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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1428/2023

ATAS/125/2024 du 28.02.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1428/2023 ATAS/125/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 février 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

représentée par Me Steve ALDER, avocat

 

 

recourante

 

contre

BÂLOISE ASSURANCE SA

représentée par Me Michel D'ALESSANDRI, avocat

 

 

intimée

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1968, de nationalité française, a travaillé comme aide-soignante à plein temps aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG).

b. L’employeur de l’assurée a adressé à la Bâloise Assurance SA (ci-après : la Bâloise) une déclaration d’accident. Le 15 février 2015, alors que l’assurée poussait un lit lourd qui roulait très mal, le pied à perfusion du lit s’était coincé dans une poignée de porte, ce qui avait plié le pied à perfusion qui était resté coincé en tirant l’épaule et le bras droits de l’assurée. Le travail n’avait pas été interrompu à la suite de l’accident. Les premiers soins avaient été donnés par le docteur B______, aux urgences des HUG.

c. Selon le rapport médical initial LAA établi le 1er octobre 2015 par la docteure C______, radiologue des HUG, les premiers soins avaient été donnés le 18 février 2015. L’accident avait consisté en un « mouvement forcé de rétropulsion au niveau du bras droit sur les lieux de travail ». Des douleurs à la mobilisation de l’épaule droite avaient été constatées. Un RX de l’épaule n’avait pas mis de fracture en évidence. Les lésions étaient uniquement dues à l’accident.

d. À teneur d’un rapport 10 juillet 2015, l’assurée a subi, le 8 juillet précédent, par le docteur D______, médecin adjoint du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur des HUG, une arthroscopie de l’épaule droite : « débridement de kyste, ténodèse LCB (vis) ». Le diagnostic était à l’épaule droite : « SLAP II, kyste spino-glénoïdien ».

e. Le 19 avril 2016, la Bâloise a demandé au docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, chirurgie de la main, de procéder à une expertise de l’assurée. Dans son rapport du 13 juillet 2016, l’expert posait les diagnostics de :

-          de contracture douloureuse post-traumatique distale de l’angulaire de l’omoplate droite ;

-          status après arthroscopie de l’épaule droite avec débridement d’un kyste spino-glénoïdien et ténodèse du LCB le 8 juillet 2015, sans amélioration ;

-          status après brusque traction antérieure passive des deux bras le 15 février 2015 avec probable claquage ou lésion de l’insertion distale de l’angulaire de l’omoplate et/ou du petit romboïde sur l’angle de l’omoplate droite ;

-          discopathie dégénérative avec léger rétrécissement du canal cervical et du trou de conjugaison C5-C6 et possible radiculopathie irritative C5 droite.

S’agissant de la causalité naturelle, l’expert indiquait que, compte tenu de l’action vulnérante, de la localisation précoce et tardive des douleurs à l’angle de l’omoplate droite, de l’absence de cervicalgies et de l’absence de conflit sous-acromial droit, la seule lésion susceptible d’être en lien de causalité naturelle avec l’accident du 15 février 2015 restait un éventuel claquage/désinsertion partielle de l’angulaire de l’omoplate droite. Ce genre de lésion musculaire dans la région de la ceinture scapulaire guérissait généralement sans séquelle en quelques mois, de sorte qu’il était difficile d’expliquer la raison pour laquelle les douleurs persistaient de façon inhabituellement longue. Peut-être que l’intervention chirurgicale intercurrente et le déconditionnement avaient joué un rôle défavorable dans l’évolution du cas. L’IRM du 15 juin 2015 ne montrait plus de lésion anatomique résiduelle à ce niveau, mais on retrouvait encore une contracture séquellaire à l’examen clinique.

Les autres problèmes de l’expertisée n’étaient clairement pas liés, même partiellement, à l’accident, notamment la découverte fortuite d’un kyste
spino-glénoïdien droit (traité chirurgicalement sans succès), le trouble dégénératif asymptomatique banal de la colonne cervicale (traité conservativement sans succès) et même la découverte radiologique récente d’une dégénérescence modérée du grand dentelé droit (sans décollement clinique de l’omoplate et donc peu évocateur d’une dénervation).

L’intervention de facteurs non somatiques ne pouvait naturellement pas être exclue, mais semblait à l’expert peu probable chez l’assurée qui se présentait de façon proactive, entreprenant elle-même sa reconversion professionnelle comme secrétaire médicale.

Les troubles dégénératifs du labrum de l’épaule droite et du disque C5-C6 constituaient certainement un état maladif antérieur. Ils étaient asymptomatiques et non améliorés par les traitements entrepris et à considérer comme des découvertes fortuites de lésions dégénératives n’intervenant pas de façon significative dans l’état actuel de l’assurée.

L’accident du 15 février 2015 n’avait pas décompensé un état antérieur, en l’absence d’état antérieur pathologique au niveau de la musculature
cervico-scapulaire. Les facteurs pathologiques préexistants étaient indépendants et localisés ailleurs.

Les séquelles du probable claquage traumatique des muscles cervico-scapulaires droits se présentaient aujourd’hui sous forme d’une contracture douloureuse résiduelle, sans lésion anatomique objectivable à l’IRM. Ces contractures semblaient suffisamment gênantes pour empêcher l’expertisée de reprendre son travail d’aide-soignante, surtout dans les conditions de travail qu’elle décrivait.

Un taux d’atteinte à l’intégrité de 5% pourrait être retenu par analogie avec un état situé entre la périarthrite scapulo-humérale légère et moyenne dans la table 1.2 de la SUVA.

