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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1665/2023

ATAS/18/2024 du 16.01.2024 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1665/2023 ATAS/18/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 janvier 2024

Chambre 15

 

En la cause

A______
représenté par Me Yves MABILLARD

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1962, domicilié en France, a été engagé le 1er novembre 2007, par la société B______ (ci-après : l’employeur), sise au Petit-Lancy, en qualité de chauffeur machiniste. À ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la Caisse nationale suisse en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

b. Le 8 mars 2013, la SUVA a reçu :

-          une déclaration d’accident du 27 février 2013, par laquelle l’employeur a annoncé que l’assuré avait subi un accident le 18 février 2013. En montant dans la machine, il avait glissé et était tombé sur le dos. Les premiers soins avaient été prodigués par le docteur C______ (médecin exerçant à D______ [France]). L’assuré avait pu reprendre le travail le 27 février 2013 ;

-          un certificat du 18 février 2013 du Dr C______ (n° CERFA 1______), indiquant que l’assuré, domicilié à D______, présentait des lombalgies aiguës et s’était vu prescrire un arrêt de travail jusqu’au 26 février 2013.

c. La SUVA a pris en charge le cas et informé l’assuré le 11 mars 2013 que
les indemnités journalières de CHF 146.55 par jour calendaire lui seraient versées avec effet au 21 février 2013.

d. Le 11 février 2015, l’assuré, en détention à la Maison d’arrêt de Bonneville (France), a adressé à la SUVA un courrier pour lui demander « une copie et si possible, les circonstances d’un accident » dont il avait été victime dans le courant de l’année 2012 quand il travaillait pour l’entreprise B______. Pour son dossier médical, il avait besoin d’un maximum de renseignements concernant cet accident.

e. La SUVA lui a répondu le 12 mars 2015 qu’aucun accident n’avait été annoncé en 2012 et qu’elle n’avait aucun renseignement concernant les événements déclarés en 2011 et 2013.

f. Par pli du 27 juin 2015, l’assuré a accusé réception du courrier du 12 mars 2015 par lequel la SUVA lui faisait savoir qu’elle n’avait aucune trace de son accident du travail du mois de février 2013. Or, il avait en sa possession sa fiche de salaire du mois de février 2013 qui mentionnait qu’il avait été en arrêt de travail du 18 au 26 février 2013, soit durant sept jours. Depuis cet accident, la santé de son œil gauche s’était aggravée. Il avait subi une opération en décembre 2013 et avait perdu au moins 80% de sa vision. Aussi a-t-il sollicité la réouverture de son dossier.

g. La SUVA a rouvert le dossier le 15 juillet 2015 et requis des renseignements médicaux concernant l’événement du 18 février 2013.

h. Par pli du 8 octobre 2015, l’assuré a indiqué que le 18 février 2013, il avait violemment percuté le pare-brise d’une machine de chantier qu’il conduisait
dans une carrière. Le choc avait été tellement violent qu’il en avait été presque assommé. Il s’était alors rendu chez le Dr C______ qui lui avait d’abord diagnostiqué une entorse cervicale. Ce n’était que deux mois plus tard que les premiers symptômes étaient apparus. Il avait commencé à avoir des maux de tête au-dessus de son œil gauche. Puis, cela s’était calmé pour reprendre quelques temps plus tard.

i. Par pli séparé du même jour, l’assuré a adressé à la SUVA notamment :

-          un (autre) certificat établi le 18 février 2013 par le Dr C______ (n° CERFA 2______), indiquant que l’assuré, domicilié à E______ (France), était en arrêt de travail jusqu’au 26 février 2013 pour une entorse cervicale ;

-          la fiche de salaire du mois de février 2013, déduisant CHF 1’802.50 de la paie du mois de février en raison d’une absence de sept jours du 18 au 26 février ;

-          un compte rendu opératoire de l’intervention effectuée le 9 décembre 2013 à l’œil gauche par le docteur F______, ophtalmologue ;

-          un rapport établi le 8 juillet 2013 par le docteur G______, praticien hospitalier auprès du Centre hospitalier Alpes-Léman (ci-après : CHAL), indiquant que l’assuré, porteur de la maladie de Marfan, avait été opéré en 2008 au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble par le professeur H______ pour la pose d’implants oculaires bilatéraux suite à une tension des nerfs oculaires. Depuis deux à trois mois, l’assuré se plaignait d’un flou visuel monoculaire gauche à début brutal, sans tension oculaire clinique ;

-          un rapport du 16 juillet 2013 de la docteure I______, praticienne hospitalière auprès du CHAL, faisant état d’une vision déformée depuis trois mois à l’œil gauche, avec céphalées et « mouches » ;

-          un rapport relatif à une consultation donnée le 19 juillet 2013 par la docteure J______, mentionnant, au titre des antécédents, une maladie de Marfan, une opération des yeux (en décembre 2008). Depuis lors, l’assuré était porteur d’implants clippés à l’iris, à l’œil gauche comme à l’œil droit.

j. La SUVA a adressé à cinq reprises aux divers établissements médicaux français le rapport médical LAA pour rechute à compléter.

k. Par certificat médical du 3 novembre 2016, le docteur K______, du service d’ophtalmologie des hôpitaux civils de Colmar, a certifié avoir examiné
l’assuré le 17 octobre 2016 et conclu qu’il présentait une baisse sévère de l’acuité visuelle au niveau gauche, secondaire à une atrophie de l’épithélium pigmentaire maculaire. Cet aspect était compatible avec les séquelles d’un éventuel traumatisme sévère au niveau de l’œil gauche et n’était malheureusement accessible à aucune thérapeutique.

l. Dans un « rapport médical LAA pour rechute » du 9 novembre 2016, le Dr F______ a fait état d’un décollement de rétine de l’œil gauche depuis février 2013 « post-traumatique ? ». Invité à dire s’il existait des circonstances pouvant influencer de manière défavorable le processus de guérison (antérieures, accidents, circonstances sociales, etc.), il a répondu par l’affirmative en mentionnant une chirurgie de rétine avec implant clippé à l’iris, faisant suite à une maladie de Marfan. L’assuré avait bénéficié d’une intervention chirurgicale le 9 décembre 2013. Actuellement, l’état était stable, mais la perte de vision à l’œil gauche était définitive.

m. Dans une note du 18 janvier 2017, le docteur L______, médecin d’arrondissement de la SUVA, a indiqué qu’une enquête anamnestique pour établir les faits était souhaitable. En effet, l’assuré avait fait une chute sur le dos et la relation de causalité n’était pas claire.

n. Par courrier du 22 mars 2017, l’assuré a répondu aux questions de la SUVA et précisé qu’il avait été opéré des deux yeux en 2008, entre novembre et décembre : suite à une perte brutale de la vue, on lui avait posé deux implants. Une maladie de Marfan avait été soupçonnée, mais jamais confirmée. Il avait repris son travail en janvier 2009, sans rencontrer de nouveau problème jusqu’au 18 février 2013. Ce jour-là, il avait violemment percuté le pare-brise de la machine qu’il conduisait. Le choc avait été tellement violent qu’il était littéralement resté
assommé sur son siège. Son médecin avait diagnostiqué une sévère entorse cervicale. Par la suite, il avait souffert continuellement de maux de tête et de douleurs persistantes dans la nuque qui se faisaient précises et virulentes par moments. Il avait malgré tout laissé « courir » le problème en pensant qu’il s’atténuerait au fil du temps. Mais rien n’y fit et subitement son œil gauche s’était mis à le « démanger ». Dès son incarcération le 5 juillet 2013, il avait fait part de son problème au service médical de la maison d’arrêt et finalement, il avait été opéré en décembre 2013 pour une déchirure de la rétine. Après de nombreux échanges avec plusieurs médecins, il était d’avis que le traumatisme dû au choc à la tête avait été l’élément déclencheur de cette déchirure oculaire qui s’était aggravée avec le temps.

