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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3781/2023

ATAS/148/2024 du 06.03.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3781/2023 ATAS/148/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 mars 2024

Chambre 4

 

En la cause

Monsieur A______

représenté par Me Georges BUISSON, avocat

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le
______ 1973 et domicilié en France, est divorcé et père de quatre enfants. Il travaillait en Suisse comme maçon coffreur métallique au service de la société B______ (ci-après : l'employeur), avec siège à Genève, depuis le 2 mai 2011 et était assuré à ce titre pour l'assurance-accidents par la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA ou l'intimée).

b. Le 19 juin 2012, l'assuré s'est blessé au dos et a subi une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche sur son lieu de travail.

c. La SUVA a pris en charge les suites du cas et l'employeur a mis fin au contrat de travail pour le 21 juin 2012.

d. Par décision du 22 février 2013, la SUVA a indiqué mettre fin au versement des prestations d'assurance à compter du 28 février 2013. Au vu des appréciations de son médecin d'arrondissement, les troubles qui subsistaient à ce jour n'étaient plus dus à l'accident, mais étaient exclusivement de nature maladive.

e. Le 20 mars 2013, l'assuré a formé opposition contre cette décision s'agissant de son genou gauche. Selon son médecin traitant, le problème qui restait en rapport avec l'accident du 19 juin 2012 était une douleur correspondant à un syndrome rotulien post-traumatique. Il s'opposait donc à une clôture anticipée du dossier, car il y avait bien un rapport de causalité entre l'accident et les douleurs encore présentes au genou.

f. Dans un rapport du 19 juin 2013, le docteur C______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie en France, a indiqué qu'il existait manifestement un Lachmann Trillat et un ressaut positif douloureux bien reconnu par l'assuré. Il préconisait donc une ligamentoplastie du genou à titre d'intervention.

g. Par décision sur opposition du 29 juillet 2013, la SUVA a rejeté l'opposition.

h. Par acte du 12 août 2013, l'assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant à son annulation et à la reprise du versement des prestations d'assurance à compter du 1er mars 2013.

i. Par arrêt du 19 mars 2014, la chambre de céans a renvoyé la cause à l'intimée afin que cette dernière détermine si l'atteinte au genou gauche pouvait être imputable, au moins partiellement, à l'accident du 19 juin 2012 ou si elle était d'origine exclusivement maladive (cf. ATAS/319/2014 du 19 mars 2014
consid. 8).

B. a. Le 3 septembre 2013, alors qu'il travaillait sur un chantier au service du même employeur et qu'il était, à ce titre, assuré auprès de la SUVA, l'assuré s'est blessé au genou gauche en chutant sur sa jambe gauche après que son pantalon s’était accroché sur des barres d'attente de coffrage. Suite à cette chute, l'assuré a été pris en charge au service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève
(ci-après : HUG).

b. À teneur du rapport du 3 septembre 2013 de la docteure D______, médecin interne auprès du service des urgences des HUG, l'intéressé était connu pour une lésion ligamentaire du genou gauche et était en attente d'une intervention chirurgicale. Il avait chuté le matin même au travail avec une impression de lâchage du genou et une réception sur le genou gauche sur des graviers de béton. L'assuré avait fait état d'une forte douleur et le médecin avait constaté des dermabrasions en regard du tendon patellaire, ainsi qu'une impression de genou instable. L'intéressé s'était aussi plaint de douleurs à la face externe de la cheville suite à une éversion forcée pendant la chute. La cheville était douloureuse, sans œdème, ni déformation et le squeeze-test était négatif. Le médecin proposait un arrêt de travail du 3 au 13 septembre 2013.

c. La SUVA a pris en charge les suites de l'accident du 3 septembre 2013, notamment par le versement d'indemnités journalières.

d. Selon un rapport du Dr C______ du 12 septembre 2013, l'assuré s'était de nouveau fait une instabilité du genou gauche à laquelle s'ajoutait une entorse de la cheville gauche. Un traitement de rééducation avait été mis en place et une ligamentoplastie du genou gauche était prévue le 22 octobre 2013.

e. Dans un rapport du 23 octobre 2013, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin-conseil de la SUVA, a confirmé que l'arrêt de travail de 10 jours était justifié en raison de la dermabrasion du genou, susceptible de s'infecter en milieu professionnel chez un maçon. S'agissant de la cheville gauche, les ligaments n'étaient pas atteints avec un caractère durable de plus de 10 jours au vu du squeeze-test négatif et en l'absence d'œdème et de déformation le jour du sinistre annoncé.

f. Selon une note de la SUVA du 25 octobre 2013, l'intervention chirurgicale prévue le 22 octobre 2013 avait été annulée.

g. Par décision du 30 octobre 2013, la SUVA a mis un terme au paiement de l'indemnité journalière et des soins médicaux dès le 7 novembre 2013. Suivant l'avis de son médecin d'arrondissement, il n'existait pas de lien de causalité avéré, ou pour le moins établi au degré de la vraisemblance prépondérante, entre l'accident du 3 septembre 2013 et les troubles du genou annoncés.

h. Le 14 novembre 2013, l'assuré a formé opposition à la décision de la SUVA précitée, faisant valoir que l'opération qui devait être effectuée à son genou gauche était en relation de causalité avec l'accident du 3 septembre 2013. Il invitait le médecin de la SUVA à l'examiner.

i. Par décision sur opposition du 31 décembre 2013, la SUVA a rejeté l'opposition. S'agissant de l'atteinte ligamentaire au genou gauche, elle n'était pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, en relation de causalité naturelle avec l'accident du 3 septembre 2013, lequel n'avait entrainé que de simples éraflures sur la rotule et n'avait pas péjoré l'état antérieur. Il s'agissait de la même lésion que celle constatée au mois de février 2013 dont la SUVA avait refusé la prise en charge.

j. Le 23 janvier 2014, l'assuré a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la SUVA. Cette dernière a transmis ce recours à la chambre de céans comme objet de sa compétence.

k. Le 1er mai 2014, la SUVA a demandé la suspension de la procédure au vu du jugement rendu le 19 mars 2014 dans le litige parallèle opposant les parties [NDLR : arrêt ATAS/319/2014 du 19 mars 2014 rendu dans la procédure A/2644/2013] et par lequel la chambre de céans avait renvoyé la cause à l'intimée afin qu'elle mette en œuvre une expertise médicale portant sur l'ensemble des troubles du recourant.

l. Par arrêt incident du 28 mai 2014, la chambre de céans a suspendu la procédure jusqu'à réception du rapport d'expertise et a réservé la suite de la procédure.

m. Par courrier du 11 mai 2015, la SUVA a déclaré acquiescer au recours du
23 janvier 2014, acceptant de prendre à sa charge les troubles au genou gauche du recourant.

n. Par arrêt du 10 juin 2015, la chambre de céans a annulé la décision de la SUVA du 31 décembre 2013 et lui a donné acte de ce qu'elle prenait en charge les troubles présentés par le recourant à son genou gauche.

