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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3470/2022

ATAS/65/2024 du 30.01.2024 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3470/2022 ATAS/65/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 janvier 2024

Chambre 2

 

En la cause

A______

représenté par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Le 29 avril 2022, Monsieur A______ (ci-après: l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1984, marié et père de deux enfants mineurs, a fait l'objet d'une "déclaration de sinistre LAA" de la part de l’office cantonal des assurances sociales (ci-après : OCAS), du fait qu’il accomplissait une mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité (ci-après : AI), plus précisément une orientation professionnelle au sein d’un atelier – d’horlogerie – pour la période du 1er février au 1er mai 2022.

La date du sinistre indiquée était le 23 mars 2022, et, selon les faits décrits, « l’assuré circulait avec sa trottinette quand en passant sur un dos d’âne, il a chuté et s’est réceptionné sur son coude et son épaule gauche. Malgré les douleurs, il a poursuivi son stage. En date du [20 avril 2022], suite à l’inflammation de son coude et des douleurs au niveau de l’épaule gauche, il a consulté un médecin à la Clinique de Carouge [ci-après : la clinique] afin de bénéficier de soins (piqûres au niveau du coude) et de divers examens (échographie et IRM), celui-ci a ensuite continué son stage jusqu’au [28 avril 2022] ». La blessure principale portait sur le coude gauche, consistant en une inflammation, et il y avait aussi une contusion à l’épaule gauche.

Il y a eu une incapacité totale de travail pour cause d’accident depuis le 28 avril 2022 jusqu’au 15 mai 2022, comme attesté par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale au sein de la clinique.

Le 20 avril 2022, le docteur C______, radiologue FMH, a conclu, d’une IRM de l’épaule gauche réalisée le même jour, à une rupture complète du tendon supra-épineux et partielle transfixiante du tendon infra-épineux, et, à la suite d’une échographie de ladite épaule, à une « probable rupture totale et rétraction du tendon sus-épineux gauche » et une « rupture au moins partielle à la jonction myotendineuse du tendon sous-épineux gauche ». Le lendemain, à propos d’une infiltration du coude gauche sous échographie le 20 avril 2022, ce radiologue a conclu à une « infiltration d’une bursite olécranienne gauche, sans complication pendant ni immédiatement après le geste ».

Dans un rapport 20 avril 2022 également, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne générale auprès de la clinique, a notamment repris les conclusions de ce radiologue.

Il ressort de rapports des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) que l’intéressé y a séjourné pour urgences le 28 avril 2022. À la suite d’une radiographie du coude du même jour, le service de radiologie desdits hôpitaux a établi un rapport du 29 avril 2022, auquel s’est ajouté un rapport du service de médecine de premier recours du 1er mai 2022.

b. Dans le cadre de l'assurance-accidents obligatoire, l'assureur-accidents compétent, à savoir la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après: la SUVA, la caisse ou l’intimée), a, selon sa lettre du 16 mai 2022, pris en charge les suites de l'accident du 23 mars 2022, par les frais de traitement et des indemnités journalières, et a instruit le cas, recevant notamment des avis médicaux.

c. Le 21 juin 2022, l’assuré a été opéré à l’Hôpital de La Tour par le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, opération consistant, selon son rapport du 27 juin suivant, en une arthroscopie de l’épaule avec ténodèse du long chef du biceps, réparation de la coiffe des rotateurs et tendons, acromioplastie, mais « pas de résection du cm externe-externe de la clavicule ».

d. Selon un rapport du 27 juillet 2022 du médecin-conseil de la SUVA, le docteur F______, médecin d'arrondissement et spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, il résultait en particulier d’un état dégénératif antérieur à l’accident que la veille de l’intervention réalisée par le Dr E______, cet événement avait cessé ses effets de causalité naturelle et vraisemblance prépondérante.