L’état actuel de l’assurée, notamment les contractures musculaires
post-traumatiques résiduelles cervico-scapulaires droites, était entièrement à mettre sur le compte de l’événement du 15 février 2015. Les autres troubles dégénératifs découverts fortuitement au niveau de la colonne cervicale et du labrum de l’épaule droite n’intervenaient pas dans l’état de celle-ci.

f. L’assurée a fait l’objet d’une intervention le 17 mai 2017 à la Clinique F______ pour une instabilité de l’épaule droite, laquelle a consisté en un traitement de Bankart sous arthroscopie par le docteur G______.

g. Le 17 octobre 2017, le Dr E______ a établi un complément d’expertise suite aux divers rapports médicaux établis après son rapport du 15 juin 2016.

h. Le 15 mai 2018, le Dr E______ s’est encore prononcé sur les quatre pièces médicales précitées.

B. a. Le 2 juillet 2018, la Bâloise a rendu une décision niant le lien de causalité naturelle entre les troubles actuels de l’assurée et l’accident du 15 février 2015 dès le 31 décembre 2016 et octroyant à l’assurée une indemnité pour atteinte à l’intégrité physique de 5% du montant maximum du gain assuré en 2015 (CHF 126'000.-), soit une indemnité de CHF 6'300.-.

b. Le 24 août 2018, l’assurée a formé opposition à la décision de la Bâloise.

c. Par décision du 14 décembre 2018, la Bâloise a rejeté l’opposition formée par l’assurée, sur la base des rapports du Dr E______ qu’elle considérait concluants.

d. L’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) le 1er février 2019.

À l’appui de son recours, l’assurée a produit, notamment, un rapport d’expertise du professeur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, du 28 janvier 2019, lequel posait le diagnostic d’instabilité multidirectionnelle douloureuse acquise par un étirement brutal de l’articulation glénohumérale droite avec répercussion sur le nerf long thoracique. Ce diagnostic était étayé par les constatations d’instabilité du Dr G______, lors de ses deux arthroscopies et par l’examen clinique actuel. L’instabilité multidirectionnelle avait été parfaitement décrite par NEER et al., en 1980, et confirmée et détaillée par de nombreux auteurs. Il s’agissait d’une laxité de l’épaule antérieure et postérieure avec une composante de laxité inférieure. La survenue de cette laxité multidirectionnelle était en rapport avec un ou plusieurs traumatismes qui engendraient une élongation des structures capsulo-ligamentaires. Une étiologie accidentelle liée à un étirement brutal pouvait avec certitude causer une élongation traumatique des ligaments glénohuméraux et aboutir à une laxité douloureuse acquise. La présence de ces lésions multiples dues à la traction brutale expliquait la multiplicité des lésions décrites dans les examens d’imagerie effectués. Finalement, ce qui posait problème, c’était le rejet par l’assureur de la persistance de la symptomatologie douloureuse et de l’impotence fonctionnelle en invoquant des lésions dégénératives préexistantes sans lien avec l’accident.

S’agissant de la causalité, l’ensemble des éléments lésionnels cliniques et radiologiques reflétaient les conséquences du traumatisme, à savoir un étirement brutal, subi par l’épaule droite de la patiente lors de l’accident, aboutissant à une laxité douloureuse acquise. La cause accidentelle de cette situation était, avec certitude, au degré de la vraisemblance prépondérante. On pouvait donc admettre que, sans cet accident, l’instabilité douloureuse acquise que présentait la patiente ne serait pas survenue.

On pouvait admettre que certains facteurs préexistaient à l’accident et qu’ils avaient été aggravés par celui-ci. Le kyste paralabral préexistait à l’accident de manière asymptomatique. Ce kyste était dû à une lésion labrale qui préexistait de façon asymptomatique. Les lésions de l’acromio-claviculaire droite, asymptomatiques, décrites lors de l’IRM du 23 février 2015, préexistaient à l’accident, mais n’avaient jamais, même après l’accident, été causales de plaintes, gênes ou douleurs de la part de la patiente. De même, les lésions constatées au niveau de la colonne vertébrale (IRM du 27 février 2015) faisant état d’une protrusion discale circonférentielle en C5-C6, préexistaient à l’accident. Celui-ci avait aggravé cette situation lors du coup du lapin décrit par la patiente, mais n’était pas causal de la protrusion discale décrite. Les lésions causées par l’accident et aboutissant à une instabilité douloureuse par laxité acquise de l’épaule droite représentaient le 80% des étiologies aboutissant à la situation clinique actuelle. Les aggravations de lésions préexistantes gléno-humérales et cervicales représentaient le 20 % restant.

L’épaule laxe et instable due à la forte traction subie par l’assurée allait perdurer. Les lésions neuro-tendino-capsulo-musculaires de l’épaule droite subies par la traction brutale mettaient un temps long et, par conséquent, indéterminé à cicatriser. Même si une forme de cicatrisation intervenait, les traces de l’altération structurelle de la substance tendino-capsulaire persistaient sous la forme d’une élongation permanente. Cette élongation tissulaire entretenait l’instabilité douloureuse de l’épaule. Il était donc pratiquement impossible d’établir une temporalité définissant le retour au statu quo ante ou sine. L’état final n’était pas atteint et un traitement était encore nécessaire.

Selon le barème LAA, on pouvait considérer une atteinte permanente à l’intégrité à 20% au niveau de l’épaule droite, qui présentait des signes cliniques d’instabilité, de périarthrite scapulo-humérale moyenne, d’omarthrose débutante sur laxité et d’atteinte partielle du nerf du grand dentelé.

