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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13565/2023

ACJC/340/2024 du 18.03.2024 sur JTBL/821/2023 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13565/2023 ACJC/340/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 18 MARS 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o B______, ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 5 octobre 2023,

et

Monsieur C______, domicilié ______, intimé, représenté par l'ASLOCA, rue
du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/821/2023 du 5 octobre 2023, le Tribunal des baux et loyers a déclaré irrecevable la requête de A______ du 19 juin 2023 à l’encontre de C______ (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié le 22 octobre 2023 à la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement. Elle conclut à ce que le jugement attaqué soit "revu" et à ce que C______ soit évacué après le 31 octobre 2023.

b. Dans sa réponse du 13 novembre 2023, C______ conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont été avisées le 6 décembre 2023 par la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Les parties ont conclu le 20 juin 2022 un contrat de bail de durée déterminée, du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, portant sur la location d'une chambre dans une villa sise no. ______ avenue 1______ à Genève pour un loyer de 1'200 fr., charges comprises.

Les 20 mars et 18 juin 2023 notamment, A______ a adressé à C______ des courriers intitulés "commandement de payer et annonce de fin de bail" selon lesquels des loyers étaient impayés et devaient être réglés immédiatement; il était également rappelé que le bail se terminait le 30 juin 2023 et qu'il ne serait pas renouvelé.

b. Le 19 juin 2023, A______ a déposé une requête en évacuation devant le Tribunal dirigée contre C______, faisant valoir que le bail était échu le 30 juin 2023 et que trois loyers, soit 3'600 fr., étaient impayés.

c. Le 29 septembre 2023, A______ a déposé devant le Tribunal une "demande d'évacuation" datée du 28 septembre 2023 et des pièces nouvelles.

d. Lors de l'audience du 5 octobre 2023 devant le Tribunal, A______ a persisté dans sa requête. Elle a précisé que le montant qui lui était dû s'élevait à quatre mois de loyer.

C______ n'était ni présent ni représenté.

e. Dans son jugement du 5 octobre 2023, le Tribunal a considéré que le 19 juin 2023, date du dépôt de la requête, le contrat de bail était encore en cours de validité de sorte que le locataire était légitimé à occuper les locaux, qu'aucune mise en demeure respectant les conditions de l'art. 257d al. 1 CO n'avait été notifiée au locataire et que les autres conclusions formées par la bailleresse le 29 septembre 2023, dans la mesure de leur intelligibilité, ne trouvaient pas d'assise dans le dossier.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), alors que la voie du recours est ouverte contre les décisions du Tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC; art. 319 let. a CPC).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, lorsque seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3, JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, pp. 69-70).

1.2 En l'espèce, la bailleresse conteste le refus de l'évacuation qu'elle avait requise. La valeur litigieuse est de six mois de loyer, soit 7'200 fr., auxquels s'ajoute le montant des loyers impayés, soit 3'600 fr. devant le Tribunal. La valeur litigieuse est dès lors supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est ouverte.

1.3 Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 CPC), l'appel est ainsi recevable.

2. La bailleresse conteste que le cas ne puisse être qualifié de clair. Le bail était terminé à la date à laquelle le jugement attaqué a été rendu et l'intimé ne s'acquitte pas des montants dus à titre de loyers, respectivement indemnités pour occupation illicite.

2.1
2.1.1
Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

2.1.2 Selon l'art. 257d CO, lorsque le locataire a reçu la chose louée et qu'il tarde à s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail; ce délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux (al. 1). A défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitations ou de locaux commerciaux peuvent être résiliés avec un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois (al. 2).

2.2 En l'espèce, l'appelante s'est prévalue dans sa requête du 19 juin 2023 de ce que le loyer était impayé depuis trois mois. Elle n'a toutefois pas adressé à l'intimé d'avis comminatoire au sens de l'art. 257d CO et elle n'a pas valablement résilié le bail en application de cette disposition. Les conditions pour que soit prononcée l'évacuation de l'intimé pour défaut de paiement du loyer ne sont donc pas remplies.

En outre, dans sa requête du 19 juin 2023, l'appelante s'est prévalue de ce que le bail était échu le 30 juin 2023. Le bail n'était ainsi pas terminé lorsque la requête a été déposée et ce second motif ne permettait pas davantage, lors du dépôt de la requête, l'évacuation de l'intimé. L'appelante soutient qu'à la date à laquelle le jugement attaqué a été rendu, le bail était terminé. Savoir s'il suffit que le bail soit échu à la date à laquelle le jugement est rendu ne s'impose cependant pas de façon évidente au regard de la loi, de la doctrine ou de la jurisprudence. La situation juridique ne peut dès lors être considéré comme claire. Un examen prima facie de cette question tend plutôt à considérer que le fait d'anticiper un potentiel non départ du locataire par le dépôt d'une requête en évacuation préventive, avant la fin du contrat de bail, devrait être considéré, si ce n'est comme infondé, à tout le moins abusif.

Enfin, les autres circonstances invoquées par l'appelante, à savoir que la situation de l'intimé ne serait pas précaire, qu'il bénéficierait de l'aide sociale ou qu'il ne se retrouverait pas à la rue s'il était évacué et qu'elle doit, pour sa part, assumer des charges importantes en lien avec le logement loué, ne sont pas pertinentes dans le cadre de la présente procédure d'évacuation en cas clair.

Au vu de ce qui précède, les griefs soulevés ne sont pas fondés et c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que le cas ne pouvait être considéré comme clair au sens de l'art. 257 CPC.

3. À teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 octobre 2023 par A______ contre le jugement JTBL/821/2023 rendu le 5 octobre 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13565/2023.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Sibel UZUN, Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.