Par décision du même 27 juillet 2022 se référant à cette appréciation du Dr F______ et considérant que l’état de santé tel qu’il aurait été sans l’accident 23 mars 2022 pouvait être considéré comme atteint depuis le 20 juin 2022 au plus tard, veille de l’opération réalisée, la caisse a informé l’assuré être tenue de clore son cas le 7 août 2022 et de mettre un terme à cette même date aux prestations d’assurance (indemnités journalières et frais de traitement).

e. Par écrit signé par son conseil du 9 septembre 2022, l’intéressé a formé opposition contre cette décision, soulignant n’avoir jamais vu le Dr F______, dont l’avis était entièrement contesté.

f. En parallèle, le 4 août 2022, le Dr E______ a certifié une capacité de travail nulle de l’assuré du 18 août au 18 septembre puis du 19 septembre au 19 octobre 2022, pour cause d’accident, comme il l’avait déjà fait pour les périodes du 16 mai au 16 juin, du 16 juin au 16 juillet et du 17 juillet au 17 août 2022.

g. Le 10 août 2022, la caisse a reçu de la clinique, sous la signature de la doctoresse G______, spécialiste FMH en médecine interne générale, un « rapport initial LAA », non daté.

h. Par décision sur opposition rendue le 20 septembre 2022, la SUVA a rejeté l’opposition du 9 septembre 2022, confirmant ainsi sa décision – initiale – du 27 juillet 2022.

B. a. Par acte du 20 octobre 2022, l’assuré a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition, concluant à ce qu’il ait droit aux prestations de l’intimée au-delà du 7 août 2022, pour une durée encore indéterminée, subsidiairement à ce que soit ordonnée toute mesure probatoire utile et mise en œuvre d’une expertise judiciaire.

Était notamment produit un écrit du Dr E______ se référant à une consultation du 4 août 2022 et adressé au docteur H______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin généraliste traitant de l’intéressé, ce à quoi s’ajoutaient des certificats d’incapacité totale de travail pour cause d’accident établis par le Dr E______ pour deux périodes allant du 19 septembre au 20 novembre 2022.

b. Le 31 octobre 2022, le recourant a spontanément produit un rapport adressé le 27 octobre 2022 par le Dr E______ et le docteur I______, aussi spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et « chef de clinique », à son avocat et concluant à une suspicion d’origine traumatique de la lésion du patient et à un lien de causalité au degré de la vraisemblance prépondérante entre l’accident du 23 mars 2022 et les lésions au niveau de l’épaule gauche ayant conduit à l’opération du 21 juin 2022.

c. Par réponse du 9 décembre 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Était annexée une « appréciation médicale » du 22 novembre 2022 du Dr F______ persistant dans ses précédentes conclusions.

Il est relevé qu’une partie du dossier produit par la caisse concernait les suites d’un accident dans des escaliers survenu le 28 mai 2019 et ayant touché le membre supérieur droit, annoncé par un ancien employeur à la SUVA. Par appréciation du 30 septembre 2021 faisant suite à un examen clinique de la veille, le Dr F______ avait diagnostiqué une rupture massive de la coiffe des rotateurs sur l’épaule droite « extrêmement dégénérative malgré le jeune âge », « rupture massive en deux temps, avec une première rupture en 2013 suivie d’un diagnostic d’un suivi thérapeutique inexistant en tout cas dans le suivi, puis une atrophie des muscles de la coiffe et, à la suite d’une nouvelle chute, une rupture massive de la coiffe avec échec de deux tentatives de réinsertion ». Le même 30 septembre 2021, il avait estimé l’atteinte à l’intégrité à 30%, en se référant à un tableau de la SUVA et considérant qu’il s’agissait d’« une périarthrite scapulo-humérale grave à 25%, majorée d’un état pseudo-paralytique comme dans une paralysie supérieure du plexus brachial, 30% », ce dernier chiffre étant retenu. À la suite de ces appréciations de ce médecin d’arrondissement, la caisse avait, par lettre du 1er octobre 2021, mis un terme au versement des indemnités journalières et des frais de traitement avec effet au 31 décembre 2021. Par décision du 4 novembre 2021, elle avait refusé l’octroi d’une rente d’invalidité faute de perte de gain suffisante (celle-ci étant fixée à 1%) et avait accordé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) de 30%.