L’assurée pouvait travailler en tant que secrétaire avec des aménagements ergonomiques à 100%. Elle était d’ailleurs au travail depuis le 22 août 2016 à 100% avec un contrat à durée déterminée et en recherche d’un poste définitif.

Le Prof. H______ ne partageait pas entièrement les conclusions du Dr E______. Il existait des lésions et trouvailles qui n’étaient pas en rapport direct avec l’accident, comme la présence d’un kyste paralabral, les anomalies de l’articulation acromio-claviculaire ou la protrusion discale circonférentielle en C5-C6. Par contre, les lésions de l’épaule droite de l’assurée, à savoir un état d’instabilité sur laxité multidirectionnelle post-traumatique, une périarthrite scapulo-humérale moyenne avec de multiples tendinopathies et atteintes articulaires et l’omarthrose débutante étaient très clairement en lien causal avec le sévère accident de traction brutale subi par l’assurée le 15 février 2019. À la fin du rapport du Prof. H______ figurent cinq pages de référence à la littérature médicale.

e. Par arrêt du 15 janvier 2020 (ATAS/20/2020), la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision sur opposition du 14 décembre 2018 et dit que l’intimée devait prendre en charge les suites de l’accident subi par la recourante au-delà du 31 décembre 2016. Elle a estimé en substance que l’expertise du Dr E______ n’était pas pleinement probante et que celle du Prof H______ l’était davantage.

C. a. La Bâloise a confié une nouvelle expertise à la docteure I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, qui a rendu son rapport le 16 novembre 2021.

b. Par décision du 14 juillet 2022, la Bâloise a informé l’assurée que le lien de causalité entre l’événement annoncé et son état de santé avait pris fin au 31 décembre 2016. Elle n’avait pas contesté la décision de 2018 s’agissant de son droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) de 5 %, taux qui était confirmé par la Dre I______.

c. L’assurée a formé opposition à cette décision concluant à la prise en charge de son cas au-delà du 31 décembre 2016.

d. Par décision sur opposition du 10 mars 2023, la Bâloise a octroyé à l’assurée la prise en charge des indemnités journalières jusqu’au 15 mai 2018 et des frais médicaux jusqu’au 14 juillet 2022. Le versement des prestations à l’assurée avait pris du temps. La Bâloise avait versé les prestations au-delà de ce qu’elle aurait dû à la lumière des conclusions de la nouvelle expertise médicale de la Dre I______, soit les indemnités journalières jusqu’au 15 mai 2018 et les frais médicaux jusqu’au 14 juillet 2022. Il y avait donc lieu de considérer ces dates comme fin effective du droit aux prestations, la date du 31 décembre 2016, même si confirmée par l’experte, ne pouvant être retenue vu les conclusions de l’arrêt de la chambre des assurances sociales du 15 janvier 2020. Les conclusions de la Dre I______ devaient se voir reconnaître une pleine valeur probante.

D. a. L’assurée a formé recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales le 27 avril 2023, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté que le lien de causalité naturelle entre son atteinte à la santé et l’accident du 15 février 2015 persistait au-delà du 15 mai 2018 et qu’elle avait droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité physique de 20 % du montant maximum du gain assuré en 2015 (CHF 126'000.-), soit une indemnité de CHF 25'200.-, avec suite de frais et dépens. Subsidiairement, elle concluait au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle décision, et plus subsidiairement encore, à ce qu’une expertise judiciaire soit ordonnée.

b. Par décision du 3 mai 2023, l’assurée a été admise au bénéfice de l’assistance juridique.

c. Par réponse du 28 juin 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours.

d. Par réplique du 11 août 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

e. Le 8 février 2024, la recourante a informé la chambre de céans qu’elle renonçait à contester le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité.

f. Le 13 février 2024, l’intimée a pris note de ce qui précède et a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur l’existence d’un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’atteinte à la santé de la recourante et son accident du 15 février 2015, respectivement sur le bien-fondé de la fin de la prise en charge par l’intimée des indemnités journalières au 15 mai 2018 et des frais médicaux au 14 juillet 2022.

5.              

5.1 La recourante a fait valoir que l’expertise de la Dre I______ contenait de nombreuses erreurs de fait et d’imprécisions et qu’elle n’était pas probante, ce qui est contesté par l’intimée.

5.2  

5.2.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

En principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

5.2.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

5.3  

5.3.1 La recourante a fait valoir que dans son résumé du cas, l’experte avait indiqué qu’elle avait subi un traumatisme alors qu’elle tirait un chariot, alors qu’elle lui avait clairement indiqué qu’elle tirait un lit d’hôpital de plus de 100 kg.

L’intimée a fait valoir que la mention d’un chariot était une erreur de plume, dès lors que l’anamnèse faisait clairement état du blocage d’un lit. Cette erreur bénigne ne remettait pas en cause la valeur probante de l’expertise.

