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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2179/2023

ATAS/43/2024 du 26.01.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2179/2023 ATAS/43/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 janvier 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______

représentée par Me Florian BAIER, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1972, mère de deux enfants nés le ______ 1997, respectivement le ______ 2000, a travaillé en dernier lieu en qualité d'accueillante familiale à 80% dans la structure B______ du 1er février 2012 au 15 mars 2019, date de la fin des rapports de travail consécutive à son licenciement. Elle s'est inscrite à l'office cantonal de l'emploi, et un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert en sa faveur dès le 21 mars 2019 avec un taux d'activité recherchée de 80%.

b. Le 27 juillet 2021, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), en invoquant une dépression pour laquelle elle était en traitement depuis novembre 2018, ainsi qu'une douleur chronique (fibromyalgie) existante depuis toujours.

c. L'Hospice général lui accorde une aide financière depuis le 1er septembre 2021.

d. Après avoir recueilli l'avis des médecins traitants, l'OAI, sur recommandation de son service médical régional (ci-après : SMR), a décidé de mettre en œuvre une expertise rhumato-psychiatrique, qui a été attribuée par C______ au centre D______.

e. Dans une note du 6 janvier 2023, l'OAI a retenu un statut mixte pour l'assurée à raison de 80% pour la part active et de 20% pour la part ménagère.

f. L'assurée a été examinée par le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, le 6 février 2023, et par le docteur F______, spécialiste FMH en rhumatologie, le 14 février 2023, qui ont rendu leur rapport d'expertise le 16 mars 2023. Dans leur évaluation consensuelle, ils ont posé les diagnostics de status post tendinopathie de l'épaule gauche traitée, non retrouvée ce jour, de tunnel carpien bilatéral à prédominance gauche justifiant un geste chirurgical, et de troubles anxieux et dépressifs mixtes (F41.2). La capacité de travail de l'assurée était jugée entière dans son activité habituelle depuis toujours, en dehors de la période post chirurgicale de son tunnel carpien.

g. Par avis du 28 mars 2023, le SMR a fait siennes les conclusions de l'expertise.

B. a. Dans un projet de décision du 20 avril 2023 (non contesté), l'OAI a annoncé à l'assurée qu'il entendait lui nier toute prestation, en l'absence d'une atteinte à la santé invalidante.

b. Par décision du 31 mai 2023, l'OAI a rejeté la demande de prestations.

C. a. Par acte du 30 juin 2023 complété le 24 août suivant, l'assurée, par l'intermédiaire de son avocat, a déféré cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la mise sur pied d'une expertise psychiatrique, et principalement, à l'annulation de cette décision, et à l'octroi d'une rente d'invalidité entière ou partielle dès le 1er août 2020, ainsi que, le cas échéant, de mesures de réadaptation professionnelle.

Elle a fait valoir qu'une expertise était nécessaire, dans la mesure où ses psychiatres traitants et l'expert psychiatre, qui n'avait du reste pas indiqué la fréquence et la durée de son examen, ne s'accordaient pas sur les diagnostics et le taux d'incapacité de travail.

La recourante a produit un rapport du 14 août 2023 du docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, relatif aux consultations des 13 et 26 juin, ainsi que du 10 juillet 2023, dans lequel il retenait un trouble dépressif récurrent moyen avec syndrome somatique (F33.11), et une capacité de travail de 50%.

b. Dans sa réponse du 21 septembre 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours, en considérant que le rapport d'expert bi-disciplinaire revêtait pleine valeur probante, et que l'analyse des indicateurs jurisprudentiels permettait de confirmer l'absence d'une atteinte psychiatrique incapacitante.

c. Dans sa réplique du 25 octobre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

d. Copie de cette écriture a été transmise à l'intimé pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

 

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

2.1.1 En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

2.1.2 En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt le 1er janvier 2022, soit six mois après le dépôt de la demande du 27 juillet 2021 (cf. art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité et à des mesures de réadaptation professionnelle.

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

4.2 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

4.3 Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

5.              

5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I.786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

5.2 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.3 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

5.4 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

6.              

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

6.2.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.2.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

6.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.2.4 En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I.514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_458/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence).

7.              

7.1 De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1).

7.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1 ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

8.              

8.1 En l'espèce, l'intimé s'est fondé sur l'avis du SMR du 28 mars 2023, lui-même basé sur le rapport d'expertise rhumato-psychiatrique du 16 mars 2023, pour nier le droit de la recourante à toute prestation de l'assurance-invalidité.