d. Le 10 janvier 2023, le recourant a répliqué.

e. Les 12 et 13 janvier 2023, il a produit un rapport complémentaire du Dr E______, signé aussi par le Dr I______.

f. Le 7 février 2023, l’intimée a persisté dans sa position, en se fondant notamment sur une nouvelle « appréciation médicale » établie le 30 janvier 2023 par le Dr F______.

g. À la demande de la chambre de céans, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) a transmis les 21 et 22 février 2023 le dossier AI de l’intéressé, qui faisait suite à une « demande de prestations AI pour adultes : mesures professionnelles/rente » déposée le 29 janvier 2020 en raison de la « lésion épaule droite ».

h. Le 16 mars 2023, l’intimée s’est déterminée sur ce dossier AI, avec en annexe une « appréciation médicale » du 15 mars 2023 du Dr F______ persistant dans ses précédentes conclusions.

i. Le 18 avril 2023, le Dr E______ a spontanément adressé à la chambre des assurances sociales un rapport (courrier), « [désirant] donc être entendu et confronté aux experts de la SUVA sur ce dossier ».

j. Le 24 avril 2023, le recourant a transmis à la chambre de céans trois communications du 18 avril précédent de l’OAI, relatives à l’« assurance-accidents pendant une mesure de réadaptation », ainsi que, pour la période du 1er mai au 28 octobre 2023, au « conseil et suivi selon l’art. 14quarter LAI » et à l’« octroi d’un placement à l’essai, art. 18a LAI ».

k. Le 27 avril 2023, l’intimée a renvoyé à ses précédentes observations.

l. Le 17 mai 2023, elle a présenté des « appréciations médicales » des 10 et 16 mai 2023 du Dr F______.

m. Le 31 mai 2023, le Dr E______ a spontanément adressé à la chambre des assurances sociales un courrier, contestant l’appréciation du Dr F______.

n. Le 27 juin, respectivement 12 juillet 2023, l’intimée et le recourant ont persisté dans leurs conclusions respectives.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Interjeté dans la forme et le délai - de trente jours - prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, si ladite loi n'en dispose pas autrement, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

4.1.1 Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

4.1.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

4.1.3 Les prestations que l'assureur-accidents doit, cas échéant, prendre en charge comprennent le traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA), les indemnités journalières en cas d'incapacité de travail partielle ou totale consécutive à l'accident (art. 16 LAA), la rente en cas d'invalidité de 10% au moins par suite d'un accident (art. 18 al. 1 LAA), ainsi qu'une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (IPAI) si l'assuré souffre par suite de l'accident d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique (art. 24 al. 1 LAA).

L’art. 19 LAA dispose que le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’AI ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (al. 1). Le droit à la rente s’éteint lorsque celle-ci est remplacée en totalité par une indemnité en capital, lorsqu’elle est rachetée ou lorsque l’assuré décède (al. 2).

4.2 En l’occurrence, il semble que, suivant son médecin d’arrondissement, l’intimée a retenu un rapport de causalité entre l’accident du 23 mars 2022 et les atteintes prises ensuite en charge par des médecins aux coude et épaule gauches jusqu’au 19 juin 2022. À partir de sa position du 27 juillet 2022, elle considère toutefois que l’état de santé tel qu’il aurait été sans l’accident 23 mars 2022 peut être considéré comme atteint depuis le 20 juin 2022 au plus tard, veille de l’opération réalisée par le Dr E______, la caisse informant ainsi l’assuré clore son cas le 7 août 2022 et mettre un terme à cette même date aux prestations d’assurance (à l’époque indemnités journalières et frais de traitement).

La question présentement litigieuse consiste donc à savoir si les atteintes à la santé en cause sont encore imputables à l'accident du 23 mars 2022 ou ne le sont plus (statu quo ante ou statu quo sine), notamment au regard de l’état préexistant des parties du corps concernées (coude et épaule gauches).