C. a. Le 18 avril 2017, en raison d'une instabilité du genou gauche et d'un doute quant à l'intégrité du ligament croisé antérieur (LCA), l'assuré a subi une arthroscopie. Suite à cette opération, le docteur F______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie en France, lui a prescrit des séances de rééducation et a proposé de le revoir six semaines plus tard pour juger de l'instabilité de son genou gauche. L'assuré a été en incapacité de travail du 19 avril au 29 mai 2017, puis jusqu'au 31 juillet 2017.

b. Selon un rapport du 31 juillet 2017 du Dr F______, l'arthroscopie n'avait rien apporté et il fallait reconnaître une instabilité du genou par distension du LCA.

c. Le 11 septembre 2017, le Dr F______ a proposé une ligamentoplastie de type KJ du LCA du genou gauche en raison de l'instabilité persistante et des résultats de la laxité. L'assuré a été en incapacité de travail du 11 septembre au
23 octobre 2017.

d. Le 24 octobre 2017, l'assuré a bénéficié d'une ligamentoplastie effectuée par le Dr F______.

e. Dans un rapport du 19 avril 2018, le Dr F______ a indiqué que l'assuré était toujours algique en raison de son algodystrophie qui avait été confirmée par une scintigraphie osseuse.

f. Selon un projet d'acceptation de rente du 4 décembre 2018, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) a octroyé à l'assuré une rente d'invalidité entière dès le 1er août 2015, basée sur un degré d'invalidité de 100%.

g. Dans un rapport du 11 février 2019, le Dr F______ a relevé l'évolution surprenante et très douloureuse au niveau du compartiment interne du genou gauche après une ligamentoplastie du LCA de type DT4 réalisée en octobre 2017, avec une ablation de la plaquette fémorale le 2 octobre 2018. Les deux interventions s'étaient compliquées d'une algodystrophie.

h. Le 4 juin 2019, l'assuré a subi une ablation de matériel du genou gauche (endobouton tibial) en raison des douleurs relevées suite à l'opération du
24 octobre 2017.

i. Le 13 septembre 2019, l'assuré a été examiné par un médecin de la SUVA. Cet examen avait toutefois dû être interrompu en raison d'une grande agitation de l'intéressé et de menaces de mort proférées par ce dernier à l'encontre du médecin d'assurance en charge de l'examiner. À teneur du rapport du même jour, le médecin de la SUVA avait retenu, sur le plan de l'exigibilité et sur le plan orthopédique, une capacité de travail de 50%, dès ce jour, dans une activité réalisée essentiellement en position assise, avec un port de charge ponctuel limité à 5 kg, sans devoir se déplacer de façon régulière dans les escaliers. Progressivement, après réentrainement à l'effort par la reprise professionnelle et la poursuite de la physiothérapie pour renforcer la musculature du genou, un taux d'activité de 100%, sans baisse de rendement, était attendu au bout de trois mois.

j. Le 4 septembre 2020, l'assuré a bénéficié d'une nouvelle arthroscopie du genou gauche effectuée par le Dr F______. À l'issue de l'intervention, le claquement audible avait disparu. Selon le spécialiste, on s'orientait de nouveau vers une algodystrophie.

k. Dans un rapport du 9 novembre 2020, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la SUVA, a indiqué que l'incapacité de travail était toujours justifiée médicalement, que celle-ci était a priori en lien avec les troubles du genou gauche, ceux-ci n'étant toutefois pas stabilisés. Le spécialiste refusait d'examiner l'assuré en raison du risque sécuritaire causé par ce dernier lors du dernier examen par un médecin de la SUVA.

l. À teneur du rapport du 1er mars 2021 du docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement de la SUVA, l'incapacité de travail semblait toujours justifiée, les troubles du genou n'étant vraisemblablement pas stabilisés. Selon le rapport de consultation du Dr F______ du 3 février 2021, l'assuré présentait la maladie de Sudeck en phase évolutive. Or, il était impossible de faire une prévision précise quant à la future stabilisation dans le cadre d'une maladie de Sudeck, de sorte que le médecin ne pouvait statuer à ce stade.

m. Selon un rapport du 29 juin 2021 du docteur I______, spécialiste FMH en orthopédie et médecin-conseil de l'assurance, l'assuré présentait un syndrome douloureux régional complexe (ci-après : CRPS pour Complex regional pain syndrome) qui était toujours présent à 8 mois de l'intervention, de sorte que l'incapacité de travail était toujours justifiée. L'état de santé n'était pas stabilisé et le point devrait être fait une année après de l'intervention. Sur la base de l'imagerie à disposition, il n'y avait pas d'atteinte à l'intégrité susceptible d'être indemnisée.

n. Selon le rapport de consultation du Dr F______ du 25 avril 2022, une IRM effectuée le 24 mars 2022 avait montré une discrète infiltration de la graisse de Hoffa avec persistance d'un petit noyau fibreux à la face antérieure de la ligamentoplastie en faveur d'un « cyclope syndrom ». Il n'y avait pas de lésion méniscale mise en évidence. L'intéressé avait décrit des dysesthésies sur l'ensemble de la jambe et un réveil important des douleurs au niveau de la cheville. Il pouvait s'agir d'une possible récidive de fibrose antérieure du genou. Selon le spécialiste, il n'y avait pas d'urgence à proposer une nouvelle arthroscopie, ce d'autant plus que le patient était sujet à l'algodystrophie. Le
Dr F______ a indiqué qu'il prévoyait de revoir l'assuré dans deux mois ou avant, à sa demande.

o. Dans un rapport du 13 juin 2022, le Dr I______ a indiqué que l'état de l'assuré était, a priori, stabilisé pour le genou dès lors que le Dr F______ n'avait pas formulé de nouvelle proposition thérapeutique dans son dernier rapport. Le
Dr I______ demandait que soit examinée la nécessité d'examiner l'assuré à l'agence de la SUVA.

p. Dans un rapport de suivi de consultation du 27 juin 2022, le Dr F______ a indiqué que l'assuré présentait des douleurs importantes au moindre toucher du nodule fibreux en regard de la cicatrice antéro-interne et décrivait également des douleurs à la partie antérieure du genou en flexion. Le spécialiste se disait « bien embêté chez ce patient qui, à chaque fois qu'on le touche chirurgicalement, fait une algodystrophie », les douleurs au niveau du nodule étant, apparemment, très intenses. Par ailleurs, il existait le « cyclope syndrom » qui pouvait expliquer ses difficultés à passer en extension. Tant le Dr F______ que l'assuré étaient conscients du risque d'algodystrophie. Ce dernier en avait marre de souffrir et était prêt à subir une nouvelle arthroscopie, prévue pour le 13 septembre 2022.

