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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3325/2021

ATAS/38/2024 du 25.01.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3325/2021 ATAS/38/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 janvier 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par Me Mélanie MATHYS DONZE, avocate

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1976, a déposé une demande de prestations invalidité en date du 17 juin 2019, en indiquant avoir fait l’objet de très nombreuses incapacités de travail, depuis une opération subie en 1995 et souffrir de lombalgies, ainsi que de troubles à l’épaule droite.

b. Il a indiqué être suivi, respectivement, par le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne, depuis le 31 août 2017, et par le docteur C______, spécialiste FMH en rhumatologie, depuis le 10 janvier 2019.

c. Sur interpellation de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci‑après : l’OAI ou l’intimé), le Dr C______ a répondu, par courrier du 26 juin 2019, que l’assuré souffrait, depuis 1995, d’une récurrence chronique de lombalgies et parfois sciatalgies accompagnantes, fluctuantes et en nette aggravation depuis environ trois ans, avec une douleur principalement lombaire, plus importante que l’irradiation au membre inférieur, touchant généralement la jambe gauche plutôt que la jambe droite, dans la partie postérieure de la cuisse et du mollet. Il posait un diagnostic de lombosciatalgie mécanique chronique dans un contexte de status après spondylodèse L5-S1 avec cage intervertébrale toujours en place et lyse isthmique ; une discopathie L5-S1 avec listhésis de grade I, modique type I-II et arthrose articulaire postérieure ; une hyperlordose relative dans un contexte d’incidence pelvienne haute avec surcharge lombaire basse et des articulaires postérieures localement et un déconditionnement musculaire global, en particulier du tronc et de la région abdo-lombaire. À cela s’ajoutait un status post-entorse acromio-claviculaire droite, en 2001, opérée par laçage avec une dyskinésie de l’omoplate droit et un conflit sous-acromial dynamique séquellaire. Selon le médecin traitant, il était difficile de se prononcer de manière objective et formelle sur les restrictions fonctionnelles, un bilan en ergothérapie préprofessionnel serait alors intéressant pour plus de précisions. Une position statique debout ou assise et le port de charges risquaient d’être fortement limités. Dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles, le Dr C______ considérait que l’assuré pouvait avoir une activité à 100 %, et ce probablement rapidement. Un rapport d’IRM de la colonne lombaire effectué le 1er mars 2019 et signé par le docteur D______, spécialiste FMH en radiologie, appuyait, en annexe, les diagnostics du Dr C______.

d. Lors d’un entretien d’évaluation (IPT) daté du 16 janvier 2021, l’assuré a relaté son parcours scolaire et professionnel, sa situation médicale et le fait qu’il vivait grâce aux prestations de l’Hospice général (ci-après : l'Hospice) depuis le 1er septembre 2018. Sur le plan des perspectives professionnelles, l’assuré espérait pouvoir travailler, sans toutefois savoir quelle activité pouvait être envisageable, au vu de sa situation médicale. Le gestionnaire de l’OAI a conseillé à l’assuré de consulter le centre multidisciplinaire de la douleur des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

e. Interpellé par l’OAI, le Dr B______ a complété un questionnaire médical intermédiaire en date du 23 juillet 2020 en reprenant les diagnostics du Dr C______. Il précisait avoir été consulté, le 26 mai et le 14 juillet 2020, par son patient et indiquait n’avoir constaté aucune amélioration suite à des séances de physiothérapie. Selon lui, les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : charge limitée, station debout et assise limitée et concentration limitée en raison des douleurs. Il mentionnait ne pas savoir quel type d’activité professionnelle l’assuré pouvait entreprendre.

