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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/696/2022

ATAS/1000/2023 du 18.12.2023 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/696/2022 ATAS/1000/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 décembre 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Zoltan SZALAI, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A.           a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1963, est de nationalité suisse et réside à Genève depuis le 20 octobre 1995. Elle est mariée et mère de trois enfants, nés en 1984, 1987 et 1988.

b. L’assurée a, en dernier, lieu travaillé 2 heures 30 par jour à Genève en tant qu’agente d’entretien pour la société B______ AG, sise ______ à Zurich ; cet emploi a pris fin au 30 juin 2015.

c. Dans l’intervalle, en date du 13 décembre 2010, l’assurée a trébuché sur son sac à main et est tombée sur son genou droit, ce qui a engendré une fracture de sa rotule droite et une incapacité totale de travail ; elle n’a plus travaillé depuis cette date.

d. En date du 12 septembre 2011, l’assurée a déposé une demande de prestations invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci‑après : l’OAI ou l’intimé) en faisant valoir, comme trouble de la santé, une fracture de la rotule droite consécutive à l’accident du 13 décembre 2010.

e. Le 20 septembre 2012, l’assurée a glissé dans sa baignoire et s’est fracturé le poignet gauche.

f. À l’issue de l’instruction de la demande de prestations invalidité du 12 septembre 2011, l’OAI a rendu une décision de refus de toute prestation datée du 25 septembre 2013 ; cette dernière est entrée en force.

g. En date du 13 août 2018, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations invalidité en mentionnant une incapacité de travail à 100% depuis le 13 décembre 2010 et des troubles de la santé au genou droit depuis décembre 2010 et au poignet gauche depuis septembre 2012. Elle indiquait être suivie, respectivement, par le docteur C______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, pour le genou droit, et par la docteure D______, cheffe de clinique aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG), spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.

h. Une procédure parallèle d’instruction relative aux deux accidents de 2010 et de 2012 concernant, respectivement, le genou droit et le poignet gauche, a été entreprise par la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci‑après : la SUVA).

i. Dans un rapport du 23 novembre 2018 adressé à l'OAI, le Dr C______ a relevé que la situation médicale du poignet gauche de l’assurée n’était pas encore stabilisée. La capacité de travail de l’intéressée était nulle dans toute activité au vu de ses limitations fonctionnelles qui impactaient aussi bien ses membres inférieurs que ses membres supérieurs et l’empêchaient, notamment, d’exercer une activité bimanuelle.

j. Dans sa réponse au questionnaire médical de l’OAI du 12 mars 2020, le Dr C______ a déclaré que les restrictions et limitations de la santé étaient les mêmes que celles figurant dans le rapport du 23 novembre 2018, tout en ajoutant que les limitations fonctionnelles étaient telles que la patiente était incapable de fonctionner et que le médecin, d’un point de vue strictement médical, ne voyait aucune activité professionnelle adaptée à son état de santé.

k. Le Dr C______ a confirmé son appréciation à l’OAI, dans sa réponse au questionnaire médical intermédiaire du 29 octobre 2020.

l. Répondant au questionnaire de l’OAI, le docteur E______, chef de clinique dans l’unité de chirurgie de la main et des nerfs périphériques des HUG, s’est déterminé en date du 25 novembre 2020 sur les suites de la fracture du poignet gauche et a posé le diagnostic d’arthrose post-traumatique radiocarpienne en précisant qu’un traitement était en cours, sous forme d’infiltrations avec la possibilité d’une chirurgie par arthrodèse. Les limitations fonctionnelles étaient une perte de la force, une perte de la mobilité et une diminution de l’endurance. Le médecin ne se prononçait toutefois pas sur la capacité de travail de l’assurée.

