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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2279/2023

ATAS/254/2024 du 23.04.2024 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2279/2023 ATAS/254/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 23 avril 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représentée par Me Eric MAUGUÉ, avocat

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1968, originaire du Portugal, entrée en Suisse en 1987, célibataire, a exercé des activités dans la restauration et comme femme de chambre. Elle a été licenciée le 28 novembre 2018.

b. Dès le 29 août 2019 jusqu’au 28 février 2020, l’assurée a présenté une incapacité de travail totale en raison d’un syndrome lombovertébral chronique évoluant en lombosciatalgies gauches, un rétrécissement du canal au niveau L3‑L4 et une discopathie protrusive en vraisemblable conflit avec la racine intraforaminale gauche (selon une IRM du 11 septembre 2019).

B. a. Le 20 janvier 2020, elle a déposé une demande de prestations d’invalidité.

b. Le 18 mars 2020, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté de sciatalgie gauche, douleurs lombaires et syndrome dépressif et d’une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle et de 100% dans une activité adaptée.

c. L’assurée a bénéficié d’un délai-cadre de l’assurance-chômage du 14 janvier 2019 au 13 juillet 2021 et de mesures d’orientation de l’office cantonal de l’emploi (IPT) le 24 août 2020, interrompues en raison d’un nouvel arrêt maladie du 7 septembre au 31 octobre 2020, puis reprise par le biais d’un stage du 14 décembre 2020 au 15 janvier 2021 à un taux de 50%.

d. Le Dr B______ a attesté, le 2 octobre 2020, d’une aggravation des douleurs en été 2020.

e. L’assurée a bénéficié d’infiltrations les 26 septembre 2019, 29 janvier et 14 octobre 2020, 7 juillet 2021, 27 septembre 2022 et 14 mars 2023.

f. Le 23 janvier 2021, le Dr B______ a attesté d’une capacité de travail possible à 100% dans un poste adapté mais à 50% seulement durant les périodes algiques.

g. L’assurée a suivi une mesure IPT (coaching emploi) prévue du 1er janvier au 15 mai 2021, mais interrompue le 30 avril 2021 en raison d’un arrêt de travail total dès mai 2021.

h. Le 5 février 2021, une note téléphonique de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) relève que le conseiller IPT de l’assurée a estimé qu’une activité était possible à 50% maximum vu l’état de santé de l’assurée.

i. Le rapport « retour emploi » de la fondation IPT du 12 mai 2021 a conclu à l’impossibilité actuellement pour l’assurée de réintégrer le marché de l’emploi. La position assise était difficile à supporter, elle ne pouvait rester debout statique ni effectuer de mouvements en porte-à-faux. Dès la stabilisation de l’état de santé, l’assurée était conseillée de faire des démarches auprès d’entreprises dans le conditionnement léger et l’horlogerie.

j. Le 5 mai 2021, le Dr B______ a attesté de troubles anxieux et lombalgies chroniques, avec une capacité de travail dans une activité adaptée possible à 100% dès le 1er mai 2021.

k. Le 17 février 2022, le Dr B______ a mentionné la persistance de douleurs lombaires, avec la récidive de sciatalgies gauches et la nécessité d’antalgie régulée, ainsi qu’un état anxio-dépressif. L’assurée était dans une attitude passive et si elle acceptait la solution chirurgicale, elle pourrait travailler à 50% dans une activité adaptée.

l. À la demande de l’OAI, le C______ (docteurs D______, spécialiste FMH en rhumatologie, E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, F______, spécialiste FMH en neurologie, et G______, spécialiste FMH en psychiatrie) a rendu un rapport d’expertise pluridisciplinaire le 31 janvier 2023. Les experts ont posé les diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail de lombosciatique plutôt L5 gauche secondaire à une discopathie protrusive avec arthrose postérieure non déficitaire sur le plan clinique et électrophysiologique, et sans répercussion sur la capacité de travail, de scoliose lombaire gauche compensée, de fibromyalgie, d’obésité classe I et d’épisode dépressif léger, avec syndrome somatique et retenu les limitations fonctionnelles suivantes : pas d’effort de soulèvement de plus de 5 kg à partir du sol, pas de porte-à-faux du buste, port de charge proche du corps limité à 5 kg et changement de position régulier

