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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2878/2022

ATAS/26/2024 du 18.01.2024 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2878/2022 ATAS/26/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 18 janvier 2024

Chambre 6

 

En la cause

Madame A______

représentée par Me Sylvie MATHYS

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1965 au Caire. Établie en Suisse depuis son enfance, elle a obtenu sa naturalisation à ses 19 ans. Au bénéfice d’une formation de secrétariat, elle a travaillé en qualité de secrétaire dans différents établissements bancaires de la place genevoise jusqu’à la naissance de son premier enfant en 1994.

b. Suite à son divorce, elle est partie vivre en Egypte en 2004 avec ses deux enfants. De 2006 à 2011, elle y a travaillé en tant que secrétaire réceptionniste d’un club de plongée local.

c. En 2012, suite à des douleurs résultant d’une hernie discale, elle a subi une opération chirurgicale de décompression et micro-disectomie en L5-S1 gauche. Elle a depuis lors décrit une douleur lombaire persistante avec irradiation dans la jambe gauche jusqu’au pied, ainsi qu’une douleur thoracique antérieure et une perte de force du bras du même côté.

d. L’assurée est revenue en Suisse en 2018 afin d’assister son fils atteint d’une pathologie oncologique lourde. Elle a été financièrement prise en charge par l’Hospice général.

B. a. L’assurée a déposé une demande de prestations AI auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité, (ci-après : l’OAI ou l’intimé) le 20 juin 2019, indiquant se trouver en incapacité totale de travailler depuis le 23 avril 2019 en raison de souffrances psychologiques et somatiques significatives.

b. À l’appui de sa demande, l’assurée a notamment transmis à l’OAI :

-          un bilan radiologique du 5 juillet 2019 de la docteure B______, radiologue, faisant suite à des lombalgies chroniques. La spécialiste concluait au vu de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) à un « status post-laminectomie et flavectomie L5-S1 gauche avec une sévère discarthrose L5-S1 et une discopathie L5-S1 protrusive sans signe de récidive de hernie discale, présentant un important caractère inflammatoire de type Modic 1. Rétrécissement foraminal L5-S1 bilatéral non significatif. Absence de rétrécissement canalaire lombaire. Absence de sténose foraminale serrée » ;

-          un rapport du 26 juillet 2019 du docteur C______, psychiatre, et de Monsieur D______ psychologue et psychothérapeute. Ils indiquaient suivre l’intéressée depuis le 23 avril 2019 et posaient les diagnostics suivants : personnalité émotionnelle labile/borderline (F60.31), état de stress post-traumatique (F43.1), dépression anxieuse persistante (F43.1) et somatisation généralisée. Le pronostic était défavorable à moyen et long terme ;

-          un rapport du 24 octobre 2019 du docteur E______, médecin traitant de l’assurée depuis le 3 juin 2019, retenant les diagnostics incapacitants de discarthroses L5-S1 et renvoyant au rapport du psychiatre traitant pour le surplus.

c. Suite à une demande de renseignements complémentaires de l’OAI, l’assurée a expliqué avoir subi une opération d’hernie discale (L5-S1) en 2012 et être confrontée depuis lors à des douleurs dorsales chroniques. Pour y faire face, elle prenait des antidouleurs et antiinflammatoires puissants, lesquels provoquaient des douleurs à l’estomac. Par la suite, son médecin traitant lui avait recommandé des infiltrations à titre antalgique. Souhaitant éviter un tel traitement, elle n’avait pas contacté de rhumatologue et n’était donc pas suivie par un spécialiste.

d. Le 2 juin 2020, le Dr C______ a indiqué que l’assurée était en incapacité totale de travailler dans toute activité professionnelle. Il a fait état des diagnostics F41.2 et F45.0 selon la classification CIM 10 et mentionné les douleurs chroniques comme limitations fonctionnelles. Sa patiente disposait de très peu de ressources et la reconnaissance de sa souffrance était un facteur important pour elle, vu les changements significatifs que dite souffrance avait occasionnés dans sa vie. L’état de santé psychique et somatique rendait impossible une adaptation au travail. La mise en place d’un traitement antidépresseur était envisagée en sus de la psychothérapie qui se déroulait à raison de deux séances par semaine.

e. Le 6 juillet 2020, le Dr E______ a expliqué que la capacité de travail de sa patiente était nulle tant en raison des atteintes psychiques que somatiques. Concernant ces dernières, il relevait qu’un bilan était en cours concernant des douleurs chroniques à l’épaule gauche.

f. Le 4 août 2020, la docteure F______, radiologue, a procédé à une échographie de l’épaule gauche, laquelle a révélé une bursite sous-acromio-deltoïdienne avec aspect de tendinopathie à l’insertion du tendon du supra-épineux.

