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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1077/2023

ATAS/121/2024 du 23.02.2024 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1077/2023 ATAS/121/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 février 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

représenté par Me Mélanie MATHYS DONZE, avocate

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), marié, et père de deux enfants (nés le ______ 2013 et le ______ 2014), est au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité à 100% depuis le 1er février 2021.

b. Le 10 décembre 2021, il a déposé une demande de prestations auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

c. Par décision du 28 avril 2022, le SPC a nié le droit aux prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC) et fédérales (ci-après : PCF) pour la période du 1er février 2021 au 30 avril 2022. À partir du 1er mai 2022, il avait droit à des PCC à hauteur de CHF 1'287.10. Selon les plans de calculs annexés à la décision, il était tenu compte d’un revenu hypothétique estimé de son épouse de CHF 51'446.30.

d. Le 15 septembre 2022, l’assuré a contesté cette décision.

e. Par décision du 8 décembre 2022, le SPC a recalculé le droit à ses prestations dès le 1er janvier 2023 et fixé le montant des PCC mensuelles à CHF 1'453.80. Le revenu hypothétique estimé s’élevait à CHF 50'185.-, si bien qu’un montant de CHF 40'148.- (soit le 80%) avait été retenu à ce titre.

f. Le 17 janvier 2023, le SPC a informé l’assuré que le fait d’élever des enfants en bas âge n’était pas un motif suffisant pour faire supprimer la prise en compte d’un revenu hypothétique. Afin de supprimer ledit revenu hypothétique sur la base de la nécessité d’être accompagné des gestes du quotidien, il devait justifier d’une allocation pour impotent et fournir un certificat médical circonstancié.

g. Le 26 janvier 2023, l’assuré a formé opposition à la décision du 8 décembre 2022. Il était complètement faux de dire que son épouse serait capable de travailler. Ils avaient deux enfants en bas âge qui étaient à l’école primaire en 4P et 5P. Sa femme devait pouvoir s’en occuper. Leur fille nécessitait un suivi auprès d’une logopédiste et elle devait pouvoir la conduire aux rendez-vous. Comme il avait une rente AI à 100%, il n’était pas en mesure de prendre en charge ses enfants. Il était donc nécessaire d’enlever tout revenu hypothétique pour son épouse. Il nécessitait par ailleurs son aide pour les actes quotidiens de la vie. Il ne pouvait se doucher seul. De plus, sa femme avait subi une grande opération chirurgicale en urgence le 1er avril 2020 et avait des problèmes médicaux qui nécessitaient un suivi. Ses problèmes de santé l’empêchaient aussi de travailler.

h. Par décision sur opposition du 21 février 2023, le SPC a maintenu sa position. La décision litigieuse ne portait que sur la période débutant au 1er janvier 2023, de sorte que tout argument portant sur une période antérieure ne serait pas examiné. S’agissant du revenu hypothétique, il n’était pas démontré, du moins rendu hautement vraisemblable, que son épouse n’était pas en mesure d’exercer une activité lucrative dans une activité adaptée. Elle était jeune et résidait en Suisse depuis douze ans. Elle avait suivi un apprentissage de cours de français à visée intégrative depuis 2018 à raison de cinq heures par semaine, de sorte qu’elle devait bénéficier d’une certaine connaissance du français. S’agissant de son état de santé, le certificat médical produit datait de plus de huit mois et était très sommaire. Il ne se prononçait du reste pas sur sa capacité de travail dans une activité adaptée. Aucune recherche d’emploi n’avait été produite et il n’avait pas été démontré qu’elle avait cherché de l’aide auprès d’organismes de placement. Il ne pouvait ainsi être considéré que son inactivité était due à des problèmes de santé ou des motifs conjoncturels.

B. a. Par acte du 24 mars 2023, l’assuré a formé recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, concluant à son annulation, ainsi qu’à celle du 28 avril 2022. Subsidiairement la décision du 28 avril 2022 devait être reconsidérée en tant qu’elle tenait compte d’un gain hypothétique de CHF 41'157.05 pour son épouse.

