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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/687/2023

ATAS/89/2024 du 13.02.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/687/2023 ATAS/89/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 février 2024

Chambre 2

 

En la cause

Madame A______
représentée par APAS Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, mandataire

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 16 mars 2016, Madame A______ (ci-après : l’assurée, l’intéressée ou la recourante), née en 1982, célibataire, titulaire d’une autorisation d’établissement en Suisse (permis C), de profession assistante en pharmacie (avec un CFC obtenu en 2009), a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) pour adultes, mesures professionnelles et/ou rente, en raison d’une dépression sévère. Elle demandait notamment des « prestations pour réadaptation professionnelle à 50% ».

Il ressort du dossier qu’elle avait travaillé en qualité d’assistante en pharmacie auprès d’une pharmacie d’octobre 2009 à avril 2014, échéance de la résiliation de ses rapports de travailleur par cet employeur. Elle s’était inscrite en avril 2015 à l’assurance-chômage, mais, par décision du 3 février 2016, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) avait prononcé son inaptitude au placement en raison de son insuffisance répétée en matière de recherches personnelles d’emploi. Elle était au bénéfice d’une aide financière de l’Hospice général depuis mars 2016.

b. L'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI, l'office ou l'intimé) a instruit le cas.

Il a notamment reçu une lettre de sortie établie le 10 mars 2015 par le service de psychiatrie générale des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), à la suite d’une hospitalisation à la clinique de Belle-Idée du 23 février au 10 mars 2015 « pour mise à l’abri des idées suicidaires », le diagnostic principal étant un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques.

Depuis lors et à tout le moins jusqu’au 31 mars 2016, ledit service de psychiatrie générale des HUG a attesté des arrêts de travail à 100% pour maladie. Dans un rapport du 17 octobre 2016, un médecin interne du même service a, au diagnostic précité, ajouté celui de personnalité émotionnellement labile, type borderline, ces atteintes à la santé étant temporairement incapacitantes depuis avril 2015 et totalement à partir de décembre 2015.

Selon un questionnaire AI rempli le 10 juin 2016 par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin généraliste traitant, qui avait suivi l’assurée du 21 mars 2006 au 2 juillet 2015, celle-ci souffrait d’un état dépressif (seul diagnostic avec effet sur la capacité de travail) depuis 2012 en tout cas, et elle bénéficiait actuellement d’un suivi au plan psychique auprès d’un centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrée (ci-après : CAPPI). Étaient au surplus diagnostiqués, sans effet sur la capacité de travail, une obésité depuis 2012, de même qu’une hyperlipidémie et une anémie ferriprive.

Sur la base de ces rapports, le service médical régional de l’AI (ci-après : SMR) a, le 7 novembre 2016, considéré que l’intéressée pouvait commencer de mesures professionnelles, une reprise du travail étant possible dans une activité adaptée, c’est-à-dire évitant les situations de stress et le contact avec les autres personnes.

Du 18 avril au 15 octobre 2017, l’assurée a bénéficié d’un stage d’orientation professionnelle (de l’AI) auprès des Établissements publics pour l’intégrations (ci‑après : EPI), d’abord « intramuros », puis sous supervision des EPI au sein d’une librairie (avec deux mois aux bilans positifs mais suivis d’un arrêt maladie de plusieurs semaines). Les EPI ont établi un rapport le 29 novembre 2017.

À partir du 8 septembre 2017, une incapacité totale de travail a à nouveau été attestée par le CAPPI.

c. À la demande du SMR, le professeur C______ (superviseur) et le docteur D______, tous deux spécialistes FMH en psychiatrie et psychothérapie, ont, le 28 mai 2018 et à la suite d’entretiens avec l’intéressée les 14 et 19 mars 2018 ainsi que d’un entretien téléphonique avec la psychiatre de celle-ci (du CAPPI) le 14 mai 2018, établi un rapport d’expertise psychiatrique.