g. Le 8 octobre 2020, le Dr C______ a confirmé qu’un traitement antidépresseur avait bien été mis en place, sans que cela ne permette une nette amélioration. L’assurée présentait une intolérance et une résistance aux médicaments et développait des symptômes corporels. La capacité de travail demeurait nulle dans toute activité.

h. Le 12 novembre 2020, le service médical régional de l’assurance-invalidité
(ci-après : SMR) a recommandé la mise en œuvre d’une expertise bidisciplinaire en rhumatologie et psychiatrie afin notamment d’évaluer si des diagnostics incapacitants existaient, y compris un syndrome somatoforme douloureux. Selon le SMR, les rapports du généraliste et du psychiatre traitants n’apportaient pas des éléments clairs permettant de justifier sous l’angle médical l’incapacité totale de travailler qu’ils retenaient.

i. Confiée au centre d’expertise M______ (ci-après : M______), l’expertise a été mise en œuvre les 23 septembre et 4 octobre 2021 par les docteurs G______, psychiatre, et H______, rhumatologue.

j. Les experts ont rendu leur rapport le 29 octobre 2021, retenant les diagnostics incapacitants de : cervicalgie sans irradiation neurologique objective sur discopathie (M54.2), lombalgie sans irradiation neurologique objective dans les suites d’une chirurgie pour hernie discale L5-S1 en 2012 (M54.5), syndrome douloureux somatoforme persistant évoluant depuis 2012 et s’étant aggravé depuis 2018 (F45.4), autres réactions à un facteur de stress sévère (F43.8). Une fibromyalgie non incapacitante était également attestée. Les diagnostics de stress post-traumatique classique, de personnalité émotionnellement labile/borderline et de dépression anxieuse persistante étaient en revanche écartés.

Sous l’angle rhumatologique, les limitations fonctionnelles suivantes étaient retenues : pas d’effort de soulèvement de plus de 5 kg à partir du sol, pas de porte-à-faux du buste ou du rachis cervical, ni de rotation répétée du rachis cervical, port de charge proche du corps limité à 10 kg.

Du point de vue psychiatrique, une fatigabilité liée à l’état anxieux était signalée.

Les experts concluaient consensuellement à une capacité de travail entière avec une baisse de rendement de 20% découlant uniquement de la limitation d’ordre psychique précitée. Aucune mesure médicale ou thérapeutique n’était préconisée.

k. Le 9 novembre 2021, le SMR a fait siennes les conclusions de l’expertise M______, retenant une diminution de 20% de la capacité de travail dans l’activité habituelle, ainsi que dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles susmentionnées, ce depuis 2012.

l. Par projet du 24 janvier 2022, l’OAI a communiqué à l’assurée son intention de rejeter sa demande dans la mesure où son taux d’invalidité s’élevait à 20% seulement et que des mesures d’ordres professionnelles n’étaient pas indiquées.

m. Le 10 février 2022, l’assurée a formulé des objections à l’encontre du projet de décision. Depuis plusieurs années, elle souffrait de graves angoisses qui l’empêchaient parfois de quitter son logement durant plusieurs jours. Les graves troubles somatiques dont elle souffrait depuis 2012 généraient des douleurs et des raideurs inflammatoires dans tout le corps, des tremblements dans les jambes, des douleurs thoraciques et des irrégularités respiratoires. Ces troubles généraient une importance souffrance psychique et lui prenaient toute son énergie. Dans ces circonstances, il lui était impossible de reprendre une activité professionnelle.

n. Le 14 février 2022, le Dr C______ a expliqué que sa patiente était dans un état chronique et compensé. Elle présentait des effets collatéraux à l’usage de neuroleptiques et d’antidépresseurs. Elle était en outre traumatisée par les médicaments psychiatriques en raison des antécédents désastreux de ce type de produits chez sa mère, dont elle avait un souvenir très vif. Elle n’était pas en mesure de travailler et toute tentative de reprise pouvait conduire à une décompensation, vu l’incapacité de l’intéressée à être mise sous stress.

o. Le 16 février 2022, le Dr E______ a certifié que l’assurée souffrait d’une rachialgie chronique liée aux séquelles d’une arthrose au niveau du rachis cervical ainsi qu’au niveau du rachis lombaire.

p. Le 26 mai 2022, le SMR a considéré que les pièces produites par la recourante à l’appui de ses objections ne constituaient pas des évènements nouveaux susceptibles de modifier les conclusions de son rapport du 9 novembre 2021. En particulier, il était relevé que le rapport du Dr I______ ne faisait pas état d’une aggravation mais lançait seulement des investigations complémentaires.

q. Par décision du 8 juillet 2022, l’OAI a maintenu les termes de son projet du
24 janvier 2022, rejetant la demande de prestations de l’assurée.