o. Par avis du 28 juillet 2017, le docteur M______, spécialiste FMH en ophtalmochirurgie, du centre de compétences de la SUVA, a relevé que du point de vue ophtalmologique, l’assuré présentait une pseudophakie bilatérale, avec fixation par clip à l’iris depuis la fin 2008. Une déchirure rétinienne gauche avait été constatée en novembre 2013, qui s’était aggravée au fil du temps, évoluant en un décollement de la rétine, opéré le 9 décembre 2013. Les descriptions faites de l’événement accidentel du 18 février 2013 n’étaient pas concordantes ; la déclaration de sinistre faisait état d’une chute sur le dos, mais l’assuré affirmait avoir heurté sa tête contre un pare-brise. Selon le Dr M______, il n’y avait très probablement pas de lien de causalité entre le décollement rétinien survenu fin 2013 et l’accident du 18 février 2013, car le décollement était apparu plus de quatre mois après l’événement accidentel et un traumatisme oculaire direct n’avait pas eu lieu à l’époque. Il était possible que l’opération de la cataracte de 2008 ait pu provoquer un décollement de la rétine, même après plusieurs années. La maladie de Marfan pouvait être responsable de plusieurs atteintes au niveau du globe oculaire, la principale étant la subluxation du cristallin. Cette affection particulière, à elle seule et indépendamment d’autres pathologies, était associée à un risque très élevé de décollement de la rétine. Selon le Dr M______, il était inutile de réclamer d’autres rapports entre fin 2008 et la date de l’accident, car le manque d’informations relatives à cette période était sans effet sur l’appréciation du cas.

B. a. Par décision du 15 février 2018, confirmée sur opposition le 22 mars 2018, la SUVA a refusé d’allouer des prestations d’assurance, motif pris que les troubles oculaires apparus en 2013 n’étaient pas en relation avec l’événement du 18 février 2013. Selon le Dr M______, il n’y avait pas de relation de causalité au moins probable entre les troubles oculaires et l’événement du 18 février 2013.

b. Par acte du 9 avril, posté le 17 avril 2018, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS ou la chambre de céans) d’un recours contre cette décision. Lors de l’événement du 18 février 2013, il n’était pas tombé sur le dos, mais avait violemment heurté de la tête le pare-brise de l’engin Caterpillar suite à une mauvaise manipulation.

c. Par arrêt ATAS/752/2019 du 21 août 2019, la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision attaquée et renvoyé la cause pour instruction complémentaire à la SUVA, celle-ci devant porter aussi bien sur les circonstances exactes de l’accident du « 13 février 2013 » (déroulement de l’événement, lésions constatées par le Dr C______ le jour de la consultation), que sur le plan médical par la mise en œuvre d’une expertise.

C. a. Jointe le 15 novembre 2019 par téléphone de la SUVA, une collaboratrice de l’employeur, en charge des ressources humaines (ci-après : la RH), a indiqué que c’était l’assuré qui avait annoncé l’accident (du 18 février 2013) à l’entreprise. La RH ne se souvenait plus de quelle manière. Elle n’avait pas modifié la déclaration et ne pouvait pas se permettre de modifier le déroulement des faits. Ce qui avait été déclaré correspondait aux dires de l’assuré. Selon ses souvenirs, il n’y avait eu qu’un seul certificat de travail, car l’arrêt de travail n’avait duré qu’une semaine.

b. Le 15 novembre 2019, lors d’un second entretien téléphonique avec la SUVA, la RH a confirmé avoir rempli la déclaration d’accident elle-même suite à un appel de l’assuré. Elle était toujours en possession de deux certificats d’arrêt de travail qu’elle ferait suivre à la SUVA avec la déclaration de sinistre.

c. Par courriel du 15 novembre 2019, l’employeur a transmis à la SUVA des documents déjà en sa possession (déclaration d’accident du 27 février 2013 et certificat d’arrêt de travail du 18 février 2013 du Dr C______ pour « lombalgies aiguës » (n° CERFA 1______).

d. Le 18 février 2020, suite au renvoi de la cause par la chambre de céans, la SUVA a établi un questionnaire à l’attention de l’expert médical pressenti, résumant préalablement les faits de la manière suivante :

-          L’assuré, chauffeur machiniste, a été victime d’un premier accident le 25 octobre 2011. Sa tête avait heurté le pare-brise de la machine qu’il manipulait après que celle-ci se fut brusquement arrêtée. Cet événement et ses suites faisaient l’objet d’un dossier n° 3______.

-          Le 18 février 2013, l’assuré a été victime d’un deuxième accident. Alors qu’il montait dans sa machine, il avait glissé et était tombé sur le dos. Cet accident et ses suites faisaient l’objet du dossier n° 4______.

-          Le 9 décembre 2013, l’assuré a été opéré d’un décollement de la rétine de l’œil gauche par vitrectomie.

-          Par la suite, il a subi une nette baisse d’acuité visuelle de l’œil gauche.

-          Compte tenu de l’avis du 28 juillet 2017 du Dr M______, la SUVA a, par décision du 15 février 2018, confirmée sur opposition le 28 mars 2018, nié son obligation de prendre en charge les troubles de l’assuré à son œil gauche, faute pour ceux-ci de présenter, au degré de la vraisemblance prépondérante, un lien de causalité avec l’accident du 18 février 2013.

-          Suite à l’arrêt ATAS/752/2019 du 21 août 2019 lui renvoyant la cause pour
complément d’instruction, la SUVA a tenté d’obtenir des éclaircissements auprès du Dr C______, médecin traitant de l’assuré, dont les diagnostics
de lombalgies aiguës puis d’entorse cervicale avaient interpellé la CJCAS.
La SUVA avait ainsi appris que le Dr C______ avait cessé d’exercer et
que son successeur, le docteur N______ était décédé le 22 août 2018.
Le cabinet de ce dernier n’avait pas été repris et le sort des dossiers demeurait inconnu. S’agissant de la description de l’événement accidentel (du 18 février 2013), figurant dans la déclaration d’accident (du 27 février 2013), elle devait être confirmée compte tenu, d’une part, des déclarations faites le 15 novembre 2019 par l’employeur, selon lesquelles la RH n’avait fait que retranscrire
les dires de l’assuré et, d’autre part, de la jurisprudence dite « des premières déclarations ».

e. Par courrier du 17 mars 2020, l’assuré a informé la SUVA qu’il partageait certes son avis concernant la mise en œuvre d’une expertise, mais qu’il existait un problème quant à la mise en œuvre de celle-ci, étant donné qu’il était incarcéré à la Maison centrale d’Ensisheim (département du Haut-Rhin, France) et cela pour plusieurs années encore. Il lui était donc impossible de se déplacer à Genève pour se soumettre à cette expertise.

f. Le 22 avril 2020, la SUVA a informé l’assuré que l’experte pressentie, la professeure O______, ne faisait apparemment pas d’expertises sur dossier.

g. Par pli du 28 mai 2020, la SUVA a informé l’assuré qu’elle prévoyait de confier la réalisation de l’expertise au docteur P______, médecin adjoint à l’Hôpital Q______. Elle a également joint à son envoi le questionnaire du 18 février 2020 qu’elle soumettrait à l’expert.

h. Par courrier du 12 juin 2020, l’assuré a partiellement contesté l’état de fait tel qu’il était présenté dans le questionnaire du 18 février 2020 et joint à son envoi son courrier du 22 mars 2017 et qui devait être transmis à l’expert « au titre d’état de fait alternatif ».

i. Par courrier du 31 août 2020 à la SUVA, le conseil de l’assuré a indiqué que son mandant lui avait annoncé qu’il n’avait pas mentionné dans son historique l’événement du 25 octobre 2011 étant donné que pour lui, cet accident n’entrait pas en ligne de compte dans son dossier concernant l’accident du 18 février 2013. S’agissant des circonstances de cet événement, l’assuré maintenait que c’était bien lors de sa survenance que suite à une mauvaise manipulation de sa part, sa tête était venue heurter le pare-brise de l’engin qu’il conduisait ce jour-là. Pour sa part, le conseil de l’assuré a relevé que même si on devait retenir que son mandant confondait les circonstances entre les accidents du 25 octobre 2011 et celui du
18 février 2013, ce qui était toutefois contesté, il s’agissait de deux accidents annoncés à la SUVA en leur temps. Partant, toute séquelle, séquelle tardive ou rechute devait être prise en charge par la SUVA. S’agissant des certificats d’arrêt de travail du 18 février 2013 du Dr C______, son mandant avait attiré son attention sur le fait que la référence CERFA n’était pas la même sur les deux documents (CERFA n° 2______ et CERFA n° 1______). Selon l’assuré il s’agissait « donc bien de deux documents différents qui avaient donc forcément été établis à deux dates différentes par le docteur C______ ». L’assuré pensait également que ce médecin « avait dû établir un deuxième certificat d’arrêt de travail en mélangeant les causes de cet arrêt ».