Selon ce rapport d’expertise, les diagnostics étaient un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (CIM-10 F33.2) depuis 2012, ainsi qu’un trouble de la personnalité dépendante (F60.7) depuis le début de l’âge adulte. En raison de ces deux atteintes, la capacité de travail de l’expertisée était nulle dans toute activité. La capacité de travail pouvait encore être améliorée de façon sensible par des mesures médicales ; un travail psychothérapeutique de type TCC était indiqué et pourrait améliorer non seulement l’état thymique mais aussi les habiletés sociales de l’intéressée ; la situation devrait être réévaluée dans un à deux ans.

d. Dans un rapport du 19 juillet 2018, le SMR, considérant ladite expertise comme convaincante, a repris les diagnostics posés par les experts et a retenu une incapacité totale de travail dans toute activité à compter de février 2015. Étaient mentionnées les limitations fonctionnelles suivantes : fragilité, aboulie, anhédonie, anxiété, baisse de l’estime de soi, trouble de la concentration et de l’attention, manque d’initiative, intolérance au stress, hypersomnie, anxiété. Une révision du cas était proposée dans deux ans.

e. Par projet de décision du 20 août 2018 puis décision du 13 novembre 2018, l’OAI a octroyé à l’assurée, ayant le statut de personne se consacrant à temps complet à son activité professionnelle, une rente entière d’invalidité depuis le 1er septembre 2016 basée sur un degré d’invalidité de 100%. Il était précisé que dans la situation d’une incapacité totale de travail dans toute activité, la perte de gain se confondait avec l’incapacité de travail.

B. a. Dans le cadre de la révision du cas, l’office a recueilli divers renseignements médicaux.

Dans des questionnaires AI remplis les 2 et 21 mai 2021, le Dr B______, toujours médecin généraliste traitant de l’intéressée (avec une dernière consultation le 2 juin 2021), a fait entre autres état d’un état stationnaire depuis l’octroi de la rente AI, du diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger (F33.0), ainsi que d’une capacité de travail nulle dans toute activité en raison de ce diagnostic. Étaient au surplus diagnostiqués, sans effet sur la capacité de travail, une obésité de grade 2, une hyperlipidémie, une hypothyroïdie subclinique, une acné rosacée et un diabète de type 2.

Le 2 juin 2021, le docteur E______, médecin interne du CAPPI, a diagnostiqué des troubles dépressifs récurrents, épisode actuel moyen, sans syndrome somatique (F33.10). Il n’y avait pas de modification de la capacité de travail dans l’activité habituelle, et, s’agissant, d’une activité adaptée, la patiente était actuellement incapable de travailler, toutefois sans limitation somatique fonctionnelle (à la connaissance du CAPPI).

b. À la demande du SMR, la docteure F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, assistée de la psychologue et psychothérapeute FSP G______, a, le 30 septembre 2022 et à la suite d’entretiens avec l’intéressée les 27 et 28 septembre 2022, établi un rapport d’expertise psychiatrique.

Selon ce rapport d’expertise, les diagnostics étaient le suivants : avec répercussion sur la capacité de travail, des troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique (F33.11) « depuis mai 2021 au présent » ; sans répercussion sur la capacité de travail, un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile, dépendante et anxieuse (F61), qui n’avait pas empêché l’expertisée de se former et travailler dans le passé, de gérer son quotidien, et n’était pas décompensée, de même qu’une agoraphobie (F40.0) qui ne l’empêchait pas de faire ses courses, de voyager trois fois par an en vacances et faire des excursions organisées dans son pays d’origine (dans l’Union européenne). Dans l’activité habituelle (« l’activité exercée jusqu’ici ») comme dans une activité adaptée (« une activité correspondant aux aptitudes de la personne assurée »), la capacité de travail de l’assurée était de 50% (4 heures par jour) sans baisse de rendement, « en tenant compte des indicateurs standards pour les troubles susmentionnés », depuis mai 2021, après avoir été nulle en raison des troubles dépressifs récurrents sévères sans symptômes psychotiques. Était adaptée de manière optimale au handicap de l’intéressée « toute activité adaptée au niveau d’acquisition sans hiérarchie complexe et adaptée d’un point de vue somatique ». Il était relevé que l’expertisée avait arrêté depuis 2019 toute prise de médicaments au plan psychique et qu’elle voyait sa ou psychiatre traitant (au CAPPI) toutes les trois ou quatre semaines. Actuellement, l’évolution était difficilement déterminable et la situation n’était pas stabilisée. Un suivi psychiatrique hebdomadaire avec un traitement antidépresseur bien dosé pouvaient améliorer la capacité de travail.