C. a. L’assurée a recouru contre cette décision le 12 septembre 2022, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’intimé pour complément d’instruction et nouvelle décision. Elle estimait, en substance, que le taux d’incapacité de travail retenu par l’expertise M______ était arbitraire, dans la mesure où il se fondait sur des prémices erronées, l’expertise comportant de nombreuses contradictions et omissions. Les limitations fonctionnelles découlant de la pathologie au niveau du dos n’avaient pas été dûment prises en compte, tout comme l’aggravation de l’état de santé attestée par le Dr I______ en février 2022.

b. En parallèle à son recours, la recourante s’est adressée à l’intimé le 26 septembre 2022 pour lui faire part d’une aggravation de l’état de santé sous la forme d’une augmentation du degré d’inflammation (du stade Modic I à Modic II), d’une compression foraminale et récessale en L5-S1, ainsi que la présence d’une déchirure du sus-épineux avec bursite et sinovite sous-acromio deltoïdienne gauche, sclérose sous-acromiale et du tronchier, témoignant d’un conflit sous acromial.

Elle a déposé deux pièces médicales à l’appui de ses dires, soit :

-          Un rapport du 11 mars 2022, du docteur I______ (neurochirurgien et chirurgien de la colonne vertébrale et du rachis) faisant suite à une IRM de l’épaule gauche et de la colonne lombaire du 4 mars 2022 et à une ENMG du 2 mars 2022.

Si l’ENMG était dans la limite de la norme, l’IRM de l’épaule laissait apparaître une déchirure du sus-épineux avec bursite et sinovite sous-acromio deltoïdienne gauche, une discopathie dégénérative post-chirurgicale L5-S1 avec signes Modic II et compression foraminale L5 et récessale S1 résiduelle avec probable neuropathie encore irritative, ainsi qu’une discopathie dégénérative C3 à D1 au niveau cervical avec perte de lordose et sténoses foraminales multiples prédominant en C5, C6 et C7 du côté gauche.

-          Un rapport du 6 avril 2022 du docteur J______ (FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, spécialiste de l’épaule et du coude) établi suite à une consultation de la veille pour une évaluation de l’épaule gauche dans un contexte de cervicobrachialgies gauches. L’examen clinique laissait apparaître des douleurs à la palpation du trapèze et de la nuque, dans une moindre mesure au moignon de l’épaule, les amplitudes articulaires de l’épaule étaient considérées complètes avec une force de la coiffe compensée et le Jobe était légèrement sensible mais parfaitement tendu. Le bilan radiographique montrait une sclérose sous-acromiale et du trochiter, témoignant d’un conflit sous-acromial.

b. Dans sa réponse du 10 octobre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours, considérant que l’expertise M______ remplissait tous les critères justifiant de lui reconnaître pleine valeur probante.

Concernant les nouveaux certificats médicaux que la recourante lui avait adressés directement, elle les avait soumis au SMR qui considérait, dans son rapport du
7 octobre 2022, qu’ils ne comportaient pas de nouvel élément objectif remettant en question les conclusions précédentes ou rendant vraisemblable une aggravation de l’état de santé. Le problème de l’épaule était déjà connu de l’expert rhumatologue en 2021. Celui-ci n’avait cependant pas retenu ce diagnostic comme incapacitant en raison d’un examen clinique objectivement normal, ce qui était d’ailleurs confirmé par le Dr J______. Le SMR considérait cependant que les limitations fonctionnelles consécutives à l’atteinte à l’épaule devaient être précisées comme suit : pas de port de charges de plus de 5 kg, pas de travail avec les membres supérieurs au-dessus de l’horizontale, pas de mouvements extrêmes répétitifs de l’épaule gauche. L’activité habituelle de « secrétaire/réceptionniste » était tout-à-fait adaptée à ces limitations fonctionnelles qui recouvraient d’ailleurs celles retenues par le SMR pour le problème cervical. Enfin, toujours selon le SMR, la nouvelle IRM lombaire ne mettait pas en évidence d’aggravation et l’ENMG ne relevait toujours pas d’atteinte radiculaire.

c. La recourante a répliqué le 11 novembre 2022, relevant que des indices concrets mettaient en cause la fiabilité de l’expertise dont les constats et diagnostics retenus témoignaient d’une orientation de principe visant à disqualifier la nature et l’importance des atteintes à la santé présentées par la recourante, cela tant sur le plan rhumatologique que psychiatrique. Les atteintes à la santé et leurs conséquences sur la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle de secrétariat avaient ainsi été évaluées arbitrairement.