m. Dans un avis du 9 décembre 2020, le docteur F______, médecin-conseil de la SUVA, a retenu que l’atteinte au genou droit de l’assurée était médicalement stabilisée depuis le 27 février 2017. S’agissant de son poignet gauche, il constatait une régression objective de la mobilité depuis les avis du 27 février 2017 et du 10 avril 2018 mais l’évolution allait « vers une stabilisation ». Il retenait, néanmoins, une stabilisation de la situation qui impliquait que le port d’une attelle ou une arthrodèse ne changerait rien dans l’utilisation objective du poignet. Sur cette base, le Dr F______ a considéré qu’une activité sédentaire légère sans port de charges tant du côté droit que du côté gauche, avec manipulation uniquement de la main droite, était exigible avec une capacité de travail de 100% sans perte de rendement.

n. Dans un rapport complémentaire du 29 décembre 2020, le Dr C______ a précisé qu’il considérait que la question de la capacité de gain de l’assurée était stabilisée et que les séances de physiothérapie avaient uniquement un but antalgique.

o. Dans son rapport du 28 avril 2021, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI, sous la plume du docteur G______, a résumé les troubles de la santé et a mentionné le rapport d’examen final du 9 décembre 2020 du Dr F______, en considérant qu’il n’y avait aucune raison médicale pour s’écarter de ses conclusions et qu’il fallait considérer que la capacité de travail était définitivement nulle dans l’ancienne activité de femme de ménage, depuis le 13 décembre 2010, et pleine dans une activité adaptée, depuis le 9 décembre 2020. Selon les conclusions du SMR, il existait une incapacité de travail durable dans l’activité de nettoyeuse à 100% dès le 13 décembre 2010. La capacité de travail dans une activité adaptée était de 100% dès septembre 2011, de 0% dès le 25 septembre 2012, puis à nouveau de 100% dès le 9 décembre 2020. Les limitations fonctionnelles étaient, pour le genou droit : pas de marche, ni de station debout prolongée, activité en position essentiellement assise, pas de marche en terrain instable ou irrégulier, pas de position à genoux accroupie. Pour le poignet gauche : pas de manutention ou de manipulation manuelle gauche, utilisation de la main gauche en appoint.

p. Par note de statut du 3 mai 2021, l’OAI a considéré que l’assurée avait un statut mixte, se consacrant à 50% à ses activités professionnelles et à 50% à la tenue de son ménage.

q. Le même jour, l’OAI a déterminé le degré d’invalidité de l’assurée en se fondant sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), tableau TA1_tirage_skill_level pour une femme, en prenant en compte l’année 2020 pour l’évaluation de l’invalidité, et est parvenu à un revenu annuel brut, avec invalidité, de CHF 49'699.- et un revenu annuel brut, sans invalidité, à plein temps, de CHF 53'206.-, ce qui créait une perte de gain subie de CHF 3'506.-. Il en résultait un degré d’invalidité de 3.3%.

r. Une enquête économique sur le ménage a également été diligentée avec un entretien du 9 août 2021, qui a abouti à un rapport d’enquête économique sur le ménage du même jour, retenant un empêchement, dans les travaux habituels, pondéré de 61% sans exigibilité et de 28.60%, avec exigibilité du mari, des deux fils et de la belle-fille, qui pouvaient participer aux tâches ménagères.

B. a. Par projet d’acceptation de rente du 22 août 2021, l’OAI a octroyé une rente invalidité limitée dans le temps et a refusé les mesures professionnelles. L’OAI reconnaissait un droit à un trois quarts de rente invalidité, dès le 1er décembre 2019, jusqu’au 31 mars 2021. Le taux d’invalidité était de 50% dans l’activité professionnelle et de 14.30% dans les travaux habituels, ce qui représentait un total de 64.30% arrondi à 64% de taux d’invalidité global. Dès le 9 décembre 2020, l’invalidité dans la sphère professionnelle était de 3.30% et demeurait à 14.30% dans les travaux habituels, ce qui aboutissait à un taux d’invalidité global de 17.60% arrondi à 18%.

b. Ledit projet a été annulé par un nouveau projet d’acceptation de rente du 21 septembre 2021, qui annulait et remplaçait celui du 22 août 2021, tout en reprenant les mêmes chiffres que le projet du 22 août 2021 et en aboutissant au même taux d’invalidité, mais en couvrant la période allant du 1er février 2019 (en lieu et place du 1er décembre 2019) jusqu’au 31 mars 2021.