c. Dans un rapport du 17 octobre 2022, le SMR, suivant les conclusions de cette dernière expertise, a retenu une amélioration de l’état de santé de l’intéressée ainsi qu’une capacité de travail dans toute activité de 50% dès mai 2021. Etaient mentionnées les limitations fonctionnelles « actuelles » suivantes : un ralentissement moteur modéré qui ralentissait l’assurée dans la plupart des activités, avec des troubles de la concentration modérés. Une révision du cas était proposée dans un an.

d. Par projet de décision du 18 novembre 2022 puis décision du 24 janvier 2023, l’OAI, suivant le SMR, a remplacé la rente entière d’invalidité par une demi-rente à partir du deuxième mois suivant la notification de ladite décision, à savoir le 1er mars 2023, basée sur un degré d’invalidité de 50%.

C. a. Par acte du 24 février 2023, complété le 28 mars 2023, l’assurée, représentée par une association mandataire, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) contre cette dernière décision, concluant à son annulation et, cela fait, à la reconnaissance du droit de continuer de recevoir une rente entière d’invalidité après le 1er « mai » (recte : mars) 2021, vu une situation demeurée inchangée et l’absence de motif de révision.

b. Par réponse du 19 mai 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 22 juin 2023 – transmise pour information à l'intimé –, la recourante a persisté dans les conclusions de son recours.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI ‑ RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

4.             L'objet du litige porte sur la question de savoir si l’intimé était en droit de réviser le droit de la recourante en réduisant sa rente entière d’invalidité en une demi‑rente avec effet au 1er mars 2023.

5.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l'AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En l'absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l'application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l'examen d'une demande d'octroi de rente d'invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s'applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d'évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu'à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

La réglementation légale concernant la révision et le réexamen de décisions ou de décisions sur opposition entrées en force (art. 53 LPGA) n'a pas été modifiée dans le cadre du développement de l'AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.2).

En l'occurrence, la décision litigieuse a certes été rendue après le 1er janvier 2022. Toutefois, concernant l'amélioration de la capacité de gain, la date déterminante est août 2021 – trois mois après mai 2021, mois de l’amélioration de l’état de santé (selon l’experte F______) et donc de la capacité de gain –, selon l'art. 88a al. 1 RAI. Les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu’au 31 décembre 2021 s'appliquent (cf. notamment Office fédéral des assurances sociales [OFAS], Circulaire sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité [CIRAI], valable dès le 1er janvier 2022, ch. 9102). Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021.

A fortiori, en référence à la modification de l’art. 26bis al. 3 RAI du 18 octobre 2023 (déduction forfaitaire ; RO 2023 635) entrée en vigueur le 1er janvier 2024, et compte tenu des principes généraux de droit intertemporel, ledit art. 26bis al. 3 RAI serait en tout état de cause applicable dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023.

6.              

6.1 L’art. 17 al. 1 LPGA – dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 – dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

L’art. 88a al. 1 RAI – intitulé « modification du droit » – précise quant à lui que, si la capacité de gain ou la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré s’améliore ou que son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’atténue, ce changement n’est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 du 9 mars 2016 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

6.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, tel qu'en vigueur dès le 1er janvier 2021, la version antérieure indiquant « dans son domaine d'activité » plutôt que « qui entre en considération »). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2, en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Aux termes de l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

Conformément à l'art. 4 LAI, l'invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (al. 1). L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (al. 2).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) – condition que l'intimé n'a pas considérée comme remplie en admettant une incapacité totale de travail du 22 juillet 2016 au 6 février 2017 – ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

Selon l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi‑rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

6.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanent d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-     Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

6.4 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui – en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part –, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

6.4.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

6.4.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

6.4.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération – notamment des symptômes – ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

Dans le même sens, en ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

6.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

7.              