d. Par courrier du 14 décembre 2023, la chambre de céans a informé les parties de son intention de confier une mission d’expertise rhumatologique et psychiatrique à la doctoresse K______ psychiatre et au docteur L______, rhumatologue et leur a communiqué les questions qu’elle soumettrait à l’expert.

e. Par pli du 11 janvier 2024, l’intimé a indiqué s’opposer à la mise en place d’expertise judiciaire, aucun élément ne permettant de remettre en question la valeur probante de l’expertise du M______. Il a précisé que si la chambre de céans persistait dans son intention d’ordonner une telle expertise, il n’avait pas de motif de récusation à l’encontre des experts annoncés, ni de questions complémentaires à leur soumettre.

f. Le 15 janvier 2024, la recourante a exposé ne pas avoir de motif de récusation ni de questions ou observations complémentaires.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

2.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un éventuel droit à une rente d'invalidité postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité, singulièrement sur l'appréciation de sa capacité de travail.

5.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

6.              

6.1 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).

6.2 Selon la jurisprudence, si l'assuré peut prétendre à des prestations de l'assurance-invalidité, l'allocation d'une rente d'invalidité à l'issue du délai d'attente (cf. art. 28 al. 1 LAI), n'entre en considération que si l'intéressé n'est pas, ou pas encore, susceptible d'être réadapté professionnellement en raison de son état de santé (principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente ; ATF 121 V 190 consid. 4c). La preuve de l'absence de capacité de réadaptation comme condition à l'octroi d'une rente d'invalidité doit présenter un degré de vraisemblance prépondérante. Dans les autres cas, une rente de l'assurance-invalidité ne peut être allouée avec effet rétroactif que si les mesures d'instruction destinées à démontrer que l'assuré est susceptible d'être réadapté ont révélé que celui-ci ne l'était pas (ATF 121 V 190 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2 et les références).

7.              

7.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

7.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

7.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêts du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence et 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

8.             Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 ; 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. A l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question. Le résultat de l'appréciation dépend toutefois de l'ensemble des circonstances individuelles du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence).

3. Comorbidités

La présence de comorbidités ou troubles concomitants est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation ; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

Le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches [ ]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2)

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). A ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

L'interruption de toute thérapie médicalement indiquée sur le plan psychique et le refus de participer à des mesures de réadaptation d'ordre professionnel sont des indices importants que l’assuré ne présente pas une évolution consolidée de la douleur et que les limitations invoquées sont dues à d'autres motifs qu'à son atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2).

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaitre sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

9.              

9.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

9.2 Selon l’art. 54a LAI, les services médicaux régionaux (ci-après : SMR) établissent les capacités fonctionnelles de l’assuré qui sont déterminantes pour l’assurance-invalidité en vertu de l’art. 6 LPGA, pour l’exercice d’une activité lucrative raisonnablement exigible ou pour l’accomplissement des travaux habituels (al. 3).

Lors de la détermination des capacités fonctionnelles, la capacité de travail attestée médicalement pour l’activité exercée jusque-là et pour les activités adaptées est évaluée et justifiée en tenant compte, qualitativement et quantitativement, de toutes les ressources et limitations physiques, mentales et psychiques (art. 49 al. 1bis RAI).

Les limitations dues à l’atteinte à la santé au sens étroit, à savoir les restrictions à l’exercice d’une activité lucrative au sens de l’art. 8 LPGA de nature quantitative et qualitative, dues à l’invalidité et médicalement établies, doivent systématiquement être prises en compte pour l’appréciation de la capacité fonctionnelle. Il s’agit là de l’estimation du temps de présence médicalement justifié d’une part (capacités fonctionnelles quantitatives, par ex. en nombre d’heures par jour) et des capacités fonctionnelles qualitatives durant ce temps de présence d’autre part (limitation de la charge de travail, limitations qualitatives, travail plus lent par rapport à une personne en bonne santé, etc.). En règle générale, ces deux composantes sont ensuite combinées pour obtenir une appréciation globale en pourcentage de la capacité de travail, autrement dit des capacités fonctionnelles. Ainsi, par exemple, une productivité réduite pendant le temps de présence exigible ou un besoin de pauses plus fréquentes doivent être systématiquement déduits lors de l’indication de la capacité fonctionnelle résiduelle. Cela permet également de tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la capacité de travail attestée par un médecin donne des indications sur l’effort pouvant être effectivement exigé, mais pas sur la présence éventuelle sur le lieu de travail. Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire de demander des renseignements auprès du médecin traitant afin que le SMR puisse établir une évaluation globale et compréhensible de la capacité fonctionnelle résiduelle, qui tienne compte de tous les facteurs médicaux influents [OFAS, Dispositions d’exécution relatives à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Développement continu de l’AI), rapport explicatif (après la procédure de consultation) du 3 novembre 2021 (ci-après : rapport explicatif, ad art. 49 al. 1bis, p. 60].