De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement – ici au 20 septembre 2022 (date du prononcé de la décision sur opposition querellée) –, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

4.3 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

4.3.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

4.3.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.4).

Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes mêmes faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.6).

Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

4.4 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Au surplus, si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst. ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

Enfin, conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

5.              

5.1 En l’espèce, les Drs D______ et BA, de la clinique, notent tous deux, un bon état général du recourant. En particulier, le Dr D______, dans son rapport du 20 avril 2022, indique dans l’anamnèse : « Patient de 38 ans, connu pour un antécédent de lésion de la coiffe des rotateurs à droite, qui a chuté en trottinette il y a 2 semaines, réception sur le coude gauche, avec depuis douleur occasionnelle de l’épaule gauche et sensation de faiblesse, et apparition d’une tuméfaction en regard de l’olécrane du coude gauche, indolore. A pris Dafalgan et Irfen ». Comme le radiologue C______, il pose les diagnostics de « bursite coude [gauche] », de même que, pour l’épaule gauche, de « rupture partielle du tendon infra-épineux [ou sous-épineux] et complète du tendon supra-épineux [ou sus-épineux] [gauche] ».

Il sied de relever que dans son rapport également du 20 avril 2022 se référant à l’IRM de l’épaule gauche, ledit radiologue mentionne une « arthrose acromio-claviculaire du grade I modérée, non active ».

Le 21 juin 2022, l’assuré a été opéré à l’épaule gauche auprès de l’Hôpital de La Tour par le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Dans son rapport du 27 juin suivant, ce spécialiste diagnostiqe une « lésion transfixiante massive de type E selon Collin (Collin, E______ J Shoulder Elbow Surg 2014) [aux dépens] du(des) tendon(s) sus-épineux sous-épineux gauche », « pas de signe de conflit sous-acromial », une « tendinopathie et/ou instabilité du long chef du biceps », « pas d’arthropathie acromio-claviculaire symptomatique ». Cette opération a consisté en une arthroscopie de l’épaule avec ténodèse du long chef du biceps, réparation de la coiffe des rotateurs et tendons, acromioplastie mais « pas de résection du cm externe-externe de la clavicule ». Le Dr E______ décrit ensuite cette intervention, en premier lieu le « temps gléno-huméral » et en second lieu le « temps sous-acromial ».

5.2 Dans sa première appréciation, du 27 juillet 2022, le Dr F______, médecin d’arrondissement de l’intimée et également spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, après lecture des rapports médicaux reçus par la SUVA, constate, « à la fois sur les radiographies du coude, des modifications ostéoarticulaires relativement importantes, témoins d’un travail de force ancien et sur les épaule également d’atteinte évoquant une atteinte chronique et il n’est pas possible, en causalité naturelle et vraisemblance prépondérante, d’avoir sur le type d’événement décrit, à cet âge, un mois après l’événement, des rétractions tendineuses, des amyotrophies, des infiltrations graisseuses sans que celles-ci soient apparues préalablement à l’événement. Cet état dégénératif est celui qui entre pour la création des lésions en causalité naturelle et en vraisemblance prépondérante de niveau probable et non l’événement. Il en résulte que la veille de l’intervention réalisée par le Dr E______, cet événement avait cessé ses effets de causalité naturelle et vraisemblance prépondérante ».

Selon la conclusion du rapport adressé le 27 octobre 2022 par les Drs E______ et I______ à l’avocat de l’intéressé, « l’âge du patient, l’absence d’antécédents médicaux au niveau de l’épaule gauche, le traumatisme adéquat et les images IRM avec l’important œdème musculaire et un moignon tendineux résiduel au niveau de la grande tubérosité doivent faire suspecter une origine traumatique de cette lésion et un lien de causalité au degré de la vraisemblance prépondérante entre l’accident du 23 mars 2022 et les lésions au niveau de l’épaule gauche [ayant] conduit à l’opération du 21 juin 2022 ». En outre, d’après ce rapport, « des troubles dégénératifs mineurs, tels qu’une arthrose acromio-claviculaire par exemple, symptomatiques ou non symptomatiques dépendants de l’individu, sont fréquents après l’âge de 30 ans et ne devraient plus être pris en compte pour décider du caractère traumatique ou dégénératif d’une lésion ».