c. Dans le cadre de la procédure d’audition, le mandataire de l’assurée, par courrier du 11 octobre 2021, s’est opposé à la limitation dans le temps du droit à un trois quarts de rente invalidité en relevant que le rapport du Dr F______ du 9 décembre 2020 n’était pas convaincant, car il contenait d’importantes contradictions et des incohérences.

d. À l’issue de la procédure d’audition, l’OAI a confirmé son projet du 21 septembre 2021, par décision du 25 janvier 2022, octroyant à l’assurée un droit à un trois quarts de rente, pour la période allant du 1er février 2019 au 31 mars 2021.

C. a. Par acte de son mandataire, posté le 25 février 2022, l’assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : la chambre de céans) contre la décision du 25 janvier 2022 en concluant, préalablement, à ce qu’il soit ordonné une nouvelle expertise pluridisciplinaire de la recourante et principalement, à l’annulation de la décision querellée en tant qu’elle refusait l’octroi d’une rente invalidité illimitée dans le temps, sous suite de frais et dépens. Reprenant les arguments déjà exposés dans le cadre de la procédure d’audition, l’assurée s’est principalement fondée sur l’avis de son médecin traitant, le Dr C______, pour s’opposer à celui du médecin d’arrondissement de la SUVA, le Dr F______, sur lequel s’était fondé le SMR de l’OAI. Selon l’assurée, l’appréciation du médecin d’arrondissement de la SUVA contrastait singulièrement avec les explications beaucoup plus intelligibles de son médecin traitant. Compte tenu des incohérences, contradictions et motivations insuffisantes du Dr F______, il fallait se fonder sur l’appréciation médicale des Drs C______ et E______ et conclure à un trois quarts de rente invalidité, illimitée dans le temps.

b. Dans sa réponse du 28 mars 2022, l’intimé a considéré que les éléments apportés par la recourante ne permettaient pas de faire une appréciation différente du cas et a conclu au rejet du recours. Il a exposé, en substance, que le Dr C______ se fondait sur des éléments étrangers à l’invalidité pour conclure qu’aucune capacité de travail n’était exigible dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de la recourante. Il était, notamment, rappelé que le médecin devait porter un jugement sur l’état de santé, mais pas sur l’existence ou l’inexistence d’une activité professionnelle adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée. Compte tenu du large éventail d’activités simples et répétitives que recouvrait le marché du travail en général, on devait admettre qu’un nombre significatif d’entre elles était adapté aux limitations fonctionnelles de la recourante.

c. Par réplique de son mandataire du 28 avril 2022, la recourante a considéré que c’était à tort que l’intimé écartait les avis médicaux de ses médecins traitants et réfutait la nécessité de la mise en œuvre d’une expertise, ce qui violait le principe inquisitoire régissant le domaine de l’assurance-invalidité, eu égard aux éléments contradictoires et incohérents qui ressortaient des avis médicaux du dossier de la recourante. Cette dernière persistait dans les termes de son recours.

d. Par duplique du 24 mai 2022, l’OAI a également persisté dans les termes de la décision querellée.

e. Par courrier du 29 novembre 2022, la chambre de céans a informé les parties de son intention de confier une mission d’expertise au professeur H______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie.

f. Dans le délai fixé, les parties n’ont fait valoir aucun motif de récusation à l’endroit de l’expert proposé.

g. Par courrier du 6 mars 2023, la chambre de céans a communiqué aux parties un projet de mission d’expertise. L’OAI n’a suggéré aucune modification et les suggestions du mandataire de la recourante, selon courrier du 22 mars 2023, ont été prises en compte par la chambre de céans.

h. Le Prof. H______ a rendu son rapport d’expertise en date du 17 octobre 2023.

