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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/6929/2021

ACJC/136/2022 du 31.01.2022 sur JTBL/847/2021 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6929/2021 ACJC/136/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 31 JANVIER 2022

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], recourants contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 octobre 2021, représentés tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile,

et

Monsieur C______, intimé, représenté par D______, ______, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/847/2021 du 14 octobre 2021, expédié pour notification aux parties le 19 octobre 2021, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement de leur personne et de leurs biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec eux l'appartement de 5 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis 1______ à E______ [GE], ainsi que la place de parking qui en dépend (ch. 1), autorisé C______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ et B______ dès le 16 février 2022 (ch. 2), condamné les précités, pris conjointement et solidairement, à verser à C______ 16'590 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er mai 2021 (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4), et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

En ce qui concerne la date d'exécution de l'évacuation, le Tribunal a pris en considération l'âge de A______ et B______ (53 et 68 ans), le fait que ceux-ci vivaient depuis dix ans dans le logement en question, qu'ils étaient au bénéfice de l'aide sociale, qu'ils avaient résorbé une partie de l'arriéré d'indemnités pour occupation illicite (dû à une incompréhension liée au passage de l'aide sociale aux prestations complémentaires), passé de 26'190 fr. à 16'590 fr.

B.            Par acte du 1er novembre 2021 à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé recours contre le chiffre 2 du dispositif de la décision précitée. Ils ont conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait à ce que l'évacuation par la force publique soit autorisée dès le 16 août 2022.

C______ a conclu au rejet du recours.

Par avis du 29 novembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. Le 15 février 2010, C______, bailleur, et A______ et B______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis 1______ à E______ [GE], et d'une place de parking. Le montant du loyer et des charges a été fixé en dernier lieu à 1'400 fr. par mois.

b. Par avis comminatoires du 20 janvier 2021, C______ a mis en demeure A______ et B______ de lui régler dans les trente jours 18'590 fr. d'arriérés de loyers et de charges, et les a informés de son intention, à défaut de paiement intégral du montant réclamé, de résilier le bail conformément à l'art. 257d CO.

Dans le délai imparti, un montant de 1'455 fr. a été versé, de sorte que, par avis officiels du 25 février 2021, C______ a résilié le bail pour le 31 mars 2021.

c. Le 15 avril 2021, C______ a saisi le Tribunal notamment d'une action en évacuation, avec exécution directe.

A l'audience du Tribunal du 10 juin 2021, A______ et B______, assistés par un mandataire, n'ont pas pris de conclusions expresses. Ils ont signalé bénéficier des prestations complémentaires.

Sur quoi, le Tribunal a ordonné une comparution personnelle du bailleur.

A l'audience du Tribunal du 14 octobre 2021, C______ a persisté dans ses conclusions. A______ et B______ ont déposé des certificats médicaux (aux termes desquels "un déménagement était contre-indiqué pour raisons médicales") et sollicité un sursis humanitaire d'une année, s'engageant à verser les indemnités courantes ainsi que 500 fr. par mois pour résorber l'arriéré. C______ s'est opposé à ce délai, rappelant que six mois s'étaient déjà écoulés depuis la fin du bail.

Le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

1.2 La voie du recours est ouverte contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

En procédure sommaire, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).

En l'espèce, le recours formé contre le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, relatif aux mesures d'exécution directes, est recevable pour avoir été interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise.

1.3 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (HOHL, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 2307).

2. Les recourants reprochent au Tribunal de leur avoir accordé un sursis humanitaire de trop courte durée pour trouver une solution de relogement compte tenu de la pénurie et de la longueur des listes d'attente pour l'obtention d'un logement social, et sans tenir compte de l'état de santé de la recourante. Ils se sont référés à diverses décisions de la Cour, qui ont accordé des sursis de 90 jours à dix mois.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'art. 30 al. 4 LaCC concrétise le principe de la proportionnalité en prévoyant que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

S'agissant des motifs de sursis, différents de cas en cas, ils doivent être dictés par des "raisons élémentaires d'humanité". Sont notamment des motifs de ce genre la maladie grave ou le décès de l'expulsé ou d'un membre de sa famille, le grand âge ou la situation modeste de l'expulsé. En revanche, la pénurie de logements ou le fait que l'expulsé entretient de bons rapports avec ses voisins ne sont pas des motifs d'octroi d'un sursis (ACJC/269/2019 du 25 février 2019 consid. 3.1; ACJC/247/2017 du 6 mars 2017 consid. 2.1; ACJC/422/2014 du 7 avril 2014 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 1990, in Droit du bail 3/1991 p. 30 et les références citées).

Le juge ne peut pas différer longuement l'exécution forcée et, ainsi, au détriment de la partie obtenant gain de cause, éluder le droit qui a déterminé l'issue du procès. Le délai d'exécution ne doit notamment pas remplacer la prolongation d'un contrat de bail à loyer lorsque cette prolongation ne peut pas être légalement accordée à la partie condamnée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_232/2018 du 23 mai 2018 consid. 7; 4A_389/2017 du 26 septembre 2017 consid. 8; 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a accordé aux recourants un sursis de quatre mois. Il est exact qu'il n'a pas expressément mentionné les certificats médicaux produits, sans qu'il y ait lieu de le lui reprocher, puisque ceux-ci n'apparaissent pas déterminants, faute de mention d'une maladie grave. Quant à l'absence de succès des recherches entreprises, elle n'a pas été démontrée.

Pour le surplus, il apparaît que, du fait de la longueur de la procédure de première instance, le sursis arrêté dans le jugement attaqué conduit de fait à une occupation du logement durant plus de dix mois après la date d'échéance du bail. Sous cet angle à tout le moins, les précédents cités par les recourants ne sont pas pertinents.

Les recourants ne sont pas fondés à obtenir un délai qui reviendrait à leur octroyer une prolongation de bail, à laquelle ils n'ont pas droit.

Par conséquent, le sursis accordé par le Tribunal apparaît équitable au sens des principes sus-rappelés et est conforme au principe de proportionnalité.

2.3 Infondé, le recours sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 1er novembre 2021 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/847/2021 rendu le 14 octobre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/6929/2021-7-SE.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.