q. Dans un rapport du 28 juin 2022, un médecin de la SUVA [NDLR : le rapport ne permet pas d'identifier son nom] a indiqué que l'arthroscopie prévue était en lien de causalité avec l'événement du 13 septembre 2013 et était justifiée, précisant que l'IRM objectivait un « cyclope syndrom » et qu'une stabilisation était attendue à trois mois de l'intervention si la rééducation était adéquate. L'exigibilité était donnée, bien qu'il n'y ait pas de garantie de résultat. L'incapacité de travail était toujours justifiée pour le genou, mais pas pour les cervicales, ni pour la problématique de la cheville gauche. Une capacité de travail n'était plus exigible pour une activité lourde, contrairement à une activité légère qui serait exigible à la stabilisation de l'état de santé.

r. Le 13 septembre 2022, l'assuré a bénéficié d'une arthroscopie du genou gauche et de l'exérèse d'une lésion sous-cutanée. Selon le compte rendu opératoire du
Dr F______ du même jour, l'assuré présentait des douleurs importantes au moindre toucher d'un nodule fibreux en regard de la cicatrice antéro-interne et décrivait des douleurs à la partie antérieure du genou en flexion.

s. Selon un rapport du Dr F______ du 24 octobre 2022, il semblait que le patient se dirigeait « tout droit vers une algodystrophie avec des brûlures ». L'arrêt de travail était prolongé de deux mois et l'intéressé serait alors à nouveau examiné. La douleur devait être prise en charge de manière symptomatique. Concernant l'IRM du pied droit, le spécialiste a indiqué que le bilan ne montrait pas d'anomalie de l'aponévrose plantaire et qu'il n'y avait pas d'argument pour une maladie de Ledderhose.

t. Dans un rapport du 2 janvier 2023, le Dr F______ a relevé que l'algodystrophie réveillait, chez l'assuré, des dysesthésies dans tout le membre inférieur gauche et qu'il se plaignait de migraines intenses. Le médecin a constaté un lasègue négatif, les pouls distaux bien perçus, une lame d'épanchement intra articulaire et une mobilité 0°-110°. Il a retenu une algodystrophie touchant l'ensemble du membre inférieur gauche et a préconisé une prise en charge symptomatique de la douleur, ainsi qu'une rééducation douce. Compte tenu des dysesthésies et de la faiblesse des membres inférieurs, le spécialiste a demandé un scanner lombaire et a mis l'assuré en arrêt de travail pendant trois mois.

u. Dans un rapport du 2 janvier 2023, le docteur J______, médecin spécialiste en médecine du sport en France et médecin traitant de l'assuré, a indiqué que ce dernier présentait toujours des céphalées d'origine cervicale qui pouvaient être intenses et prolongées, entrainant des troubles visuels. L'intéressé avait également des douleurs dorsales et était soulagé transitoirement par des manipulations cervicales et dorsales. Il présentait en outre un syndrome de stress post-traumatique pour lequel il avait été adressé à un psychiatre.

v. Dans son rapport du 3 janvier 2023, le Dr I______ a retenu que le diagnostic de CRPS n'était pas confirmé dès lors que le rapport de consultation du
Dr F______ du 2 janvier 2023 ne permettait pas de suivre les critères de Budapest. Toutefois, au vu des antécédents de CRPS, il fallait considérer ce diagnostic comme probable. Le médecin de la SUVA a également qualifié de probable le rapport de causalité entre le CRPS et l'événement du
13 septembre 2013 dans la mesure où l'intervention du 13 septembre 2022 était en rapport de causalité naturelle probable avec cet événement. Concernant les éventuelles mesures raisonnables permettant d'optimiser le traitement, le spécialiste a indiqué que la question d'un séjour à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) se posait après le bilan initié ambulatoirement. Quant au scanner lombaire, il ne faisait pas partie des traitements en relation avec les lésions concernant l'événement du 13 septembre 2013, ni avec l'événement du 19 juin 2012. S'agissant de la stabilisation du cas du genou à plus de trois mois de l'intervention, il fallait prévoir un séjour à la CRR, dès lors qu'un examen par un médecin de l'assurance n'était pas indiqué au vu de l'attitude agressive de l'assuré lors du dernier examen à l'agence de la SUVA. Dans le même rapport, le
Dr I______ a indiqué que la stabilisation de l'état sur dossier semblait plus opportune. Le spécialiste a ajouté que, dans l'hypothèse où l'état de santé était stationnaire, il conviendrait de demander à l'assuré son accord pour un séjour à la CRR.

w. Selon un rapport du 6 avril 2023 du Dr F______, le genou gauche de l'assuré avait un bel aspect et était sec. La mobilité du genou gauche (flexion/extension) était de 110-0° et sa sensibilité diffuse, surtout sur la partie haute et antérieure du tibia. Le spécialiste ne prescrivait pas de radiographie et indiquait qu'il ne fallait plus opérer l'assuré, sauf si cela était vraiment nécessaire, ce dernier devant être au repos.

x. À teneur du rapport du Dr I______ du 10 mai 2023, l'état de santé de l'assuré était stabilisé à six mois de l'intervention. En effet, dans son dernier rapport, le
Dr F______ ne proposait plus d'intervention et constatait la stagnation de l'état clinique. Par ailleurs, du fait des antécédents comportementaux de l'assuré à l'agence de la SUVA, il était exclu que l'intéressé soit à nouveau examiné par un médecin de la SUVA. Quant à la capacité de travail, l'exigibilité comme maçon n'était plus donnée. En revanche, on pouvait retenir les limitations fonctionnelles établies par le médecin de la SUVA dans son rapport du 13 septembre 2019 du fait d'une amyotrophie modérée et de la limitation de la mobilité, ainsi qu'en raison de la ligamentoplastie réalisée au niveau de la cheville gauche qui avait permis d'obtenir une bonne stabilité de celle-ci. Dès lors, une capacité de travail de 100%, sans baisse de rendement, était attendue dans une activité réalisée essentiellement en position assise, avec un port de charge ponctuel limité à 5 kg, sans devoir se déplacer de façon régulière dans les escaliers.

y. Dans un rapport du 26 juin 2023, le Dr I______ a constaté une déchirure du ligament croisé antérieur du genou gauche avec ligamentoplastie en 2017, le développement d'un amincissement de l'espace fémoro-tibial interne à la radiologie, dans le sens d'une gonarthrose interne, ainsi que la persistance d'une discrète raideur et des épanchements lors des surcharges mécaniques. Au vu de ces éléments, ce spécialiste a évalué l'atteinte à l'intégrité conformément à la table d'indemnisation pour atteinte à l'intégrité n°5, applicable à une atteinte à l'intégrité résultant d'arthrose de type fémoro-tibiale moyenne asymptomatique. Dans le cas d'espèce, il s'agissait d'une arthrose moyenne, soit une atteinte à l'intégrité de 10%.

z. Par décision du 14 juillet 2023, la SUVA a informé l'assuré que, sur la base des éléments médicaux en sa possession, son service médical avait estimé qu'il n'avait plus besoin de traitement. Par conséquent, elle mettait fin au paiement des soins médicaux et au versement de l'indemnité journalière avec effet au 31 juillet 2023. Une capacité de travail de 100%, sans baisse de rendement, était attendue de l'assuré, dans une activité réalisée essentiellement en position assise, avec un port de charge ponctuel limité à 5 kg, sans devoir se déplacer de façon régulière dans les escaliers.