Le SPC n’avait pas tenu compte du fait qu’il nécessitait de l’aide dans les actes quotidiens. Il était ainsi indispensable qu’il puisse bénéficier de la présence de son épouse à son domicile afin qu’elle puisse veiller sur lui. Pour cette raison déjà, le revenu hypothétique devait être supprimé. Il n’avait pas non plus pris en compte, au titre de dépenses reconnues, des frais nets de prise en charge extrafamiliale d’enfants de moins de 11 ans révolus. Or, dans la mesure où 28 heures d’activité par semaine étaient nécessaires à ce titre, les coûts de l’employeur représenteraient CHF 3'571.- par mois, ce qui représentait un montant annuel supérieur à celui du revenu hypothétique annuel pris en compte par le SPC. Enfin, le SPC n’avait pas pris en compte le fait que son épouse ne parlait pas bien le français, devait s’occuper d’enfants en bas âge ayant des difficultés scolaires, n’avait jamais exercé d’activité lucrative et n’avait aucune formation. Il n’était dès lors pas possible qu’elle puisse retrouver un travail sans délai. À teneur du calculateur statistique de salaires de la Confédération suisse basée sur l’ESS 2020, pour une femme, titulaire d’un permis B, sans formation, âgée de 38 ans sans année de service dans la région lémanique, le salaire pour une activité d’aide de ménage et de nettoyage était de CHF 2’915.- pour les salaires les plus bas. Tenant compte du fait qu’elle souffrait de problèmes de santé, son salaire mensuel pouvait être estimé à CHF 2'477.75, ce qui représentait un salaire de CHF 29'733.-.

Il a notamment produit une attestation de l’école de leurs enfants.

b. Par réponse du 17 avril 2023, le SPC a conclu au rejet du recours.

L’assuré n’avait pas établi les frais de garde, étant précisé que les frais extrafamiliaux hypothétiques ne pouvaient être pris en considération. S’agissant des soins qui lui étaient apportés par son épouse, aucune pièce au dossier ne permettait d’établir que la présence continue de son épouse à ses côtés était indispensable afin que ce dernier ne soit pas placé en home ou en établissement hospitalier. Il n’était du reste pas au bénéfice d’une rente pour impotent. Il sollicitait la production du dossier auprès de l’OAI. Quant à son épouse, elle était jeune et résidait en Suisse depuis douze ans. Elle avait suivi un apprentissage de cours de français à visée intégrative depuis 2018 à raison de cinq heures par semaine, de sorte qu’elle devait bénéficier d’une certaine connaissance du français. Elle n’avait jamais cherché à intégrer le marché de l’emploi. Quant au certificat médical produit dans le cadre de la procédure d’opposition, il datait de mai 2022, soit de près d’un an et était très sommaire. Il ne se prononçait du reste pas sur sa capacité de travail dans une activité adaptée.

c. Le 16 mai 2023, l’assuré a persisté dans ses conclusions. Il ressortait du rapport médical de la docteure B______ du 16 octobre 2020 qu’il avait de grandes difficultés à utiliser son membre supérieur gauche, alors même qu’il était gaucher, et qu’il nécessitait dans sa vie quotidienne l’aide de sa femme pour se doucher, s’habiller, porter les courses et faire le ménage. Il présentait également des difficultés de concentration, des troubles mnésiques, de l’irritabilité et une impulsivité pouvant entrainer des difficultés dans le travail. Il ressortait également du rapport médical établi par le docteur C______ le 2 juillet 2021 qu’il nécessitait l’aide de son épouse pour les activités de la vie quotidienne. S’agissant de son épouse, le docteur D______ avait attesté par constat médical du 15 mai 2023 qu’elle présentait une déchirure de l’épaule droite et une lombosciatalgie droite.