Il a posé les diagnostics suivants avec répercussion sur la capacité de travail : fracture de la rotule, apparue le 13 décembre 2010 ; arthrose fémoropatellaire secondaire du genou droit, suite à la fracture de la rotule ; patella baja secondaire suite à la fracture de la rotule. Fracture multi-fragmentaire, extrémité distale du radius gauche, apparue le 20 septembre 2012 ; arthrose radiocarpienne et radio ulnaire secondaire suite à la fracture du radius. Status post dénervation du poignet gauche, du 8 août 2015. Status post fracture tibia distale ouverte au MID, de 1998. Spondylose discarthrose étagée lombaire, chronique et spondylolisthésis L5-S1 de grade I, chronique.

Selon l’expert, la fracture de la rotule entraînait les limitations fonctionnelles suivantes : impossibilité de l’agenouillement, de l’accroupissement, de la montée ou de la descente des escaliers, du port de charges dépassant 3 kg, de la station assise continuelle, de la marche pendant plus d’une heure, de la marche dans un terrain inégal, de l’utilisation d’un escabeau ou d’une échelle. Le port d’une canne tenue à droite était nécessaire pour éviter les chutes soudaines, lors d’un lâchage de genou. Depuis la fracture du poignet de 2012, les limitations fonctionnelles étaient : la manipulation nécessitant flexion ou extension du poignet, la perte de force pour saisir et tenir des objets de plus de 1 kg et l’utilisation de la main gauche seulement en appoint. Le port d’une attelle était nécessaire pour stabiliser le poignet. L’arthrose lombaire étagée portait également des restrictions fonctionnelles quant au port de charges de plus de 5 kg ou à la station debout ou assise prolongée.

La capacité de travail dans l’activité habituelle de nettoyeuse était nulle depuis la fracture de la rotule en 2010 avec une aggravation, en 2012, suite à la fracture du poignet. La capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était difficile à fixer au vu des limitations fonctionnelles. Le cas pouvait être considéré comme stabilisé depuis le 9 décembre 2020 mais le pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative paraissait sombre, au vu du cumul des pathologies et de la durée de l'incapacité de travail.

i. Le rapport d’expertise a été soumis aux parties. Par courrier du 28 novembre 2023, l’OAI, annexant un avis médical de son SMR daté du même jour, a considéré que l’expert avait effectué une analyse complète du dossier et avait retenu des diagnostics et des limitations fonctionnelles bien motivées. Néanmoins, il estimait que l’on ne pouvait pas conclure que la capacité de travail de l’assurée était nulle dans toute activité et demandait qu'on pose la question à l’expert de savoir s’il existait malgré tout une capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues, sans tenir compte de facteurs extra médicaux et en indiquant une éventuelle baisse de rendement.

j. Par courrier du 4 décembre 2023, le mandataire de la recourante s’est opposé à ce que la question complémentaire de l’OAI soit posée à l’expert, au motif que ce dernier avait déjà répondu à ladite question dans son rapport d’expertise. Pour le surplus, la recourante a persisté dans ses conclusions visant à dire et prononcer que le degré d’invalidité était de 100%, de manière illimitée dans le temps, ce qui entraînait le versement d’un trois quarts de rente invalidité, à partir du 19 février 2019, sans limitation dans le temps, et ceci sous suite de frais et dépens.

k. Par courrier du 11 décembre 2023, la chambre de céans s’est déterminée en refusant de poser la question complémentaire requise par l’OAI, au motif que le rapport d’expertise répondait déjà à cette dernière et a informé les parties que la cause était gardée à juger.

l. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4. Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée concerne les faits juridiquement déterminants intervenus lors d’une période antérieure au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5. Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI du 25 janvier 2022 de limiter dans le temps le droit au versement d’un trois quarts de rente invalidité.

7.

7.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assurée sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

7.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

7.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

7.5 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

8.

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

8.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

8.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références). 

9. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

 

11. À titre préalable, il sera rappelé que la chambre de céans a ordonné une expertise orthopédique en raison du fait que les parties parvenaient à des conclusions antagonistes, selon qu’elles se fondaient sur les avis médicaux des médecins-conseils ou sur ceux des médecins traitants.