8.2 Sur le plan somatique, l'expert rhumatologue a étudié les pièces médicales au dossier, y compris celles apportées par l'expertisée (dossier intimé p. 130-131, 133-139, 154 et 160), recueilli les plaintes de celle-ci (p. 147-148), procédé à l'anamnèse (p. 148-149) et à l'examen clinique (p. 151-155), puis livré son appréciation du cas (p. 156-160).

L'expert, qui a relevé que l'examen était normal (p. 156), a exclu le syndrome de fibromyalgie selon les critères établis par l'American College of Rhumatology (ACR) 2010 revus en 2016 (p. 156), de même qu'un rhumatisme inflammatoire (p. 154, 157). Il a retenu les diagnostics de status post tendinopathie calcifiante de l'épaule gauche traitée, et de tunnel carpien gauche des deux côtés pour lequel il préconisait une opération (p. 157-158). Il a conclu à une pleine capacité de travail dans l'activité habituelle, sans diminution de rendement (p. 159), hormis durant la période post chirurgicale du tunnel carpien (p. 140).

Aucune pièce médicale ne fait état d'élément clinique ou diagnostique qui n'aurait pas été pris en compte par l'expert rhumatologue et pouvant justifier que l'on s'écarte du point de vue de celui-ci. Au demeurant, la recourante ne conteste pas l'appréciation de l'expert rhumatologue, qu'il convient donc de suivre.

8.3 Sur le plan psychique, l'expert psychiatre a également étudié les pièces médicales du dossier, y compris celles apportées par l'expertisée (dossier intimé p. 130-131, 133-139 et 177), tenu compte des plaintes de celle-ci (p. 161), procédé à l'anamnèse (p. 162-164) et à l'examen clinique (p. 167) complété par des examens de laboratoire (p. 167, 178-179), avant d'exposer son appréciation détaillée et motivée du cas (p. 169-177).

L'expert a retenu le diagnostic psychique, non incapacitant, de troubles anxieux et dépressifs mixtes (F41.2 ; p. 172), de gravité mineure (p. 173).

Il y a ainsi lieu d'examiner le caractère incapacitant ou pas de ce diagnostic au regard des critères jurisprudentiels (ATF 141 V 281 consid. 4).

8.3.1 S’agissant de la catégorie « degré de gravité fonctionnelle », l'expert psychiatre a constaté que la recourante était orientée aux quatre modes. L'humeur était neutre la majeure partie de l'entretien. Elle avait pleuré au début de celui-ci pendant cinq à six minutes et indiqué être stressée par l'expertise, mais elle s'était détendue au fur et à mesure, et était à la fin souriante (p. 166-167, 170). Elle avait pleuré également durant deux à trois minutes lorsqu'elle avait évoqué tant sa séparation avec le père de ses enfants que son mal-être qui l'obligeait à se coucher sur le sol (à la maison). Elle partageait le focus visuel. L'attention et la concentration étaient stables et de bonnes qualité, sans trouble de la mémoire, tristesse pathologique, ralentissement psychomoteur, symptôme neurovégétatif, accélération de la respiration, palpitation, tremblement, signes indirects de fatigue ou de fatigabilité (absence de bâillements, de fléchissement de l'attention ou de cernes sous les yeux), ni trouble psychotique. Ses réponses étaient claires et cohérentes. Elle n'exprimait pas de détresse à l'évocation de ses douleurs, qui selon ses dires, étaient présentes surtout la nuit, et lors des moments de stress (p. 167).

L'expert a relevé que les symptômes anxieux que la recourante affirmait présenter lors de rendez-vous programmés où elle pleurait pendant quelques minutes n'avaient pas d'impact sur son autonomie dans les tâches élémentaires de la vie quotidienne. Elle était capable de se déplacer seule, elle avait du plaisir à effectuer de nombreuses activités occupationnelles et distractives, et elle entretenait des relations familiales de qualité. Il s'agissait d'une association de symptômes dont la durée et la sévérité étaient insuffisantes pour qu'un diagnostic séparé de troubles anxieux caractérisés ou de troubles dépressifs caractérisés (autre que celui retenu) soit posé (p. 170).

Sur cette base, l'expert n'a retenu aucune limitation objective d'un point de vue psychiatrique (p. 170, 174).