d. Le 6 juin 2023, le SPC a persisté dans ses conclusions. Il n’était pas indispensable que l’épouse soit aux côtés de l’assuré tous les jours et à tout moment, l’empêchant d’exercer un quelconque emploi. Le rapport de la Dre B______ indiquait uniquement qu’il avait besoin de l’aide partielle de son épouse pour se doucher, porter les courses et faire le ménage. Quant au fait que le couple avait deux enfants, il ne s’agissait aucunement d’un critère permettant de supprimer le revenu hypothétique. Enfin, en ce qui concernait l’état de santé de son épouse, l’assuré ne pouvait affirmer d’un côté que cette dernière permettait à elle seule le bon fonctionnement de la famille, sans aucune aide, mais était inapte à travailler pour des raisons de santé.

e. Le 3 juillet 2023, l’assuré a produit de nouvelles pièces. Il ressortait en particulier du rapport médical des HUG qu’il avait des difficultés à organiser son quotidien, dans la mesure où il se sentait suivi, moqué et harcelé. Il nécessitait de l’aide à domicile notamment du fait de douleurs résiduelles au membre supérieur gauche. Il était dépendant de son épouse pour les douches et l’habillage. Quant à l’état de santé de son épouse, il ressortait du rapport médical du 13 juin 2023 de la docteure E______, médecin interne FMH, qu’elle présentait des lombalgies chroniques non investiguées, ainsi que des douleurs au niveau des poignets des deux côtés avec une notion de kystes synoviaux. Elle se plaignait de ne pas arriver à effectuer ses activités de la vie quotidienne en lien avec les douleurs. Elle présentait également des douleurs chroniques de l’épaule droite avec une notion de déchirure de la coiffe des rotateurs et une potentielle arthrose.

f. Par ordonnance du 17 novembre 2023, la chambre de céans a requis de l’OAI la production du dossier d’assurance-invalidité de l’assuré.

g. Le 27 novembre 2023, l’OAI a transmis le dossier de l’assuré.

h. Le 19 janvier 2024, la chambre de céans a tenu une audience de comparution personnelle des parties. S’agissant de sa journée-type, l’assuré a indiqué qu’il dormait peu en raison des douleurs à la main. Le matin, il se présentait à ses rendez-vous médicaux. Il se déplaçait seul, à pied. Son épouse l’aidait pour prendre ses douches, qu’il prenait deux fois par semaine, généralement le soir. Deux fois par semaine, il amenait les enfants à la Bibliothèque de Carouge où il rencontrait des amis et lisait des livres. Il y allait seul deux à trois fois par semaine. Il mangeait les repas préparés par son épouse. L’école des enfants se situait à environ 200 mètres de leur maison. Lorsque son épouse ne pouvait pas accompagner les enfants, il marchait quelques mètres avec eux et les enfants terminaient seuls le trajet. Tous les mercredis, son épouse accompagnait leur fille chez la logopédiste qui se situait à dix minutes de chez eux. À midi, son épouse récupérait les enfants de l’école à 11h30 et leur donnait le repas qu’elle avait préparé au préalable. Il était souvent absent lors des pauses de midi car il était dehors avec des amis. Il devait sans cesse bouger en raison de ses douleurs. Il n’avait pas de voiture mais avait le permis de conduire. Ils faisaient les courses en famille mais il ne pouvait pas porter plus d’un kilo.

Son épouse avait plusieurs soucis de santé : maux de tête, mal à la nuque et au dos, gonflement dans les jambes, douleurs à la main et aux épaules. Elle ne pouvait pas subir de chirurgie en raison de la franchise des assurances. Elle n’avait pas effectué de recherches d’emploi car son niveau de français ne le permettait pas. Elle suivait des cours de français à raison de deux à trois fois par semaine et avait demandé à pouvoir faire du bénévolat pour pratiquer le français.

Il avait signé un contrat de bénévolat pour une activité de huit heures par jour, consistant à conduire un véhicule et distribuer de la publicité. Il pouvait commencer à travailler prochainement.