5.3.2 Si l’experte a effectivement mentionné dans son rapport d’expertise que la recourante tirait un chariot lors de l’événement en cause, elle a indiqué, dans l’anamnèse selon l’assurée, que celle-ci tirait un lit. Elle a également relaté dans l’anamnèse que la déclaration d’accident du 20 février 2015 indiquait que l’assurée poussait un lit lourd, qui roulait très mal et que celle-ci avait indiqué à la Bâloise le 9 juin 2015, dans un protocole des circonstances de l’accident, qu’elle tirait un lit, qui avait été arrêté brutalement. Dans sa discussion du cas, l’experte ne remet pas en cause que l’assurée a subi un accident le 15 février 2015 et retient que l’événement décrit, soit une forte traction, était compatible avec l’apparition d’une SLAP II, sans préciser s’il s’agissait d’un lit ou d’un chariot. Dans ses réponses aux questions, en lien avec la causalité naturelle, elle a indiqué, s’agissant des diagnostics A, B et C retenus en rapport de causalité avec l’évènement, que ce dernier tel que décrit par l’assurée – soit un mouvement inattendu de traction forte des deux membres supérieurs les bras en élévation antérieure, avec un mouvement de flexion-extension rapide de la nuque – était à même d’entraîner ces lésions. Son appréciation n’apparaît pas contradictoire avec le déroulement des faits décrits par la recourante. L’experte a pour le surplus analysé la situation sur la base des constats faits à l’arthroscopie de juillet 2015, qui permettait une vision directe des structures intra-articulaires, le dossier médical de la recourante ainsi que celui d’imagerie médicale (notamment l’IRM du 23 février 2015, les échographies et radiographies des épaules faites en juillet 2021 ainsi que les RX des épaules du 18 février 2015), l’anamnèse et deux examens cliniques. Le simple fait que l’experte ait utilisé le terme de chariot au lieu de lit ne remet ainsi pas sérieusement en cause la valeur probante de ses conclusions.

5.4  

5.4.1 La recourante a encore fait valoir que l’experte avait manqué de précision en indiquant dans son résumé du cas qu’elle avait bénéficié d’une intervention consistant en une ténodèse du long chef du biceps et une résection d’un kyste labral postérieur par arthroscopie de l’épaule, sans dire qu’il s’agissait de l’opération pratiquée par le Dr D______ le 8 juillet 2015, alors qu’elle avait subi trois opérations de l’épaule droite différentes.

5.4.2 Dans son anamnèse selon le dossier, l’experte a rapporté que selon le compte rendu opératoire du 8 juillet 2015 du Dr D______, l’assurée avait subi à l’épaule droite le débridement d’un kyste et une ténodèse, qu’elle avait fait l’objet d’une intervention le 17 mai 2017 par le Dr G______, à J______, à savoir un traitement Bankart, sous arthroscopie, ainsi qu’une intervention le 31 janvier 2018 par le Dr G______, soit à nouveau un traitement de Bankart, sous arthroscopie. Il en résulte que l’expertise permettait d’établir, sans doute possible, la date de l’intervention consistant en une ténodèse du long chef du biceps et une résection d’un kyste labral postérieur par arthroscopie de l’épaule mentionnée par l’experte dans son résumé du cas. En conséquence, ce grief doit être écarté.

5.5  

5.5.1 La recourante a relevé que l’experte avait indiqué que la discopathie et la hernie discale C5-C6 étaient des diagnostics radiologiques et qu’un syndrome irritatif de la racine C5-C6 était possible, ce qui entraînerait des douleurs cervico-brachiales droites, et qu’elle avait déjà présenté des symptômes similaires en 2009 bien qu’elle ne s’en souvienne pas. L’événement décrit avait pu tout au plus aggraver transitoirement l’état préexistant.

Cela était en contradiction, selon la recourante, avec l’expertise du Prof. H______, qui avait indiqué que les lésions constatées de la colonne vertébrale, soit une protrusion discale circonférentielle C5-C6, préexistaient à l’accident, mais que celui-ci avait aggravé la situation lors du coup du lapin décrit par l’assurée, sans toutefois être causal de la protrusion discale décrite. Pour le Prof. H______, les aggravations de lésions préexistantes gléno-humérales et cervicales représentaient 20% des étiologies aboutissant à la situation clinique au moment de son expertise.

5.5.2 Le fait que le Prof. H______ ait une autre appréciation du cas ne remet pas à lui seul en cause la valeur probante de celle de l’experte. La recourante n’explique pas pour quels motifs, la position du Prof. H______ serait plus pertinente que celle de l’experte.

5.6  

5.6.1 Selon la recourante, l’expertise contenait une contradiction, dès lors que l’experte avait mentionné que la stabilisation des diagnostics en rapport de causalité avec l’accident était à attendre au 31 décembre 2016, alors que par la suite, elle avait indiqué que les troubles qu’elle présentait ne pouvaient être séquellaires après le 31 décembre 2018.

5.6.2 Il apparaît que la date du 31 décembre 2018 mentionnée à la p. 61 du rapport d’expertise et reportée en p. 62, résulte d’une erreur de plume et qu’il s’agissait en réalité du 31 décembre 2016. Cela est confirmé par le fait que l’experte a précisé sous ch. 9.3 (p. 61) que l’accident avait entraîné une lésion structurelle du complexe labro-bicipital avec un traitement par ténodèse du LPB et l’ablation du kyste labral. Par contre, les autres lésions avaient eu une influence d’aggravation transitoire avec un statu quo sine atteint au plus tard le 31 décembre 2016.

La date du 31 décembre 2016 a clairement été posée par l’experte au ch. 5.2 de la p. 57, où elle indiquait que pour les diagnostics retenus en rapport de causalité, il était à attendre une stabilisation de l’état en l’absence d’efficacité des traitements de 12 à 18 mois maximum post opératoires de l’épaule droite, soit 6 mois après l’expertise du Dr E______, donc le 31 décembre 2016, étant rappelé que l’expertise du Dr E______ date du 13 juillet 2016 et qu’il avait examiné l’assurée le 15 juin précédent. Rien dans le rapport d’expertise ne permet de soutenir que l’experte a voulu véritablement mentionner le 31 décembre 2018. Si des erreurs de dates sont ainsi établies, elles peuvent être corrigées par la teneur globale du rapport d’expertise et elles ne remettent pas sérieusement en cause les conclusions de l’experte.