Dans son « appréciation médicale » du 22 novembre 2022, le Dr F______ cite les « faits pertinents selon les pièces du dossier » et effectue sa propre évaluation de la documentation radiologique. Dans ce cadre, il s’interroge sur la compatibilité entre le stage au sein de l’atelier d’horlogerie – du 1er février au 1er mai 2022 – comme mesure de l’AI avec la « difficulté active d’élévation vers l’horizontale avec une limite de 30°, en élévation antérieure et abduction » concernant l’épaule droite, ayant justifié l’IPAI de 30%. Il regrette l’absence de production par le Dr E______ du rapport pré-opératoire de l’épaule gauche. Selon le médecin d’arrondissement de la caisse, notamment, le fait qu’à teneur du rapport – « initial » d’après lui – du Dr D______ du 20 avril 2022 il y ait « épaule non déformée, douleur à la palpation du muscle sous-épineux », « pas de limitation des amplitudes, faiblesse M4+ lors de la rotation externe contre résistance, sans douleur », et « jobe négatif », plaide contre une rupture massive récente de la coiffe des rotateurs. Le fait que, selon le rapport des HUG du 28 avril (recte : 1er mai) 2022, « le patient n’a pas consulté d’emblée, a pris du Dafalgan et de l’Irfen pendant une semaine, puis la douleur a disparu, mais il a présenté une tuméfaction du coude gauche », montre bien une disparition des douleurs de l’épaule gauche, incompatible avec une atteinte massive de la coiffe initiale. En tenant compte des controverses et divergences – théoriques – au sein de différents groupes d’experts internationaux, le Dr F______ examine ensuite les éléments en faveur et en défaveur d’une origine traumatique concernant l’atteinte à l’épaule gauche et opte pour l’origine dégénérative, tout en semblant admettre que la contusion du coude avec hématome a résulté de l’accident du 23 mars 2022. Il est par ailleurs surpris de découvrir que l’assuré, de notoriété publique, est un cycliste de haut niveau, le cyclisme de haut niveau (« classe internationale ») pouvant avoir des effets négatifs sur les coudes et les épaules.

Selon les observations de l’intimée du 9 décembre 2022, le Tribunal fédéral a refusé une valeur probante à l’article controversé du Dr E______ et autres intitulé « Lésions transfixiantes dégénératives ou traumatiques de la coiffe des rotateurs, Forum médical suisse 2019.

Dans leur rapport produit les 12 et 13 janvier 2023 par le recourant, les Drs E______ et I______ considèrent que le traitement conservateur de l’épaule droite – en particulier par le Dr E______ lui-même (cf. entre autres un rapport de ce dernier du 4 mars 2021) – a permis au patient de travailler dans un atelier d’horlogerie. D’après les Drs E______ et I______, le groupe suisse d’experts épaule-coude s’est opposé aux arrêts du Tribunal fédéral cités par la SUVA. En outre, l’œdème musculaire est ici un facteur clé qui signe chez le patient une origine traumatique de la déchirure de la coiffe des rotateurs. Sont produites des photographies d’IRM comparatives sans œdème.

Le 30 janvier 2023, le Dr F______ persiste dans son appréciation.

Le 15 mars 2023, ledit médecin d’arrondissement se réfère au dossier AI et au dossier précédent de la SUVA (afférent à l’épaule droite), en particulier au rapport établi le 21 janvier 2021 par le docteur J______, radiologue FMH auprès de l’Institut d’imagerie K______, faisant notamment suite à des « radiographies des épaules droites et gauche face » réalisées le 18 janvier 2021 et notant, concernant l’épaule gauche, « absence de pincement de l’espace sous-acromial », « absence d’enthésophyte sous-acromial », « absence de calcification en regard des tendons de la coiffe des rotateurs », « intégrité de l’interligne articulaire gléno-huméral », « ébauche ostéophytaire marginale glénoïdienne inférieure », « absence de calcification intra-articulaire », enfin « arthrose acromio-claviculaire ». Le Dr F______ s’écarte de ces énoncés et note, sur la base de son analyse personnelle de ces clichés radiologiques, que le cintre entre l’omoplate et la tête humérale est rompu avec une ascension de ladite tête humérale. Il effectue sur ce point des mesures en mm (tête humérale par rapport à l’espace sous-acromial).