f. Dans un rapport du 16 mars 2021, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI, sous la plume du docteur E______, a rappelé que l’assuré avait déjà déposé une demande, pour les mêmes atteintes, qui avait abouti, en 2006, à un refus de toute prestation. Résumant les appréciations médicales des Drs B______ et C______, le SMR a relevé que la doctoresse F______, spécialiste FMH en rhumatologie, avait préconisé une consultation neurologique auprès de la doctoresse G______, spécialiste FMH en neurologie, mais sans savoir si l’assuré avait entrepris cette démarche. Le SMR admettait une dégradation progressive de l’état de santé de l’assuré, depuis 2007, en raison des lombalgies chroniques et concluait que la capacité de travail dans l’activité habituelle n’était pas déterminée, mais que dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, l’assuré bénéficiait d’une capacité de travail de 100 % depuis toujours. Le SMR considérait que les limitations fonctionnelles se limitaient à une épargne du dos, soit pas de position penchée en avant ou en porte-à-faux, pas de mouvements répétés de rotation ou de flexion extension du tronc, pas de port de charges de plus de 10 kg, changements de position assise / debout à la demande, pas de station debout ou de marche prolongée.

B. a. Par projet de décision du 8 juin 2021, l’OAI a refusé toute prestation invalidité après avoir calculé que le revenu sans invalidité de l’assuré s’élevait à CHF 61'153.-, alors que son revenu avec invalidité s’élevait à CHF 57'159.-. Il en résultait une perte de gain de CHF 3’994.-, soit 6.53 %. Le taux étant inférieur à 20 %, des mesures de reclassement professionnel étaient également exclues.

b. Par décision du 23 août 2021, l’OAI a rejeté la demande de prestations invalidité déposée par l’assuré, en reprenant la motivation exposée dans son projet de décision du 8 juin 2021.

C. a. Par courrier posté le 29 septembre 2021, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), contre la décision du 23 août 2021. Le recours n’étant pas motivé, un délai lui a été fixé pour compléter son recours, ce qu’il a fait par acte de son conseil, déposé auprès du greffe de la chambre de céans en date du 22 octobre 2021. Le recourant concluait, préalablement, à son audition, et principalement à ce qu’une rente entière d’invalidité lui soit accordée. Il était reproché à l’OAI d’avoir effectué une instruction lacunaire, sans tenir compte de l’aggravation de ses problèmes de santé et des attestations médicales de ses médecins traitants qui confirmaient son incapacité de travail durable à 100 %. De surcroît, l’OAI n’avait pas procédé correctement à la comparaison des revenus en se fondant sur les tableaux ESS, alors même que le dernier emploi du recourant était celui de gemmologue et qu’il fallait donc se fonder sur le salaire qu’il avait gagné dans son dernier emploi et non pas sur un salaire sans invalidité reposant sur les tableaux ESS.

b. Par réponse du 25 novembre 2021, l’intimé a relevé que le médecin traitant du recourant, soit le Dr C______, estimait dans son rapport médical du 28 juillet 2020 que le recourant était susceptible de reprendre une activité professionnelle à 100 % à condition de respecter les limitations fonctionnelles. S’agissant du second médecin traitant, le Dr B______, ce dernier exposait dans son rapport du 4 août 2020 que les lombosciatalgies limitaient la position debout ou assise prolongée. Selon le service de réadaptation professionnelle, au vu des limitations fonctionnelles médicalement décrites, le marché du travail offrait un nombre significatif d’activités simples et légères encore accessibles et ne nécessitant aucune formation complémentaire particulière, ce qui écartait la nécessité de mesures d’ordre professionnel. Enfin, en ce qui concernait la fixation du salaire sans invalidité, dès lors que le recourant percevait des prestations de l’Hospice et n’exerçait plus aucune activité lucrative depuis 2013, il se justifiait de se fonder sur le salaire statistique conforme aux ESS, niveau 1, pour fixer le revenu avec et sans invalidité. Partant, l’intimé concluait au rejet du recours.