5.7  

5.7.1 Selon la recourante, l’expertise concluait qu’il existait un état antérieur consistant en une tendinose de la coiffe des rotateurs alors qu’il n’en était pas fait état dans l’anamnèse.

Selon l’intimée, l’experte avait relevé, sous anamnèse selon dossier et discussion, pour l’année 2015, suite à l’échographie de l’épaule droite du 18 février 2015, une tendinose du supra-épineux et, suite au rapport d’IRM de l’épaule 23 février 2015, des signes de tendinose modérée de la partie courbe du tendon du long chef du biceps et du muscle sus-épineux. Les allégations de la recourante étaient ainsi sans fondement.

5.7.2 Une tendinose se différencie d'une tendinite en cela qu'elle est une affection chronique du tendon et non une inflammation post-traumatique, selon une définition de la tendinose de Wikipédia (wikipedia.org), qui se réfère à Ph. BELLEMÈRE, B. BOISAUBERT, B. COULET, F. DEGEZ, Ch. DUMONTIER, C. GIRAULT, J. LAULAN et Y. ROQUELAURE, « Épicondylalgies et épitrochléalgies », Maîtrise orthopédique, no 193,‎ avril 2010  (ISSN 1148-2362, lire en ligne [archive], consulté le 3 janvier 2022).

La coiffe des rotateurs est un ensemble de tendons et de muscles situé au niveau de l'articulation de l'épaule, parmi lesquels figure le muscle supra-épineux (https://fr.wikipedia.org/wiki/Coiffe_des_rotateurs).

Il résulte des définitions qui précèdent que même si les IRM citées par l’intimée ont été faites après l’accident du 15 février 2015, la tendinose qu’elles mettaient en évidence relevait d’un état antérieur et non de l’accident et qu’elle concernait bien la coiffe des rotateurs, à tout le moins une partie de celle-ci. C’est donc à tort que la recourante a fait valoir que la tendinose n’était pas mentionnée dans l’anamnèse de l’expertise.

5.8  

5.8.1 Finalement, la recourante a relevé que l’experte avait posé quatorze diagnostics, mais qu’elle n’en retenait que trois en rapport de causalité naturelle plus que vraisemblable avec l’accident du 15 février 2015 : la déchirure du complexe labro-bicipital antéro-postérieur de type II (SLAP III), la ténosynovite du LPB épaule droite et l’entorse cervicale. L’experte indiquait qu’il lui était difficile de conclure s’agissant de deux diagnostics, soit l’amyotrophie du muscle grand dentelé, sans neuropathie du « N » long thoracique, et l’instabilité multidirectionnelle de l’épaule droite. S’agissant de ce dernier diagnostic, elle avait un doute sur cette pathologie, de sorte que son rapport de causalité avec l’événement n’était que possible.

La recourante a fait valoir que c’était pourtant ce diagnostic qui avait été retenu par le Prof. H______ dans son expertise du 28 janvier 2019. Le Dr K______, dans son rapport annexé à l’expertise, mentionnait d’ailleurs une luxation antérieure à environ 20 degrés de la flexion du coude. De même, le Dr L______ avait également retenu le diagnostic d’instabilité gléno-humérale.

5.8.2 Pour l’intimée, l’allégation de la recourante selon laquelle l’experte ne se prononçait pas sur le diagnostic d’instabilité multidirectionnelle était clairement contraire aux faits. Dans sa discussion, l’experte s’était prononcée à ce sujet. Par ailleurs elle avait motivé longuement son appréciation concernant le diagnostic d’instabilité multidirectionnelle de l’épaule droite pour aboutir à la conclusion que le rapport de causalité entre ce diagnostic et l’accident pouvait être considéré comme uniquement possible.

5.8.3 Comme relevé précédemment, le fait que des médecins aient une autre appréciation du cas que l’experte ne remet pas à lui seul en cause la valeur probante de son expertise. La recourante n’explique pas pour quels motifs la position du Prof. H______ et du Dr L______ serait plus pertinente que celle de l’experte et il n’apparaît pas que leur appréciation soit manifestement plus convaincante que celle de l’experte. En effet, celle-ci a motivé en détail sa position et relevé notamment, que comme d’autres examinateurs, elle n’avait pas pu mettre en évidence les signes cliniques observés par le Prof. H______ pour une instabilité multidirectionnelle. Elle n’avait pas pu mettre en évidence par les différents tests des signes de laxité multidirectionnelle à l’épaule droite, ni des signes d’hyperlaxité à l’autre épaule et avait constaté que les examens cliniques faits par plusieurs chirurgiens orthopédiques qualifiés étaient discordants. Il y avait donc un doute selon elle sur le lien de causalité entre cette pathologie et l’accident, de sorte qu’il n’était que possible. L’experte a ainsi examiné la question avec sérieux et en tenant compte des autres avis médicaux, de sorte que ses conclusions sont convaincantes.

