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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4498/2018

ATAS/1018/2023 du 20.12.2023 ( LAA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 07.02.2024, 8C_71/2024
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4498/2018 ATAS/1018/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 décembre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______
représentée par Me Jean-Michel DUC, avocat

 

 

recourante

 

contre

ALLIANZ SUISSE SOCIÉTÉ D'ASSURANCES SA
représentée par Me Fabrice COLUCCIA, avocat

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1990, a subi un accident le 14 juin 2016, alors qu'elle contrôlait le fonctionnement d'un ordinateur portable dans le cadre de son activité professionnelle, selon ce qui ressort de la déclaration d’accident LAA faite par son employeur, l’Institut des hautes études internationales et du développement (ci-après l’IHEID), à Allianz Suisse Société d’Assurances SA (ci-après : Allianz ou l'intimée), le 20 juin 2016.

b. Dans un rapport du 15 juin 2016, deux médecins du service des urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) ont indiqué que l’assurée avait subi une électrisation à son avant-bras gauche, le jour précédent. Il était conclu à une lésion nerveuse du bras gauche sur électrisation, avec un traitement conservateur. Il n’avait pas été constaté d’atteinte motrice, ni de syndrome des loges du membre supérieur gauche.

c. Le 24 juin 2016, la docteure B______, spécialiste FMH en neurologie, a indiqué avoir reçu l’assurée le 21 juin 2016 pour une électrisation du membre supérieur gauche. Le diagnostic était une possible atteinte périphérique aiguë dans le contexte d’une électrisation accidentelle. L’anamnèse et l’examen neurologique mettaient en évidence une atteinte des tissus mous et très probablement de différents troncs sensitifs gauches. L’évolution à une semaine semblait lentement favorable, avec toutefois des douleurs neurogènes importantes et la persistance d’une tuméfaction de la main et de l’avant-bras, sans évidence pour un syndrome des loges.

d. Selon un rapport établi le 28 juin 2016 par la docteure C______, médecin assistante au service des urgences du département des centres interdisciplinaires et de logistique médicale du centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après : le CHUV), l’assurée avait consulté ce service, le même jour, en raison d’une aggravation des symptômes, avec une perte de la mobilité de la main gauche, des paresthésies persistantes et des douleurs du bras gauche associées à une tuméfaction. Son cas était intrigant. Selon le docteur D______, électrophysiologue, une atteinte du nerf et du muscle fonctionnel était peu probable au bas voltage (230 volts). Une origine neuropathique des douleurs semblait moins pertinente dans le contexte.

e. Le docteur E______, spécialiste FMH en neurologie, a posé, dans un rapport du 1er juillet 2016, le diagnostic d’impotence du membre supérieur gauche avec troubles sensitifs mal systématisés, sans substrat neurologique périphérique retrouvé. L’assurée expliquait qu’en voulant relier un écran d’ordinateur à une tour avec un câble électrique non isolé tenu de la main gauche, elle avait reçu une décharge électrique en raison d’un moniteur défectueux. Peu après, elle avait noté une sensation d’engourdissement avec dysesthésie et douleurs associées à une diminution de la force de l’avant-bras et de la main gauches, mais elle ne s’était pas arrêtée de travailler. Elle avait utilisé son bras droit pour effectuer les installations qu’elle avait à faire en soutenant uniquement les pièces avec le bras gauche. Le soir, la situation ne s’améliorant pas, elle avait consulté les urgences des HUG, où un électrocardiogramme avait été réalisé, sans particularités, puis, après exclusion d’un syndrome des loges, elle avait été renvoyée à domicile. Après l’accident, elle notait une hypoesthésie du mamelon droit, zone qui restait insensible depuis lors. Elle avait également noté une impression de rétrécissement de son sein qu’elle trouvait clairement asymétrique de manière nouvelle par rapport au côté gauche. L’évolution était marquée par la suite par l’apparition d’une tuméfaction importante du bras qui l’avait amenée à consulter les urgences du CHUV.