La capacité de travail était nulle dans l’ancienne activité depuis le 28 novembre 2018 et de 100% dans une activité adaptée depuis le 1er mars 2020.

m. Le 6 février 2023, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR) a conclu à une capacité de travail de l’assurée nulle dès le 28 novembre 2018 et de 100% dans une activité adaptée dès le 1er mars 2020, dans le respect des limitations fonctionnelles suivantes : pas d’effort de soulèvement de plus de 5 kg à partir du sol, pas de porte-à-faux du buste, port de charge proche du corps limité à 5 kg et changement de position régulier.

n. Le 14 février 2023, l’OAI a retenu un statut d’active.

o. Le 21 mars 2023, H______ a mentionné un salaire de l’assurée qui aurait été, en 2023, de CHF 27.01 de l’heure.

p. Le 22 mars 2023, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de la recourante à 21%. Le revenu d’invalide, évalué sur la base de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), était réduit de 10% pour tenir compte des limitations fonctionnelles de l’assurée.

q. Par projet de décision du 27 mars 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations (rente d’invalidité et mesures professionnelles), compte tenu d’un degré d’invalidité de 21% et de l’existence d’un nombre significatif d’activités adaptées à l’état de santé de l’assurée.

r. Le 24 mars 2023, l’assurée a contesté le projet de décision, en soulignant la présence de douleurs chroniques et limitations fonctionnelles.

s. Le 19 avril 2023, I______ a rendu un rapport en ergothérapie et physiothérapie, concluant pour l’assurée à une réhabilitation fonctionnelle semi-intensive bi‑hebdomadaire (programme rachis) dès le 24 avril 2023. Elle présentait un risque élevé de chronicité de ses douleurs, un déconditionnement global du corps, des dysbalances neuromusculaires et de la kinésiophobie.

t. Le 5 juin 2023, le SMR a confirmé son précédent avis du 6 février 2023.

u. Par décision du 6 juin 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

C. a. Le 7 juillet 2023, l’assurée, représentée par une avocate, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er juillet 2020 ; préalablement, elle requérait l’audition du Dr B______ et l’ordonnance d’une expertise rhumatologique et psychiatrique.

Le rapport du Dr D______ n’était pas convaincant. Il n’avait pas pris en compte la problématique relative aux L3-L4 (il n’avait retenu qu’une atteinte L5), ni l’irradiation de douleurs dans la jambe gauche ; il n’avait pas tenu compte de l’échec des mesures de réinsertion, ni de l’évaluation par le Dr B______ d’une capacité de travail de 50% ; il qualifiait la scoliose de légère alors qu’elle était importante et la fibromyalgie n’avait pas été analysée.

Par ailleurs, compte tenu de son âge, de sa longue activité comme serveuse ou employée d’entretien, son manque de formation en informatique, sa symptomatologie, sa faculté d’adaptation diminuée et ses nombreuses limitations fonctionnelles, le taux de l’abattement sur le revenu d’invalide devait être de 25%.

b. Le 7 août 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que l’expertise du C______ était probante et que l’abattement de 10% déjà admis tenait compte des limitations fonctionnelles de la recourante.

c. Le 13 septembre 2023, la recourante a répliqué, en concluant à l’octroi de mesures professionnelles. Elle a communiqué de nouveaux rapports médicaux, soit :

-     un rapport de la docteure J______, spécialiste FMH en neurochirurgie, du 30 août 2023, concluant à une infiltration ciblée périradiculaire L4-L5 gauche vu la radiculopathie invalidante trajet L5>L4 légèrement déficitaire en comparaison du dernier bilan ;