En l’espèce, la recourante soutient que sa capacité de travail dans son activité habituelle ou dans une activité adaptée est nulle au-delà du terme accordé par l’intimé, qui a limité le versement de la rente jusqu’au 31 mars 2021 ; elle ne remet pas en question la quotité de la rente versée. La recourante considère que le rapport de l’expertise ordonnée par la chambre de céans va dans le sens de ses conclusions, à savoir une capacité de travail nulle dans toute activité adaptée.

De son côté, l’intimé a considéré dans la décision querellée que l’assurée disposait d’une capacité de travail médico-théorique raisonnablement exigible de 100%, sans baisse de rendement, dès le 1er septembre 2011, puis de 0% jusqu’au 8 décembre 2020, puis à nouveau de 100% dès le 9 décembre 2020. Pour cette raison, il a limité le versement de la rente invalidité jusqu’au 31 mars 2021 en se fondant sur les conclusions du médecin d’arrondissement de la SUVA (motivation de la décision, p. 3). Après réception du rapport d’expertise, l’intimé considère que cette dernière est convaincante mais, toujours en se fondant sur les conclusions du médecin d’arrondissement de la SUVA, estime que l’on ne peut pas conclure que la capacité de travail de l’assurée est nulle dans toute activité (cf. rapport du SMR du 28 novembre 2023).

11.1 La valeur probante de l’expertise effectuée par le Prof. H______ n’est pas remise en doute par les parties.

Le rapport d’expertise correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical, dont la lecture a été complétée par un entretien avec l’assurée, totalisant 2h en tout.

Le rapport orthopédique contient, en outre, une anamnèse personnelle et socio-professionnelle complète, et l’expert a rapporté ses observations cliniques de manière détaillée. Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés et l’expert a expliqué, avec clarté, les limitations fonctionnelles liées, respectivement, à la fracture de la rotule en 2010, à la fracture du poignet en 2012, ainsi qu’aux troubles de la santé chroniques, au niveau du rachis.

Les plaintes de l’assurée ont été mentionnées, notamment le fait qu’on la considère apte à faire un travail adapté mais qu’elle ne se voit pas travailler, à son âge, avec ses antécédents d’accident et les douleurs et impotences fonctionnelles qu’ils entraînent.

La description d’une journée-type montre que l’assurée sort se promener le matin lorsque les douleurs sont tolérables, puis s’allonge jusqu’au repas de midi, après lequel elle s’allonge toute l’après-midi jusqu’au retour des enfants de l’école ; c’est la belle-fille de l’assurée qui prépare les repas.

L’expert ne relève pas de discordance dans les déclarations de l’assurée, précisant que cette dernière présente indéniablement un état arthrosique post-traumatique touchant le genou droit et le poignet gauche. La mobilisation de ses articulations provoque des douleurs qu’elle calme avec la prise d’antalgiques quotidienne (Paracétamol) et d’anti-inflammatoires (Irfen). Il relève que les plaintes de l’expertisée sont exprimées de façon démonstrative mais, malgré tout, en lien avec les lésions présentes sur l’imagerie, relevant que les radiographies du 9 octobre 2023 mettent en évidence des signes dégénératifs étagés sévères, touchant la colonne lombaire.

Les limitations fonctionnelles sont clairement décrites, notamment en lien avec l’accident de 2010, puis l’accident de 2012, et enfin en lien avec les troubles chroniques du rachis.

La capacité de travail dans l’activité habituelle est considérée comme nulle, conclusion partagée par les parties, de même que dans une activité adaptée, conclusion remise en cause par l’OAI.

À l’aune de ce qui précède et sous réserve des considérants qui suivent, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise du 17 octobre 2023 présente une pleine valeur probante.

11.2 Le SMR de l’OAI estime, dans son avis médical du 28 novembre 2023, que « l’expert a effectué une analyse complète du dossier, a retenu des diagnostics et des limitations fonctionnelles bien motivées ». Il relève de surcroît que les lombalgies chroniques n’étaient pas connues du SMR car la SUVA n’en avait pas tenu compte, en l’absence d’événement traumatique du rachis.