7.1 En l’espèce, le rapport d'expertise du 30 septembre 2022 de la Dre F______ répond, sur le plan formel, aux exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante. En effet, cette expertise psychiatrique a été conduite par une médecin spécialisée dans le domaine concerné, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier. Ladite experte a personnellement examiné la recourante préalablement à l'établissement de son rapport d'expertise, et elle a consigné les renseignements anamnestiques pertinents, recueilli les plaintes de l'assurée et résumé ses propres constatations. Elle a en outre énoncé les diagnostics retenus et répondu à toutes les questions posées. Enfin, ses conclusions sont claires et bien motivées.

7.2 La recourante ne conteste pas les constatations effectuées par la Dre F______, telles que contenues dans son rapport d’expertise.

Elle se plaint en revanche de ce que « cette expertise, émaillée de considérations en contradiction complète avec l’état de fait, constitue in fine une « seconde opinion » en violation de l’art. 43 al. 1 LPGA, en tant qu’elle remet en cause les conclusions de l’expertise du 28 mai 2018 ayant fondé initialement [son] droit à une rente ».

7.3 On ne voit cependant pas en quoi l’experte F______ s’écarterait des constatations, appréciations et conclusions des experts C______ et D______ et effectuerait une appréciation différente de l’état de fait existant en 2018, qui, selon l’assurée, serait pour l’essentiel demeuré inchangé, d’où d’après elle une absence de motif de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA.

En effet, la Dre F______ ne remet aucunement en cause les conclusions du rapport d’expertise des Drs C______ et D______, en particulier ni le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F33.2), ni l’incapacité totale de travail, pour la période antérieure au mois de mai 2021 ; elle retient simplement une amélioration de l’état de santé de l’expertisée à partir de ce mois-ci.

Certes, alors que le trouble de la personnalité dépendante (F60.7) depuis le début de l’âge adulte constituait un diagnostic avec une répercussion sur la capacité de travail selon le rapport d’expertise de 2018, l’experte F______ « ne [retient] pas un trouble de la personnalité incapacitant, car l’assurée a pu travailler sans limitations dans le passé, elle a pu se former, travailler durant cinq années et ce trouble n’est pas décompensé dans l’absence de tout traitement pharmacologique, sans hospitalisation psychiatrique récente, sans suivi psychiatrique » (p. 38). Il s’agit toutefois d’une divergence peu importante et sans conséquence sur la question centrale qui est celle de la capacité de travail. En effet, d’une part, le caractère incapacitant du trouble de la personnalité dépendante (F60.7) diagnostiqué par les experts C______ et D______ était selon eux intrinsèquement lié à son interaction avec les épisodes dépressifs, dont il « [constituait] le fond propice sur lequel [ceux-ci avaient] pu se développer » (p. 11) ; d’autre part, la Dre F______ retient le diagnostic de trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile, dépendante et anxieuse (F61), relativement proche dans le présent contexte de celui posé par les précédents experts, et elle décrit sur quels symptômes notamment son diagnostic repose, de telle sorte qu’on ne voit pas ce trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile, dépendante et anxieuse n’aurait pas une influence sur la gravité des épisodes du trouble dépressif, lequel est incapacitant aussi pour l’experte F______ ; selon elle, « les troubles dépressifs moyens depuis mai 2021 au présent » s’insèrent dans le « le contexte dudit trouble de la personnalité » (p. 30).