c. Par réplique du 20 décembre 2021, le recourant a communiqué à la chambre de céans deux rapports complémentaires. Le premier rapport, établi par le Dr B______ en date du 12 décembre 2021, exposait que l’autonomie du patient était réduite en raison de l’intensité de ses douleurs dorsales invalidantes et que depuis son précédent rapport, l’évolution était malheureusement défavorable, raison pour laquelle il confirmait une capacité de travail de 0 %, « comme depuis 2019 ». Le second rapport, établi par le Dr C______ en date du 13 décembre 2021, confirmait une évolution défavorable, avec une persistance de douleurs qui impactaient aussi bien la mobilité, les capacités de station statique, assise ou debout, les ports de charges, mais aussi les capacités de concentration et d’attention, fréquemment diminuées dans un contexte algique chronique, voire de médication, pour ces problématiques. Il estimait que la capacité de travail depuis 2019 était stationnaire, c’est-à-dire de 0 %. Il relevait que le patient avait montré, dans un premier temps, une volonté de pouvoir se réinsérer de lui-même puis, par la suite, devant un échec flagrant et une persistance de limitations et de douleurs, il avait fait une approche classique auprès des aides sociales connues, mais se retrouvait dans une impasse. Le médecin traitant évoquait la possibilité d’une expertise, voire d’un bilan avec une véritable évaluation préprofessionnelle en ergothérapie.

d. Par courrier du 27 janvier 2022, l’intimé, se fondant sur un avis médical de son SMR, daté du 18 janvier 2022, s’est rallié à ce qu’une expertise rhumatologique soit ordonnée, afin de déterminer la capacité de travail exigible dans une activité adaptée, en tenant compte de l’ensemble des atteintes.

e. Par observations du 14 février 2022, le conseil du recourant a maintenu ses conclusions tout en acquiesçant à ce qu’une expertise judiciaire rhumatologique soit ordonnée, à titre de mesure d’instruction préalable.

f. La chambre de céans a proposé de mandater en tant qu’expert le docteur H______, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine générale et expert médical SIM. Par courriers, respectivement du 22 et du 31 mars 2022, les parties ont accepté l’expert proposé.

g. Un projet de mission d’expertise a été soumis par la chambre de céans aux parties, qui ont acquiescé par courriers, respectivement du 5 et du 6 septembre 2022.

h. La chambre de céans a rendu une ordonnance d’expertise, en date du 1er février 2023, mandatant le Dr H______ selon le projet de mission d’expertise accepté par les parties.

i. Le docteur H______ a rendu son rapport d’expertise daté du 28 novembre 2023. Il a retenu les diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail de :

status après une arthrodèse L5-S1 par PLIF pour lyse isthmique en juin 1995 (Dr I______) et ablation du matériel d’ostéosynthèse en août 1998 (Dr J______) ;

dorsalgies et lombalgies chroniques sous pseudarthrose L5-S1 ;

syndrome radiculaire irritatif L5 gauche sur un retrait six mois d’origine multifactorielle foraminal à prédominance gauche au contact étroit avec la racine L5 gauche ;

probable compression du nerf ulnaire gauche au niveau du coude.

Les limitations fonctionnelles décrites par l’expert étaient : le changement de position toutes les 15 minutes ; pas de mouvements répétés du rachis ; pas de port de charges de plus de 5 kg ; ne pas devoir se déplacer en voiture ; ne pas devoir marcher sur un terrain non plat ; ne pas devoir monter ou descendre d’une échelle ou d’un échafaudage ; ne pas devoir se déplacer sur plus de 300 m. Lesdites limitations fonctionnelles étaient présentes depuis 2019 selon les avis médicaux du dossier.