Néanmoins, le SMR estime que l’on ne peut conclure que la capacité de travail de l’assuré est nulle dans toute activité en se fondant notamment sur les « conclusions du Dr F______ en 2010 » (sic), s’attendant à une capacité de travail entière accompagnée d’une baisse de rendement, qui devrait être évaluée par l’expert, de manière médico-théorique mais sans tenir compte des facteurs extra médicaux.

Dans son avis du 9 décembre 2020 (et non pas 2010 comme probablement retranscrit par erreur dans le rapport du SMR), le Dr F______ a considéré qu’une activité sédentaire légère, sans port de charges tant du côté droit que du côté gauche, avec manipulation uniquement de la main droite, était exigible avec une capacité de travail de 100% sans perte de rendement. À lire les remarques du SMR, on peut comprendre qu’il souhaite que l’expert se rallie aux mêmes conclusions, soit une capacité de travail entière dans une activité adaptée, en admettant tout de même - et à la différence du Dr F______ - que l’on tienne compte d’une perte de rendement.

Il convient tout d’abord de rappeler que le Dr F______ s’est contenté d’émettre un avis sur les troubles de la santé qui étaient en relation de causalité avec les accidents intervenus en 2010 et 2012, sans tenir compte et sans faire intervenir les troubles de la santé d’origine maladive et dégénérative. De ce fait, son appréciation est limitée et l’on ne saurait se fonder sur ses conclusions pour critiquer les conclusions de l’expert judiciaire qui, lui, a tenu compte de l’ensemble des troubles de la santé.

Compte tenu de ce qui précède, l’appréciation différente du médecin-conseil de la SUVA ne saurait être prise en compte pour remettre en question la valeur probante de l’expertise rendue par le Prof. H______.

11.3 S’agissant de la critique du SMR, qui considère que des facteurs extra médicaux ont été pris en compte par l’expert pour aboutir à ses conclusions, il est vrai que l’expert a mentionné la durée de l’incapacité de travail ainsi que le bas niveau de maîtrise de la langue française dans son rapport d’expertise, en p. 36, ch. 6.6, dans le cadre du pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative. Néanmoins, à côté de ces deux seuls éléments non médicaux, l’expert a mentionné clairement que la reprise d’une activité lucrative lui paraissait sombre, au vu du cumul des pathologies, ce qui n’est pas un élément extra médical. On peut discuter de la classification extra médicale du port de la canne, permanent pour tous les déplacements de l’assurée, que l’expert considère comme étant « une gêne considérable pour retrouver une activité lucrative », mais il est mentionné que l’assurée présente des lombalgies qui empêchent une assise confortable et une durée prolongée de la station assise et que l’arthrose du poignet et du genou entravent sa mobilité, ce qui est aggravé par sa stature et par son poids.

L’expert met en avant la volonté et la motivation de l’assurée en relevant que, par le passé, cette dernière a fait preuve d’énergie, de capacité de travail et d’adaptation hors du commun, quittant son pays, la Somalie, pour rejoindre la Suisse dans des conditions difficiles, tout en mentionnant que le fait d’y avoir élevé quatre fils, nés en Somalie et actuellement parfaitement intégrés dans le tissu socioprofessionnel local, est la preuve de cette énergie. Cette constatation semble indiquer que l’expert considère que l’assurée ne souffre pas d’autolimitations.

L’expert mentionne encore (p. 37, ch. 7.3 et 7.4) que l’expertisée a accepté et suivi tous les traitements qui lui ont été proposés et que la prise régulière d’antalgiques et d’anti-inflammatoires permet un contrôle de la douleur, mais sans pour autant améliorer la capacité de travail.

Il ne voit, par ailleurs, aucune mesure médicale qui pourrait augmenter la capacité de travail de l’assurée (p. 36 ch. 6.5).