Le diagnostic de troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique (F33.11) « depuis mai 2021 au présent » posé par l’experte F______ au lieu de l’épisode dépressif sévère retenu par les experts précédents pour la période couverte par leur rapport d’expertise de 2018, n’est à juste titre pas contesté par la recourante, ce d’autant qu’en mai et juin 2021 son médecin généraliste traitant, respectivement son psychiatre traitant (du CAPPI) ont fait état d’un épisode dépressif léger, respectivement moyen. C’est de manière non pertinente que l’intéressée soutient que ce passage d’un épisode dépressif sévère à moyen ne constituerait pas un motif de révision ; en effet, d’une part, l’amélioration de l’état psychique – non passagère – que ce changement de diagnostic dénote est susceptible de constituer un des éléments importants pouvant justifier une révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA ; d’autre part, la Dre F______ ne s’est pas limitée à ce passage à un diagnostic de moindre gravité pour conclure à une incapacité de travail de 50% – contre 100% auparavant – dans toute activité, cette conclusion reposant sur un examen complet et approfondi de la situation de l’expertise en conformité avec la grille d’analyse avec les indicateurs développés par le Tribunal fédéral.

7.4 Pour le surplus, on ne voit pas en quoi serait « bien curieuse » la « manière de mettre en scène les déclarations de la recourante » dans le rapport d’expertise, dans le chapitre relatif au « déroulement détaillé et représentatif d’une journée type, […] ». En effet, à teneur de ce rapport, « l’intéressée a de la peine à décrire une journée type car elle ne fait pas la différence entre le matin, midi et soir, étant capable de dormir toute la journée. Ainsi, elle se réveille souvent le soir, elle regarde des séries toutes la nuit, elle fait une pause, puis elle lit le journal, ou inversement. Elle dit qu’elle n’a aucune routine ni aucune hygiène de vie. Elle peut passer des heures couchées dans son lit et rêver ou regarder la télévision. Elle a une certaine routine uniquement quand elle a des contraintes, comme participer aux entretiens d’expertise, ou voir sa psychiatre toutes les trois semaines, faire les courses, le ménage, préparer les repas, l’administratif, mais elle fait le strict minimum en étant ralentie par sa fatigue et sa tristesse » (p. 19).

L’assurée ne précise pas en quoi ces assertions de l’experte seraient problématiques.

Au contraire, la citation qui précède constitue une sorte de synthèse des réponses précises de l’expertisée sur ses activités reproduites ensuite. Ces réponses consistent notamment en ce qui suit : « l’assurée décrit un sommeil irrégulier, avec une inversion du rythme nycthéméral, une hypersomnie et des périodes d’insomnie » ; elle « a des contacts téléphoniques avec ses parents [dans son pays d’origine] et elle dit ne pas avoir d’entourage amical » ; concernant ses occupations quotidiennes, elle « lit le journal online de temps en temps avec des pauses », elle « écoute beaucoup de musique », comme « échappatoire », avec des écouteurs, elle n’a pas de télévision – divergence de détail par rapport à la synthèse ci-dessus qui peut s’expliquer par une inadvertance –, elle regarde des séries sur internet, elle « passe presque toute la journée sur l’ordinateur » et elle « surfe sur les réseaux sociaux pour voir des photos paradisiaques et d’architecture » (p. 19-20). Par ailleurs, concernant les « activités familiales », « l’intéressée dit que lors de ses voyages [dans son pays d’origine], l’unique activité est d’aller aux courses et sa mère lui propose de sortir et de venir boire un café avec elle et des amis et elle y va ponctuellement. Ses uniques sorties c’est quand ses parents font des excursions avec une amie qui organise des excursions [dans ce pays], pendant un à deux jours. Elle aime beaucoup ces excursions, mais elle ne peut pas en faire trop » (p. 20).