L’expert relevait que le degré de gravité des troubles constatés pouvait être considéré comme sévère pour les problèmes du rachis ; les atteintes et les plaintes correspondaient un substrat organique objectivable ; l’état de santé de l’expertisé s’était détérioré depuis 2019 selon les pièces médicales objectives et relevantes du dossier ; le tableau clinique était parfaitement cohérent et l’évolution de la maladie correspondait totalement à ce qui était attendu pour les diagnostics retenus. Il en résultait une incapacité de travail à 100 % dans toutes les activités professionnelles, dès mars 2019. Une capacité de travail dans un emploi adapté pouvait être discutée, après la mise en place des traitements proposés par les HUG ; mais dans un premier temps, l’expertisé devait absolument suivre les traitements proposés par les HUG.

j. La chambre de céans a communiqué aux parties le rapport d’expertise en date du 30 novembre 2023 et leur a fixé un délai au 5 janvier 2024 pour transmettre leurs conclusions après expertise.

k. Par courrier du 21 décembre 2023, le recourant a acquiescé aux conclusions de l’expert attestant d’une incapacité de travail à 100 % dans toute activité professionnelle depuis le mois de mars 2019. Partant, il a conclu à ce qu’il lui soit accordé une rente entière d’invalidité suite à sa demande auprès de l’OAI du 11 juin 2019 avec suite de dépens à la charge de l’intimé.

l. Par courrier du 11 janvier 2024 l’intimé s’est déterminé sur le rapport d’expertise, en joignant un avis médical de son SMR, daté du 7 décembre 2023. Ce dernier considérait que l’expertise était convaincante et que ses conclusions pouvaient être suivies. Il proposait de retenir, depuis avril 2018, une capacité de travail de 0 % dans l’activité habituelle et de 100 % dans une activité adaptée, puis une incapacité totale, dans toute activité, dès mars 2019, tout en retenant une limitation fonctionnelle supplémentaire en lien avec l’atteinte au coude.

m. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

n. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4. Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu du fait que l’OAI n’a pas été en mesure de démontrer à quelle date sa décision avait été effectivement notifiée à l’assuré, le recours est recevable.

6. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI du 23 août 2021 de refuser toute prestation invalidité en faveur de l’assuré.

7.

7.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

7.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

7.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.5 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

8.

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

8.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

8.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références). 

9.

9.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

9.2 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

9.3 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et bb). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3). À cet égard, l’ESS 2018 a été publiée le 21 avril 2020 ; l’ESS 2016, le 26 octobre 2018 (étant précisé que le tableau T1_tirage_skill_level a été corrigé le 8 novembre 2018) ; et l’ESS 2014, le 15 avril 2016.

Toutefois, lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l'assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières. Tel est notamment le cas lorsqu’avant l'atteinte à la santé, l'assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pas en ligne de compte. En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s'écarter de la table TA1 (secteur privé) pour se référer à la table TA7 (secteur privé et secteur public [Confédération] ensemble), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d'invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (ATF 133 V 545, et les références citées).

9.4 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3). Cette évaluation ressortit en premier lieu à l'administration, qui dispose pour cela d'un large pouvoir d'appréciation. Le juge doit faire preuve de retenue lorsqu'il est amené à vérifier le bien-fondé d'une telle appréciation. L'examen porte alors sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans le cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Pour autant, le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 ; ATF 123 V 150 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

9.5 Depuis la 10ème édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012 ; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3 p. 184). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt du Tribunal fédéral 9C_370/2019 du 10 juillet 2019 consid. 4.1 et les références).

9.6 Dans l’hypothèse où un assuré présente une entière capacité de travail dans toute activité lucrative ou lorsque les revenus avec et sans invalidité sont basés sur la même tabelle statistique, les revenus avant et après invalidité sont calculés sur la même base. Il est dès lors superflu de les chiffrer avec exactitude, le degré d’invalidité se confondant avec celui de l’incapacité de travail, sous réserve d’une éventuelle réduction du salaire statistique (ATF 119 V 475 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 43/05 du 30 juin 2006 consid. 5.2). Même s'il n'est pas indispensable de déterminer avec précision les salaires de références, il n'en demeure pas moins que, dans cette situation, l'évaluation de l'invalidité repose sur des données statistiques. Par conséquent, une réduction supplémentaire du revenu d'invalide (abattement) est possible en fonction des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (cf. ATF 126 V 75 consid. 7b).