Cliniquement, le Dr E______ avait observé une patiente avec une position antalgique de flexion du coude avec l’avant-bras collé au corps et une hypoesthésie tacto-algique mal systématisée du membre supérieur gauche, prédominant sur la main et le versant interne de l’avant-bras, associée à une légère paresthésie des fléchisseurs de doigts. L’ENMG du membre supérieur gauche était parfaitement normal sous réserve de tracés d’activités volontaires inframaximaux, à deux semaines de l’atteinte alors que les signes de dénervation à l’EMG mettaient entre trois à quatre semaines à se développer. Il n’y avait par contre aucun doute sur les neurographies, la dégénérescence wallérienne étant complète après une semaine. Il avait rassuré l’assurée par rapport à la normalité de la conduction nerveuse périphérique et, si tout était dans les normes à la suite du bilan d’imagerie prévu pour le lendemain, il pourrait retenir une origine fonctionnelle aux symptômes.

f. Le 1er juillet 2016, la Dre B______ a indiqué avoir reçu l’assurée le 27 juin 2016 pour un suivi neurologique. L’évolution était stable, voire défavorable du point de vue de la douleur. L’examen clinique mettait plutôt en évidence une atteinte sensitivo-motrice dans le territoire du nerf médian et cubital plutôt que radiale gauche, avec une possible lésion médullaire dorsale haute

g. Le 7 juillet 2016, la Dre B______ a indiqué que les examens complémentaires (IRM) avaient permis de rassurer l’assurée avec un bon pronostic de récupération. Au vu d’une possible composante fonctionnelle, elle introduisait des séances de physiothérapie intensives pour les dix prochains jours avec une reprise de travail programmée deux semaines plus tard.

h. Le 22 juillet 2016, la Dre B______ a indiqué que l’évolution était lentement favorable, ce qui permettait à l’assurée une reprise à temps partiel de son activité professionnelle.

i. Le 28 novembre 2016, le docteur F______, chef de clinique de l’unité de chirurgie de la main des HUG, a indiqué avoir vu l’assurée le 15 septembre 2016. À trois mois d’une électrocution du membre supérieur avec une symptomatologie de névralgie et d’allodynie du membre supérieur non régressive, il avait proposé une IRM dynamique pour exclure un syndrome des loges subaiguës de l’avant-bras et une nouvelle évaluation par un ergothérapeute afin d’avoir un bilan de départ bien défini. Il avait débuté un traitement de corticothérapie avec schéma dégressif pour tenter de diminuer l’inflammation nerveuse. Il n’avait pas de proposition thérapeutique chirurgicale pour l’assurée dont la récupération était très incertaine.

j. Le docteur G______, médecine interne, a informé Allianz, le 21 septembre 2016, que la situation de l’assurée n’était pas encore réglée et que ses douleurs étaient encore très intenses, avec un œdème peu important au niveau du bras lésé. L’incapacité de travail restait entière pour une durée indéterminée.

k. Le 7 octobre 2016, la Dre B______ a relevé que le cas de l’assurée était curieux. Elle était frappée par l’anamnèse du jour qui était discordante avec l’évolution favorable rapportée lors de la dernière consultation et l’absence de compliance par rapport à la prise de Prednisone prescrite par Dr le F______ plusieurs jours auparavant. L’anamnèse et l’examen sommaire de ce jour pouvaient toutefois évoquer une algoneurodystrophie (ou syndrome régional douloureux complexe, CRPS, ou syndrome de Südeck, ci-après SDRC), pour laquelle elle référait l’assurée aux HUG, notamment au chirurgien de la main qui avait commencé à la suivre.

l. Le 4 janvier 2017, la docteure H______, cheffe de clinique du département des neurosciences cliniques des HUG, a constaté à l’examen clinique que l’assurée avait une rougeur de la main et de l’avant-bras et dans une moindre mesure du bras gauche ainsi qu’une allodynie de contact de la totalité de bras. Au vu de l’érythème et de l’œdème constatés, elle se demandait s’il ne pourrait pas s’agir d’un SDRC, raison pour laquelle elle organisait une scintigraphie.