Le conseil de l’assuré a annexé à ce courrier un questionnaire complémentaire, destiné à l’expert, ainsi qu’un certificat médical établi le 3 août 2020 par le docteur R______, médecin-assistant auprès des Hôpitaux civils de Colmar. Selon ce praticien, lors de la consultation du 3 août 2020, l’assuré lui avait rapporté avoir été victime à deux reprises d’un accident du travail (le 25 novembre 2011 et le 18 février 2013). Après avoir relaté les résultats des mesures qu’il avait effectuées pour chaque œil, le Dr R______ a conclu que l’assuré présentait une acuité visuelle limitée à l’œil gauche en lien avec un antécédent de décollement de rétine. Au vu de leur nature et de la chronologie de leur apparition, ces lésions étaient compatibles avec le traumatisme causé par l’accident du 18 février 2013, sans toutefois qu’un lien de causalité puisse être affirmé de façon certaine.

j. Le 2 septembre 2020, lors d’un entretien téléphonique avec la SUVA, le conseil de l’assuré a indiqué que son mandant maintenait qu’il avait subi un choc à la tête en 2013. Sur quoi, la SUVA a indiqué que ces éléments ne coïncidaient pas avec les pièces du dossier, ce que le conseil de l’assuré admettait. Néanmoins, pour aller de l’avant et respecter la version de l’assuré qui avait confirmé avoir été victime d’un choc à la tête en 2013, « il [a été] convenu de présenter l’état de fait à l’expert de la façon suivante : Le 25 octobre 2011, l’assuré, lequel manipulait une machine, s’est heurté la tête contre le pare-brise de celle-ci. Une lésion interne à la tête a été annoncée et une entorse cervicale retenue par le Dr S______. Après une courte incapacité de travail, l’assuré a pu reprendre son activité professionnelle […]. Puis, le 18 février 2013, l’assuré, en montant dans sa machine, a glissé et est tombé sur le dos. Des lombalgies aiguës et une entorse cervicale ont alors été retenues par le Dr C______ […] ».

k. Le 21 janvier 2021, l’expert P______ a demandé à la SUVA de lui transmettre le rapport relatif à la consultation ophtalmologique qui avait eu lieu
le 19 juillet 2013 au Centre hospitalier Alpes-Léman (ci-après : CHAL), à Bonneville.

l. Le 10 février 2021, l’assuré a transmis à la SUVA une copie des documents
présentant un lien avec la consultation ophtalmologique du 19 juillet 2013, à savoir notamment:

-          un rapport du 28 novembre 2013 de la docteure I______, praticienne hospitalière auprès du CHAL, sollicitant l’admission de l’assuré alors qu’il présentait un décollement de rétine inférieur avec décollement maculaire associé avec déhiscence du clapet à 3h sur rétinopathie hypertensive.
Le 8 juillet 2013, l’assuré s’était annoncé à l’admission, sans antécédents médicaux hormis une opération pratiquée à Grenoble en 2008, consistant
dans la pose d’implants oculaires bilatéraux suite à une maladie de Marfan.
Il n’avait pas fait l’objet d’une surveillance particulière depuis lors mais
avait obtenu une consultation ophtalmologique le 19 juillet 2013 suite au signalement d’une baisse de l’acuité visuelle depuis 2-3 mois avec métamorphopsie et myodesopsies. Lors de cette consultation, une macula gauche à l’aspect brillant ainsi qu’une pâleur rétinienne et périmaculaire avaient été constatées. Une demande visant à faire pratiquer une « OCT » (tomographie à cohérence optique) maculaire pour atrophie des photorécepteurs avait été adressée « aux ophtalmologues de Grenoble ». L’assuré avait donc été revu à Grenoble le 15 novembre 2013 avec une demande de bilan « d’HTA » [hypertension artérielle]. Le service du docteur T______, du Centre hospitalier universitaire (ci-après : CHU) de Grenoble, joint par téléphone à cette occasion, avait évoqué un décollement de rétine chronique de l’œil gauche évoluant depuis février 2013, avec indication chirurgicale et hospitalisation de quelques jours au décours ;

-          un courrier du 28 novembre 2013 des docteurs U et T______, du CHU de Grenoble, adressé au CHAL de Bonneville. Après avoir interrogé l’assuré, ces médecins ont fait mention d’un antécédent de chirurgie de la cataracte avec mise en place d’implants de chambre antérieure clippés sur l’iris, à gauche comme à droite. L’assuré se plaignait également d’une baisse de l’acuité visuelle de l’œil droit et d’une métamorphopsie de l’œil gauche. Il n’existait pas de notion de traumatisme récent, mais plutôt ancien. Après avoir relaté leur examen clinique des deux yeux, les Drs U et T______ ont conclu à une rétinopathie bilatérale probablement hypertensive et fait mention d’un décollement de rétine inférieur avec décollement maculaire associé (macula off) avec déhiscence à clapet à 3h. Il existait donc une indication chirurgicale afin de traiter ce décollement de rétine ;

-          un rapport du 17 décembre 2013 du docteur V______, praticien hospitalier auprès du Centre hospitalier Lyon-Sud, indiquant que l’assuré avait subi en 2008 une subluxation du cristallin bilatérale. Sous « histoire
de la maladie », le Dr V______ a fait mention d’une baisse progressive de l’acuité visuelle, prédominant à gauche, qui aurait commencé début février 2013 et fait suite à un traumatisme crânien. Un examen ophtalmologique réalisé à Grenoble le 28 octobre 2013 avait révélé une acuité visuelle de 1/10 à gauche contre 5/10 à droite. En vue de la prise en charge d’un décollement de la rétine gauche, l’assuré avait bénéficié d’une intervention pratiquée le 9 décembre 2013 par le Dr F______. Celle-ci s’était déroulée sans complication.

m. Le 27 avril 2021, le Dr P______ a rendu son rapport d’expertise sous forme de réponses aux questions qui lui avait été soumises par la SUVA et l’assuré. Il a considéré en synthèse qu’on retrouvait chez l’assuré plusieurs indices objectifs et congruents qui parlaient davantage en faveur d’une maladie comme cause du décollement de la rétine. Il n’y avait pas d’indices en faveur d’une étiologie traumatique. Seuls les traumatismes oculaires directs pouvaient causer des décollements de rétine. Il n’y avait pas de traumatismes oculaires directs évoqués ou documentés dans le cas particulier. Selon le compte-rendu opératoire du 9 décembre 2013 du Dr F______, la rétine était déjà fragilisée par les dégénérescences et c’était à ce même endroit qu’avaient été trouvées les déchirures responsables du décollement. Invité (par l’assuré) à dire s’il existait une atteinte définitive et importante à l’intégrité, le Dr P______ a répondu : « 25% » et renvoyé au tableau 11 de la SUVA (diminution unilatérale de la vision avec vision résiduelle de 0.1).

n. Le 7 mai 2021, la SUVA a transmis à l’assuré une copie du rapport d’expertise du Dr P______.

o. Le 30 août 2021, l’assuré a contesté l’expertise du Dr P______ à la lumière d’un questionnaire complété le 30 juin 2021 par le Dr R______. Prenant position au sujet de la thèse selon laquelle un décollement de rétine ne pouvait être imputé qu’à un traumatisme oculaire direct, le Dr R______ a indiqué qu’une lésion rétinienne pouvait également survenir à l’occasion d’un traumatisme crânio-facial important, responsable de lésions oculaires indirectes. Les déhiscences constatées lors de la chirurgie de décollement de rétine étaient situées en regard de zones rétiniennes dégénératives. Dans les conclusions du Dr P______, cela entrait en opposition avec l’origine traumatique du décollement de rétine. Or, en pratique, selon le Dr R______, des lésions « prédisposantes » pouvaient tout à fait servir de terrain au développement d’un décollement de rétine, ce dernier étant déclenché ou précipité par un facteur traumatique. En l’occurrence, il était possible que le décollement de la rétine ait trouvé son origine après l’accident de travail du 18 février 2013.