Dans son rapport (courrier) adressé le 18 avril 2023 à la chambre de céans, le Dr E______ retient une absence de lien entre l’ancienne carrière de cycliste de l’intéressé et l’atteinte présentement en cause, en particulier le pincement acromio-claviculaire. S’agissant de l’analyse des clichés radiologiques du 18 janvier 2021, il revient sur deux points cruciaux selon lui, à savoir le « cintre scapulo-huméral » et la « distance acromio-humérale », et il se prononce sur les mesures faites par le Dr F______. Il « [maintient] donc les allégations précédentes et [se réjouit] de pouvoir rediscuter de ce cas fantastique, notamment de l’œdème de rétraction, de l’absence d’infiltration graisseuse significative et tous les autres signes qui démontrent une causalité naturelle et une vraisemblance prépondérante d’une atteinte traumatique ». Il « désire donc être entendu et confronté aux experts de la SUVA sur ce dossier ».

Les « appréciations médicales » des 10 et 16 mai 2023 du Dr F______ confirment en substance les argumentations et conclusions précédentes de celui-ci.

Selon le courrier adressé le 31 mai 2023 à la chambre des assurances sociales par le Dr E______, l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_740/2020 du 7 avril 2021 – un des trois cités le 9 décembre 2022 par l’intimée – concerne une situation clinique qui est différente et qui ne peut pas être extrapolée au présent cas. La plupart des allégations du Dr F______ ne sont pas scientifiquement démontrées, y compris lorsque ce dernier « s’évertue à calculer la distance acromio-humérale sur des clichés DICOM qui ne [nécessitent] pas de correction ». Selon le Dr E______, l’entièreté du dossier devrait être resoumis à un expert qualifié, comme lui-même. Enfin, il estime que la caisse refuse de se prononcer sur des points extrêmement importants, tels que l’œdème de rétraction et l’absence d’infiltration graisseuse significative.

5.3 Cela étant, force est de considérer qu’il existe un doute sur la fiabilité et la validité des constatations et appréciations du Dr F______, qui n’a pas examiné personnellement le coude et l’épaule gauches de l’assuré.

En effet, pour ce qui est de l’épaule gauche, la problématique de la causalité naturelle apparaît complexe dans le présent cas. Même ledit médecin d’arrondissement de la SUVA admet l’existence d’éléments en faveur d’une cause traumatique (liée à l’accident du 23 mars 2022) comme en défaveur, de même que l’existence de divergences théoriques au sein de différents groupes d’experts internationaux. Le Dr F______ s’écarte des constatations et appréciations du radiologue J______ effectuées plus d’une année auparavant concernant l’état de l’épaule gauche antérieur audit accident. Les rapports tant du Dr E______ que du Dr F______ sont circonstanciés et chacun des deux répond précisément aux allégués et arguments de l’autre. Pour le reste, la résolution du présent litige ne dépend pas uniquement d’éléments théoriques et juridiques, mais aussi d’une analyse approfondie de tous les éléments – notamment médicaux – de fait, de sorte qu’en tout état de cause les arrêts du Tribunal fédéral cités le 9 décembre 2022 par l’intimée ne permettent pas de trancher ce cas.