Dans ce contexte et au regard de l’ensemble des constations et appréciations du rapport d’expertise de la Dre F______, il n’y a, contrairement à ce que prétend la recourante, rien de « stupéfiant » ou erroné dans le fait que cette experte « [retient] des incohérence dans le sens que l’assurée estime que son état n’a globalement pas changé depuis 2015 au présent, alors que selon les rapports de ses psychiatres elle présente des épisodes dépressifs légers ou moyens depuis mai 2021 au présent, alors qu’auparavant elle présentait des épisodes dépressifs sévères. Il en est de même lorsqu’elle estime qu’elle ne peut rien faire au niveau professionnel et qu’elle ne fait quasi rien dans la journée type, alors qu’elle gère seule, sans aide extérieure son quotidien, les courses, la préparation des repas simples, la vaisselle, l’administratif, le ménage, elle part en vacances à l’étranger trois fois par année, sans anhédonie totale mais partielle, fait des excursions [dans son pays d’origine], des jeux vidéo, écoute de la musique, regarde la télévision plusieurs heures par jour, surfe sur les réseaux sociaux, sans isolement social total mais partiel » (p. 23 et 31).

Enfin, on ne voit pas ce qu’il y a de problématique ou contradictoire dans le fait que l’experte F______, notamment après avoir reproduit les réponses de l’expertisée à sa question « Comment voyez-vous votre avenir personnel et professionnel ? » (p. 13), écrit que « l’assurée décrit des avantages secondaires dans le sens d’une difficulté à retrouver un emploi avec une démotivation après une longue pause professionnelle dans un contexte de quelques poursuites, de déconditionnement et de besoin de temps pour ses activités quotidiennes comme la télévision, les jeux vidéo, écouter la musique, etc. » (p. 31). À cet égard, ces bénéfices secondaires selon l’experte ne sont que partiels. En effet, l’experte expose plus loin ce qui suit, sous « cohérence » : « Nous avons objectivé une bonne cohérence entre la plupart des plaintes subjectives et le constat objectif, le décalage existant entre la fatigue et le constat objectif, s’inscrivant dans un contexte d’un trouble de la personnalité mixte avec des bénéfices primaires et secondaires, mais sans exagération volontaire des plaintes ou de la journée type » (p. 42). Puis, sous « limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie », la Dre F______ retient « des capacités et ressources personnelles modérées d’un point de vue psychiatrique » (p. 42) ; en effet, la recourante « gère seule son quotidien avec une fatigue et une tristesse qui la ralentissent et font qu’elle a besoin de plus de temps, alors qu’elle ne bénéficie pas d’un traitement antidépresseur, sans traitement psychiatrique hebdomadaire mais une fois toutes les trois semaines » (p. 30), mais elle a néanmoins aussi « des limitations fonctionnelles psychiatriques modérées significatives et uniformes dans les domaines de la vie courante selon l’anamnèse, la journée type et l’examen clinique » (p. 42).

Ainsi, sous l’angle en particulier de la catégorie « Cohérence » des indicateurs développés par le Tribunal fédéral, le rapport d’expertise de la Dre F______ résiste entièrement à la critique.

7.5 De surcroît, les appréciations et conclusions de l’experte F______ apparaissent d’autant moins critiquables que la recourante ne produit aucun avis de médecins qui les contesteraient.

Au demeurant, selon le rapport du 2 juin 2021 du Dr E______ (du CAPPI), « (…), plusieurs traitements psychotropes ont été administrés par le passé, actuellement interrompus avec l’accord de son médecin traitant, en raison de troubles métaboliques notamment. Le maintien à l’écart de toute activité professionnelle a permis une diminution des symptômes dépressifs. Pour autant, ils restent présents. Elle décrit une amélioration globale de son état et de sa situation avec toutefois la récurrence d’un trouble manifeste, actuellement modéré. Sur le plan professionnel, il lui est actuellement impossible de se projeter dans un éventuel emploi, source de tension interne et d’anxiété majeure » (p. 2). Ce rapport du Dr E______, spécialiste en psychiatrie, apparaît ainsi sans divergences significatives – hormis concernant l’incapacité de travail – par rapport à celui de l’expert F______.