D. a. Par décision du 28 septembre 2023, la SUVA a accordé à l'assuré une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ci-après : IPAI) de 10% et, dès le
1er août 2023, une rente d'invalidité de 17%, considérant qu'en dépit de ses séquelles accidentelles, l'intéressé demeurait capable d'exercer à plein temps une activité adaptée à son état de santé.

b. Le 11 octobre 2023, l'assuré, par l'intermédiaire de son conseil, a formé opposition contre cette décision, faisant valoir que, compte tenu du préjudice corporel très important subi à la suite de l'accident de travail, le taux de l'IPAI arrêté à 10% était totalement dérisoire. Il demandait que soit ordonnée une mesure d'expertise médicale contradictoire effectuée par un spécialiste qui n'avait aucun lien avec la SUVA.

c. Le 17 octobre 2023, l'intéressé a complété son opposition indiquant que la décision de fixer le taux de l'atteinte à l'intégrité à 10% apparaissait totalement dérisoire au vu de l'évaluation du préjudice corporel effectuée par l'office AI pour les assurés résidant à l'étranger (ci-après : OAIE) qui avait fait apparaître un degré d'invalidité de 100%.

Il a en outre adressé à la SUVA la copie des documents suivants :

-          la correspondance reçue de l'OAIE du 4 août 2020 à teneur de laquelle cet office indiquait avoir prévu une révision de la rente d'invalidité et demandait que lui soit transmis un rapport médical sur l'état de santé actuel de l'assuré et un rapport d'un examen orthopédique ;

-          un projet de décision de l'OAI, non daté, qui faisait état d'un degré d'invalidité de 100% ;

-          les décisions du 28 février 2019 concernant les rentes ordinaires d'invalidité pour enfant liées à la rente du père.

d. Par décision sur opposition du 3 novembre 2023, la SUVA a rejeté l'opposition. Elle a relevé que le seul point contesté par l'assuré était le taux de l'IPAI retenu pour les séquelles de l'accident du 3 septembre 2013 et que les autres points de la décision querellée n'étaient pas contestés, de sorte que ceux-ci étaient d'ores et déjà entrés en force. S'agissant de l'IPAI, l'assuré n'avait fourni aucun élément médical permettant de douter de l'estimation du médecin de l'assurance. Par ailleurs, la décision de l'OAI ne lui était d'aucun secours dès lors que l'incapacité de gain et l'IPAI visaient à compenser des préjudices différents et que l'assurance-invalidité était tenue de prendre en charge les suites de toutes les atteintes à la santé, alors que la SUVA ne répondait que des atteintes à la santé qui étaient en relation de causalité naturelle et adéquate avec un événement assuré ou une maladie professionnelle. Ainsi, aucune autre mesure d'instruction n'était nécessaire et il pouvait être statué sans devoir recourir à une expertise externe.

E. a. Par acte daté du 9 novembre 2023 et reçu le 15 novembre 2023, l'assuré a saisi la chambre de céans d'un recours, reprenant, en substance, la motivation contenue dans son opposition.

b. Dans sa réponse du 21 novembre 2023, l'intimée a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci. L'argumentation confuse contenue dans le recours ne permettait pas de savoir pour quelles raisons le recourant contestait le montant de l'IPAI et ce dernier n'avait pris aucune conclusion. Sur le fond, l'intimée a confirmé la teneur de la décision querellée.

c. Par mémoire de réponse [recte : mémoire de réplique] adressé à la chambre de céans le 30 novembre 2023, le recourant a produit les pages 3 à 6 d'un décompte de prestations, non daté, indiquant que son degré d'invalidité était de 100%, le projet de décision de l'OAI, non daté, qui faisait état d'un degré d'invalidité de 100%, ainsi que les décisions de l'OAI du 28 février 2019 concernant les rentes ordinaires d'invalidité pour enfant liées à sa rente d'invalidité. Il s'est référé au
« document provenant de l'office de l'assurance-invalidité suisse pour les assurés résidant à l'étranger qui décide que compte tenu de la gravité de ses blessures résultant de son accident, [il] avait droit dès le 1er août 2015 à une rente entière basée sur un degré d'invalidité de 100% ». L'intéressé a en outre produit le bilan de consultation du Dr F______ du 7 juillet 2023 à teneur duquel le tableau était inchangé, avec plusieurs dysesthésies du membre inférieur. Selon ce médecin traitant, le recourant conservait par ailleurs d'importantes douleurs surtout la nuit et décrivait des réveils importants et douloureux au niveau de sa cheville gauche. Au vu de ces éléments, l'intéressé a fait valoir qu'il n'y avait aucune amélioration de son état de santé et a conclu à l'annulation des décisions de l'intimée du
3 novembre 2023 et du 28 septembre 2023.

d. Le 7 décembre 2023, la chambre de céans a transmis au recourant la copie de la correspondance adressée à l'intimée le même jour. À teneur de celle-ci, la chambre de céans transmettait à l'intimée un exemplaire du mémoire de réplique du 28 novembre 2023 et lui impartissait un délai au 4 janvier 2024 pour se déterminer.

e. Dans sa duplique du 12 décembre 2023, l'intimée a persisté dans ses conclusions.

f. Le 19 décembre 2023, le recourant a indiqué à la chambre de céans qu'il n'avait pas reçu les écritures de l'intimée qui devaient être annexées au courrier du
7 décembre 2023, de sorte qu'il n'était pas en mesure de se déterminer dans le délai imparti au 4 janvier 2024.

g. Selon une note du greffe du 2 janvier 2024, il a été expliqué par téléphone au conseil du recourant que le délai échéant au 4 janvier 2024 avait été imparti à l'intimée pour produire sa duplique. Le recourant a confirmé avoir reçu la duplique du 12 décembre 2023 et ne s'est plus déterminé après réception de celle-ci.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Selon l’art. 58 al. 2 LPGA, si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse.

1.2 En l'espèce, le recourant, domicilié en France, a travaillé en dernier lieu pour un employeur ayant son siège dans le canton de Genève.