L'expert a ensuite expliqué les motifs pour lesquels il s'écartait des diagnostics retenus par le docteur H______, psychiatre traitant, dans ses rapports des 1er novembre 2021 et 4 mai 2022 dans lesquels celui-ci avait mentionné, au titre de diagnostics, « F43.1, F32.2, F40.1, et F41.0 » (p. 76 et 90).

Ainsi, en cas d'épisode dépressif sévère (sans symptômes psychotiques ; F32.2), le sujet présente un état de détresse associé à une agitation ou un ralentissement marqué. Le tableau est dominé par une perte de l'estime de soi, des idées de dévalorisation, des sentiments de culpabilité et comporte des idées de suicide manifestes. Le sujet est habituellement incapable de poursuivre ses activités sociales, professionnelles ou ménagères. Or, cette description ne correspondait pas aux données objectives de l'examen clinique (absence de ralentissement, d'agitation, de tristesse pathologique, de troubles de la concentration et de l'attention) ni ne ressortait de l'anamnèse ; la recourante n'avait rapporté ni idées suicidaires (elle craignait du reste la mort) ni idées de culpabilité, et elle était autonome dans les activités ménagères et pour ses déplacements (p. 171, 175).

Ensuite, le diagnostic d'état de stress post-traumatique (F43.1) ne pouvait pas être admis, en l'absence d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine, de guerre, d'un accident grave, de mort violente en présence du sujet, d'actes de torture, de terrorisme ou de viol. Seul le licenciement de la recourante semblait avoir été un événement notable, qui n'était toutefois pas comparable à ceux pouvant justifier ce diagnostic. De plus, celle-ci n'avait présenté aucun signe clinique en faveur dudit diagnostic, tel que cauchemars, flashbacks, comportements d'évitement, ou états d'hypervigilance et de qui-vive (p. 171-172).

Le diagnostic de phobies sociales (F40.1) était exclu chez une expertisée qui partageait le focus visuel, avait fait des études (trois années de cycle d'orientation) et travaillé dans le domaine de la vente en contact régulier avec la clientèle pendant une longue période (avant de devenir accueillante familiale ; p. 19), faisait ses courses, se déplaçait en transports publics, et ne manifestait pas d'expression neurovégétative dans des situations sociales déterminées (p. 172).

Enfin, le diagnostic de troubles paniques (F41.0) ne pouvait pas être retenu dans la mesure où la recourante ne présentait aucune angoisse à la maison, et qu'elle était simplement anxieuse lors de rendez-vous programmés, sans ressentir brutalement de palpitations, de douleurs thoraciques, de sensations d'étouffement, d'étourdissement ou de sentiment d'irréalité, la poussant à fuir précipitamment l'endroit où elle se trouvait (p. 172).

8.3.2 S’agissant du « succès du traitement et de la réadaptation », la recourante consulte une psychologue une fois par semaine et son psychiatre une fois tous les deux à trois mois depuis un an et demi. Elle prend des médicaments (p. 161, 165), de manière irrégulière car elle est « anti-médicaments » (p. 169, 174), ce qui témoigne de l'absence de gravité de son affection psychique, ce d'autant plus que les molécules antidépressives et les posologies prescrites n'ont pas été modifiées en dépit de la sévérité du diagnostic retenu par le psychiatre traitant (p. 171-172). Il ne ressort d'ailleurs pas du dossier qu'elle a été hospitalisée pour des motifs psychiatriques ni qu'elle serait confrontée à un échec de toute thérapie médicalement indiquée.

8.3.3 S’agissant des « comorbidités », comme on l'a vu plus haut, les troubles somatiques de la recourante ne sont pas incapacitants.

8.3.4 S’agissant du complexe de « la personnalité », ni l'expert ni les psychiatres traitants ne retiennent un trouble spécifique de la personnalité au sens d’une classification diagnostique reconnue.

8.3.5 Pour ce qui est du « contexte social », la recourante, qui vit avec son fils aîné, a déclaré entretenir de bonnes relations avec ses deux fils (p. 164), sa mère qu'elle voit régulièrement, ainsi que sa sœur. Elle rencontre également un ami une fois par mois, voire une fois tous les deux mois, et son frère tous les deux mois (p. 164). Ces personnes la soutiennent (p. 170). Son contexte familial et social lui procure donc des ressources mobilisables.