À l’issue de l’audience, le recourant a sollicité l’audition de son épouse. La chambre de céans a imparti un délai au recourant pour la production de documents médicaux récents sur l’état de santé de son épouse.

i. Le 9 février 2024, le recourant a produit un rapport médical de la Dre E______ du 1er février 2024, attestant de la disparition du pré-diabète, d’une légère diminution du cholestérol, de lombalgies chroniques non investiguées, de douleurs au niveau des poignets des deux côtés avec une notion de kystes synoviaux rapportés par son mari, de douleurs en regard des pouces des deux côtés « impact[ant] son quotidien pour effectuer les tâches de la vie quotidienne », de douleurs chroniques de l’épaule droite, ainsi qu’une légère perturbation de ses tests hépatiques. Une physiothérapie avait été recommandée mais non effectuée pour des raisons financières.

j. La chambre de céans a transmis cette écriture, accompagnée de son annexe, à l’intimé.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à
l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

2.             Le recourant sollicite l’audition de son épouse.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l'espèce, il a été fait droit à la demande de comparution personnelle du recourant. Devant la chambre de céans, l’intéressé n’indique pas en quoi l’audition de son épouse serait susceptible d'apporter des éléments pertinents pour l’issue du litige, étant précisé que le dossier contient des pièces médicales attestant de son état de santé. Il ne sera dès lors pas donné suite à sa demande, la chambre de céans disposant d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en compte par l’intimé d’un revenu hypothétique pour l’épouse du recourant.

3.1 Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249 ; RO 2020 585).

Dans la mesure où le recours porte sur le droit aux prestations complémentaires dès le 1er janvier 2023, le présent litige est soumis au nouveau droit. Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur dès le 1er janvier 2021.

3.2 Aux termes de l'art. 2 al. 1 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux.

Selon l'art. 4 al. 1 LPC, ont notamment droit à des prestations complémentaires, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse, dès lors qu'elles ont droit à une rente ou à une allocation pour impotent de l'AI ou perçoivent des indemnités journalières de l'AI sans interruption pendant six mois au moins (let. c). L'art. 9 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (al. 1). Figurent notamment au nombre des revenus déterminants énumérés à l'art. 11 al. 1 LPC : deux tiers des ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative, pour autant qu'elles excèdent annuellement CHF 1'500.- pour les couples (let. a), ainsi que les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (let. g).

3.3 Au plan cantonal, l'art. 2 al. 1 LPCC prévoit qu'ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle dans le Canton de Genève (let. a) et qui sont au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, d'une rente de l'assurance-invalidité, d'une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité ou reçoivent sans interruption pendant au moins six mois une indemnité journalière de l'assurance-invalidité (let. b).

En vertu de l'art. 4 LPCC, ont droit aux prestations les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable, le montant de la prestation complémentaire correspondant à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).

L'art. 5 al. 1 LPCC stipule que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines dérogations. 

3.4 Selon l’art. 11LPC, si une personne renonce volontairement à exercer une activité lucrative que l’on pourrait raisonnablement exiger d’elle, le revenu hypothétique correspondant est pris en compte comme revenu déterminant. La prise en compte de ce revenu est réglée par l’art. 11 al. 1 let. a LPC (al. 1).

Hormis la prise en compte, à hauteur de 80%, du revenu hypothétique d’une activité lucrative du conjoint sans droit aux prestations complémentaires (cf. art. 11 al. 1 let. a LPC), l’art. 11a al. 1 LPC reprend sur le fond la pratique en matière de prise en compte du revenu hypothétique (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, FF 2016 7249 p. 7322).

Il y a dessaisissement lorsque le conjoint d'une personne assurée s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210).

3.5 Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressé qu'il exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté.

Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et les références). En ce qui concerne, en particulier, le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressé est en mesure de trouver un travail. À cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail et examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_30/2009 du 6 octobre 2009 consid. 4.2 et la référence). On prendra aussi en considération la nécessité de s'occuper du ménage et d'enfants mineurs, eu égard par ailleurs aux possibilités pour le parent bénéficiaire d'une rente d'exercer ces tâches (Carigiet/Koch, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2e éd. 2009, no 2, p. 158-159). L'impossibilité de mettre à profit une capacité résiduelle de travail ne peut être admise que si elle est établie avec une vraisemblance prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_376/2021 du 19 janvier 2022 consid. 2.2.1 et la référence).

L'obligation faite à la femme d'exercer une activité lucrative s'impose en particulier lorsque l'époux n'est pas en mesure de le faire en raison de son invalidité, parce qu'il incombe à chacun de contribuer à l'entretien et aux charges du ménage. À l'inverse, l'époux peut être appelé à fournir sa contribution d'entretien sous la forme de la tenue du ménage. En pareilles circonstances, si l'épouse renonce à exercer une activité lucrative exigible de sa part, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique après une période dite d'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral 9 49/04 du 6 février 2006 consid. 4.2 et les référence).

Selon le ch. 3424.07 des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC – état au 1er janvier 2022), aucun revenu hypothétique n’est pris en compte chez le bénéficiaire de PC à l’une ou l’autre des conditions suivantes : (i) si, malgré tous ses efforts, sa bonne volonté et les démarches entreprises, l’intéressé ne trouve aucun emploi. Cette hypothèse peut être considérée comme réalisée lorsqu’il s’est adressé à un office régional de placement (ORP) et prouve que ses recherches d’emploi sont suffisantes qualitativement et quantitativement ; (ii) lorsqu’il touche des allocations de chômage ; (iii) s’il est établi que sans la présence continue de l’intéressé à ses côtés, l’autre conjoint devrait être placé dans un home ou un établissement hospitalier ; (iv) si l’intéressé a atteint sa 60e année.

L’exigibilité d’une activité lucrative de la part du conjoint qui n’est pas invalide doit être appréciée en fonction de plusieurs facteurs, en particulier liés à la situation personnelle et sociale de l'épouse concernée, et en accord avec les principes du droit de la famille. Elle ne saurait se mesurer uniquement à l'aune de l'invalidité de l'autre conjoint. Lorsqu'un assuré fait valoir que son épouse est empêchée de travailler au seul motif que son propre état de santé nécessite une surveillance permanente, il lui incombe d'établir ce fait au degré de la vraisemblance prépondérante généralement requise dans la procédure d'assurances sociales (arrêts du Tribunal fédéral 8C_440/2008 du 6 février 2009 consid. 5.1 ; cf. également 9C_743/2010 du 29 avril 2011 consid. 5.2).

S’agissant de la détermination du montant du revenu hypothétique à prendre en compte, il y a lieu de se référer aux tables de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS), dont il convient de déduire les cotisations sociales obligatoires dues aux assurances sociales, et le cas échéant, les frais de garde des enfants. Du revenu net ainsi obtenu, il y a lieu de déduire le montant non imputable, au sens de l’art. 11 al. 1 let. a aLPC, le solde étant pris en compte pour les deux tiers. Le montant global de la franchise doit être pris en compte intégralement même si le revenu hypothétique n’est pris en compte que pendant une partie seulement de l’année déterminante pour le calcul de la prestation complémentaire (DPC, état au 1er janvier 2020, ch. 3482.04).

3.6 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

Le principe inquisitoire, qui régit la procédure dans le domaine de l'assurance sociale (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), exclut que la charge de l'apport de la preuve ("Beweisführungslast") incombe aux parties, puisqu'il revient à l'administration, respectivement au juge, de réunir les preuves pour établir les faits pertinents. Dans le procès en matière d'assurances sociales, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où la partie qui voulait déduire des droits de faits qui n'ont pas pu être prouvés en supporte l'échec. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 128 V 218 consid. 6 ; ATF 117 V 261 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.1).

3.7 Devant la chambre de céans, le recourant reproche à l’intimé de n’avoir pas tenu compte du fait qu’il nécessitait de l’aide dans les actes quotidiens. Il se plaint également de ce que la décision ne prenait pas en considération l’état de santé de son épouse, son niveau de français, son niveau de formation et ses activités préalables.