1.3 La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au
1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

4.             Dans son mémoire de réponse du 21 novembre 2023, l'intimée a conclu à l'irrecevabilité du recours au motif que l'argumentation contenue dans celui-ci ne permettait pas de savoir pour quelles raisons le recourant contestait le montant de l'IPAI et que le recourant n'avait pas pris de conclusions.

Selon l'art. 61 let. b LPGA, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions.

Pour être en présence d’un recours, il faut que le recourant s’identifie et manifeste clairement sa volonté de recourir contre une décision déterminée, c’est-à-dire qu’il exprime de manière reconnaissable sa volonté de modifier la situation juridique résultant de cette décision. L’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que des conclusions. Il suffit que le tribunal puisse déduire de l’acte de recours ce que souhaite le recourant et pour quels motifs la décision contestée est, d’après lui, erronée sur le plan factuel ou juridique. Si les conclusions manquent, le tribunal examinera s’il peut les déduire de la motivation. Cette dernière permet également d’interpréter, conformément au principe de la bonne foi, des conclusions qui seraient formulées de manière peu claire (ATF 116 V 353 consid. 2b ; 136 V 131 consid. 1.2 ; 123 IV 125 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_375/2012 consid. 1.2 non publié in ATF 139 III 24 ; cf. Jean MÉTRAL, in Dupont/Moser-Szeless [éd.], Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, n. 43 ad art. 61 LPGA).

En l'occurrence, si le mémoire de recours est effectivement particulièrement succinct et qu'il ne contient pas d'exposé des faits, ni de conclusions clairement formulées, force est de constater que l'on peut déduire de la motivation présentée que le recourant conteste le taux de l'IPAI de 10% faisant valoir l'incapacité totale de travail retenue par l'OAI. En outre, le recourant a complété sa motivation dans sa réplique du 9 novembre 2023 arguant que le taux de l'IPAI retenu par l'intimé était dérisoire en raison de l'absence d'amélioration de son état de santé. De cette motivation, l'on est en mesure de comprendre que le recourant prétend à une IPAI supérieure au taux de 10% retenu par l'intimée.

Au vu de ces éléments, la chambre de céans retiendra que le recours respecte la condition de la forme prévue à l'art. 61 let. b LPGA.

Interjeté dans la forme et dans le délai de trente jours prévu par la loi
(art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

5.              

5.1 L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et 2 et les références).

Les questions qui - bien qu'elles soient visées par la décision administrative et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation - ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et les références).

5.2 En l'espèce, il ressort, tant de l'opposition du 11 octobre 2023 que du recours et de la réplique, que le recourant s'est limité à contester le taux de l'IPAI de 10% retenu par l'intimée, faisant valoir que ce taux serait dérisoire au regard du degré d'invalidité de 100% retenu par l'OAI et de l'absence d'amélioration de son état de santé. Le recourant n'a ainsi pas contesté la rente d'invalidité octroyée par l'intimée, de sorte que celle-ci est entrée en force.

Dès lors, conformément à ce qu'a retenu l'intimée dans la décision querellée, l'objet du présent litige est limité à la question du taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité et au montant de celle-ci.

6.              

6.1 La décision sur opposition remplace la décision initiale et devient, en cas de recours à un juge, l'objet de la contestation de la procédure judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_777/2013 consid. 5.2.1).

6.2 En l'occurrence, dans son mémoire de réplique du 28 novembre 2023, le recourant a conclu, à la fois, à l'annulation de la décision sur opposition du
3 novembre 2023 et à l'annulation de la décision initiale du 28 septembre 2023.

Or, en l'application de la jurisprudence susvisée, la décision du 3 novembre 2023 a remplacé la décision du 28 septembre 2023, de sorte que la conclusion tendant à l'annulation de cette dernière est irrecevable.

7.              

7.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort
(art. 4 LPGA).

La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable; le caractère soudain de l'atteinte; le caractère involontaire de l'atteinte; le facteur extérieur de l'atteinte; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2009 du 24 février 2010 consid. 2;
ATF 129 V 402 consid. 2.1 et les références).

7.2 Aux termes de l'art. 24 LAA, si par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). D'après l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital (al. 1, 1ère phrase) ; elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité (al. 1, 2ème phrase). Elle est également versée en cas de maladie professionnelle (cf. art. 9 al. 3 LAA). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (al. 2).

L'indemnité pour atteinte à l'intégrité vise à compenser le préjudice immatériel (douleurs, souffrances, diminution de la joie de vivre, limitation des jouissances offertes par l'existence etc.) qui perdure au-delà de la phase du traitement médical et dont il y a lieu d'admettre qu'il subsistera la vie durant (ATF 133 V 224
consid. 5.1 et les références). Elle se caractérise par le fait qu'elle est exclusivement fixée en fonction de facteurs médicaux objectifs, valables pour tous les assurés, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel. En cela, elle se distingue de l'indemnité pour tort moral du droit civil, qui procède de l'estimation individuelle d'un dommage immatériel au regard des circonstances particulières du cas. Cela signifie que pour tous les assurés présentant un status médical identique, l'atteinte à l'intégrité est la même, et sans égard à des considérations d'ordre subjectif ou personnel (ATF 115 V 137 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.2 et les références ; 8C_703/2008 du 25 septembre 2009 consid. 5.1 et les références).

L'atteinte à l'intégrité au sens de l'art. 24 al. 1 LAA consiste généralement en un déficit corporel (anatomique ou fonctionnel) mental ou psychique. La gravité de l'atteinte, dont dépend le montant de l'indemnité, se détermine uniquement d'après les constatations médicales. L'évaluation incombe donc avant tout aux médecins qui doivent, d'une part, constater objectivement quelles limitations subit l'assuré et, d'autre part, estimer l'atteinte à l'intégrité en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_656/2022 du 5 juin 2023 consid. 3.4 et les références).

Contrairement à l’évaluation du tort moral, la fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité peut se fonder sur des critères médicaux d’ordre général, résultant de la comparaison de séquelles similaires d’origine accidentelle, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu’une atteinte entraîne pour l’assuré concerné. En d’autres termes, le montant de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité ne dépend pas des circonstances particulières du cas concret, mais d’une évaluation médico-théorique de l’atteinte physique ou mentale, abstraction faite des facteurs subjectifs (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b et les références ; 125 II 169 consid. 2d).

Selon l’art. 36 OLAA, édicté conformément à la délégation de compétence de l’art. 25 al. 2 LAA, une atteinte à l'intégrité est réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie (al. 1, 1ère phrase) ; elle est réputée importante lorsque l'intégrité physique ou mentale subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1, 2ème phrase). L’indemnité pour atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe 3 à l'OLAA (al. 2). En cas de concours de plusieurs atteintes à l'intégrité physique ou mentale, dues à un ou plusieurs accidents, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du dommage (al. 3, 1ère phrase).

