 1'710 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges pour le mois d'avril 2023 et l'a informé de son intention, à défaut du paiement intégral de la somme réclamée dans le délai imparti, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

c. Considérant que la somme réclamée n'avait pas été intégralement payée dans le délai imparti, D______ SA a, par avis officiel du 30 mai 2023, résilié le bail pour le 30 juin 2023.

d. Par requête reçue par le Tribunal le 26 juillet 2023, B______ SA a demandé l'évacuation du locataire ainsi que l'exécution directe de ladite évacuation.

e. Une première audience du Tribunal, fixée au 16 novembre 2023, a été annulée à la requête de la Fiduciaire F______ SA déclarant agir pour le locataire et indiquant que celui-ci s'était rendu en Côte d'Ivoire le 9 novembre 2023 et devrait revenir le 28 novembre 2023. La copie d'une carte d'embarquement libellée au nom de A______ attestait du vol de ce dernier à G______ [Côte d'Ivoire].

f. Une nouvelle audience a été fixée au 7 décembre 2023. Le contenu du pli recommandé convoquant le locataire à cette audience, qui n'avait pas été réclamé, lui a été adressé par pli simple le 5 décembre 2023. La Fiduciaire F______ SA a informé le greffe du Tribunal par téléphone, le matin de l'audience, de ce que le locataire se trouvait à l'étranger et ne se présenterait pas à celle-ci.

g. Lors de l'audience du 7 décembre 2023, le locataire n'était ni présent ni représenté.

B______ SA a persisté dans sa requête, précisant que le montant dû s'élevait à 10'333 fr. 30.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

h. Dans son jugement du 8 décembre 2023, le Tribunal a d'abord relevé qu'il avait reporté une première audience à la requête de la fiduciaire du locataire se prévalant d'un voyage de ce dernier, documenté, à tout le moins pour ce qui était du départ, par une carte d'embarquement. L'information communiquée par la même fiduciaire, par simple appel téléphonique le jour même de la seconde audience, de l'impossibilité du locataire de s'y présenter en raison d'un voyage, lequel n'était documenté d'aucune manière, ne valait quant à elle pas demande de report formelle, pour autant qu'une telle requête ait été formulée.

Ensuite, le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation du bail selon l'art. 257d al. 1 CO étaient manifestement réunies en l'espèce de sorte que la bailleresse était fondée à donner congé, ce qu'elle a fait en respectant les conditions de l'art. 257d al. 2 CO. Depuis l'expiration du terme fixé, le locataire ne disposait plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux loués et en continuant à les occuper, il violait l'art. 267 al. 1 CO. Dès lors, le Tribunal a prononcé l'évacuation requise. En outre, la bailleresse avait sollicité l'exécution de l'évacuation, ce à quoi le Tribunal, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, a fait droit.

EN DROIT

1. La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

Au vu des explications fournies, le locataire semble contester tant l'évacuation que l'exécution de celle-ci.

2. Le locataire allègue avoir des problèmes financiers pour régler ses arriérés de loyer, mais s'efforce de faire le nécessaire. Il peut être compris de cette explication que le locataire remet en cause son évacuation, mais pas la résiliation du bail.

2.1 Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, le loyer mensuel du logement, charges comprises, s'élève à 1'710 fr. La valeur litigieuse est dès lors de 10'260 fr. et la voie de l'appel est ouverte.

2.2
2.2.1 L'appel, écrit et motivé (art. 311 al. 1 CPC), doit être formé dans un délai de dix jours si la décision a été rendue en procédure sommaire (art. 314 al. 1 CPC).

Pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel prévue à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée par une argumentation suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3). L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. A défaut, l'appel est irrecevable (ATF 147 III 176 consid. 4.2.1; parmi plusieurs: arrêts du Tribunal fédéral 4A_462/2022 du 6 mars 2023 consid. 5.1.1, publié in RSPC 2023 p. 268; 5A_453/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.1).

2.2.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

La validité du congé suppose notamment que le locataire se soit effectivement trouvé en retard dans le paiement du loyer ou de frais accessoires lorsque la sommation lui a été adressée, d'une part, et qu'il ne se soit pas acquitté de cet arriéré dans le délai fixé, d'autre part (arrêts du Tribunal fédéral 4A_592/2013 du 9 septembre 2013 consid. 5; 4A_299/2011 du 7 juin 2011 consid. 5).

