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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/4697/2021

ACJC/1479/2021 du 15.11.2021 sur DCBL/335/2021 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.68; CPC.294.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/4697/2021 ACJC/1479/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 15 NOVEMBRE 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre une décision rendue par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 21 mai 2021, représentée par le Service de protection de l'adulte (SPAD), boulevard Georges-Favon 26-28, case postale 5011, 1211 Genève 11,

et

Madame B______ et Monsieur C______, domiciliés chemin ______ [GE], intimés, comparant tous deux par Me Cosima TRABICHET-CASTAN, avocate, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3, en l'étude de laquelle ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par ordonnance du 25 septembre 2019, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______ (ch. 1 du dispositif), désigné deux intervenantes du Service de protection de l'adulte et de l'enfant aux fonctions de curatrices (ch. 2) auxquelles il a confié notamment la tâche de représenter A______ dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques et d'administrer ses affaires courantes (ch. 3).

b. Le 20 mars 2020, C______ et B______, locataires et sous-bailleurs, ont conclu un contrat de sous-location avec A______, sous-locataire, portant sur un appartement de 2 pièces situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ à Genève, pour une durée initiale de 12 mois, du 1er avril 2020 au 30 mars 2021, renouvelable tacitement. Le loyer de l'appartement, meublé, était fixé à 1'800 fr. par mois.

c. Le 9 février 2021, les bailleurs ont résilié le contrat précité pour son échéance au 30 mars 2021.

d. Le 12 mars 2021, une requête en contestation du congé et prolongation de bail a été formée par le Service de protection de l'adulte au nom et pour le compte de A______.

e. Une audience de conciliation a été fixée le 21 mai 2021 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. La convocation précisait que les parties devaient comparaître personnellement, sauf exceptions prévues par l'art. 204 CPC.

f. Le 18 mai 2021, le Service de protection de l'adulte a demandé à la Commission de conciliation de dispenser A______ de comparaître personnellement lors de l'audience de comparution personnelle du 21 mai suivant, en application de l'art. 204 al. 3 let. b CPC. Ledit Service a expliqué que ses contacts avec A______ étaient très limités car l'intéressée refusait catégoriquement la mesure de curatelle instituée par le Tribunal de protection. Inconsciente de son instabilité psychologique, elle refusait tout suivi médical. Elle avait déjà été convoquée à trois reprises dans d'autres causes devant le Tribunal, mais ne s'était jamais présentée. Le Service de protection de l'adulte a joint à son courrier une décision du Tribunal de protection du 10 mai 2021 étendant la curatelle de représentation de A______ à la présente procédure.

C______ et B______ se sont opposés à la dispense requise. Le Service de protection de l'adulte allègue avoir été informé par téléphone du greffe de la Commission de conciliation la veille de l'audience du refus de dispense de comparution de A______.

B. Par décision DCBL/335/2021 du 21 mai 2021, la Commission de conciliation a rayé la cause du rôle, vu le défaut de A______ lors de l'audience du même jour.

C. a. Par acte expédié le 31 mai 2021 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre cette décision. Elle a conclu à son annulation et, cela, fait, à ce qu'il soit constaté qu'elle était valablement représentée lors de l'audience du 21 mai 2021 et à ce qu'il soit ordonné à la Commission de conciliation de convoquer une nouvelle audience, subsidiairement, à ce qu'elle soit dispensée de comparaître personnellement.

b. Dans leur réponse du 28 juin 2021, B______ et C______ ont conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à la confirmation de la décision entreprise.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 4 août 2021 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La décision de radiation du rôle de la procédure de conciliation selon l'art. 206 al. 1 CPC est une ordonnance d'instruction de type particulier, qui est soumise à recours selon l'art. 319 let. b CPC, lorsqu'elle peut causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC). Tel est par exemple le cas lorsque le dépôt d'une nouvelle requête aux fins de conciliation serait tardif parce qu'à la suite de l'écoulement d'un délai de péremption lors de la radiation du rôle de la procédure de conciliation, un droit matériel a été perdu. Dans les autres cas, dans lesquels aucun droit matériel n'est perdu ensuite de la radiation, le demandeur a la possibilité de déposer une nouvelle requête aux fins de conciliation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2019 du 7 août 2019 consid. 3; 4A_156/2014 du 15 avril 2014 consid. 3.1; 4A_131/2013 du 3 septembre 2013 consid. 2.2.2.2; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile commenté, 2ème éd., 2019, n. 15 ad art. 319 CPC; Bohnet, Les voies de droit contre les actes de l'autorité de conciliation, en particulier en matière de récusation et de classement suite au défaut, Newsletter bail.ch, octobre 2013).

En l'espèce, le droit de la locataire de contester le congé selon l'art. 273 CO, qui prévoit un délai de péremption de trente jours, est perdu ensuite de la décision attaquée, de sorte que la condition du préjudice difficilement réparable est réalisée. La voie du recours est donc ouverte.

1.2 Formé devant l'autorité compétente (cf. art. 122 let. b LOJ; ACJC/796/2014 du 27 juin 2014, consid.1) dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130; 131 et 321 CPC), le recours du 31 mai 2021 est recevable.

1.3 Comme les intimés le soutiennent, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles de la recourante sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Ils ne sont, en tout état de cause, pas déterminants pour l'issue du litige.

2. La recourante soutient que la situation des personnes faisant l'objet d'une mesure de curatelle disposant de l'exercice de leurs droits civils et dont la capacité de discernement est présumée à défaut de suivi médical fait l'objet d'un vide juridique. Le refus de dispense de comparution personnelle est contesté dans la mesure où le Service de protection de l'adulte avait rendu vraisemblable l'empêchement de la recourante et où le Tribunal de protection avait autorisé la représentation de cette dernière dans la procédure.