9.3 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

9.4  

9.4.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

9.4.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.4.3 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

10.         En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socio-culturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1 ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

11.         Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

 

 

12.          

12.1 En l’espèce, l’intimé s’est fondé sur l’expertise bidisciplinaire (rhumatologique et psychiatrique) établie par le M______ le 29 octobre 2021 pour rendre la décision querellée refusant l'octroi d'une rente d’invalidité à la recourante. Il a conclu que l’intéressée pouvait exercer son activité habituelle de secrétariat à 100% depuis 2012 moyennant une baisse de rendement de 20%.

La recourante conteste la valeur probante du rapport d’expertise et conséquemment les conclusions qui en sont tirées par l’intimé quant à sa capacité de travail.

12.2 L’expertise comporte une appréciation médicale par chacun des experts, fondée sur une anamnèse détaillée, sur le dossier médical (dont les différents éléments sont listés), ainsi que sur un examen médical de l’intéressé. Les plaintes de l’intéressé y figurent également. Chaque expert clôt en outre la partie relative à sa spécialité par des conclusions qu’il motive. Enfin, le rapport comporte une partie intitulée « évaluation consensuelle », faisant la synthèse des appréciations des différents médecins.

12.3 La chambre de céans relève cependant qu’au-delà de ces aspects formels, l’expertise comporte plusieurs lacunes de fond qui la rendent peu convaincante.

12.4  

12.4.1 Ainsi, sur le plan rhumatologique tout d’abord, l’expert retient les diagnostics incapacitants de cervicalgie sans irradiation neurologique objective sur discopathie et de lombalgie sans irradiation neurologique objective sur discopathie. Il retient également un diagnostic de fibromyalgie qu’il estime cependant non incapacitante « étant donné les ressources de l’expertisée et l’absence de comorbidité ».

12.4.2 Les ressources de la recourante semblent pourtant largement surévaluées. L’expert fait état d’un quotidien autonome et d’une insertion sociale pratiquement normales, alors qu’il ressort directement de l’expertise que l’intéressée est très isolée socialement, vit seule et n’a de contacts : qu’avec ses enfants qu’elle voit environ une fois par mois et qu’elle appelle plus régulièrement, avec sa famille en Egypte à qui elle écrit sur whatsapp, ainsi qu’avec une amie qu’elle voit rarement (du fait qu’elle n’aime pas sortir), mais avec qui elle a des contacts réguliers (p.8). En outre, elle ne voyage plus depuis son retour en Suisse en 2018 et ne semble pas avoir de loisirs ni d’occupations (p.17), à part faire quelques promenades, s'assoir sur un banc devant chez elle dans la nature ou s’allonger sur le canapé et regarder la télévision (p.9). Elle ne fait pas de sport, peine à tenir un livre à cause de ses douleurs et se souvient s’être baignée à une reprise en piscine chaude et l’avoir apprécié (p. 17), sans avoir pour autant renouvelé l’expérience. L’eau de la douche lui fait du bien (p.9). Elle sort de moins en moins, car elle n’aime pas le bruit et préfère le calme (p.9).

Concernant son quotidien et sa journée type, la recourante ne mange que le soir et ne se prépare donc qu’un repas par jour. Elle semble passer l’essentiel de son temps allongée sur le canapé à regarder la télévision et sort de moins en moins car elle n’aime pas le bruit (p.9). Quant aux diverses tâches ménagères, elle explique ne pouvoir faire qu’une tâche par jour, à son rythme (p.8) et ce malgré que l’appartement soit petit (2,5 pièces) et, partant, facile à nettoyer. Elle transporte ses courses et son linge (jusqu’à la buanderie) à l’aide d’un chariot qu’elle met dans l’ascenseur (p.8).

En outre, la recourante qui n’a plus jamais travaillé depuis l’opération de 2012 a indiqué explicitement lors de l’examen rhumatologique qu’elle avait depuis lors une douleur lombaire avec une irradiation dans le membre inférieur gauche jusqu’au pied ainsi qu’une douleur thoracique antérieure toujours à gauche, avec une sensation de diminution de la force dans le membre supérieur gauche l’empêchant de marcher, piétiner ou s’asseoir plus de quinze minutes (p.7). Ces affirmations sont largement concordantes avec celles réalisées auprès de l’experte psychiatre à qui elle a expliqué que depuis 2012, elle ne peut plus rester debout plus de dix minutes et que si elle reste assise elle a le dos qui se bloque et cela lui donne de la migraine (p. 16).