-     un rapport du Dr B______ du 30 août 2023, attestant de lésion au niveau de la colonne lombaire, occasionnant des douleurs et des sciatalgies aggravées par un déconditionnement, des dysbalances musculaires et une kinésiophobie ; l’assurée présentait une incapacité de travail de 50% dans un travail adapté ;

-     un rapport de CT de la colonne lombo-sacrée du 16 août 2023.

d. Le 21 septembre 2023, le SMR a rendu un avis selon lequel un déficit neurologique n’avait pas été objectivé et il n’était pas retrouvé de déficit sensitivomoteur ; les rapports de la Dre J______ et du Dr B______ n’apportaient pas de nouvel élément médical objectif.

e. Le 5 octobre 2023, l’OAI a persisté dans ses conclusions.

f. Le 6 novembre 2023, la chambre de céans a tenu une audience de comparution personnelle. La recourante a déclaré qu’elle se sentait capable de travailler, mais à un taux maximum de 50% et dans une activité adaptée.

g. À la demande de la chambre de céans, la Dre J______ a donné des renseignements complémentaires le 27 novembre 2023. Elle a posé les diagnostics de lumbago chronique, de lombosciatalgie gauche, de sténose foraminale dégénérative L4-L5 gauche avec hypertrophie facettaire associée à gauche et sténose foraminale L5 gauche et scoliose dextro convexe D6-D11 avec angle de Cobb 25°, antélisthésis L3/L4. Elle avait procédé, en 2023, à deux infiltrations lombaires. Elle était d’accord avec les conclusions des Drs D______ et F______. Elle ne pouvait se prononcer que du point de vue de la neurologique.

h. À la demande de la chambre de céans, le Dr K______ a donné des renseignements complémentaires le 1er décembre 2023. Il a posé les diagnostics de lomboradiculalgie L5 gauche sur trouble dégénératif mixte (scoliose) et de rachialgies chroniques cervicaux-dorso-lombaires dans un contexte de scoliose dorsolombaire modéré à convexité lombaire gauche avec un angle de Cobb levo-convexe de 33° D12-L4 et dextro-convexe de 25° D6-D11. En raison de ses problèmes de santé, la recourante souffrait de répercussion fonctionnelle modérée à sévère dans toutes les dimensions de sa vie. En conclusion de ses observations réalisées sur plusieurs mois, la capacité de travail de la recourante dans un poste adapté était seulement de 50%. Il divergeait de l’appréciation du Dr D______ s’agissant des répercussions fonctionnelles dans un poste de travail adapté. En raison de l’intensité des symptômes et de leurs répercussions fonctionnelles telles qu’elles avaient pu être observées non seulement lors des consultations mais aussi lors du programme de traitement que la recourante avait suivi avec assiduité pendant trois mois. La recourante n’avait pas les capacités suffisantes pour effectuer sur la durée un travail à temps complet, au rythme exigé, même dans un poste adapté. En effet, les adaptations proposées augmentaient ses capacités mais étaient très loin de faire disparaitre les symptômes et les limitations. Ainsi, la recourante n’avait par exemple aucune position de repli permettant de limiter les exacerbations intenses ou de gérer les augmentations de symptômes au fil de la journée qui auraient permis d’éviter les décompensations majeures et totalement invalidantes. Selon l’anamnèse en sa possession, cette situation n’avait pas varié de manière significative depuis 2020 en termes de capacité fonctionnelle. Ses conclusions se rapprochaient donc de celles du médecin traitant de la recourante, le Dr B______. Le programme Rachis réalisé à Cressy montrait une évolution peu favorable. Il avait dirigé l’assuré vers une nouvelle évaluation multidisciplinaire.