2.1
2.1.1 En dérogation à la règle générale de l'art. 68 CPC, l'art. 204 al. 1 CPC impose aux parties de comparaître en personne (persönlich, personalmente) à l'audience de conciliation. La conciliation suppose une discussion entre les parties, un échange sur leur position respective, encadré par les conseils de l’autorité. Leur présence est ainsi essentielle pour la réussite du processus de conciliation (Message du Conseil fédéral relatif au code procédure civile suisse [CPC], FF 2006 6841, 6939 s. ch. 5.13; cf. aussi ATF 140 III 70 consid. 4.3, RSPC 2014 338). Les personnes physiques qui n'ont pas l'exercice des droits civils, respectivement la capacité d'ester en justice au sens de l'art. 67 CPC, les mineurs notamment, doivent comparaître à l'audience de conciliation par l'intermédiaire de leur représentant légal (art. 67
al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 du 8 mai 2020, consid. 4.1.2; Bohnet, in Commentaire romand CPC, 2ème éd., 2019, n. 3 ad art. 204 CPC).

La représentation n'est autorisée que dans des cas exceptionnels (art. 204 al. 3 let. a à c CPC), usuellement admis en droit de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 du 8 mai 2020, consid. 4.1.2). Sont ainsi dispensées de comparaître personnellement et peuvent se faire représenter, notamment, les personnes empêchées de comparaître pour cause de maladie, d’âge ou en raison d’autres justes motifs(art. 204 al. 3 let. b CPC). Les justes motifs doivent être rendus à tout le moins vraisemblables (Bohnet, op. cit., n. 5 ad art. 204 CPC).

2.1.2 L'art. 206 al. 1 CPC dispose qu'en cas de défaut du demandeur, la requête est considérée comme retirée; la procédure devient sans objet et l'affaire est rayée du rôle (ATF 141 III 159 consid. 2.4). Cette disposition vaut pour toutes les procédures de conciliation, y compris dans les affaires de bail à loyer. L'art. 206 al. 1 CPC s'applique donc en particulier au locataire qui ne respecte pas les prescriptions légales de comparution, au risque de provoquer une déchéance de ses droits, notamment lorsqu'il agit pour contester la résiliation du bail ou une augmentation de loyer. La partie qui envoie un représentant sans réaliser les prévisions de l'art. 204 al. 3 CPC fait défaut (arrêt du Tribunal fédéral 4C_1/2013 du 25 juin 2013 consid. 4.3).

2.1.3 Une curatelle de représentation est instituée lorsque la personne qui a besoin d’aide ne peut accomplir certains actes et doit de ce fait être représentée (art. 394 al. 1 CC).Lorsqu'une curatelle de représentation et de gestion est instituée, l'autorité de protection peut limiter l'exercice des droits civils de la personne en conséquence (art. 394 al. 2 CC). Dans ce cas, elle doit le prévoir expressément dans le dispositif de sa décision (Meier, in Commentaire du droit de la famille, Protection de l'adulte, 2013, n. 12 ad art. 395 CC). Si la personne conserve l'exercice des droits civils, elle conserve une compétence concurrente d'agir (Meier, op. cit., n. 24 ad art. 394 CC).

2.2 En l'espèce, la recourante fait l'objet d'une mesure de curatelle qui autorise le Service de protection de l'adulte à se substituer à elle et à la représenter dans ses rapports avec les tiers, y compris dans le cadre de la présente procédure selon la décision du Tribunal de protection du 10 mai 2021. Elle n'est cependant pas limitée dans l'exercice de ses droits civils à teneur du dispositif de ladite décision. Elle devait ainsi comparaître personnellement lors de l'audience de conciliation du 21 mai 2021.

Le Service de protection de l'adulte a invoqué ses difficultés à communiquer avec la recourante et le fait que celle-ci ne s'était, par le passé, déjà pas présentée à des audiences auxquelles elle avait été convoquée. Il n'est cependant pas établi que ces circonstances démontreraient une aggravation des symptômes qui avaient amené le Tribunal de protection à instaurer une curatelle de représentation et de gestion de la recourante, sans toutefois limiter l'exercice de ses droits civils, et permettraient ainsi d'admettre, le cas échéant, un juste motif au défaut de comparution personnelle de la recourante au sens de l'art. 204 al. 3 let. b CPC. Aucun certificat médical n'a en particulier été produit attestant du fait que cette dernière n'était pas en mesure de participer à l'audience de conciliation; l'état de l'intéressée à la date de la comparution personnelle n'est pas connu, si bien qu'il ne peut être tiré de conséquence dans le sens de justes motifs, des absences antérieures à des audiences, tel qu'évoqué. Il n'est donc pas rendu vraisemblable que son absence était justifiée en application de l'art. 204 al. 3 CPC, en particulier let. b.

La présente cause se distingue enfin du cas du curateur d'un mineur puisque celui-ci n'a pas l'exercice des droits civils, respectivement la capacité d'ester en justice au sens de l'art. 67 CPC, contrairement à la recourante, laquelle ne peut ainsi tirer aucun argument de l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_385/2019 qu'elle cite dans sa réplique.

Au vu de ce qui précède, le recours n'est pas fondé, de sorte qu'il sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 31 mai 2021 par A______ contre la décision DCBL/335/2021 rendue le 21 mai 2021 par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers dans la cause C/4697/2021.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laurence CRUCHON et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.