9.7 En cas de baisse de rendement, l'abattement doit être appliqué à la part du salaire statistique que l’assuré est toujours susceptible de réaliser malgré sa baisse de rendement et ne saurait en aucun cas être additionné au taux de la diminution de rendement, puis il convient de déduire le résultat obtenu de ladite part salariale. La différence obtenue correspond à la perte de gain effective et donne le taux d'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2017 du 12 mars 2018 consid. 5).

Selon la jurisprudence, le résultat exact du calcul du degré d’invalidité doit être arrondi au chiffre en pour cent supérieur ou inférieur selon les règles applicables en mathématiques. En cas de résultat jusqu'à x,49%, il faut arrondir à x % et pour des valeurs à partir de x,50%, il faut arrondir à x+1% (ATF 130 V 121 consid. 3.2).

9.8 Dans la mesure où ces revenus ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues. Lorsqu'on procède à une évaluation, celle-ci ne doit pas nécessairement consister à chiffrer des valeurs approximatives; une comparaison de valeurs exprimées simplement en pour-cent peut aussi suffire. Le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100%, tandis que le revenu d'invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d'invalidité (comparaison en pour-cent ; ATF 119 V 475 consid. 2b ; ATF 114 V 313 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 5.4.1).

10. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

11. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

12. En l’espèce, se fondant sur les avis médicaux de ses médecins traitants, le recourant considère qu’il est incapable de travailler à 100 %, dans toute activité. De surcroît, il conteste le montant hypothétique sans invalidité retenu par l’OAI dans le cadre de la comparaison des revenus et considère qu’un abattement de 25 % doit être appliqué au salaire avec invalidité fondé sur les ESS, retenu par l’OAI, au vu des nombreuses limitations fonctionnelles présentes.

L’OAI, de son côté, a conclu, dans un premier temps, à la confirmation de la décision attaquée dès lors que le recourant pouvait reprendre une activité professionnelle adaptée à 100 %. Après expertise, l’OAI a fait siennes les conclusions de l’expert, admettant une incapacité totale de travailler, dans toute activité, depuis mars 2019. S’agissant de la comparaison des revenus, l’OAI considère qu’il se justifie de prendre en compte un salaire statistique hypothétique, fondé sur les ESS, dès lors que le recourant n’exerce plus d’activité professionnelle depuis 2013 et qu’il perçoit des prestations de l’Hospice. Considérant que les revenus avec et sans invalidité sont basés sur la même tabelle statistique il est superflu de les chiffrer avec exactitude car le taux d’invalidité se confond avec le taux d’incapacité de travail, sous réserve d’une éventuelle réduction du salaire statistique.

12.1 S’agissant du premier grief, soit la capacité de travail, il convient d’examiner la valeur probante du rapport d’expertise rendue par le Dr H______.

D’une façon générale, l’expert a rédigé un rapport d’expertise qui correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical, à l’issue de trois rendez-vous avec l’expertisé, le 28 avril, le 5 mai et le 10 août 2023, ainsi qu’après avoir pris connaissance des documents médicaux qui sont décrits dans les premières pages du rapport

Le rapport d’expertise contient, en outre, une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle détaillée ainsi que la description d’une journée type et de la médication prise par l’assuré. L’expert a rapporté ses observations cliniques de manière précise, à la suite des consultations, tout en décrivant les plaintes somatiques de l’expertisé. Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés ainsi que les limitations fonctionnelles qui en découlent. L’expert a mentionné l’absence de signes de non organicité, précisant que les atteintes et les plaintes correspondent à un substrat organique objectivable (rapport, p. 16).

Il n’existe pas de contradiction dans le rapport d’expertise et l’expert a, en outre, exposé de manière convaincante pour quelles raisons il se ralliait aux avis des autres intervenants ou au contraire s’en écartait.