Ces éléments ne permettent pas de comprendre que l’expert rhumatologue retienne qu’après l’opération de 2012, la récupération de l’intéressée a été a priori bonne et l’expertisée a pu à nouveau fonctionner normalement (p.7). Cette conclusion n’est d’ailleurs pas motivée.

Globalement, les plaintes de la recourante ne sont pratiquement pas prises en comptes, les obstacles auxquelles elle est confrontée sont minimisées et ses ressources sont surévaluées. Ces éléments rendent peu convaincantes les conclusions de l’expert, notamment quant au caractère incapacitant de la fibromyalgie et de manière plus générale quant à l’évaluation de la capacité de travail.

12.4.3 Enfin et surtout, l’absence de comorbidité (p.12) retenue par l’expert rhumatologue pour écarter le caractère incapacitant de la fibromyalgie n’est pas convaincante au vu des différentes atteintes constatées par les experts eux-mêmes. Elle l’est d’autant moins qu’elle ne fait, à nouveau, l’objet d’aucune motivation. Les interactions entre les différents troubles concomitants psychiques ou physiques ne sont pas du tout examinées, pas plus que la mesure dans laquelle ils privent l’intéressée de certaines ressources. La partie consensuelle de l’expertise ne remédie pas à cette carence (cf. ci-après :12.6), manifestement incompatible avec les critères jurisprudentiels posés par l’ATF 141 V 281.

12.4.4 Au vu de ces lacunes importantes, l’appréciation des conséquences fonctionnelles des différentes atteintes par l’expert rhumatologue n’est pas probante.

 

12.5  

12.5.1 Au niveau psychiatrique, les explications de l’experte psychiatre apparaissent pour le moins confuses. Elle écarte ainsi notamment le diagnostic de dépression anxieuse récurrente posé par le psychiatre traitant, faute d’avoir constaté lors de l’examen un ralentissement psychomoteur ou un trouble de l’attention, de la concentration ou de la mémoire (p.20).

Cette analyse est surprenante dans la mesure où l’examen et les dires de l’expertisées elle-même (que la Dre G______ évalue crédibles et plausibles, p. 20), concernant notamment le déroulement de ses journées laissent apparaître des symptômes tels que : ralentissements, asthénie, perte de l’élan vital, douleurs chroniques et perte d’appétit. L’experte reconnait en outre que la recourante est diminuée par un « état anxieux permanent » (p. 20).

Les rapports circonstanciés du Dr C______ font également état de symptômes tels que la tristesse, le pessimisme, l’absence de moments de plaisir, un état d’épuisement, une fragilité psychologique généralisée, une concentration limitée, une tendance à s’isoler et des facultés mnésiques sujettes à perturbation, notamment en contexte émotionnel. Sans vouloir s’ériger en expert, la chambre de céans relève que ces éléments semblent tous concourir à la reconnaissance d’un diagnostic de dépression anxieuse persistante (F34.1), de sorte qu’il n’est pas convaincant que celui-ci soit écarté sans que cette décision ne soit argumentée.

Au-delà de leur impact sur la qualification diagnostique, la non prise en compte de la plupart des symptômes précités et des diverses déclarations et plaintes de l’assurée est également insatisfaisante au niveau de l’évaluation des capacités, ressources et difficultés de l’expertisée. La Dre G______ retient ainsi que l’assurée n’a pas de problèmes : à entretenir des relations avec des proches ou des relations superficielles avec autrui, de fatigabilité, d’organiser des activités spontanées, de se déplacer (p. 20). Au final, seules les capacités d’adaptation seraient légèrement diminuées par l’état anxieux permanent. À nouveau, les obstacles auxquels la recourante se dit confrontée (et qui sont confirmés par son psychiatre traitant) sont minimisés, ce sans explication alors que l’intéressée est considérée comme crédible et cohérente et qu’il n’y a pas de signes d’exagération.