Tirant argument des réponses données par le Dr R______, l’assuré a fait valoir que ce médecin et le Dr P______ s’accordaient tous deux à admettre qu’il présentait un œil affaibli avant les traumatismes annoncés. Cependant, à la différence du Dr P______, le Dr R______ estimait qu’un traumatisme à la tête, de face ou à l’arrière, suffisamment violent pour causer une décélération brutale de la tête et un effet de contrecoup, était suffisant pour causer un décollement de rétine, a fortiori en présence d’une rétine affaiblie par des prédispositions. Aussi l’assuré a-t-il invité la SUVA à retenir l’existence d’un lien de causalité en soulignant que le traumatisme en cause n’avait pas besoin d’être la cause exclusive de la lésion pour engager la SUVA.

p. Par complément d’expertise du 28 décembre 2021, le Dr P______ a indiqué après examen du rapport du 30 juin 2021 du Dr R______, références scientifiques à l’appui, qu’il maintenait que la probabilité d’un décollement de la rétine si tardif suite à un choc indirect de la tête était très faible, même s’il n’était pas nul. En ce qui concernait la théorie selon laquelle il y avait une fragilité préexistante pouvant servir de terrain au développement d’un décollement de rétine à la faveur d’un facteur traumatique, le Dr P______ a indiqué que dans cette hypothèse, le décollement de la rétine aurait dû arriver rapidement, soit des heures ou des jours après le traumatisme, pas plus. Invité à dire s’il existait de la littérature scientifique qui contredisait l’appréciation du Dr R______ sur les lésions « prédisposantes », l’expert P______ a répondu par la négative en ces termes : « il est impossible de publier dans la littérature scientifique un événement qui n’existe pas ». Il a ajouté que si le mécanisme de mouvement d’accélération avec ou sans choc à la tête et avec ou sans entorse cervicale était la cause directe d’un décollement de la rétine a posteriori, comme suggéré par le Dr R______, il y aurait une recrudescence de cas de décollement de la rétine chaque printemps en raison des accidents de ski, respectivement chaque automne en raison des chutes à VTT. C’était peut-être pour cela que, comme déjà décrit dans le rapport d’expertise initial, la littérature scientifique – largement majoritaire – traitant de la pathologie de la rétine post-traumatique se basait sur un traumatisme oculaire initial.

q. Par courrier du 27 janvier 2022 à la SUVA, l’assuré a présenté ses observations sur le complément d’expertise du 28 décembre 2021 et a versé au dossier un article paru en 2015, confirmant selon lui le fait qu’un traumatisme crânien apparemment mineur pouvait causer un décollement de rétine lorsque celle-ci était affaiblie par une dégénérescence (Pienaru MIRCEA, Serban RAMONA, Filip MIRCEA, Filip ANDREI, Total retinal detachment occurring after minor head trauma).

r. Par complément d’expertise du 17 juin 2022, le Dr P______ a dénié toute pertinence à cette publication.

s. Par courrier du 15 novembre 2022, l’assuré a contesté toute valeur probante aux avis successifs du Dr P______ et persisté à soutenir qu’il existait un lien de causalité entre son traumatisme et le décollement de sa rétine. Aux fins de souligner la proximité temporelle de ce phénomène avec l’événement du 18 février 2013, ainsi que la gravité du traumatisme subi à cette date, il a produit une nouvelle fois :

-          le rapport du 8 juillet 2013 du Dr G______ ;

-          son bulletin de salaire de février 2013, faisant état d’une absence de sept jours pour accident, soit du 18 au 26 février 2013.

D. a. Par décision du 15 février 2023, la SUVA a refusé d’allouer des prestations à l’assuré, motif pris que selon l’expertise du Dr P______, il n’y avait aucun lien de causalité certain, ou du moins vraisemblable, entre les troubles rétiniens à l’œil gauche et les accidents des 25 octobre 2011 et 18 février 2013.

b. Le 20 mars 2023, l’assuré a formé opposition à cette décision, concluant à son annulation, à la reconnaissance d’un lien de causalité entre les accidents des 25 octobre 2011 et 18 février 2013 et ses troubles rétiniens, et à ce que les prestations d’assurance idoines lui fussent allouées. À l’appui de sa position, il a réitéré que le rapport d’expertise du Dr P______ et ses compléments étaient dépourvus de valeur probante.

c. Par décision du 5 avril 2023, la SUVA a rejeté l’opposition en considérant qu’aucun indice concret ne jetait un doute sur le bien-fondé des conclusions de l’expert P______.

E. a. Le 16 mai 2023, l’assuré a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit et constaté qu’il avait droit à toutes les prestations de la SUVA en lien avec la rechute déclarée – dont une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 25% et la prise en charge des frais médicaux en lien avec ses troubles de l’œil – et, subsidiairement, au renvoi du dossier pour complément et/ou nouvelle décision au sens des considérants. Il a également conclu, à titre préalable, à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire pour confirmer le lien de causalité entre l’accident du 18 février 2013 et les troubles déclarés.

À l’appui de sa position, il a maintenu que c’était à l’occasion de l’événement du 18 février 2013 – et non de celui du 25 octobre 2011 – que sa tête avait heurté le pare-brise de la machine qu’il manipulait. Il a soutenu en outre qu’il existait un consensus, entre les divers médecins l’ayant ausculté, pour admettre un lien de causalité entre le traumatisme de février 2013 et le décollement de la rétine. Enfin, il a produit deux autres extraits de publications médicales traitant des décollements de rétine (pièces 51 et 52).

b. Par réponse du 25 mai 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours. À la suite de l’arrêt ATAS/752/2019 du 21 août 2019, elle avait mené des investigations au sujet de l’événement du 18 février 2013. Malgré l’impossibilité d’obtenir des précisions de la part du Dr C______ – respectivement de son successeur, décédé sans que le cabinet ne fût repris –, les renseignements obtenus auprès de l’employeur l’avaient conforté dans son point de vue que le recourant avait bien été victime d’une chute sur le dos le 18 février 2013. La question de savoir si c’était à cette occasion ou plutôt le 25 octobre 2011 que la tête du recourant avait heurté le pare-brise d’une machine pouvait cependant rester indécise, dans la mesure où nul ne prétendait qu’il avait subi un choc direct à l’œil, que ce soit lors du premier ou du second événement. Enfin, l’intimée a soutenu que ni les avis médicaux versés au dossier, ni les extraits de littérature produits avec le recours ne permettaient de mettre en doute les conclusions du Dr P______ en tant qu’elles ne retenaient aucun lien de causalité certain, ou du moins vraisemblable, entre les troubles rétiniens à l’œil gauche et les accidents des 25 octobre 2011 et 18 février 2013.