m. L’assurée a bénéficié d’une scintigraphie osseuse le 19 janvier 2017 qui n’a pas mis en évidence d’argument en faveur d’un SDRC.

n. Le 13 février 2017, la Dre H______ a indiqué avoir vu l’assurée le 9 février 2017, laquelle était surprise du fait qu’on ne retrouve pas de cause à ses douleurs du membre supérieur gauche et demandait si les douleurs neurogènes pouvaient provenir d’un problème cérébral. Elle se sentirait rassurée si une imagerie cérébrale était faite afin d’exclure toute cause à ce niveau. La Dre H______ l’avait rassurée et organisé cet examen en lui expliquant qu’il y avait une forte probabilité que l’IRM cérébrale soit normale. La patiente était préoccupée par l’enflure de son membre supérieur gauche. Il pouvait s’agir d’un drainage lymphatique diminué en raison de la réduction d’activité musculaire du membre supérieur gauche. La sensation d’enflure était une sensation habituelle neurogène. Elle lui prescrivait des bas de contention du membre supérieur gauche afin de voir si cela pouvait désenfler le bras.

o. Le docteur I______, spécialiste FMH en neurologie de la clinique romande de réadaptation (ci-après : la CRR), a procédé à un examen de l’assurée le 13 mars 2017, lequel n’a révélé aucun signe objectif d’une atteinte somatique du système nerveux central ou périphérique, notamment d’une atteinte nerveuse tronculaire radiculo-plexopathique ou d’un syndrome médullaire cervical. L’examen électrophysiologique du jour se montrait également rassurant avec des conductions sensitivo-motrices au membre supérieur gauche et l’EMG des muscles dépendants du myotome C4 à D1 à gauche se situant parfaitement dans les limites de la norme. Cette évaluation clinico-électrophysiologique rejoignait les résultats des évaluations précédentes effectuées par ses confrères genevois. Selon la littérature, la douleur était une des plaintes fréquentes et difficiles après une blessure d’origine électrique. Souvent, ces douleurs étaient multifactorielles et disproportionnées par rapport à tout autre douleur neuropathique. Les patients répondaient souvent de manière insuffisante aux différents traitements antalgiques proposés, indépendamment de la méthode utilisée. Cependant une combinaison d’approches somatique et psychosociale amenait en général un meilleur résultat. D’ailleurs, s’agissant souvent de manifestations relativement diffuses, combinant des symptômes dépressifs, troubles du sommeil, cauchemars et difficultés mnésiques, le terme « difuse electrical injury » avait été proposé. À son avis, il fallait retenir le diagnostic d’une électrisation accidentelle du membre supérieur gauche par un courant de bas voltage avec douleurs neuropathiques résiduelles. Sur le plan thérapeutique, la poursuite d’une approche combinée d’ergothérapie à but de désensibilisation, médicaments antalgiques et support psychologique semblait être la plus prometteuse.

p. Une IRM cérébrale a été effectuée le 28 février 2017 et l’examen a été dans les limites de la norme.