5.9  

5.9.1 La recourante a fait valoir, concernant les diagnostics de déchirure du labrum antéro-intérieur de l’épaule droite (lésions de Bankart) (H), d’arthropathie A-C droite (M) et de douleurs chroniques cervico-brachiales (K), que l’experte estimait que le lien de causalité naturelle ne pouvait être retenu au-delà du possible. Les liens de causalité entre les différents diagnostics et les troubles actuels de la recourante n’étaient ainsi pas établis par l’expertise de manière suffisante. Étant donné qu’il s’agissait de la troisième expertise qu’elle subissait, on ne pouvait s’accommoder d’une expertise qui ne pouvait se prononcer sur le diagnostic d’instabilité multidirectionnelle alors que c’était précisément le diagnostic retenu par le Prof. H______ dans une expertise dont la chambre de céans avait déjà retenu la valeur probante.

5.9.2 L’experte a motivé ses conclusions sur le lien de causalité pour chaque diagnostic sur la base d’un dossier complet. Le fait qu’elle qualifie de seulement possible le lien de causalité entre l’accident et certains diagnostics ne relève pas d’un examen incomplet de la situation. Si les faits ne peuvent être établis de manière irréfutable, ce qui arrive dans le domaine médical, le juge des assurances sociales fonde sa décision sur les faits qui apparaissent les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante.


 

5.10  

5.10.1 La recourante a fait valoir que l’experte estimait que pour les diagnostics retenus en lien de causalité, une stabilisation de l’état en l’absence d’efficacité de traitement était à attendre à 12, voire 18 mois maximum post opération, soit six mois après l’expertise du Dr E______, donc le 31 décembre 2016. Cette affirmation omettait, selon elle, le fait que sa dernière opération à l’épaule droite datait du 31 janvier 2018. Aussi, une stabilisation de l’état en l’absence d’efficacité du traitement dans un délai de 12 à 18 mois post opération aurait dû être fixé au plus tôt le 31 janvier 2019 jusqu’au 31 juillet 2019.

5.10.2 L’experte a indiqué que l’opération du 31 janvier 2018 avait pour but de libérer le nerf supra-scapulaire de l’épaule droite de la recourante, mais que le Dr G______ avait seulement procédé à la réparation d’une lésion de type Bankart, seule lésion objectivée sous arthroscopie, comme cela avait déjà été le cas lors de sa première intervention en 2017. Elle a précisé, sous discussion, que la compression du nerf supra-scapulaire n’était pas confirmée par l’ENMG et, sous l’angle de la causalité naturelle, que le rapport de causalité entre la lésion de Bankart (diagnostic H) et l’accident ne pouvait être retenu au-delà du possible. Il en résulte que les deux interventions du Dr G______ de 2017 et 2018 ne concernaient pas un diagnostic retenu en lien de causalité avec l’accident, de sorte que c’est de manière cohérente que l’experte n’en a pas tenu compte pour déterminer la stabilisation des diagnostics qui étaient retenus en lien de causalité avec celui-ci.

5.11  

5.11.1 La recourante encore relevé, dans ses dernières écritures, qu’à sa demande, l’experte avait accepté de mettre en œuvre une échographie du coude droit le 8 juillet 2021 et que celle-ci avait relevé une instabilité du nerf ulnaire, qui montrait une luxation antérieure à environ 90 degré de sa flexion du coude. De même, lors de son examen des membres supérieurs, l’experte avait relevé une palpation sensible de l’épitrochlée et du nerf cubital qui semblait instable et se subluxait lors de la flexion. Pourtant, ce diagnostic n’était pas repris dans la liste des diagnostics et l’experte ne procédait à aucune discussion concernant cette luxation du coude, qui était pourtant intervenue lors de l’accident du 15 février 2015. Pire encore, contrairement aux résultats d’échographie, l’experte indiquait simplement que la neuropathie de ce même nerf était idiopathique. Cela était faux, puisque tous les tests effectués avaient démontré que la recourante n’avait pas de terrain hyperlaxe aux articulations. La luxation provenait bien de l’accident du 15 février 2015, qui était la cause même de l’instabilité du nerf ulnaire ou cubital.

L’anamnèse de la recourante ne faisait état d’aucune lésion antérieure au coude préexistant à l’accident du 15 février 2015. Il était pourtant essentiel de déterminer si les séquelles actuelles relatives à la luxation du coude étaient bien en lien de causalité avec l’accident, auquel cas l’intimée devait continuer ses prestations. Au surplus, les déboitements d’articulation faisaient partie de la liste de l’art. 6 al. 2 let. b LAA.

C’était volontairement que l’experte avait omis le diagnostic de luxation du coude droit dans son expertise, puisque ce diagnostic aurait forcément mené à la conclusion que l’intimée devait continuer ses prestations en faveur de la recourante.

5.11.2 Sous discussion, l’experte a indiqué que la neuropathie du nerf cubital était apparue plus de 18 mois après l’événement et qu’elle pouvait expliquer certains symptômes ressentis dans l’avant-bras à cette période. Sous causalité naturelle, elle a relevé que ce diagnostic avait été déjà posé lors de l’ENMG du 10 novembre 2017 et confirmé par le Dr K______ en 2021. C’était une affection apparue secondairement dont l’étiologie était idiopathique. Le mouvement forcé en extension n’entraînait pas de lésion du canal cubital au coude menant à l’instabilité du nerf cubital. L’experte a ainsi pris en compte ce diagnostic dont elle a discuté l’origine possible et il en ressort qu’elle n’a pas considéré que ce diagnostic pouvait être retenu comme en lien de causalité plus que possible avec l’évènement. La recourante ne se réfère à aucun autre avis médical pour soutenir le contraire.