7.6 Par surabondance, est également en faveur de la diminution de l’incapacité de travail de 100% à 50% dans toute activité le fait que l’assurée ne prend plus de médicaments (au plan psychique) depuis 2019, contre un antidépresseur (duloxétine, Cymbalta) et un antipsychotique atypique (aripiprazole, Abilify) jusqu’en 2018, et ne voit sa ou son psychiatre traitant (du CAPPI) qu’une fois toutes les trois ou quatre semaines, comme à l’époque de l’établissement en 2018 du rapport d’expertise des Drs C______ et D______. Ceux-ci ont du reste considéré que la capacité de travail pouvait encore être améliorée de façon sensible par des mesures médicales, par « une intensification du travail psychothérapeutique avec une orientation TCC dans le cadre d’entretiens hebdomadaires », accompagnée d’une prise en charge de l’hypothyroïdie et le cas échéant d’un changement d’antidépresseur (p. 17). Au demeurant, le Dr E______ recommande la « poursuite du suivi psychiatrique ambulatoire » et la « réévaluation de la reprise d’un traitement médicamenteux antidépresseur adapté (profil métabolique favorable) » (rapport du 2 juin 2021, p. 2).

C’est ainsi de manière convaincante que l’experte F______ considère ce qui suit : « L’absence d’un traitement antidépresseur qui a été pris dans le passé lors des épisodes dépressifs sévères précédents, sans hospitalisation psychiatrique depuis plusieurs années, avec un suivi psychiatrique une fois toutes les trois semaines et pas hebdomadaire, plaide aussi indirectement contre un trouble incapacitant à 100%, contre une décompensation du trouble de la personnalité et contre des limitations fonctionnelles sévères, mais plutôt modérées » (p. 31).

De surcroît, selon la jurisprudence, le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation – malgré une coopération optimale de l'assuré – sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. À l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence). En outre, la prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

Or dans le cas présent, selon l’experte F______ – à l’instar d’ailleurs des précédents experts et du Dr E______ –, « un suivi psychiatrique hebdomadaire avec un traitement antidépresseur bien dosé peuvent améliorer la capacité de travail » ; toujours selon la Dre F______, « l’assurée ne présente pas de trouble psychique ne lui permettant pas de comprendre la nécessité d’un traitement adéquat », avec la précision qu’« au cas où elle refuse les soins ceci peut être considéré comme un choix de vie » (p. 44).

7.7 En définitive, aucun indice concret ne permet de s’écarter des conclusions convaincantes de l’experte F______, dont le rapport d’expertise a pleine valeur probante.

Il s’ensuit qu’au plan médical, l’incapacité de travail de la recourante dans toute activité est bien passée de 100% à 50% à partir de mai 2021.

8.              

8.1 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.2 En l’espèce, c’est de manière conforme au droit que l’intimé a repris le taux d’incapacité de travail pour la fixation du degré d’invalidité (50%).

En effet, une simple comparaison de pourcentage peut suffire lorsque l’assuré dispose d’une capacité résiduelle de travail dans son activité habituelle et qu’aucune autre activité n’est mieux adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le taux d’invalidité est alors identique au taux d’incapacité de travail (cf. ATF 114 V 310 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_562/2022 du 12 septembre 2023 consid. 6 et les références).

Pour le surplus, en l’absence de salaire statistique comme base du revenu avec invalidité, il n’y a pas de place ici pour un éventuel abattement (cf., a contrario, ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).

8.3 C’est donc conformément au droit, notamment l’art. 28 al. 2 LAI, que l’OAI a remplacé la rente entière d’invalidité par une demi-rente à partir du deuxième mois suivant la notification de ladite décision (art. 88bis al. 2 let. a RAI), à savoir le 1er mars 2023, basée sur un degré d’invalidité de 50%.

9.             La décision querellée étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

10.         La procédure n'étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), un émolument de CHF 200.- (montant minimal) sera perçu de la recourante, qui n’obtient pas gain de cause.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le