q. Sur demande d’Allianz, le docteur J______, spécialiste FMH en neurologie, et le docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du Centre d’expertises médicales (ci-après : CEMed), ont procédé à une expertise pluridisciplinaire de l’assurée les 23 et 24 août 2017. Au terme du bilan, ils ont estimé difficile de formuler un diagnostic de certitude quant à l’origine des troubles présentés par l’assurée. Si l’on se fondait sur les éléments à disposition, il était vraisemblable qu’elle avait subi le 14 juin 2016 une électrocution au niveau de la main gauche. Si cette dernière expliquait les symptômes initiaux et une partie des troubles ultérieurs, elle ne pouvait rendre compte de l’importance et de l’aspect actuel des troubles, ceci même si l’on savait que les électrocutions pouvaient comporter des tableaux algiques relativement importants en présence d’un status clinique tout à fait modeste. Dans le cas de l’assurée, il fallait néanmoins relever que les troubles constatés actuellement étaient très atypiques et qu’il existait une certaine discordance entre la discrétion objective de l’électrocution survenue le 14 juin 2016 et l’importante persistance actuelle des troubles de telle sorte que des facteurs de somatisation de type syndrome douloureux sans substrat ne pouvaient être écartés sur le plan neurologique. Le trouble somatoforme n’était pas en lien de causalité naturelle avec l’événement accidentel qu’elle avait vécu. L’assurée ne présentait pas de limitations fonctionnelles et sa capacité de travail était de 100% sans diminution de rendement. Le diagnostic neurologique était un status après électrocution du membre supérieur gauche, surchargé d’éléments sans substrat somatique évident et sans relation de causalité certaine avec l’événement accidentel. L’état somatique était partiellement la conséquence naturelle du sinistre. Par ailleurs, il appartenait aux juristes de se prononcer sur le caractère non seulement vraisemblable du point de vue de la causalité naturelle, mais également du point de vue de la relation de causalité adéquate. En conséquence, l’état somatique de l’assurée pouvait être considéré comme actuellement en causalité uniquement possible avec l’événement accidentel, mais pas vraisemblable ou certaine. Par contre, on devait admettre que l’apparition des troubles était vraisemblablement en relation de causalité certaine avec l’électrocution. Sur le plan psychique, les diagnostics de troubles de l’adaptation avec réaction mixte anxieuse et dépressive et probable syndrome douloureux somatoforme persistant étaient posés. Il n’y avait pas de rapport de causalité sur le plan psychique, vu le peu de sévérité de l’accident.

r. Le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et Madame M______, psychologue et psychothérapeute FSP, ont indiqué dans un rapport du 11 décembre 2017 suivre l’assurée depuis octobre 2016. Elle était venue consulter suite à une électrocution sur son lieu de travail qui avait entraîné un état de stress post-traumatique. Une thérapie cognitivo-comportementale avait été mise en place dans un premier temps à raison d’une fois par semaine. En parallèle et en alternance hebdomadaire, un suivi avec une thérapeute formée à la technique de EMDR avait été instauré. L’assurée présentait, en début de thérapie, un état d’hypervigilance, des fluctuations de l’humeur, une forte anxiété ainsi que des troubles du sommeil, de la mémoire et de la concentration. Actuellement, ils observaient une diminution de la symptomatologie. Il était cependant important que l’assurée puisse continuer à bénéficier d’un suivi psychothérapeutique pour améliorer encore son état psychologique.

s. Le 7 février 2018, Allianz a informé l’assurée qu’il n’y avait pas de lien de causalité naturelle et adéquate entre ses plaintes actuelles et l’événement du 14 juin 2016.

t. Par décision du 12 mars 2018, Allianz a informé l'assurée qu'elle n'avait plus droit à ses prestations dès le 8 décembre 2017 et que la restitution des indemnités journalières versées jusqu'au 31 janvier 2018 ne lui était pas demandée. Elle avait subi une électrisation du membre supérieur gauche. Les experts du CEMed relevaient que l’apparition des troubles était vraisemblablement en relation de causalité certaine avec l’électrocution. Sur le plan neurologique, l’état somatique pouvait être considéré comme actuellement en causalité uniquement possible avec l’événement accidentel. Sur le plan psychique, les experts niaient la relation de causalité avec l’événement, au vu du peu de sévérité de l’accident. En conséquence, la relation de causalité naturelle entre l’événement du 14 juin 2016 et les troubles actuels n’était pas donnée. Par surabondance, la causalité adéquate devait être examinée selon la jurisprudence applicable aux troubles psychiques. En présence ici d’un accident de gravité légère, la causalité adéquate était niée. En conséquence, en l’absence de lien de causalité adéquate entre l’événement du 14 juin 2016 et les troubles que présentait l’assurée, le droit aux prestations d’assurance avait pris fin au 8 décembre 2017, date du rapport du CEMed. En l’absence de séquelles physiques, il n’y avait pas de droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