8.3.6 En ce qui concerne la catégorie « cohérence », les atteintes à la santé ne limitent pas la recourante dans l'exécution de ses travaux habituels, puisqu'elle est autonome dans les fonctions de la vie quotidienne. En effet, la recourante cuisine, s'occupe seule de son ménage à son rythme (en fractionnant les tâches), utilise les transports publics, fait les courses, regarde des séries et films, prend soin de ses quatre chats, aime chanter, se promène, tricote et fait du crochet (p. 149, 165-166). Son hygiène personnelle est en outre conservée (p. 167). Dans ces conditions, il convient de constater que les limitations invoquées par la recourante ne sont pas uniformes dans tous les domaines de la vie et rendent son comportement peu cohérent. Qui plus est, l'absence de médication majeure et la mauvaise compliance à la prise des médicaments, malgré l'allégation d'importantes souffrances, peut être interprétée sous l'angle de la cohérence comme un indicateur plaidant en défaveur d'une atteinte incapacitante à la santé (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

8.3.7 Au vu de l'analyse des indicateurs jurisprudentiels, on doit admettre, avec l'expert psychiatre, que les troubles psychiques de la recourante ne sont pas incapacitants dans l'activité habituelle (ni dans une activité adaptée ; p. 176), d'autant que les arguments formulés par celle-ci ne sont pas de nature à discréditer les conclusions de cet expert.

À cet égard, le fait que ce dernier ait tiré d'autres conclusions de faits connus et se soit ainsi écarté des diagnostics posés par le Dr H______ et des conclusions de ce dernier sur l'incapacité de travail totale ne suffit pas pour nier la valeur probante de son expertise. En effet, l'expert a pris en considération l'appréciation de son confrère et expliqué de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas être suivie. C'est le lieu de rappeler que l'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Ainsi, ce qui importe, c'est de déterminer si, en dépit des troubles psychiques dont la recourante se plaint, elle est en mesure d'exécuter une tâche ou une action, ce qui est le cas au vu des explications convaincantes de l'expert.

Par ailleurs, la durée de l'expertise (psychiatrique d'une heure ; dossier intimé p. 130) n'est pas en soi un critère de la valeur probante d'un rapport médical. La critique de la recourante à ce propos ne saurait remettre en question la valeur du travail de l'expert psychiatre, dont le rôle consistait à porter un jugement sur l'état de santé de la recourante dans un délai relativement bref (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_457/2021 du 13 avril 2022 consid. 6.2).

Le rapport du Dr G______ du 14 août 2023, selon lequel la capacité de travail de la recourante est de 50%, n'est pas susceptible non plus de mettre en doute les conclusions - probantes - de l'expert psychiatre, dès lors qu'il est sommaire, dépourvu de motivation, et qu'il a trait aux consultations ayant eu lieu les 13 et 26 juin et 10 juillet 2023, soit postérieurement à la date déterminante de la décision litigieuse du 31 mai 2023.

8.4 Au vu de ce qui précède, la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique, sollicitée par la recourante, est, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), inutile, de sorte que la chambre de céans n’y donnera pas suite.

8.5 Ainsi, vu le statut mixte de la recourante (80% dans l'activité lucrative et 20% dans l'activité ménagère, statut qui n'est pas contesté ni contestable ; cf. art. 28a al. 2 et 3 LAI en corrélation avec l'art. 27bis RAI ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2 concernant les circonstances permettant de déterminer l'éventualité d'une activité lucrative partielle ou complète), celle-ci, qui est pleinement apte à exercer son activité habituelle et qui effectue en outre ses tâches ménagères (à son rythme), n'est à l'évidence pas invalide.

Même dans l'hypothèse où l'on retenait pour la recourante le statut de personne active à plein temps (cf. art. 28a al. 1 LAI ; art. 16 LPGA), cela ne changerait rien à l'issue du litige, puisque la pleine capacité de travail dans toute activité exclut toute perte de gain.

9.             Reste à déterminer si la recourante a droit à une mesure de réadaptation professionnelle.

9.1 Selon l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d'accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d'octroi des différentes mesures soient remplies (let. b).

9.2 En l'espèce, la recourante dispose d'une pleine capacité de travail dans son activité habituelle, et comme on vient de le voir, elle n'est pas invalide. Dans ces conditions, l'octroi d'une mesure de réadaptation professionnelle financée par l'assurance-invalidité ne se justifie pas.

En conséquence, le recours sera rejeté.

10.         La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Il convient de renoncer à la perception d'un émolument, la recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument, la recourante étant au bénéfice de l’assistance juridique.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le