L’expert remarque que la symptomatologie douloureuse et handicapante est démontrée de façon soutenue et entraîne une impotence fonctionnelle plus importante que celle habituellement rencontrée chez des patients qui présentent des pathologies du même type ; toutefois, il précise que c’est un exercice bien difficile d’établir des comparaisons objectives en la matière, compte tenu du nombre de paramètres en jeu. Il mentionne les effets additionnels de l’arthrose post-traumatique de deux articulations importantes fonctionnellement, qui entraînent une situation difficile pour l’expertisée surtout en surajoutant les problèmes lombaires, et reste frappé par l’importance que ces affections ont prise dans le quotidien de l’expertisée, alors que dans les suites de la fracture ouverte du tibia droit, elle avait débuté une activité professionnelle lourde.

La chambre de céans considère que c’est très probablement ce cumul de troubles de la santé, qui touchent respectivement, un membre inférieur, un membre supérieur et le rachis, qui conduit à conclure à une capacité de travail nulle, même dans une activité adaptée.

11.4 Enfin, en ce qui concerne le point soulevé par le SMR, selon lequel la manière dont l’expert a décrit les tâches ménagères, que l’assurée pouvait effectuer, n’est pas compatible avec une baisse de rendement totale dans une activité professionnelle, il faut relever que l’expert mentionne ce que lui a dit l’assurée, soit qu’elle peut préparer un repas simple, ranger un frigidaire, verser un liquide de moins d’un litre, mettre et desservir la table, s’habiller avec aide pour certains gestes, porter le linge, charger une machine à laver, plier le linge, faire sa toilette, prendre une douche et se sécher. Elle peut également passer l’aspirateur ou balayer pour une courte durée et l’écriture est possible, de même que taper sur un clavier ou téléphoner.

Il faut cependant garder à l’esprit que ces tâches ont une durée très limitée et ne signifient absolument pas que l’expertisée pourrait continuellement, pendant une journée entière, répéter les mêmes tâches.

Si l’on devait aller dans le sens du SMR, cela signifierait que toute personne qui n’est pas impotente et peut donc effectuer les actes ordinaires de la vie ne pourrait pas être totalement incapable de travailler dès lors que l’accomplissement des actes ordinaires de la vie serait synonyme de la possibilité d’exercer une activité adaptée.

11.5 Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la capacité de travail de la recourante est nulle, dans toute activité et ceci au-delà du 31 mars 2021, dès lors qu’aucune amélioration de sa capacité de travail n’est établie.

Ni le point de départ du versement de la rente invalidité, ni la quotité de cette dernière, ne sont remis en question par la recourante et aucun élément du dossier ne semble contrarier ces points.

Dès lors, il convient d’admettre le recours, et d’annuler partiellement la décision querellée en ce sens que le trois quarts de rente doit être servi au-delà du 31 mars 2021, sans limitation dans le temps.

12. Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

En l’occurrence, l’OAI n’a pas mandaté d’expert et s’est fondé sur les conclusions du médecin-conseil de la SUVA alors même qu’il était évident que ce dernier ne pouvait se prononcer que sur les troubles de la santé en rapport avec les accidents de 2010 et 2012 mais qu’il ne lui appartenait pas de prendre en compte l’ensemble des troubles de la santé de l’assurée, dans son estimation. Partant, l’instruction de l’OAI a souffert de lacunes qui ont conduit la chambre de céans à ordonner une expertise.

Ainsi, les frais de l’expertise judiciaire à hauteur de CHF 11'000.-, selon note d’honoraires du 17 octobre 2023 du Prof. H______, seront mis à la charge de l’intimé, l’instruction médicale du cas ayant nécessité l’ordonnance d’une expertise judiciaire, selon les motifs exposés dans l’ordonnance d’expertise, en particulier l’absence d’une expertise administrative en dépit des conclusions contradictoires du SMR de l’OAI et des médecins traitants de l’assurée.

13.    La recourante, obtenant gain de cause et étant assistée d'un conseil, a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.-, et mis à la charge de l'intimé (art. 61 let. g LPGA).

14.    Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule partiellement la décision du 25 janvier 2022.

3.        Dit que l’octroi de la rente invalidité n’est pas limité dans le temps.

4.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.

5.        Met les frais de l’expertise judiciaire de CHF 11'000.-, selon la facture du 17 octobre 2023 du professeur H______, à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le