u. L’assurée a formé opposition à la décision précitée le 24 avril 2018. Elle faisait valoir que l’instruction avait été insuffisante, car elle n’avait pas été examinée par des spécialistes d’accidents d’électrisation. Or ces accidents entraînaient des lésions spécifiques qui pouvaient échapper aux médecins non spécialistes de ce type d’accidents. D’autre part, la problématique du Südeck n’avait pas été discutée par les experts, vraisemblablement parce qu’ils ne comptaient pas de rhumatologue.

Par ailleurs, eu égard à l’éventuelle atteinte neuropsychologique, il y avait lieu de mettre en œuvre un tel examen afin de déterminer si de tels troubles existaient et si l’électrisation en était responsable.

Hormis la problématique de l’instruction insuffisante de la cause, il y avait lieu de relever que selon l’expertise du CEMed, il était possible que la symptomatologie actuelle soit en lien avec l’accident. Dès lors, Allianz n’avait pas apporté la preuve que le statu quo sine était atteint vu le caractère possible du lien de causalité. L’assurée concluait à ce que l’intimée lui verse les indemnités journalières à 100% et à la prise en charge des frais de traitement au-delà du 8 décembre 2017.

v. Par décision sur opposition du 21 novembre 2018, Allianz a rejeté l’opposition de l’assurée et confirmé sa décision du 12 mars 2018.

B. a. Le 20 décembre 2018, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d’un recours concluant à la reprise du versement des indemnités journalières et des frais de traitement dans l’attente qu’une nouvelle expertise soit effectuée et que l’instruction du cas soit close. La recourante demandait en conséquence la reprise du versement des prestations d’assurance et une allocation de dépens, tenant compte du comportement de l’intimée.

b. L’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) a transmis le dossier de la recourante à la chambre des assurances sociales le 26 septembre 2019.

c. Selon un rapport d’expertise neurologique établi le 29 novembre 2020, à la demande de l’OAI, par la docteure N______, médecin interne, et le docteur O______, médecin adjoint agrégé, du service de neurologie des HUG, ces derniers retenaient le diagnostic de troubles neurologiques d’origine fonctionnelle, rejoignant ainsi les conclusions des Drs B______, E______ et D______. Les douleurs, comme les troubles sensitivomoteurs pouvaient s’inscrire dans le trouble neurologique fonctionnel. Cependant, la possibilité que ceux-ci s’intègrent plus largement dans un syndrome douloureux somatoforme ne relevait pas de la neurologie, mais de la psychiatrie et le diagnostic de SDRC de la rhumatologie. Les experts relevaient l’absence d’une prise en charge adaptée du trouble neurologique fonctionnel, la recourante n’ayant jamais bénéficié du suivi initialement proposé auprès de la docteure P______, neurologue, spécialiste dans ce domaine. Il était clairement établi que le trouble neurologique fonctionnel n’était pas le seul résultat d'une conversion d’un conflit psychologique, mais d’une interaction complexe entre des stimuli physiologiques, des facteurs précipitants (événement/accident) et favorisants (attente dans la vie, perception de sa maladie/de l’événement, sa propre gestion des émotions, etc.) perturbant l’activité fonctionnelle du réseau cérébral. La chronicisation résultait de la variété de facteurs renforçant.