12.5.2 Quant au syndrome somatoforme douloureux permanent, il n’aurait aucune incidence sur les ressources, les limitations fonctionnelles ou la capacité de travail de la recourante. L’experte reconnaît pourtant que la recourante « présente des douleurs intenses et persistantes s’accompagnant d’un sentiment de détresse non expliqué entièrement par un processus physiologique ou un trouble physique et survenant dans un contexte de conflits émotionnels et de problèmes psycho-sociaux » (p. 19). Les conséquences et effets fonctionnels de cette atteinte ne sont pourtant pas examinés au motif que « le poids des souffrances est considéré comme faible puisque l’assurée refuse le traitement » (p. 19). À cet égard, il n’est aucunement tenu compte du rapport du 8 octobre 2020 du psychiatre traitant où il est relevé qu’une stratégie médicamenteuse avait été mise en place (Cymbalta, Xanax, Dormicum), générant de nouveaux symptômes et une intolérance aux médicaments sans que cela n’améliore nettement la situation. Ces traitements avaient en outre mis en place une association d’idée avec la souffrance de sa mère, élément que la recourante semble avoir également indiqué lors de l’expertise, la Dre G______ relevant que l’intéressée « pense que ce sont les médicaments pris contre la dépression qui ont causé chez sa mère la maladie d'Alzheimer et aussi une fracture de la hanche » (p.16) et qu’elle « exprime au sujet des médicaments la croyance qu'ils lui ont fait plus de mal que de bien et qu'ils ont précipité sa mère dans la démence » (p.20). Il n’est guère satisfaisant que cette thématique récurrente ne soit pas analysée par l’experte qui se contente d’estimer que le syndrome somatoforme douloureux persistant n’affecte pas le fonctionnement ni les ressources de l’expertisée, sans quoi elle accepterait un traitement médicamenteux.

Le cumul de ces éléments ne permet pas de considérer le volet psychiatrique de l’expertise comme probant, ce d’autant moins que si l’analyse des indicateurs jurisprudentiels figure bien formellement à l’expertise, elle est des plus sommaire et fait également fi tant du dossier médical de la recourante que de ses déclarations faites lors de l’expertise.

12.6 Enfin, « l’évaluation consensuelle » n’en est pas réellement une, puisque chaque spécialiste se contente d’y récapituler son anamnèse et son évaluation, avant d’énumérer tous les diagnostics retenus et les limitations fonctionnelles, également reprises directement des deux volets de l’expertise. En particulier, les médecins n’ont pas discuté des interférences entre les différents troubles qu’ils retiennent lors de l’évaluation « interdisciplinaire de la capacité de travail. Il en va globalement ainsi de la grille d’évaluation des indicateurs développés par la jurisprudence qui est non seulement très sommaire et guère motivée, mais ne reflète pas non plus une discussion commune entre les experts. L’indicateur de comorbidité n’est par ailleurs absolument pas abordé, ce quand bien même il semble revêtir une importance particulière au vu des différentes atteintes retenues dans le cadre de chacun des volets de l’expertise.

L’évaluation consensuelle comporte enfin des erreurs factuelles, notamment lorsqu’elle retient, dans la partie relative au contrôle de la cohérence (p.5), que les plaintes de l’expertisée relatives à ses douleurs s’expliqueraient par le fait qu’elle ne prendrait pas d’antalgiques, ce qui est pourtant démenti par le volet rhumatologique de l’expertise qui précise qu’elle prend entre un et trois Dafalgan par jour (p.7 et p. 9).

13.         Au vu de ces éléments, la chambre de céans considère que l’expertise du Cedemex ne revêt pas une valeur probante suffisante permettant notamment de déterminer, à satisfaction de droit, les diagnostics qu’il convient de retenir sur le plan rhumatologique et psychiatrique, le caractère incapacitant des atteintes retenues, l’étendue d’une éventuelle capacité résiduelle de travail et de rendement dans l’activité habituelle de secrétaire, cas échéant dans une autre activité, adaptée, tenant compte de limitations fonctionnelles claires.

Les rapports des médecins attestant d’atteintes à la santé ne suffisent pas non plus à trancher la cause, eu égard à leur faible densité de motivation. Il manque également les éléments permettant de juger des interactions entre les différentes atteintes retenues (comorbidités).

14.         Par conséquent, les pièces du dossier ne permettent pas de retenir des diagnostics clairs, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, ni de se déterminer sur la capacité de travail de la recourante à l'aune des indicateurs développés par la jurisprudence applicable notamment en matière de trouble somatoforme douloureux, de fibromyalgie et de troubles psychiques.

15.         Partant, il est indispensable de compléter l'instruction médicale en ordonnant une expertise judiciaire pluridisciplinaire, comportant des volets en rhumatologie et psychiatrie, laquelle est confiée aux docteurs L______ et K______.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I.     Ordonne une expertise de Madame A______. Commet à ces fins la docteure K______ et le docteur L______. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A.  Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.  Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, en particulier le Dr C______, le Dr J______, le
Dr E______.

C.     Examiner et entendre la personne expertisée et si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D.  Charge le Dr L______ d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.             Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.             Plaintes de la personne expertisée

3.             Status et constatations objectives

4.             Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogenèse)

4.1. Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1   Dates d'apparition

4.2         Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1   Dates d'apparition

4.3         Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4         Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

4.5         L’état de santé de la personne expertisée s’est-il amélioré/détérioré depuis 2019 ?

4.6         Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.7         Y a-t-il une discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, l’allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins médicaux, des plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact ?