En l’occurrence, il ressort de l’avis du service médical régional de
l’assurance-invalidité (SMR) que l’incapacité de travail complète du recourant est due à une atteinte à la santé psychique. Aucune limitation fonctionnelle n’a été retenue au niveau du membre supérieur gauche. Les rapports médicaux de la Dre B______ des 17 mars 2021 et 16 octobre 2020, transmis dans le cadre de la procédure de l’assurance-invalidité, mentionnent certes des répercussions de ses atteintes à la santé sur sa vie quotidienne, dues en partie à la difficulté à utiliser son membre supérieur gauche : il a besoin de l’aide partielle de sa femme pour se doucher, s’habiller, porter les courses, faire le ménage. Le rapport précise toutefois qu’il marche beaucoup dans la ville, rend visite à un ami, accompagne ses enfants à l’école et sa femme à ses consultations médicales. Questionné en audience, le recourant a confirmé qu’il pouvait se déplacer seul pour ses rendez-vous médicaux ou pour voir des amis. Il pouvait également accompagner ses enfants à l’école ou à la bibliothèque et passer ses journées en dehors de la maison, sans être assisté de son épouse. Il s’occupait aussi des tâches administratives avec l’aide de sa fille et s’apprêtait à entamer un travail de bénévolat à raison de huit heures par jour. Il suit de ces éléments que le recourant – pour lequel aucune impotence n’a d’ailleurs été reconnue – ne se trouve pas dans la situation dans laquelle une surveillance permanente de son épouse est nécessaire. S’il a certes besoin d’aide pour se doucher, s’habiller, porter des courses et faire le ménage, de tels actes ne justifient en aucun cas une présence continue de son épouse. Il convient donc de nier le caractère indispensable de la présence de l’épouse à la maison.

Quant aux autres critères à prendre en compte dans l’examen d’un revenu hypothétique du conjoint, force est de constater qu’âgée de 38 ans l’épouse du recourant est encore relativement jeune. Elle réside en Suisse depuis douze ans et bénéficie d’une autorisation de séjour lui permettant d’exercer un emploi. S’agissant de son état de santé, les pièces produites par le recourant ne permettent pas de retenir qu’elle ne serait pas en mesure d’exercer une activité lucrative. Le rapport médical de la Dre E______ du 1er février 2024 n’atteste d’aucune atteinte à la santé invalidante. Il fait certes état de douleurs au niveau de l’épaule droite, des poignets et des pouces mais ne se prononce pas sur l’incidence de celles-ci sur la capacité de travail de l’intéressée. Contrairement à ce qu’a indiqué le recourant en audience, le rapport ne préconise pas d’intervention médicale. Il se limite à recommander le suivi de séances de physiothérapie. Enfin, hormis des lombalgies non investiguées, il ne dit mot sur les maux de tête, de nuque et de dos signalés en audience par le recourant. Enfin, il ne ressort pas du dossier qu’une demande de prestations de l’assurance-invalidité ait été formée par son épouse. Dans ces conditions, force est d’admettre que le recourant n’a pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’état de santé de son épouse constitue un obstacle à l’exercice d’une activité lucrative, à tout le moins de manière adaptée à ses éventuelles limitations fonctionnelles.

Pour le reste, il n’est pas contesté que l’intéressée a suivi un apprentissage de cours de français à visée intégrative depuis 2018 à raison de cinq heures par semaine. Les deux enfants sont scolarisés et donc largement pris en charge par l’école. En dehors des horaires scolaires, il n’est pas établi que le recourant ne serait pas en mesure de s’en occuper. Il ressort du dossier, et des déclarations du recourant en audience, que ce dernier peut les accompagner à l’école, de même qu’à des activités extrascolaires. Même à admettre que tel ne serait pas le cas, les enfants peuvent être confiés au parascolaire ou à un tiers, à l'instar des nombreux enfants dont les deux parents travaillent à plein temps.