2.2.3 En l'espèce, l'appelant ne conteste pas le jugement attaqué en tant que celui-ci retient que les conditions des art. 257d al. 1 et 2 CO et 267 CO étaient remplies. Il n'allègue notamment pas qu'il aurait été à jour dans le paiement de son loyer ou qu'il se serait acquitté dans le délai imparti du montant qui lui avait été réclamé par avis comminatoire du 13 avril 2023. Il admet, au contraire, "avoir des problèmes financiers pour régler [ses] arriérés de loyer".

En l'absence de toute critique des motifs fondant le prononcé de l'évacuation de l'appelant, l'appel est irrecevable.

En tout état de cause, il ressort de la procédure que l'appelant ne s'est pas acquitté dans le délai qui lui avait été fixé de l'arriéré dont le paiement lui était réclamé. C'est dès lors à juste titre que le Tribunal a considéré que les conditions d'une résiliation du bail selon l'art. 257d CO étaient remplies et qu'en n'ayant pas restitué les locaux loués, l'appelant violait l'art. 267 CO, ce qui justifiait son évacuation.

3. Le locataire expose qu'il lui serait difficile de retrouver un logement en cette période hivernale et de pénurie, de sorte qu'il risquerait de se retrouver à la rue, alors que le droit au logement est inscrit dans la Constitution cantonale. Il faut comprendre qu'il conteste de la sorte le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à évacuer immédiatement l'appartement loué.

3.1 Le recours est ouvert contre la décision d'exécution de l'évacuation. Il est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

3.2
3.2.1
L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

Les rapports entre particuliers relèvent directement des seules lois civiles et pénales et c'est donc par celles-ci que l'individu est protégé contre les atteintes que d'autres sujets de droit privé pourraient porter à ses droits constitutionnels (ATF 107 Ia 277 consid. 3a p. 280 s.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_265/2011 du 8 juillet 2011 consid. 3.2.1).

3.2.2 L'acte de recours doit comporter des conclusions, lesquelles doivent indiquer sur quels points la partie appelante demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Ces conclusions doivent en principe être libellées de telle manière que l'autorité d'appel puisse, s'il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision (ATF 137 III 617 consid. 4.2 et 4.3 p. 618).

3.2.3 En l'espèce, la demande de sursis à l'exécution de l'évacuation, qui n'avait pas été formulée devant le Tribunal, est nouvelle et, partant, irrecevable (art. 326 al. 1 CPC). Le recourant n'indique quoi qu'il en soit pas quel délai devrait lui être accordé avant que son évacuation soit exécutée. Il ne peut par ailleurs prétendre à un report sine die de son évacuation, ou même jusqu'au printemps seulement, ce qui représenterait plusieurs mois et équivaudrait à une prolongation de bail à laquelle le recourant n'a pas droit. En l'absence de conclusion recevable, le recours est dès lors lui-même irrecevable.

En tout état de cause, le recourant a déjà bénéficié à ce jour, de fait, d'un long délai de plus de huit mois et il ne pourrait dès lors prétendre à obtenir un délai supplémentaire.

Pour le surplus, il est rappelé que le droit au logement invoqué par le recourant (art. 38 Cst/GE) ne lui confère pas de droit directement invocable dans un litige de droit privé (ATF 107 Ia 277 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2017 du 21 juin 2017 consid. 5) et sa seule invocation ne justifierait donc pas de surseoir à l'exécution de son évacuation.

4. Le locataire soutient en dernier lieu qu'il n'aurait pas pu se rendre à l'audience car il était à l'étranger pour des raisons familiales et que la personne qui relevait son courrier aurait informé le Tribunal trop tardivement.

Il convient en premier lieu de relever que le locataire n'a fourni aucune pièce permettant de justifier son absence lors de l'audience du 7 décembre 2023 devant le Tribunal.

En outre, le locataire ne réclame pas la tenue d'une nouvelle audience et il n'a pas davantage demandé au Tribunal une restitution d'audience. Il apparaît, cela étant, que le locataire était informé de la procédure, ayant demandé le report d'une première audience et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires afin d'être présent lors de la nouvelle audience qui allait être convoquée, voire afin d'en demander un nouveau report, alors que celui qui se sait partie à une procédure doit pourtant, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF
146 IV 30 consid. 1.1.2; 141 II 429 consid. 3.1; 139 IV 228 consid. 1.1). Il doit dès lors être considéré que l'audience du 7 décembre 2023 a été valablement convoquée et qu'elle a été tenue de manière régulière.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

 

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Déclare irrecevables l'appel et le recours interjetés le 18 décembre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/1052/2023 rendu le 7 décembre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/16021/2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.