L’intimée a versé à la procédure notamment le dossier n° 3______. Celui-ci comportait entre autres :

-          une déclaration d’accident du 4 novembre 2011, indiquant que l’assuré, domicilié à E______ (France), avait été victime d’un accident le 25 octobre 2011 dont le déroulement était décrit comme suit : « par une mauvaise manipulation de la machine elle s’est arrêtée brusquement et la tête a heurté le pare-brise ». Les premiers soins avaient été prodigués par le Dr S______. Après un arrêt de travail ayant débuté le jour de l’accident, l’assuré avait repris son activité le 3 novembre 2011 ;

-          un certificat établi le 26 octobre 2011 par le Dr S______, faisant mention d’une entorse cervicale et prescrivant un arrêt de travail du 26 octobre au 2 novembre 2011.

c. Par réplique du 19 juillet 2023, le recourant a soutenu qu’on ne pouvait exclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’accident du 18 février 2013 n’ait eu aucune incidence sur ses troubles à l’œil gauche.

d. Par duplique du 16 août 2023, l’intimée a maintenu sa position en faisant valoir que, dans la mesure où le dossier contenait plusieurs rapports médicaux rendus après que le recourant eut été examiné par leurs auteurs, l’importance de la réalisation d’un examen médical par l’expert lui-même perdait de son importance dans le cadre de l’analyse du lien de causalité.

e. Les autres faits seront mentionnés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

1.2 Selon l’art. 58 LPGA, applicable par renvoi de l’art. 1 al. 1 LAA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du recours (al. 1). Si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l’organe d’exécution a son siège
(al. 2).

1.3 Le recourant est domicilié en France, mais son employeur a son siège dans le canton de Genève, de sorte que la chambre de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour juger du cas d’espèce.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l’accident est survenu avant cette date, le droit du recourant aux prestations d’assurance est soumis à l’ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016.

4.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]), le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le point de savoir s’il existe un lien de causalité – ne serait-ce que partiel – entre les accidents des 25 octobre 2011 et 18 février 2013 et les troubles rétiniens à l’œil gauche du recourant.

6.              

6.1 En vertu de l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 ; 129 V 402 consid. 2.1).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé: il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 et 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré.

6.2 En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il s’est manifesté à l’occasion de l’accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

6.3 Selon la jurisprudence, les causes pertinentes au sens de l’art. 6 al. 1 LAA comprennent également les circonstances dans lesquelles l’atteinte à la santé ne serait pas survenue au même moment. Une atteinte traumatique dommageable fonde ainsi un droit aux prestations d’assurance même lorsque sans l’événement assuré, le dommage serait survenu tôt ou tard et qu’ainsi, l’accident constitue la condition sine qua non uniquement pour ce qui concerne le moment de la survenance du dommage. En revanche, la situation est différente si l’accident ne constitue qu’une cause occasionnelle ou fortuite – qui rend manifeste un risque présent qui aurait pu se produire à tout moment – et qu’il est dépourvu de toute portée propre d’un point de vue causal (arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2016 du 7 juillet 2016 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral U 413/05 du 5 avril 2017 consid. 4.2; Doris VOLLENWEIDER, Andreas BRUNNER, in Frésard-Fellay, Leuzinger, Pärli [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 19 ad art. 36 LAA).

7.              

7.1 Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 ; 125 V 456 consid. 5a et les références). En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose toutefois guère, car l’assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 118 V 286 consid. 3a ; et ATF 117 V 359 consid. 5d/bb ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 351/04 du 14 février 2006 consid. 3.2).

7.2 Le caractère adéquat du lien de causalité ne doit être admis que si l’accident revêt une importance déterminante par rapport à l’ensemble des facteurs qui ont contribué à produire le résultat considéré, notamment la prédisposition constitutionnelle. Cela étant, dans ce contexte, il sied encore de préciser que la causalité adéquate ne peut pas déjà être niée en raison d’une prédisposition constitutionnelle dès lors que la question de l’adéquation en général se détermine non seulement en tenant compte de personnes saines tant sur le plan psychique que physique, mais également en tenant compte de personnes avec une prédisposition constitutionnelle (ATF 115 V 403 consid. 4b).

8.             Les prestations d’assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents, du 20 décembre 1982 – OLAA ; RS 832.202). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu’elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c’est la même atteinte qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu’une atteinte apparemment guérie produit, au cours d’un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).

Les rechutes et suites tardives se rattachent donc par définition à un événement accidentel effectif. Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation
de l’assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s’il existe un lien
de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l’intéressé
et l’atteinte à la santé causée à l’époque par l’accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références ; RAMA 2006 n° U 570 p. 74 consid. 1.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 80/05 du 18 novembre 2005 consid. 1.1).

9.              

9.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

9.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf.
art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

9.2.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

9.2.2 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d’un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références). Ces principes sont également valables lorsqu’une expertise établie sur la base d’un dossier a pour objet d’apprécier la causalité naturelle dans le cadre d’un état de fait médical qui est établi en soi et non lacunaire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_265/2019 du 3 septembre 2019
consid. 6.2).

9.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3a 52; 122 V 157 consid. 1c), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.2.4 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

10.          

10.1 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui-ci comprend en particulier l’obligation de ces dernières d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences, sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

10.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10.3 Les explications d’un assuré sur le déroulement d’un fait allégué sont au bénéfice d’une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l’intéressé soient en contradiction avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l’assuré a faite alors qu’il n’était pas encore conscient des conséquences juridiques qu’elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 consid. 4.3). Il ne s’agit cependant pas là d’une règle formelle d’appréciation des preuves mais d’une aide à la décision dans le cadre de la libre appréciation des preuves. Ainsi comprise, cette maxime de preuve ne peut être appliquée que si l’état de fait déterminant ne peut pas être établi d’une autre manière au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt
du Tribunal fédéral 8C_325/2017 du 5 juillet 2018 consid. 4.2.1 ; Irene HOFER, in FRESARD-FELLAY, LEUZINGER, PÄRLI [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 10 ad art. 6 LAA).

10.4 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).

11.         Attendu qu’en l’espèce, une part importante des arguments développés par le recourant repose sur l’affirmation que c’est le 18 février 2013 qu’il aurait violemment percuté le pare-brise d’une machine de chantier qu’il conduisait dans une carrière, il convient d’examiner tout d’abord si depuis l’arrêt ATAS/752/2019 du 21 août 2019, renvoyant la cause à l’intimée pour instruction complémentaire – portant à la fois sur les circonstances exactes de l’événement accidentel du « 13 février 2013 » (recte : 18 février 2013) et la causalité ente les troubles oculaires et cet événement –, l’état de fait retenu par l’intimée, qui est aussi celui soumis à l’expert, correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, aux événements qui se sont effectivement produits.