Cette disposition a été jugée conforme à la loi en tant qu'elle définit le caractère durable de l'atteinte (ATF 133 V 224 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral
U 401/06 du 12 janvier 2007 consid. 2.2). Le caractère durable de l'atteinte doit être à tout le moins établi au degré de la vraisemblance prépondérante
(ATF 124 V 29 consid. 4b/cc). Quant au caractère important de l'atteinte, le ch. 1 de l'annexe 3 à l'OLAA précise que les atteintes à l'intégrité qui sont inférieures à 5 % selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Il faut en conclure qu'une atteinte est réputée importante si elle atteint au moins ce pourcentage (Thomas FREI et Juerg P. BLEUER, Évaluation d'atteintes à l'intégrité multiples, in SUVA Medical 2012, p. 202).

Le taux d'une atteinte à l'intégrité doit être évalué exclusivement sur la base de constatations médicales (ATF 115 V 147 consid. 1 ; 113 V 218 consid. 4b ; RAMA 2004 p. 415 ; arrêt du Tribunal fédéral U 134/03 du 12 janvier 2004 consid. 5.2).

L'évaluation de l'atteinte à l'intégrité se fonde sur les constats médicaux, de sorte qu'il incombe, dans un premier temps, au médecin de se prononcer, en tenant compte des atteintes énumérées à l'annexe 3 de l'OLAA et dans les tables de la SUVA, sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, il existe un dommage. Il appartient toutefois à l'administration ou au tribunal de procéder à l'évaluation juridique, sur la base des constatations médicales, de l'existence d'une atteinte à l'intégrité, de déterminer si le seuil de gravité est atteint et, dans l'affirmative, l'étendue de l'atteinte. Bien que l’administration et le tribunal doivent s'en tenir aux données médicales, l'évaluation de l'atteinte à l'intégrité, en tant que fondement du droit aux prestations, relève, en fin de compte, de leur domaine de compétence (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2022 du 18 octobre 2023 consid. 4.2 et les références ; sur la répartition des tâches entre le médecin et l'administration ou le tribunal, cf. également ATF 140 V 193 consid. 3.2).

7.3 Entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2015, le montant maximum du gain assuré s’élevait à CHF 126'000.- par an et CHF 346.- par jour
(art. 22 al. 1 aOLAA ; RO 2007 3667).

En cas de rechute ou de séquelles tardives, la base de calcul déterminante pour le calcul de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité due est le montant maximum du gain annuel assuré au jour de l'accident (ATF 127 V 456 consid. 4).

7.4 L’annexe 3 à l'OLAA comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b et les références ; 124 V 209 consid. 4a/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.2 et la référence) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent (ATF 124 V 209 consid. 4bb).

L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité énumérées à cette annexe est fixée, en règle générale, en pour cent du montant maximum du gain assuré
(ch. 1 al. 1 de l'annexe 3). Pour les atteintes à l'intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, en fonction de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). On procédera de même lorsque l’assuré présente simultanément plusieurs atteintes à l’intégrité physique, mentale ou psychique. Les atteintes à l’intégrité pour lesquelles un taux inférieur à 5 % serait appliqué selon le barème ne donnent droit à aucune indemnité. Les atteintes à l’intégrité sont évaluées sans les moyens auxiliaires – à l’exception des moyens servant à la vision (ch. 1 al. 2 de l'annexe 3). La perte totale de l’usage d’un organe est assimilée à la perte de celui-ci. En cas de perte partielle d’un organe ou de son usage, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est réduite en conséquence; toutefois aucune indemnité ne sera versée dans les cas où un taux inférieur à 5 % du montant maximum du gain assuré serait appliqué (ch. 2 de l'annexe 3).

La division médicale de la SUVA a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.suva.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; 124 V 209 consid. 4a/cc ; 116 V 156 consid. 3a).

7.5 Aux termes de l'art. 36 al. 4 OLAA, il est équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l'atteinte à l'intégrité ; une révision n'est possible qu'en cas exceptionnel, si l'aggravation est importante et n'était pas prévisible.

S'il y a lieu de tenir équitablement compte d'une aggravation prévisible de l'atteinte lors de la fixation du taux de l'indemnité, cette règle ne vise toutefois que les aggravations dont la survenance est vraisemblable et - cumulativement - l'importance quantifiable. Le taux d'une atteinte à l'intégrité dont l'aggravation est prévisible, au sens de l'art. 36 al. 4 OLAA, doit être fixé sur la base de constatations médicales (arrêt du Tribunal fédéral 8C_745/2022 du 29 juin 2023 consid. 3.3 et les références).

Si l'atteinte à la santé évolue dans le cadre du pronostic initial, il est exclu de réviser une indemnité pour atteinte à l'intégrité une fois que celle-ci a été accordée. En revanche, l'indemnité peut être réévaluée si l'atteinte à l'intégrité s'aggrave ultérieurement de manière significative (d’au moins 5%) par rapport au pronostic (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2022 du 18 octobre 2023
consid. 2.2. et les références ; RAMA 1991 n° U 132 p. 305).

À titre d'exemples, le Tribunal fédéral a nié le caractère prévisible d'une aggravation en fonction de l'indication du médecin selon laquelle « il n'était pas impossible » que l'affection (périarthrite scapulo-humérale) entraînât « d'ici quelques années » une arthrose moyenne (RAMA 1998 p. 602 consid. 3b) ; à l'inverse, il a admis l'aggravation prévisible d'une arthrose du genou dans le cas où le médecin a fait état d'une telle aggravation « en raison de l'évolution toujours défavorable de l'arthrose » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2008 du
4 février 2009 consid. 2.3, in SVR 2009 UV n° 27 p. 98).

7.6 Le CRPS est une pathologie neurologique, orthopédique et traumatologique et relève d’un trouble organique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_232/2012 du
27 septembre 2012 consid. 5.3.1).