L'assurée présentait des ressources fonctionnelles, car malgré l’importance des symptômes, elle avait su adapter son quotidien (environnement à bonne hauteur, robot cuiseur, achat de légumes déjà coupés, etc.). L’entourage familial représentait une zone de ressources et de soutien psychologique, mais pouvait être aussi un facteur d’angoisse et de sentiments de dépendance. D’un point de vue strictement neurologique, sur la base du seul diagnostic retenu et sous réserve de l’existence de diagnostics psychiatrique ou rhumatologique associés, l’assurée présentait une capacité de travail raisonnablement exigible dans l’activité exercée jusqu’ici de 70%, soit une capacité de travail de 100%, avec une baisse de rendement de 30% engendrée par les symptômes du trouble neurologique fonctionnel (pauses nécessaires, troubles sensitivomoteurs et risques de lâchage des membres supérieur et inférieur gauches) ralentissant les capacités professionnelles de l’assurée sur la base des exigences décrites de son travail. Cette incapacité était restée stable depuis l’événement. En termes d’heures de présence, sur la base de l’activité exercée jusqu’ici (40 heures par semaine) et de la capacité de travail raisonnablement exigible, l’assurée pouvait assumer 5.5 heures par jour, soit 28 heures par semaine.

Une activité professionnelle adaptée aux limitations fonctionnelles présentées par l’assurée serait, dans la mesure du possible : non physique, privilégiant si possible le travail à domicile ou proche du domicile afin d’éviter des longs trajets, privilégiant la position assise au maximum du temps de travail et permettant l’aménagement de pauses régulières dans la journée. L’activité professionnelle devait pas non plus comprendre le port de charges ou la nécessité d’utiliser des objets en hauteur ou au sol.

d. Par arrêt incident du 15 avril 2021, la chambre de céans a suspendu l’instance jusqu’à ce que l’OAI rende sa décision (ATAS/331/2021).

e. Le rapport d’expertise du CEMEDEX a été établie le 28 juin 2021 par le docteur Q______, psychiatre, le docteur R______, médecine interne générale, et le docteur S______, rhumatologue. Dans leur évaluation interdisciplinaire, les experts ont posé les diagnostics principaux suivants :

-      un status après électrocution, le 14 juin 2016 ;

-      un SDRC ;

-      un trouble anxieux et dépressif mixte ;

-      une douleur avec faiblesse du membre inférieur gauche, sans support anatomique ;

-      des vertiges périphériques.

La capacité de travail était selon les experts de 0% depuis le 14 juin 2016 dans un travail ne respectant pas les limitations fonctionnelles rhumatologiques de l’assurée, à savoir pas d’efforts de soulèvement du membre supérieur gauche ni en prono-supination ni de préhension de la main gauche. La capacité de travail dans une activité adaptée était de 90% depuis le 14 juin 2016, par diminution de rendement de 10%, en raison de la nécessité de pauses régulières, pour des raisons neurologiques.

f. Le 21 avril 2023, la recourante a transmis à la chambre de céans la décision rendue le 18 avril 2023 par l’OAI, qui lui reconnaissait le droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er juin 2017, sur la base d’une capacité de travail dans l’activité habituelle de 0% dès le 14 juin 2016, 50% dès le 25 juillet 2016 et 0% dès le 5 août 2016. Dès le 25 juillet 2016, la capacité de travail était de 100% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, avec une diminution de rendement de 10%. Au vu de cette exigibilité, l’OAI avait soumis le dossier à son service de réadaptation pour déterminer si des mesures professionnelles pouvaient être envisagées. Aux termes d’une nouvelle étude de la situation, l’OAI était d’avis que l’assurée n’était pas apte à travailler dans le marché économique de l’emploi et que la mise en place de telles mesures n’était pas de nature à réduire le dommage. En conséquence, la capacité de travail était nulle dans toute activité.

g. Le 14 juin 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions.

h. Le 7 juillet 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2).

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de l’intimée au-delà du 8 décembre 2017.

5.              

5.1  

5.1.1 La décision querellée retient, en substance, qu’il n’y avait plus de lien de causalité entre l’atteinte actuelle à la santé de la recourante et l’événement du 14 juin 2016, sur la base de l’expertise neurologique du Dr J______ dont il ressortait que si l’état somatique de la recourante avait été partiellement la conséquence naturelle du sinistre et qu’on pouvait admettre que l’apparition des troubles était vraisemblablement en relation de causalité certaine avec l’électrocution, le lien de causalité naturelle n’était actuellement plus que possible et non pas vraisemblable ou certain.