11.1 La chambre de céans relève en premier lieu que même si la description de l’événement du 18 février 2013 par le recourant n’a pas varié depuis son courrier du 8 octobre 2015, force est de constater que ce récit concorde exactement avec celui qui ressort de la déclaration d’accident du 4 novembre 2011, relative à l’événement du 25 octobre 2011 : « Par une mauvaise manipulation de la machine elle s’est arrêtée brusquement et la tête a heurté le pare-brise ». Il en a résulté une blessure à la tête (lésion interne) (cf. dossier 3______, pièce 1). Dans la mesure où ce récit a été maintes fois confirmé par le recourant depuis son courrier du 8 octobre 2015, la contestation porte uniquement sur le moment auquel l’événement correspondant s’est effectivement produit. À cet égard, la chambre de céans constate que les indices en faveur d’une réalisation de l’événement sus-décrit le 25 octobre 2011 l’emportent de façon très claire. On constate tout d’abord que l’événement du 25 octobre 2011 et celui du 18 février 2013 ont pour point commun de n’avoir nécessité qu’une brève prise en charge des soins et de la perte de gain qui en avait résulté du 25 octobre au 2 novembre 2011 (cf. dossier 3______, pièces 1-10), respectivement du 18 au 26 février 2013 (cf. dossier 4______, pièces 1-10), et que deux ans environ après le second événement, les souvenirs du recourant étaient loin d’être précis quand il s’est adressé pour la première fois à l’intimée, soit par courrier du 11 février 2015, puisqu’il disait avoir besoin d’un « maximum de renseignements » en lien avec un accident dont il avait été victime dans le « courant [de] l’année 2012 ». On constate néanmoins que dans ledit courrier, il indiquait : « je conduisais la machine en question ». Or, si cette action est nécessaire pour que la tête heurte le pare-brise de la machine en mouvement, elle ne l’est pas lorsque l’on glisse en montant dans cette machine et que l’on tombe sur le dos. Dans ce cas, la conduite de la machine est empêchée avant même d’avoir pu commencer. Aussi apparaît-il logique que la déclaration d’accident du 27 février 2013 indique que la partie du corps atteinte est le dos et que le Dr C______ fasse état de lombalgies aiguës dans le certificat n° CERFA 1______ du 18 février 2013. Pour le surplus, le recourant présente lui-même l’entorse cervicale qu’il a subie comme étant la conséquence du choc de sa tête contre le pare-brise de la machine (cf. notamment son courrier du 8 octobre 2015). Sur le plan médical, cela est effectivement corroboré par le certificat du 26 octobre 2011 du Dr S______, attestant une entorse cervicale. S’agissant de l’éventualité d’une nouvelle entorse cervicale qui se serait produite lors de l’événement du 18 février 2013, elle ressort certes du deuxième certificat
(n° CERFA 2______) du 18 février 2013 du Dr C______. On constate cependant à l’examen de ce document qu’il mentionne non seulement le même diagnostic que le Dr S______, mais aussi l’ancienne adresse du recourant qui, apparemment, était encore d’actualité au moment de la déclaration d’accident du 4 novembre 2011 (« Les Églantines », 74580 E______, France). Par opposition, le premier certificat du 18 février 2013 (n° CERFA 1______) mentionne la même adresse que celle qui figure dans la déclaration d’accident du 27 février 2013
(______, 74300 D______). Sachant par ailleurs qu’en l’absence d’enquête possible auprès du Dr C______ et de (feu) son successeur, le conseil du recourant indique dans son courrier du 31 août 2020 (pièce 36 recourant) que « [son] mandant […] n’a pas mentionné dans son historique l’événement du 25 octobre 2011 étant donné que pour lui cet accident n’entrait pas en ligne de compte dans son dossier concernant l’accident du 18 février 2013 » et que « [son mandant] pense que le Docteur C______ a dû établir un deuxième certificat d’arrêt de travail en mélangeant les causes de cet arrêt », la chambre de
céans constate qu’il n’existe aucune explication convaincante de la part du recourant qui permettrait de retenir que l’événement du 25 octobre 2011 – tel qu’il ressort de façon concordante de la description donnée de l’événement, de la déclaration d’accident du 4 novembre 2011 et du certificat du Dr S______ du 26 octobre 2011 – aurait en réalité eu lieu le 18 février 2013 ou qu’il se serait répété de façon identique à cette même date, ce qui reviendrait à son tour à exclure du dossier les éléments résultant de la déclaration d’accident du 27 février 2013 et du premier certificat du 18 février 2013 du Dr C______ (n° CERFA 1______), lesquels concordent entre eux, comme relevé plus haut. Cependant, dans la mesure où le second certificat du 18 février 2013 du Dr C______
(n° CERFA 2______), malgré les interrogations qu’il suscite, figure néanmoins au dossier, il n’apparaît pas critiquable que l’intimée ait retenu, dans l’état de fait soumis à l’expert, que le 18 février 2013, le recourant a présenté non seulement des lombalgies aiguës, mais en outre une entorse cervicale.

11.2 Compte tenu de ce faisceau d’indices (consid. 11.1), la chambre de céans considérera qu’il est établi, au degré requis de la vraisemblance prépondérante, que le 25 octobre 2011, le recourant a subi une (première) entorse cervicale après avoir heurté de la tête le pare-brise d’une machine qu’il conduisait, et que le 18 février 2013, il a présenté, selon le Dr C______, des lombalgies aiguës et une entorse cervicale après être tombé sur le dos, l’intéressé ayant glissé alors qu’il montait à bord de sa machine.

12.         Dans la mesure où le Dr P______ était fondé à effectuer son expertise du 27 avril 2021 sur la base de l’état de faits sus-décrit (consid. 11.2), il reste à examiner si les réponses données dans le cadre de cette expertise et de ses compléments des 28 décembre 2021 et 17 juin 2022 peuvent se voir reconnaître valeur probante.

12.1 Le Dr P______ expose en synthèse que pour ce qui concerne l’accident du 18 février 2013, il n’y a pas, de manière très probable, de lien de causalité entre cet événement et le décollement rétinien à l’œil gauche diagnostiqué en novembre 2013, ce qu’il motive par le fait qu’un choc sur l’arrière de la tête ayant causé une « sévère entorse cervicale » comme par exemple une chute en arrière sur le dos, après avoir glissé en voulant monter sur un engin de chantier, ne peut pas être la cause d’un décollement de la rétine en l’absence d’un traumatisme oculaire, c’est-à-dire directement sur l’œil. Il ajoute qu’un tel lien de causalité n’a pas encore été évoqué dans la littérature scientifique.

S’agissant de l’accident du 25 octobre 2011, l’expert explique que pour qu’un lien de causalité probable puisse être établi entre un choc « sur la face de la tête (devant) », ayant causé une « sévère entorse cervicale » comme par exemple la tête qui vient heurter le pare-brise d’un engin de chantier, et un décollement de la rétine, il est nécessaire qu’une blessure de l’œil soit documentée, ce qui n’est le cas ni pour cet accident, ni pour celui du 18 février 2013. Il ajoute qu’il y a plusieurs types de décollement de rétine : rhegmatogène (dégénérescence du corps vitré qui mène à des déchirures rétiniennes) et dialyse rétinienne (la rétine est déchirée à son insertion anatomique l’ora serrata. Il précise que ce dernier type
de décollement est considéré comme en lien avec un traumatisme, mais qu’il est extrêmement rare. Pour appuyer cette assertion, il expose, référence scientifique à l’appui (KOWAL L., Ophtalmic manifestations of head injury), que dans l’étude précitée, qui se focalise sur la fréquence des séquelles ophtalmiques en cas de traumatisme crânien, on constate quatorze autres manifestations ophtalmiques suite à un trauma crânien documenté (principalement des problèmes de binocularité, paralysie des nerfs crâniens, etc.), qui sont plus courants qu’un décollement de rétine, ce phénomène se retrouvant en toute dernière position, avec un seul cas sur 161, ce qui n’est pas statistiquement significatif. S’agissant du recourant, l’expert observe que selon le compte-rendu opératoire du 9 décembre 2013 du Dr F______, il y a une « cryothérapie sur la palissade inférieure et sur les deux déchirures ». Selon l’expert, cela sous-entend une faiblesse de la rétine (dégénérescence en palissade) et correspond, avec deux déchirures, à un décollement rhegmatogène sur dégénérescences rétiniennes. L’expert précise que le simple fait pour le recourant d’avoir subi deux opérations en 2008 pour des cristallins luxés a forcément nécessité que l’on pratique une brèche du vitré antérieur de manière chirurgicale, la brèche en question constituant la cause la plus probable et la plus importante d’un décollement tardif de la rétine. Par ordre d’importance décroissant viennent ensuite (2) les cristallins luxés, qui conduisent aussi à un risque élevé de décollement de la rétine, même sans opération, (3) une maladie de Marfan (qui, si elle est confirmée, aggrave encore plus le risque de décollement de la rétine), (4) la présence de palissades inférieures de la rétine, comme décrit dans le compte-rendu opératoire du Dr F______ et, en dernier lieu (5), l’accident du 25 octobre 2011. L’expert précise à ce propos que le rôle de cet événement lui paraît négligeable, d’une part, parce qu’aucun traumatisme oculaire direct n’est évoqué ou documenté et, d’autre part, parce qu’un délai de plus d’un an et demi s’est écoulé entre le traumatisme du 25 octobre 2011 et le décollement de la rétine. Citant une autre étude (HOOGEWOUD F., CHRONOPOULOS A. et alii, Traumatic retinal detachment – the difficulty and importance of correct diagnosis), il ajoute que même si la cause d’un déchirement de la rétine est attribuée à un traumatisme crânien mineur, simplement en raison d’une relation temporelle étroite (des heures ou [peu] de jours) avec un tel traumatisme, la proximité temporelle entre celui-ci et la déchirure peut être le fruit d’une simple coïncidence. En tout état, une déchirure rétinienne qui se produit des semaines, des mois ou des années plus tard ne peut plus être prise en considération. Interrogé sur le point de savoir quels troubles existeraient aujourd’hui, selon un très haut degré de vraisemblance, en raison de « seuls facteurs extérieurs » si l’accident n’avait pas eu lieu, l’expert a répondu que très probablement, le décollement de la rétine se serait produit indépendamment de l’accident. Puisque les deux yeux ont subi la même opération (en 2008), il existe de surcroît un risque important que l’autre œil (droit) « décolle » aussi plus tard, sans accident.