5.12  

5.12.1 Selon la recourante, les erreurs et imprécisions de l’expertise de la Dre I______ remettaient sérieusement en cause sa valeur probante, ce d’autant plus que l’expertise du Prof. H______ du 28 janvier 2019 parvenait à des conclusions différentes quant à la persistance du lien de causalité naturelle. Il fallait donc que retenir les conclusions de ce dernier avaient une plus grande valeur probante. Sans expertise dotée d’une valeur probante, l’intimée n’avait pas apporté de preuve suffisante que le lien de causalité naturelle entre ses troubles actuels et l’accident du 15 février 2015 n’était plus donné. L’intimée devait donc continuer à verser ses prestations à la recourante conformément aux conclusions du Prof. H______, à savoir que les séquelles structurelles permanentes de celle-ci nécessitaient une prise en charge continue.

5.12.2 Selon l’intimée, les conclusions de l’experte étaient confirmées par celle du Dr E______, qui avait retenu que le lien de causalité naturelle entre les troubles et l’accident n’était plus admis dès le 31 décembre 2016.

5.12.3 Après examen des griefs de la recourante contre l’expertise de la Dre I______, la chambre de céans retient que les conclusions de cette dernière sont convaincantes et que son rapport, complet et détaillé, répond aux réquisits permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante.

5.13  

5.13.1 La recourante a fait valoir que l’intimée avait déjà invoqué sans succès dans la précédente procédure des critiques concernant l’expertise du Prof. H______, qui aurait dramatisé l’accident. La chambre des assurances sociales avait retenu dans son arrêt du 15 janvier 2021 que cela n’avait pas été le cas. Partant, on ne pouvait que réfuter les dires de l’intimée dans sa réponse, selon lesquelles la traction à l’épaule était par ailleurs totalement indépendante du poids du lit et qu’un tel accident était banal et pas de nature à occasionner l’ensemble des troubles relevés par le Prof. H______ qui seraient en relation de causalité naturelle et adéquate avec l’accident. L’expertise de ce dernier respectait les réquisits légaux et jurisprudentiels pour se voir reconnaître une pleine valeur probante et il n’y avait pas de raison de s’écarter de ses conclusions. Sur cette base, il fallait condamner l’intimée à continuer la prise en charge des suites de l’accident de manière continue et au-delà du 15 mai 2018.

D’ailleurs, l’intimée appuyait ses critiques du diagnostic du Prof. H______ par le fait que celui-ci n’aurait pas été retenu suite à des examens médicaux pratiqués après l’accident, au début de l’année 2015. Cependant, il n’était pas toujours possible de percevoir les élongations traumatiques des ligaments gleno-huméraux par échographie de l’épaule, à l’instar de l’échographie de l’épaule droite de l’assurée du 18 février 2015 (arrêt de la chambre de céans du 15 janvier 2020). Pareillement, il n’était pas possible de poser un diagnostic concernant une épaule lors d’une IRM cervicale. Il était donc normal que l’examen pratiqué le 27 avril 2015 n’ait pas abouti au même diagnostic que celui du Prof. H______. Finalement, l’abréviation ENMG signifiait électro-neuro-myographie et servait à l’exploration fonctionnelle du système nerveux périphérique. C’était un examen réalisé par un neurologue spécialisé en cas de soupçons de maladie ou lésion des nerfs ou des muscles. Le jugement du 15 janvier 2020 le soulignait. Cet examen était centré et détaillé sur l’étude des racines C5-C6, soit le plexus et pas l’épaule. Cet examen n’était pas non plus propre à établir une élongation du ligament gléno-huméral de l’épaule

Finalement, le rapport du 24 février 2015 établi à la suite de l’IRM du 23 février 2015 concluait à une lame d’épanchement AC, une tendinose modérée du long chef du biceps dans la partie courbe et du sus-épineux, une fissuration transfixiante du sous-scapulaire, et une probable fissure du labrum associé à un kyste labral postéro-supérieur. Il fallait noter que l’IRM avait été faite sans utiliser d’injection intra-articulaire de produits de contraste. Aussi, il était possible que le ligament gléno-huméral et ses séquelles ne soient pas ressortis clairement de cet examen (expertise du Prof. H______, p. 4).

Les critiques de l’intimée selon lesquelles le diagnostic du Prof. H______ n’avait pas été retenu à la suite des divers examens effectués en 2015, soit le plus tôt après l’accident, étaient infondées et devaient être écartées.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’était ni son origine, ni sa désignation mais son contenu, de sorte que le fait qu’elle avait demandé elle-même au Prof. H______ son avis n’était pas déterminant.

Il ne pouvait donc être retenu que les séquelles subies par la recourante du fait de l’accident pouvaient être comparées à celles de personnes qui manipulaient au pas un caddy et se voyaient brusquement stoppées ainsi que l’alléguait l’intimée.

5.13.2 L’intimée considère pour sa part que c’est à bon droit qu’elle avait critiqué le rapport du Prof. H______, étant rappelé que ce dernier n’avait pas été mis en œuvre dans le strict respect de l’art. 44 LPGA contrairement aux Drs E______ et I______.