Dans ses dernière écritures, l’intimée a fait valoir que le syndrome neurologique fonctionnel retenu par le CEMEDEX était simplement évoqué et non diagnostiqué, et que l’expert, un généraliste, mentionnait uniquement le diagnostic le plus probable, alors que les précédents spécialistes avaient échoué à poser un diagnostic. Partant, le point de vue de l’expert n’était pas convaincant.

Une expertise complémentaire paraissait vouée à l’échec et viendrait ajouter de la confusion dans un dossier suffisamment complexe. Il ressortait des très nombreuses pièces médicales présentes au dossier que les médecins étaient malheureusement incapables d’appréhender la problématique médicale, qualifiée à de nombreuses reprises d’intrigante, d’atypique, de curieuse ou encore de discordante. Dans ce contexte, la causalité n’était pas et ne pouvait pas être établie à satisfaction de droit et le recours devait être rejeté.

5.2  

5.2.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

5.2.2 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine ou vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408, consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

5.2.3 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b ; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

5.2.4 Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1 et les références).

En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références). En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique. Dans ce cas, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6 ; 117 V 369 consid. 4b ; 115 V 133 consid. 6 ; 115 V 403 consid. 5). En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa), tandis qu'en présence d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale (ATF 117 V 359 consid. 6a), d'un traumatisme analogue à la colonne cervicale (SVR 1995 UV n° 23 consid. 2) ou d'un traumatisme cranio-cérébral (ATF 117 V 369 consid. 4b), on peut renoncer à distinguer les éléments physiques des éléments psychiques (sur l'ensemble de la question, ATF 127 V 102
consid. 5b/bb et SVR 2007 UV n° 8 p. 27 consid. 2 et les références).

En application de la pratique sur les conséquences psychiques des accidents (ATF 115 V 133), l’examen de ces critères doit se faire au moment où l'on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical en rapport avec l'atteinte physique une amélioration de l'état de santé de l'assuré, ce qui correspond à la clôture du cas selon l'art. 19 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 5). L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident, étant précisé que l’amélioration attendue par la continuation du traitement médical doit être significative. Des améliorations mineures ne suffisent pas. Cette question doit être examinée de manière prospective. La clôture séparée d’un cas d’assurance-accidents pour les troubles psychiques d’une part et les troubles somatiques d’autre part n’entre pas en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3 et les références).

Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat du lien de causalité doivent être remplis cumulativement pour octroyer des prestations d'assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d'adéquat. En revanche, il n'est pas admissible de reconnaître le caractère adéquat d'éventuels troubles psychiques d'un assuré avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l'accident en cause soient élucidées au moyen d'une expertise psychiatrique concluante (ATF 147 V 207 consid. 6.1 et les références).

Par conséquent, si le juge des assurances sociales - saisi d’un examen du lien de causalité adéquate à l'égard de troubles psychiques alors que la question de la causalité naturelle a été laissée ouverte -, parvient à la conclusion que l'appréciation de l'assureur-accidents est erronée sur un ou plusieurs critères et que l'admission du lien du causalité adéquate pourrait entrer en considération, il doit, avant de statuer définitivement sur ce dernier point, instruire ou faire instruire par l'assureur-accidents les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle (ATF 148 V 138 consid. 5.5).