12.2 La chambre de céans constate que même s’il s’agit d’une expertise établie sur la base des pièces fournies, le dossier du recourant comporte suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel du recourant. Les réponses de l’expert aux questions sont bien motivées, non seulement au moyen des éléments anamnestiques du cas, mais aussi à la lumière des publications scientifiques traitant de l’étiologie des décollements et déchirures de la rétine. Étant donné que les points litigieux importants ont fait l’objet, de surcroît, d’une étude fouillée, que le rapport d’expertise a été établi en pleine connaissance du dossier et que la description des interférences médicales est claire, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise du 27 avril 2021 et ses compléments des 28 décembre 2021 et 17 juin 2022 peuvent se voir reconnaître valeur probante.

12.2.1 D’avis contraire, le recourant se fonde principalement sur les rapports des 3 août 2020 et 30 juin 2021 du Dr R______, faisant suite à une consultation que ce médecin a donnée le 3 août 2020, respectivement à un questionnaire que lui a soumis le recourant. Dans le premier de ces rapports, ce médecin fait état d’une acuité visuelle limitée à l’œil gauche en lien avec un antécédent de décollement de rétine et indique qu’au vu de leur nature et de la chronologie de leur apparition, ces lésions sont compatibles avec le traumatisme causé par l’accident du travail du 18 février 2013 « sans toutefois qu’un lien de causalité puisse être affirmé de façon certaine ». Dans le rapport subséquent du 30 juin 2021, le Dr R______ indique que l’extraction chirurgicale d’un cristallin subluxé en 2008, les zones de fragilité rétiniennes (dégénérescence palisadique) et la suspicion d’une maladie de Marfan peuvent avoir participé individuellement ou collectivement à l’apparition d’un décollement de la rétine, ce dernier ayant pu survenir « de manière spontanée ou à l’occasion d’un facteur déclenchant comme un traumatisme ». Un traumatisme antérieur au décollement de la rétine ayant été documenté, l’origine traumatique du décollement de la rétine n’est donc pas à exclure. En revanche, concernant la maladie de Marfan, celle-ci a été évoquée par le médecin ayant opéré le recourant en 2008 (Prof. H______), mais n’a jamais fait l’objet d’explorations complémentaires ou d’un diagnostic formel. Il est donc très difficile d’en estimer le degré d’implication. Le Dr R______ en conclut « qu’au vu des éléments concrets présentés dans le dossier, le décollement de rétine semble donc davantage trouver son origine dans un traumatisme que dans une maladie de Marfan ». Il poursuit ses explications en indiquant, sur question, qu’un choc sur la face ou l’arrière de la tête ayant causé une sévère entorse cervicale peut être la cause exclusive ou partielle d’un décollement de la rétine. Tout en admettant que la littérature scientifique s’intéresse surtout aux traumatismes oculaires directs, le Dr R______ n’en estime pas moins qu’une lésion rétinienne peut également survenir à l’occasion d’un traumatisme crânio-facial important responsable de lésions oculaires indirectes et qu’en pratique, des lésions « prédisposantes » peuvent tout à fait servir de terrain au développement d’un décollement de rétine, ce dernier étant déclenché ou précipité par un facteur traumatique. Enfin, sous point 12 (« Remarques »), le Dr R______ indique que dans sa description des faits, le recourant lui avait fait part de symptômes visuels ayant débuté directement après son incarcération en juillet 2013. Cela pouvait correspondre à l’apparition d’une déchirure rétinienne ou au développement d’un authentique décollement de rétine, mais le Dr R______ ne possédait aucun compte-rendu d’un examen clinique ayant été réalisé à ce moment-là. Il était également fait mention lors de l’opération du 9 décembre 2013, de l’aspect chronique du décollement de la rétine. Il était donc probable, selon le Dr R______, que le décollement de la rétine se fût installé progressivement sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. En conclusion, il était possible que celui-ci ait trouvé son origine dans l’accident de travail du 18 février 2013.

La chambre de céans constate que le Dr R______ relève que l’extraction chirurgicale d’un cristallin subluxé en 2008, les zones de fragilité rétiniennes (dégénérescence palisadique) et la suspicion d’une maladie de Marfan peuvent avoir participé individuellement ou collectivement à l’apparition d’un décollement de la rétine, ce dernier ayant pu survenir de manière spontanée ou à l’occasion d’un facteur déclenchant comme un traumatisme. Il indique cependant que le diagnostic de la maladie de Marfan, évoqué en 2008, n’a pas été confirmé et affirme qu’il est dès lors difficile d’estimer le degré d’implication de cette maladie dans le processus causal et que, selon lui, le décollement de rétine semble davantage trouver son origine dans un traumatisme que dans la maladie de Marfan. Ce médecin ne prend en revanche pas position sur les autres causes mentionnées par le Dr P______ qui ont, en tout état, une importance prépondérante dans le processus causal de décollement de la rétine, à savoir, par ordre d’importance décroissant : (1) la brèche pratiquée dans le vitré lors de l’opération de 2008 et (2) les cristallins luxés (cf. ci-dessus : consid. 12.1). L’expert précise qu’il s’agit là d’indicateurs « forts et indépendants » qui mènent à un risque élevé de décollement de la rétine, alors que les accidents décrits ont un lien de causalité négligeable sur le décollement de la rétine (cf. rapport d’expertise du 27 avril 2021, p. 5, point 6). En second lieu, le questionnaire soumis au Dr R______ apparaît biaisé en tant qu’il impute au Dr C______ ce que ce dernier n’atteste nulle part (« sévère entorse cervicale »). Le second certificat du 18 février 2013 du Dr C______ (n° CERFA 2______) mentionne en effet simplement une « entorse cervicale » (cf. dossier 4______, pièce 16, p. 4). Or, le Dr R______ intègre la notion de « sévère entorse cervicale » à sa réponse à la question 7 en affirmant que lors d’un accident à bord d’un véhicule, un traumatisme facial suffisamment violent « pour avoir causé une entorse cervicale sévère » est généralement accompagné d’une décélération brutale du chef au moment du choc, pouvant être responsable de déchirures rétiniennes immédiates ou secondaires. En troisième lieu, le Dr R______, contrairement au Dr P______ (dont les réponses sont documentées), ne cite pas de référence médicale ou d’étude épidémiologique pour affirmer « qu’en pratique, des lésions prédisposantes peuvent tout à fait servir de terrain au développement d’un décollement de la rétine, ce dernier étant déclenché ou précipité par un facteur traumatique ». En quatrième lieu, le Dr P______, dans son complément d’expertise du 28 décembre 2021, prend position de manière détaillée sur les lésions « prédisposantes » évoquées par son confrère en affirmant, référence à l’étude précitée à l’appui (HOOGEWOUD et alii), « qu’en ce qui concerne la théorie selon laquelle il y avait une fragilité préexistante, [dans ce cas] le décollement aurait dû arriver des heures ou des jours après le traumatisme, pas plus ». Or, dans la mesure où les Drs P______ et R______ s’accordent à admettre que les premiers indices de décollement rétinien à l’œil gauche ne se sont manifestés qu’en juillet 2013 (expertise du 27 avril 2021, p. 3 ; rapport du 30 juin 2021 du Dr R______, p. 4), la chambre de céans ne peut que constater que cette relation temporelle étroite fait défaut non seulement par rapport à l’accident du 25 octobre 2011, mais aussi par rapport à celui du 18 février 2013, que l’on s’en tienne à la version (que la chambre céans fait sienne) d’une chute sur le dos ou à celle (alternative, mais non pertinente ; cf. ci-dessus : consid. 11.2) du choc de la tête contre le pare-brise qui aurait eu lieu à cette date. Pour ces motifs, l’avis du Dr R______ n’emporte pas la conviction de la chambre de céans au contraire de l’avis de l’expert.