Le CRPS est un terme générique pour désigner les tableaux cliniques qui touchent les extrémités. Il se développe après un événement dommageable et entraîne chez la personne concernée des douleurs persistantes accompagnées de troubles du système nerveux végétatif, de la sensibilité et de la motricité. Le CRPS I (anciennement appelé syndrome de Sudeck ou dystrophie sympathique réflexe) est une maladie du membre qui survient sans lésion nerveuse définie après un traumatisme relativement mineur sans rapport avec le territoire d'innervation d'un nerf. Elle est divisée en trois stades : I, stade inflammatoire ; II, dystrophie ; III, atrophie (irréversible). Le CRPS II (anciennement appelé causalgie) se caractérise par des douleurs de type brûlures et des troubles du système nerveux sympathique résultant d'une lésion nerveuse périphérique définie. Les signes ou symptômes cliniques d'un CRPS sont des douleurs de type brûlures difficilement localisables (par exemple allodynie ou hyperalgésie), associées à des troubles sensitifs, moteurs et autonomes (entre autres œdèmes, troubles de la température et de la sécrétion sudorale, éventuellement troubles trophiques de la peau, modifications des ongles, augmentation locale de la croissance des poils). L'évolution peut se faire vers une résorption osseuse (déminéralisation), une ankylose ainsi qu'une perte fonctionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_123/2018 du 18 septembre 2018 consid. 4.1.2). Ce sont les critères dits de Budapest qui fondent le diagnostic de CRPS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_164/2020 du 1er mars 2021 consid. 3). Les critères de Budapest sont les suivants : une douleur continue disproportionnée par rapport à l’événement déclenchant ; le patient doit rapporter au moins un symptôme dans trois des quatre catégories suivantes : sensorielle : hyperesthésie et/ou allodynie (a), vasomotrice : asymétrie de la température et/ou changement ou asymétrie de la coloration de la peau (b), sudomotrice/œdème : œdème et/ou changement ou asymétrie de la sudation (c), motrice/trophique : diminution de la mobilité et/ou dysfonction motrice (faiblesse, tremblements, dystonie) et/ou changements trophiques (poils, ongles, peau). Au moment de l’examen clinique, le patient doit démontrer au moins un signe clinique dans deux des quatre catégories suivantes : sensorielle : hyperalgésie (à la piqûre) et/ou allodynie (au toucher léger et/ou à la pression somatique profonde et/ou à la mobilisation articulaire) (a) ; vasomotrice : asymétrie de température et/ou changement ou asymétrie de coloration de la peau (b) ; sudomotrice/œdème : œdème et/ou changement/asymétrie au niveau de la sudation (c) ; motrice/trophique : diminution de la mobilité et/ou dysfonction motrice (faiblesse, tremblements, dystonie) et/ou changements trophiques (poils, ongles, peau) (let. d). De plus, aucun autre diagnostic ne doit mieux expliquer les signes et symptômes. Ces critères sont exclusivement cliniques et ne laissent que peu de place aux examens radiologiques (radiographie, scintigraphie, IRM) (arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud AA 133/18 - 14/2020 du 27 janvier 2020 consid. 5a/aa et la littérature médicale citée).

Selon la pratique, il n'est pas nécessaire que le diagnostic de CRPS ait déjà été posé par les médecins dans les six à huit mois suivant l'accident pour qu'il soit considéré comme accidentel (arrêts du Tribunal fédéral 8C_714/2016 du
16 décembre 2016 consid. 4.1 et 8C_177/2016 du 22 juin 2016 consid. 4.3). Ce qui est déterminant pour admettre un lien de causalité naturelle entre l’accident et le CRPS est que des résultats médicaux recueillis en temps réel révèlent que l’assuré a présenté au moins une partie des symptômes typiques d'un CRPS durant la période de latence de six à huit semaines après l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_411/2017 du 17 juillet 2018 consid. 3.3.1, 8C_673/2017 du
27 mars 2018 consid. 5). Un CRPS peut également être admis comme étant la conséquence d’un accident lorsqu’il survient dans ce délai non pas après l’accident même, mais après une intervention chirurgicale nécessaire pour traiter les suites de cet accident (arrêt du Tribunal fédéral 8C_384/2009 du
5 janvier 2010 consid. 4.2.1).

7.7 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales
(cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ;
142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon
l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4).

Selon une jurisprudence constante, les médecins d'arrondissement ainsi que les spécialistes du centre de compétence de la médecine des assurances de la CNA sont considérés, de par leur fonction et leur position professionnelle, comme étant des spécialistes en matière de traumatologie, indépendamment de leur spécialisation médicale (arrêt du Tribunal fédéral 8C_626/2021 du
19 janvier 2022 consid. 4.3.1 et les références).

Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci
(cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.8 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1; 126 V 353 consid. 5b et les références; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances
I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante
(ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.              

8.1 En l'espèce, le 26 juin 2023, le Dr I______ a procédé à une évaluation de l'atteinte à l'intégrité du recourant, fondée exclusivement sur le dossier de la SUVA, en particulier sur les rapports du Dr F______, sans avoir procédé à l'examen clinique de l'intéressé. Il a évalué l'atteinte à l'intégrité de ce dernier à hauteur de 10% en se référant au tableau des atteintes à l'intégrité selon la LAA, table n°5 applicable aux atteintes à l'intégrité résultant d'arthroses (disponible sur : https://www.suva.ch/fr-ch/download/fiches-thematiques/tableau-05---atteinte-a-l-integrite-resultant-d--arthroses--2870/5.F). Compte tenu de la déchirure du ligament croisé antérieur du genou gauche avec ligamentoplastie effectuée en 2017, du développement d'un amincissement de l'espace fémoro-tibial interne à la radiologie (dans le sens d'une gonarthrose interne), ainsi que de la persistance d'une certaine raideur et d'épanchements lors des surcharges mécaniques, le
Dr I______ a retenu une arthrose de type fémoro-tibiale moyenne asymptomatique qui correspondait au taux d'une arthrose moyenne, soit 10%.

Le recourant a contesté cette appréciation, estimant que le taux de 10% était dérisoire au regard de l'incapacité de travail totale que lui avait reconnu l'OAI.

8.1.1 En premier lieu, la chambre de céans relève que les documents établis par l'OAI et l'OAIE produits par l'intéressé dans le cadre de la présente procédure ne lui sont d'aucun secours pour la détermination du taux de l'IPAI. En effet, la correspondance reçue de l'OAIE du 4 août 2020 indique que cet office prévoyait la révision de sa rente d'invalidité, de sorte qu'il n'est pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que son degré d'invalidité n'aurait pas été revu à la baisse dans l'intervalle. Il en va de même pour les décisions du 28 février 2019 concernant les rentes ordinaires d'invalidité pour enfant liées à la rente du père, ainsi que le projet de décision de l'OAI, non daté, faisant état d'un degré d'invalidité de 100%. En tout état de cause, ces pièces ne sont pas de nature à influer sur la détermination du taux de l'IPAI par la SUVA, dès lors que, selon la jurisprudence applicable, les décisions de l'assurance-invalidité n'ont pas force contraignante pour l'assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.2).