Il a communiqué deux rapports des 19 avril 2023 et 10 juillet 2023 de I______, attestant d’une participation de l’assurée à des séances de réhabilitation.

i. Le 19 décembre 2023, le SMR a estimé que le rapport du Dr K______ n’amenait aucun nouvel élément médical objectif.

j. Le 11 janvier 2024, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.

k. Le 22 janvier 2024, la recourante a observé qu’elle rejoignait l’analyse du Dr K______ et contestait la conclusion de la Dre J______, laquelle ne se prononçait que sur le volet de la neurochirurgie.

l. Le 26 mars 2024, la chambre de céans a informé les parties qu'elle entendait confier une mission d'expertise au docteur L______, spécialiste FMH en rhumatologie.

m. Le 11 avril 2024, l’OAI a indiqué qu’il n’avait pas de question complémentaire à faire valoir.

n. La recourante n’a pas fait d’observations.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

1.3 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée le 20 janvier 2020 et le délai d’attente d’une année venant à échéance le 29 août 2020, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

3.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

3.3 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

4.              

4.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

4.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

4.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

4.4 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références; ATF 135 V 465 consid. 4).

4.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

4.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

5.              

5.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

6.             En l’occurrence, l’intimé s’est fondé sur l’expertise pluridisciplinaire du C______ du 31 janvier 2023 pour retenir que la recourante présentait une capacité de travail nulle dans son ancienne activité depuis le 28 novembre 2018 et de 100% dans une activité adaptée depuis le 1er mars 2020.

La recourante conteste le volet rhumatologique de l’expertise précitée, en faisant valoir l’avis du Dr K______, lequel retient une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Au vu du rapport du Dr K______ du 1er décembre 2023, dûment motivé, et de sa conclusion divergente de celle du Dr D______ quant à l’impact des diagnostics retenus sur la capacité de travail exigible de la part de la recourante, singulièrement quant aux répercussions fonctionnelles dans un poste de travail adapté, il convient d’ordonner une investigation médicale par le biais d’une expertise judiciaire rhumatologique, ce d’autant que l’avis du Dr K______ tient compte de l’observation de la recourante tout au long du programme rachis qu’elle a suivi au cours de l’année 2023 et dans lequel elle s’est engagée avec une grande rigueur et motivation (rapport de I______ du 10 juillet 2023).

Partant, une expertise judiciaire rhumatologique sera confiée au docteur L______, spécialiste FMH en rhumatologie.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

I. Ordonne une expertise de Madame A______. Commet à ces fins le docteur L______, Genève. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.       Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.       Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier les docteurs K______ et J______.

C.       Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D.       Charge le Dr L______ d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.                  Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.                  Plaintes de la personne expertisée

3.                  Status et constatations objectives

4.                  Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogenèse)

4.1. Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1        Dates d'apparition

4.2              Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1        Dates d'apparition

4.3              Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4              Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

4.5              Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.6              La personne expertisée présente-t-elle un déconditionnement ? Celui-ci a-t-il un impact sur la capacité de travail ? Si oui, dans quelle mesure ?

4.7              Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.8              Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.9              Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

4.10          Est-ce que ce qui est connu de l’évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

5.                  Limitations fonctionnelles

5.1              Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1        Dates d’apparition

5.2              Les plaintes sont-elles objectivées ?

6.                  Capacité de travail

6.1              Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

6.2              La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?

6.2.1        Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.2.2        Si oui, à quel taux ? Depuis quelle date ?

6.2.3        Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

6.3              Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

6.4              Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

7.                  Traitement

7.1              Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

7.2              Est-ce que la personne expertisée s’est engagée ou s’engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n’a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

7.3              Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

8.                  Appréciation d'avis médicaux du dossier

8.1              Êtes-vous d'accord avec l’avis du Dr D______ (expertise C______) du 31 janvier 2023 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée ? Si non, pourquoi ?

8.2              Êtes-vous d'accord avec l’avis du Dr K______ du 1er décembre 2023 ? En particulier avec les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles constatées et l’estimation d’une capacité de travail d’au-maximum de 50% dans une activité adaptée ? Si non, pourquoi ?

9.             Quel est le pronostic ?

10.         Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

11.         Faire toutes autres observations ou suggestions utiles

 

E.        Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

II. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le