12.2.2 Dans un deuxième moyen, le recourant s’appuie sur un article des auteurs MIRCEA, RAMONA & ANDREI, intitulé Total retinal detachment occuring after minor head trauma, pour « confirmer » selon ses dires qu’un traumatisme crânien apparemment mineur peut causer un décollement de la rétine lorsque celle-ci est affaiblie par une dégénérescence.

Dans son deuxième complément d’expertise du 17 juin 2022, l’expert P______ a cependant maintenu ses précédentes conclusions après avoir pris position de façon détaillée sur cette publication en ces termes : il indique que l’article produit par l’assuré se contente, à partir d’un cas isolé, de présumer le lien de causalité entre le décollement de la rétine et le trauma crânien, sans mentionner les investigations faites pour établir une telle causalité. L’expert relève par ailleurs que les auteurs précités constatent une atrophie irienne et une cataracte unilatérale dans l’œil en question chez leur patient, mais qu’on ne trouve dans les propres références de ces auteurs aucune preuve pour étayer leur présomption. L’expert complète ses explications en indiquant qu’une des raisons évidentes pour arriver à un tel constat (décollement de la rétine), mais qui n’est pas mentionnée par les auteurs, serait la présence d’un traumatisme oculaire direct dans le passé. Aussi conclut-il que les conclusions de cette publication, qui n’est qu’un Case report (soit la valeur scientifique la plus basse dans la littérature scientifique), sont dépourvues de toute valeur scientifique.

Dans la mesure où l’expert s’en tient à ses précédentes conclusions et qu’il le fait en défendant son point de vue de manière convaincante, notamment en relevant les lacunes de l’article précité, la chambre de céans constate que cette publication n’est pas propre à mettre en doute les conclusions de l’expertise du 27 avril et de son complément du 28 décembre 2021.

12.2.3 À l’appui de son recours, le recourant produit également un extrait de publication de la « Canadian Association of Optometrists » et une brève présentation d’une thèse sur le décollement de rétine traumatique (pièces 51 et 52 recourant) pour affirmer qu’une « certaine littérature scientifique » admettrait également qu’un décollement de la rétine puisse être causé par un traumatisme à la tête.

La chambre de céans constate que la première de ces contributions – qui ne cite
pas son auteur – se limite à des généralités qui ne permettent pas de mettre en doute les explications détaillées de l’expert sur la causalité du décollement de la rétine du recourant au regard des particularités du cas d’espèce. Quant à la seconde référence (pièce 52), il sied de relever qu’elle traite précisément de « traumatismes oculaires » (contusion oculaire, traumatisme pénétrant avec ou sans corps étranger intraoculaire ou éclatement de globe) selon le résumé produit, soit des hypothèses non pertinentes dans le cas d’espèce, compte tenu de l’absence de blessure de l’œil documentée, que ce soit pour les suites de l’accident du 25 octobre 2011 ou de celui du 18 février 2013 (ci-dessus : consid. 12.1).

12.2.4 Le recourant se réfère également au rapport du 17 décembre 2013 du
Dr V______, en tant qu’il retient, sous « histoire de la maladie », qu’il existe une baisse progressive d’acuité visuelle bilatérale prédominant à gauche depuis début février 2013 et qui « ferait suite à un traumatisme crânien ».

On rappellera que ce rapport, au demeurant rédigé au conditionnel, repose sur un raisonnement post hoc ergo propter hoc qui ne suffit pas à établir un rapport
de causalité naturelle (ci-dessus : consid. 6.1). Par ailleurs, si la baisse de l’acuité visuelle remontait à début février 2013 comme indiqué par ce médecin, elle serait même antérieure à l’événement du 18 février 2013.

12.2.5 Le recourant se fonde également sur le certificat du 3 novembre 2016 du Dr K______, ce médecin concluant à une baisse sévère de l’acuité visuelle de l’œil gauche, secondaire à une atrophie de l’épithélium pigmentaire maculaire, cet aspect étant compatible avec des séquelles d’un éventuel traumatisme sévère au niveau de l’œil gauche.

La chambre de céans relève que cette « compatibilité » alléguée, de même que
le caractère simplement éventuel d’un traumatisme ne changent rien au fait que, selon les constatations non contredites de l’expert, il n’y a pas de traumatismes oculaires directs qui soient documentés (cf. rapport d’expertise du 27 avril 2021, p. 4, point 5). Quant à l’hypothèse d’un décollement de rétine consécutif à un traumatisme crânien (ou traumatisme indirect), l’expert a déjà souligné, références à l’appui, qu’elle n’était pas statistiquement significative (un seul cas sur 161 ; cf. complément d’expertise du 28 décembre 2021, p. 2).

12.2.6 Le recourant soutient en outre que dans son rapport du 9 novembre 2016,
le Dr F______ ferait état d’un décollement de rétine à l’œil gauche post-traumatique.

Cette affirmation omet cependant de préciser que selon le rapport produit (cf. pièce 22 recourant), il s’agit là des indications du patient et que le Dr F______ y a ajouté un point d’interrogation.

12.2.7 Enfin, le recourant ne saurait rien déduire en sa faveur du fait que l’expert, après avoir qualifié de « négligeable » le rôle des accidents des 25 octobre 2011 et 18 février 2013 d’un point de vue causal, ait indiqué, sur question du recourant, qu’une diminution unilatérale de la vision avec vision résiduelle de 0.1 correspondait à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 25%. Le fait que cette réponse soit dépourvue d’utilité pratique, compte tenu de l’absence de causalité retenue, n’affaiblit en rien la portée des conclusions de l’expert.

12.3 Aussi, en l’absence d’argument pertinent et de production d’un avis médical mettant en évidence un élément objectivement vérifiable qui aurait été ignoré par le Dr P______ et qui serait suffisamment convaincant pour remettre en cause ses conclusions, la chambre de céans se fondera sur ces dernières par appréciation anticipée des preuves (ci-dessus : consid. 10.4). Dans la mesure où l’expert parvient de façon bien documentée et convaincante à la conclusion que la probabilité que les accidents des 25 octobre 2011 et 18 février 2013 soient la cause du décollement rétinien à l’œil gauche, diagnostiqué en novembre 2013, est négligeable, eu égard notamment à des « indicateurs forts et indépendants » menant à un risque élevé de décollement de la rétine (pour l’ordre d’importance décroissant de ces facteurs/indicateurs : cf. ci-dessus : consid. 12.1), il y a lieu
de constater qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les accidents des 25 octobre 2011 et 18 février 2013 ne sont pas la cause, même partielle, dudit décollement et, partant, que ce phénomène s’est produit de manière indépendante de ceux-ci. Partant, l’intimée n’a pas à répondre des conséquences du décollement rétinien à l’œil gauche du recourant, cette atteinte n’étant ni une conséquence directe des accidents des 25 octobre 2011 et 18 février 2013, ni une manifestation de séquelles tardives de ces événements.

13.         Mal fondé, le recours doit être rejeté.

Le recourant, qui n’obtient pas gain de cause, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 

*****

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le