8.1.2 Le recourant a en outre produit, à l'appui de sa réplique, le rapport du
Dr F______ du 7 juillet 2023 qui n'avait pas été transmis à l'intimée avant la présente procédure. Ce médecin traitant y a décrit un tableau resté inchangé, avec d'importantes dysesthésies du membre inférieur et a indiqué la « poursuite du syndrome algodystrophie ». Le diagnostic d'algodystrophie, aussi connue sous les termes de syndrome douloureux régional complexe (CRPS – « Complex regional pain syndrome » en anglais) ou maladie de Sudeck, avait été posé pour la première fois par le Dr F______ le 31 juillet 2017, puis par les docteurs H______ (le 1er mars 2021), I______ (le 29 juin 2021) et F______ (le
25 avril 2022, le 27 juin 2022, le 24 octobre 2022 et le 2 janvier 2023). Or, dans son rapport du 3 janvier 2023, le Dr I______ avait retenu que le diagnostic de CRPS n'était pas confirmé dès lors que la description de ce diagnostic par le
Dr F______ dans son rapport du 2 janvier 2023 ne permettait pas de suivre les critères de Budapest. Le Dr I______ a tout de même retenu qu'un CRPS était probable au vu des antécédents de CRPS chez le recourant et a qualifié le rapport de causalité entre le CRPS et l'événement du 13 septembre 2013 de probable,
« dans la mesure où l'intervention du 13 septembre 2022 était en rapport de causalité naturelle probable avec cet événement » (cf. rapport du Dr I______ du
3 janvier 2023). Dans son appréciation du 10 mai 2023, sur laquelle s'est fondée l'intimée pour rendre la décision litigieuse, le Dr I______ a répété que le diagnostic de CRPS n'était pas confirmé pour les motifs cités ci-avant et n'a pas évoqué celui-ci dans sa motivation de l'estimation de l'IPAI du 9 mai 2023.

S'il est exact qu'à la lecture des pièces du dossier, il apparaît que les critères de Budapest n'ont pas été examinés en détail par Dr F______, il sied toutefois de constater que plusieurs d'entre eux ont été mentionnés par ce spécialiste dans plusieurs de ses rapports. Ont ainsi notamment été signalés des douleurs importantes entrainant une gêne à la rééducation et lors de l'examen clinique, l'existence d'un œdème prêt tibial (cf. rapport du 4 décembre 2017), des douleurs importantes au niveau du genou nécessitant l'usage des béquilles, une légère augmentation de la température cutanée (cf. rapport du 25 janvier 2018), une douleur importante à type de brûlures dans le genou de la mise en charge, d'importantes douleurs à la pression de l'interligne interne et au niveau de la sortie du tunnel tibial (cf. rapport du 12 novembre 2018), une douleur importante au niveau du compartiment interne du genou, une sensibilité très nette à la palpation de l'interligne interne et en regard de la sortie du tunnel tibial (cf. rapport du
11 février 2019), des brûlures dans le genou, surtout sur la partie antéro-interne, avec des dysesthésies dans tout le membre inférieur et une sensation de faiblesse (cf. rapport du 3 décembre 2020), des dysesthésies de tout le membre inférieur gauche (cf. rapport du 3 février 2021), des douleurs importantes à type de brûlures à la partie antérieure et supérieure du tibia (cf. rapport du 27 mai 2021), des douleurs avec d'importantes dysesthésies et une sensation de piqué en relation avec une petite formation kystique (cf. rapport du 30 août 2021), des brûlures et une très légère augmentation de la température cutanée (cf. rapport du
25 octobre 2022), des dysesthésies dans tout le membre inférieur gauche et faiblesse des membres inférieurs (cf. rapport du 2 janvier 2023), le genou dans l'ensemble sensible, mais surtout la partie haute et antérieure du tibia (cf. rapport du 6 avril 2023), d'importantes dysesthésies du membre inférieur avec d'importantes douleurs surtout la nuit, ainsi que des réveils importants douloureux au niveau de sa cheville gauche (cf. rapport du 7 juillet 2023).

Au vu de ces éléments, le diagnostic de CRPS ne pouvait être valablement écarté par le Dr I______, au degré de la vraisemblance prépondérante, au motif que le rapport du Dr F______ du 2 janvier 2023 ne permettait pas de suivre les critères de Budapest. Cela est d'autant plus vrai que, selon l'avis du Dr H______, les critères de Budapest étaient remplis à teneur du rapport du Dr F______ du 3 février 2021, dès lors qu'appelé à se déterminer sur ce rapport, le Dr H______ a expressément relevé que le recourant présentait la maladie de Sudeck en phase évolutive (cf. rapport du Dr H______ du 1er mars 2021). Dans ces circonstances, l'appréciation médicale du Dr I______, qui écarte le diagnostic de CRPS sans prendre en considération les éléments correspondants aux critères de Budapest consignés dans la plupart des rapports du Dr F______ et qui ne repose pas sur un examen médical du recourant, permet de douter de la fiabilité de l'appréciation du cas par le Dr I______, ce d'autant plus que ce dernier avait, dans son rapport du 29 juin 2021, retenu le diagnostic de CRPS sur la base du rapport du
Dr BOCCACIO du 27 mai 2021.

Au surplus, la chambre de céans relève que le dernier examen du recourant par un médecin de la SUVA remonte au 3 septembre 2019 et que l'intéressé n'a pas effectué de séjour à la CRR dans l'intervalle. Si l'on peut certes comprendre la réticence des médecins de la SUVA à examiner le recourant en raison des problèmes de sécurité rencontrés avec celui-ci lors de l'examen de septembre 2019, il apparaît, au vu des éléments susmentionnés, qu'un examen médical paraissait indiqué.

L'intimée ayant prononcé la clôture du cas et examiné le droit à une IPAI sans avoir intégré à son appréciation le diagnostic de CRPS pourtant retenu par les
Drs H______ et F______, la cause lui sera renvoyée pour qu'elle complète l'instruction sur ce point et qu’elle mette en œuvre une expertise, en application de l’art. 44 LPGA.

Il n'appartient en effet pas à la chambre de céans d'ordonner elle-même une expertise judiciaire, dès lors que l'intimée a rendu la décision querellée sur la seule base de l'avis du Dr I______ dont la fiabilité ne peut être retenue.

Par ailleurs, il ressort du rapport du Dr J______ du 2 janvier 2023 et des rapports du Dr F______ des 6 avril et 7 juillet 2023 que le recourant est suivi sur le plan psychiatrique et qu'un traitement par antidépresseurs (EFFEXOR 75 : 100 et EFFEXOR 37.5 : 010) lui a été prescrit. Toutefois, aucun rapport établi par un médecin psychiatre ne figure au dossier. Il s'agira donc également pour l'intimée de compléter l'instruction sur ce point.

Il sera au demeurant relevé que l'instruction complémentaire devant être effectuée par l'intimée devra se limiter à l'instruction des éléments médicaux nécessaires à l'évaluation du taux de l'IPAI et à la détermination du montant de celle-ci, à l'exclusion de la question de la rente d'invalidité, dès lors que celle-ci n'a pas été contestée par le recourant et est donc entrée en force.

9.             Eu égard à tout ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision de l'intimée du 3 novembre 2023 concernant le droit du recourant à une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 10% annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

10.         Étant donné que le recourant obtient partiellement gain de cause dans la procédure de recours, une indemnité de CHF 2’000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA ;
art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimée du 3 novembre 2023 concernant le droit du recourant à une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 10%.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Confirme pour le surplus la décision du 3 novembre 2023.

6.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le