5.13.3 L’expertise du Prof. H______ date du 28 janvier 2019 et elle a été faite à la demande de la recourante. Cela ne lui ôte pas toute valeur probante. La Dre I______ a pris en compte ses conclusions et relevé, s’agissant du diagnostic d’instabilité multidirectionnelle retenu par le Prof. H______, que lors de son examen, elle n’avait pas pu mettre en évidence d’instabilité antérieure ou postérieure, contrairement à ce dernier, raison pour laquelle elle avait revu l’assurée le 15 octobre 2021. Elle s’est étonnée d’avoir des examens cliniques aussi discordants entre les différents médecins et a relevé avoir observé une réticence importante à la mobilisation avec des valeurs d’amplitudes inférieures autant à droite qu’à gauche, épaule non traumatisée, à celles observées lors du premier examen du 2 juillet 2021. Malgré toutes les limitations fonctionnelles décrites par l’assurée et sa quasi non utilisation du membre supérieur droit, l’experte n’avait noté aucune amyotrophie du bras, qui serait la conséquence indirecte de la non-utilisation de celui-ci telle que décrite. Il en résultait que des facteurs contextuels influençaient négativement les aptitudes de l’assurée, soit une kinésiophobie et un catastrophisme modérés, une cotation élevée de la douleur et une focalisation sur la douleur et une sous-estimation des capacités fonctionnelles. L’experte a encore motivé les raisons pour lesquelles elle ne retenait pas le diagnostic d’instabilité multidirectionnelle de manière détaillée et convaincante en p. 55 de son rapport, en prenant en compte les conclusions du Prof. H______ qu’elle ne pouvait suivre, au vu de ses constats et de son analyse du cas. Ses conclusions sont convaincantes et il convient de leur reconnaître une valeur probante plus élevée que celles du Prof. H______.

6.              

6.1 La recourante a fait valoir que la décision sur opposition du 10 mars 2023 ne fondait la fin du droit aux prestations sur aucun fondement juridique, en particulier pas l’art. 16 LAA, dans la mesure où elle fixait les dates de fin de prise en charge des indemnités journalières et des frais médicaux sur les dates auxquelles ces prestations avaient concrètement pris fin. Cela était dû au fait que la date du 31 décembre 2016, pourtant confirmée par l’experte, ne pouvait être retenue, au vu de l’arrêt de la chambre des assurances sociales du 15 janvier 2020. Le raisonnement de l’intimée était arbitraire, car elle réglait le droit aux indemnités journalières en fonction de ce qui l’arrangeait.

6.2 Il convient d’admettre, s’agissant de ce grief, que l’intimée a effectivement fixé la date de la fin du droit aux prestations de la recourante en tenant compte des dates auxquelles ces prestations avaient concrètement pris fin, étant donné que la date du 31 décembre 2016, pourtant confirmée par l’experte, ne pouvait être retenue, au vu des conclusions de la chambre des assurances sociales du 15 janvier 2020. L’on ne saurait reprocher à l’intimée cette décision, qui respecte la force de chose jugée de l’arrêt de la chambre de céans.

7.              

7.1  

7.1.1 La recourante a encore fait valoir que la décision de l’intimée excluait, sans explications, l’application de la jurisprudence relative au coup du lapin, pourtant pertinente dans le cas d’espèce (ATF 117 V 359 consid. 5d aa notamment).

7.1.2 L’intimée a répondu que ni le Dr E______, ni la Dre I______ n’avaient retenu un accident de type coup du lapin. Lorsque la recourante avait tiré le lit avec les deux bras dans un couloir de l’hôpital, sa vitesse devait s’élever au maximum à 2 km, avec pour conséquence qu’il était impossible qu’elle ait subi un quelconque coup du lapin. Même si tel devait être le cas, l’accident devait être classé comme étant de peu de gravité avec pour conséquence l’absence de toute relation de causalité adéquate. Même si l’accident devait être qualifié de gravité moyenne à la limite des cas de peu de gravité, aucun des critères jurisprudentiels n’était rempli, avec pour conséquence l’absence de lien de causalité adéquate entre les troubles et l’accident.

7.2 En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). L'absence de douleurs dans la nuque et les épaules dans un délai de 72 heures après l'accident assuré permet en principe d'exclure un traumatisme de type « coup du lapin » justifiant d'admettre un rapport de causalité naturelle entre cet accident et d'autres symptômes apparaissant parfois après un période de latence (par ex., vertiges, troubles de la mémoire et de la concentration, fatigabilité), malgré l'absence de substrat objectivable; il n'est pas nécessaire que ces derniers symptômes - qui appartiennent, avec les cervicalgies, au tableau clinique typique d'un traumatisme de type « coup du lapin » - apparaissent eux-mêmes dans le délai de 72 heures après l'accident assuré (SVR 2007 UV n. 23 p. 75 ; arrêt du Tribunal fédéral U 580/06 du 30 novembre 2007 consid. 4.1).

L'existence d'un traumatisme de type « coup du lapin » et de ses suites doit être dûment attesté par des renseignements médicaux fiables (ATF 119 V 335
consid. 1 ; 117 V 359 consid. 4b).

7.3 En l’espèce, aucun médecin n’a attesté d’un traumatisme de type « coup du lapin » et tous les médecins ont posé des diagnostics somatiques pour les atteintes de la recourante. La Dre I______ a en particulier retenu une entorse cervicale. On ne se trouve donc pas dans un cas de lésions par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral, sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, de sorte que la jurisprudence relative à ce cas de figure ne s’applique pas. Par ailleurs, même si elle s’appliquait les conditions jurisprudentielles permettant de retenir une causalité adéquate entre l’accident et les plaintes de la recourante ne sont manifestement pas réalisées.

7.4 En conclusion, l’expertise de la Dre I______ doit se voir reconnaître une pleine valeur probante, de sorte que la décision querellée qui est fondée sur cette dernière, doit être confirmée.

8.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le