4.8 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.9 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

4.10 Est-ce que ce qui est connu de l’évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

5.             Limitations fonctionnelles

5.1         Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1 Dates d’apparition

5.2    Les plaintes sont-elles objectivées ?

6.    Capacité de travail

6.1         Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

6.2         La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

6.2.1   Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.2.2   Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite / nulle ?

6.3         La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ?

6.3.1   Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

6.3.2   Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

6.3.3   Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

6.4         Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis 2019 ?

6.5         Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

6.6         Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

7.             Traitement

7.1       Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

7.2       Est-ce que la personne expertisée s’est engagée ou s’engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n’a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

7.3       En cas de prise de traitement médicamenteux, soit antalgique, soit psychotrope, pouvez-vous vérifier la compliance ou la biodisponibilité à l’aide d’un dosage sanguin ?

7.4         Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

8.             Appréciation d'avis médicaux du dossier

8.1       Êtes-vous d'accord avec les conclusions du Dr H______ et l’évaluation consensuelle figurant dans l’expertise du M______ du
29 octobre 2021 ? En particulier concernant les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles et l’estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

8.2       Êtes-vous d'accord avec les avis du Dr E______, notamment des
24 octobre 2019 et 1er août 2020 ? En particulier concernant les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles et l’estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

8.3  Êtes-vous d'accord avec l’avis du Dr I______ du 6 avril 2022, en particulier concernant les diagnostics posés ? Si non, pourquoi ?

8.4  Êtes-vous d'accord avec l’avis du Dr J______ du 6 avril 2022 ? Si non, pourquoi ?

9.             Quel est le pronostic ?

10.         Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

11.         Faire toutes autres observations ou suggestions utiles

 

 

E.     Invite l’expert à faire une appréciation consensuelle du cas avec la Dre K______ s’agissant de toutes les problématiques ayant des interférences entre elles, notamment l’appréciation de la capacité de travail résiduelle.

F.   Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

G.  Charge la Dre K______ d’établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.             Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.             Plaintes de la personne expertisée

3.             Status et constatations objectives

4.             Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogenèse)

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1   Dates d'apparition

4.2    Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 L’état de santé de la personne expertisée s’est-il amélioré/détérioré depuis 2019 ?

4.5         Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée).

4.6         Y a-t-il une discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, l’allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins médicaux, des plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact ?

4.7         Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

 

5. Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1 Dates d'apparition

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6. Cohérence

6.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

6.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

6.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autre termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

6.4 Quels sont les niveaux d’activité sociale et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

6.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

7. Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8. Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

 

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

9. Capacité de travail

9.1 Dater la survenance de l’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle pour chaque diagnostic, indiquer son taux pour chaque diagnostic et détailler l’évolution de ce taux pour chaque diagnostic.

9.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

9.2.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.2.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite/ nulle ?

9.3 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

9.3.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

9.3.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adaptée ? À quel taux ? Depuis quelle date ?

9.3.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

9.4 Comment la capacité de travail de la personne expertisée a-t-elle évolué depuis 2019 ?

9.5 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

9.6 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

10. Traitement

10.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

10.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ou n'a-t-elle que peu ou pas de demande de soins ?

10.3 En cas de prise de traitement médicamenteux, soit antalgique, soit psychotrope, pouvez-vous vérifier la compliance ou la biodisponibilité à l’aide d’un dosage sanguin ?

10.4 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ou ce refus s’inscrit-il dans les conséquences de dite maladie ? Cas échéant, merci de développer votre réponse.

10.5 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

11. Appréciation d'avis médicaux du dossier

11.1 Êtes-vous d'accord avec les conclusions de la Dre G______ et l’évaluation consensuelle figurant dans l’expertise du M______ du 29 octobre 2021 ? En particulier concernant les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles et l’estimation de la capacité de travail et de rendement ? Si non, pourquoi ?

11.2 Êtes-vous d’accord avec les avis du Dr C______, notamment des
17 juillet 2019, 2 juin et 8 octobre 2020 ? En particulier concernant les diagnostics posés, les limitations fonctionnelles et l’estimation de la capacité de travail ? Si non, pourquoi ?

12. Quel est le pronostic ?

13. Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles envisageables ?

14. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

H.  Invite l’expert à faire une appréciation consensuelle du cas avec le Dr L______ s’agissant de toutes les problématiques ayant des interférences entre elles, notamment l’appréciation de la capacité de travail résiduelle.

I.     Invite l’expert à déposer, dans les meilleurs délais, un rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans.

II. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

 

 

La greffière

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le