Il convient donc d’admettre que l’épouse du recourant est en mesure de contribuer à l'entretien de la famille par l'exercice d'une activité lucrative. La période d’adaptation retenue par l’intimé, non contestée par le recourant, n’est au demeurant pas critiquable. Il pouvait en effet être exigé de la conjointe du recourant qu'elle travaille dès 2022, étant rappelé qu’elle est arrivée en Suisse il y a plus de douze ans et qu’elle suit des cours de français depuis 2018.

Quant au montant retenu à titre de revenu potentiel de son épouse, il a été fixé sur la base du salaire prévu par les ESS (Table T1_tirage skill level, niveau 1, secteur 2 col. 16-18, femme), multiplié par 12, et cela conformément à la jurisprudence et aux directives applicables.

4.             Le recourant reproche enfin à l’intimé d’avoir refusé de prendre en considération les frais nets de prise en charge extrafamiliale d’enfants de moins de 11 ans.

4.1 Selon l’art. 10 al. 3 let. f LPC, les frais nets de prise en charge extrafamiliale d’enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de 11 ans révolus, pour autant que cette prise en charge soit nécessaire et dûment établie. L'art. 36G al. 1 let. a LPCC précise que les bénéficiaires de prestations complémentaires familiales ont droit au remboursement des frais, dûment établis, qu'ils ont engagés pour la garde des enfants âgés de moins de 13 ans.

La prise en charge extrafamiliale doit être nécessaire (ch. 3294.01 1/21 DPC).

4.2 La nécessité est établie lorsque les deux parents qui assurent la garde de l’enfant, qu’ils soient mariés, en concubinage, séparés ou divorcés, exercent simultanément une activité lucrative. Le taux d’occupation et les horaires de travail doivent être documentés au moyen d’attestations appropriées (par exemple contrat de travail ou attestation des jours de travail) (ch. 3294.02 1/21 DPC).

Lors d’une atteinte à la santé qui empêche le(s) parent(s) d’assurer pleinement la garde de son (leur) enfant, la nécessité de la prise en charge extrafamiliale est aussi établie. Si la nature de l’invalidité ne renseigne pas suffisamment en
elle-même sur la possibilité pour le(s) parent(s) de s’occuper de son (leur) enfant, un certificat médical doit être présenté. Il doit confirmer le caractère nécessaire d’une telle prise en charge et en déterminer la durée qui doit être de trois mois au minimum (ch. 3294.04 1/21 DPC). Il y a aussi nécessité d’une prise en charge extrafamiliale lors d’une combinaison entre l’activité lucrative et une atteinte à la santé du (des) parent(s). La situation doit être justifiée au moyen d’un contrat de travail et d’un certificat d’invalidité ou d’un certificat médical. Lorsque la garde de l’enfant est assurée par les deux parents, il doit y avoir un chevauchement qui empêche, dans la mesure appropriée, la prise en charge de l’enfant par les parents (ch. 3294.05 1/21 DPC).

4.3 En l’occurrence, il n’est pas contesté que les enfants du recourant étaient âgés de moins de 11 ans au moment de la décision contestée, de sorte que les éventuels frais de garde pouvaient, en principe, être pris en considération pour le calcul des prestations complémentaires. Le recourant se limite toutefois à invoquer des frais hypothétiques. Or, conformément au texte clair des art. 10 al. 3 let. f LPC, de tels frais doivent être dûment établis. Selon les directives, seuls les frais nets d’une prise en charge sont pris en compte, c’est-à-dire les frais qui sont effectivement facturés à la personne concernée et qui ne sont pas couverts par les autorités publiques. Une copie des factures doit être présentée à titre de justificatif (ch. 3292.01). Ainsi, en l’absence de factures et de pièces justifiant la nécessité de recourir à une prise en charge extrafamiliale, c’est à juste titre que l’intimé n’en a pas tenu compte.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

5.             La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le