S’agissant du coude gauche, l’évolution de la situation dès mai 2022 déjà apparaît n’avoir été que très peu examinée et décrite par la caisse et son médecin d’arrondissement de même que par les médecins de l’intéressé, qui se sont tous plus concentrés sur l’épaule gauche. À cet égard, notamment, le rapport du service de radiologie des HUG du 29 avril 2022 émet des observations qu’il n’est en l’état pas possible de qualifier d’en faveur ou en défaveur d’un lien de causalité naturelle de l’atteinte au coude gauche avec l’accident du 23 mars 2022, puisqu’il observe : « pas de lésion ostéo-articulaire post-traumatique aiguë visible », « pas d’épanchement intra-articulaire », « tuméfaction des parties molles rétro-olécraniennes en faveur d’une bursite post-traumatique », « remaniements séquellaires de la tête radiale et de l’humérus distal ». Le Dr F______ semble lui-même admettre que la contusion du coude avec hématome a résulté de l’accident du 23 mars 2022, mais on ignore jusqu’à quelle date il reconnaît un rapport de causalité.

5.4 Ainsi, au regard de l'ensemble des éléments figurant au dossier, on ne peut en l'état pas exclure que des atteintes non seulement à l'épaule gauche mais aussi au coude gauche, ainsi qu'une incapacité de travail, totale ou partielle, et/ou des limitations fonctionnelles auraient perduré après le 19 juin 2022 et même au-delà du 7 août 2022, en lien de causalité avec l'accident du 23 mars 2022, lequel lien ne peut pas non plus être exclu pour l'opération du 21 juin 2022. Il est en l'état impossible de trancher la question de savoir si le statu quo ante ou statu quo aurait été atteint et, si oui, à quelle date.

Ne peut pas non plus être exclue, le cas échéant et suivant les circonstances, l'existence d'une éventuelle lésion – « assimilée » – au sens de l'art. 6 al. 2 LAA, que ce soit une déchirure de tendons (let. f) ou un autre type de lésion au sens de cet alinéa.

Vu ce qui précède, ce n'est pas sur la base d'une instruction suffisante que le médecin-conseil (médecin d’arrondissement) de la SUVA et cette dernière ont retenu (au degré de preuve de la vraisemblance prépondérante) une cessation d'effets de l'accident dès le 20 juin 2022, veille de l'opération à l'épaule gauche, voire dès le 7 août 2022.

5.5 Conformément à la jurisprudence citée plus haut, un renvoi à l'administration reste possible quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici. En l'occurrence, l'intimée s'étant contentée jusqu'à présent de recevoir des rapports des médecins traitants, surtout le Dr E______, et d'en critiquer les conclusions via son médecin d’arrondissement, dont la valeur probante des appréciations est en l’état insuffisamment établie, et ayant ainsi laissé la situation et l'évolution médicales très peu instruites, la cause lui sera renvoyée pour instruction complémentaire approfondie de la situation médicale du recourant ainsi que de son évolution et de ses effets en matière de capacité de travail, puis nouvelle décision.

Cette instruction complémentaire prendra en compte, en cas de continuation du rapport de causalité, l'évolution de l'état de fait jusqu'au prononcé de la nouvelle décision qui sera rendue et comprendra à tout le moins une expertise au plan orthopédique.

Le ou les experts auront accès à l’entier du dossier, donc y compris les images médicales (radiographies, IRM, etc.) et les dossiers de la SUVA concernant l’épaule droite, le dossier de l’AI ainsi que les écritures et rapports de la présente procédure de recours. Les questions auxquelles le ou les experts devront répondre porteront notamment sur les diagnostics (pour l’épaule et le coude gauches), le lien de causalité avec l’accident du 23 mars 2022 (en particulier portée de l’état antérieur et existence ou non d’un statu quo sine ou d’un statu quo ante), l’évolution, le cas échéant la stabilisation ou non de l’état de santé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA, la capacité de travail, les éventuelles limitations fonctionnelles.

Ce qui précède rend, pour l’instant à tout le moins, inutile une éventuelle audition par la chambre de céans des parties ainsi que des Drs E______ et F______.

6.             En définitive, le recours sera partiellement admis, la décision sur opposition querellée sera annulée et la cause sera renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

7.             Le recourant obtenant en majeure partie gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 

****


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition rendue le 20 septembre 2022 par l'intimée.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Alloue au recourant une indemnité de dépens de CHF 2'500.-, à la charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le