S’agissant plus particulièrement des appréciations du SMR sur lesquelles se fonde l’intimé, l’expert a considéré que l’avis du Dr E______ était lapidaire et ne reposait sur aucune discussion ou argumentation. Le SMR ne donnait pas d’évaluation de la capacité de travail dans l’emploi actuel ou les emplois déjà exercés ce qui était « surprenant ». L’expert mentionnait notamment que dans un emploi, la capacité de travail avait toujours été de 100 % selon le SMR, alors même que l’histoire clinique montrait le contraire et qu’il existait une aggravation de l’état de santé démontrée depuis 2019. L’expert se ralliait aux limitations fonctionnelles du SMR, sauf pour le poids qui, pour lui, devait être limité à 5 kg et non à 10 kg.

En ce qui concerne les avis médicaux des médecins traitants, soit les Drs B______ et C______, l’expert est entièrement d’accord avec leurs conclusions.

Les parties se sont ralliées aux conclusions de l’expert.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise a une pleine valeur probante et se rallie aux conclusions du Dr H______ selon lesquelles la capacité de travail du recourant dans toute activité est nulle depuis mars 2019.

12.2 Dans un deuxième grief, le recourant conteste la comparaison des revenus effectuée par l’OAI au motif que le salaire sans invalidité pris en compte ne doit pas se fonder sur un salaire statistique, selon les ESS, mais doit correspondre au dernier salaire perçu en qualité de gemmologue.

À teneur des conclusions du rapport d’expertise, la capacité de travail du recourant est nulle dans toute activité ; il en résulte une invalidité de 100%, ce qui rend inutile de se livrer à une comparaison des revenus et d’examiner le deuxième grief du recourant.

12.3 Pour la même raison que ce qui est exposé supra et compte tenu du taux d’invalidité de 100%, il est inutile d’examiner le troisième grief du recourant, concernant le taux d’abattement devant être retenu.

12.4 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

À teneur du rapport d’expertise le début de l’incapacité de travail total est le mois de mars 2019. Plus précisément, on peut retenir comme date le 1er mars 2019, date à laquelle une IRM de la colonne lombaire a objectivé les troubles de la santé ayant entraîné l’incapacité de travail. À l’issue du délai d’une année, sans interruption notable, soit le 1er mars 2020, le recourant s’est retrouvé invalide à 40 % au moins. Il a déposé sa demande de prestations au mois de juin 2019 et le délai de six mois était échu dans le courant du mois de décembre 2019 ; la demande n’est donc pas tardive.

Il résulte de ce qui précède que la capacité de travail du recourant est nulle dans toute activité depuis le 1er mars 2019. La cause sera donc renvoyée à l’OAI pour calcul de la rente ordinaire entière, devant être versée au recourant, dès le mois de mars 2020.

12.5 Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

En l’espèce, l’intimé s’est rallié à la demande de procéder à une expertise judiciaire rhumatologique puis a accepté les conclusions de l’expert ; il en résulte qu’il a implicitement admis que l’instruction n’avait pas été complète, dès lors qu’il n’avait pas jugé nécessaire d’ordonner une expertise administrative rhumatologique.

Dès lors, les frais de l’expertise judiciaire par CHF 4000.-, selon la facture du 28 novembre 2023 du Dr H______, seront mis à la charge de l’OAI.

13. Le recourant, assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant gain de cause, a ainsi droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

14. Etant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision de l’OAI du 23 août 2021.

4.        Dit que le recourant est en incapacité totale de travailler, dans toute activité, depuis le 1er mars 2019.

5.        Renvoie la cause à l’OAI pour nouvelle décision et calcul de la quotité de la rente ordinaire.

6.        Met les frais de l’expertise judiciaire par CHF 4’000.-, selon la facture du 28 novembre 2023 du Dr H______, à la charge de l’OAI.

7.        Alloue au recourant, à la charge de l’OAI, une indemnité de CHF 2’500.-, à titre de participation à ses frais et dépens.

8.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’OAI .

9.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le