5.2.5 Dans le cas d'une atteinte accidentelle de nature psychique, il n'est pas toujours facile de reconnaître l'existence d'un accident lorsque l'événement en cause n'entraîne pas d'atteinte à l'intégrité corporelle, ou alors seulement une atteinte insignifiante, mais provoque des troubles psychiques qui causent à leur tour des troubles de nature physique. Un traumatisme psychique constitue un accident lorsqu'il est le résultat d'un événement d'une grande violence survenu en présence de l'assuré et que l'événement dramatique est propre à faire naître une terreur subite même chez une personne moins capable de supporter certains chocs nerveux (SJ 1998 p. 429). Cependant, seuls des événements extraordinaires propres à susciter l'effroi et entraînant des chocs psychiques eux-mêmes extraordinaires remplissent la condition du caractère extraordinaire de l'atteinte et partant, sont constitutifs d'un accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 et les références; RAMA 2000 n° U 365 p. 89).

Il convient donc d'examiner en premier lieu si un événement d'une grande violence s'est produit et s'il était propre à créer une atteinte psychique. Dans l'affirmative, la condition du caractère extraordinaire de l'atteinte est remplie et l'existence d'un accident doit en principe être admise. L'examen de la causalité adéquate s'effectue alors conformément à la règle générale selon laquelle la causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 4.2 ; 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le Tribunal fédéral a admis le lien de causalité adéquate entre une situation de menace aiguë d'une vingtaine de minutes avec danger de mort imminent (assuré menacé d'un pistolet posé sur sa poitrine) et des troubles psychiques affectant la capacité de travail de l'assuré (lequel présentait des antécédents psychiques importants ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_551/2022 du 31 mars 2023).

Le Tribunal fédéral a reconnu que le traumatisme psychique subi par un conducteur de locomotive se rendant compte qu'il avait écrasé une personne qui s'était jetée sous sa machine était en lien de causalité avec l'accident (RAMA 1990 n° U 109 p. 300).

Le Tribunal fédéral a confirmé les causalités naturelle et adéquate entre l'accident et les troubles psychiques dans le cas d’un assuré conducteur entré en collision lors d'une oblique à gauche avec un véhicule venant en sens inverse à la vitesse de
80 km/h. Son épouse passagère est décédée des suites de l'accident. Sur le plan somatique, l'assuré n'a souffert que de contusions mineures. Il y a lieu de prendre en considération le fait que l'assuré a toujours souffert d'un sentiment de culpabilité depuis l'accident et des symptômes post-traumatiques (cauchemars, troubles du sommeil, crises de paniques, etc.), qu'il a combattus par une fuite dans le travail pendant huit ans (arrêt du Tribunal fédéral 8C_593/2013 du 11 décembre 2013).

5.2.6 Il ressort d’un article intitulé « Trouble des symptômes neurologiques fonctionnels » rédigé par Joel E. DIMSDALE, MD, Université de Californie, San Diego (vérifié, révisé en août 2022 - www.msmanuals.com) que la personne atteinte de troubles à symptomatologie neurologique fonctionnelle présente des symptômes physiques ressemblant à ceux d’un trouble du système nerveux (neurologique). Les symptômes peuvent découler de facteurs mentaux, tels qu’un conflit ou un stress. La personne peut se plaindre de la paralysie d’un bras ou d’une jambe ou de la perte du sens du toucher, de la vision ou de l’audition.

De nombreux tests et examens cliniques sont généralement pratiqués afin de s’assurer que les symptômes ne sont pas la conséquence d’une maladie physique.

Le trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle est une forme de somatisation, dans lequel les facteurs mentaux s’expriment à travers des symptômes physiques.

Le trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle fait parfois suite à un stress et à un conflit, que les personnes atteintes de ce trouble ressentent comme (ou convertissent en) des symptômes physiques. Les personnes ne le font pas intentionnellement et ne sont pas conscientes qu’elles le font. Elles ressentent leurs symptômes exactement de la même manière que s’ils étaient provoqués par un trouble physique.

Bien que le trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle ait tendance à se développer entre la fin de l’enfance et le début de l’âge adulte, il peut apparaître à tout âge. Il semble plus fréquent chez les femmes.

Les symptômes du trouble à symptomatologie neurologique fonctionnelle, tels que la paralysie d’un bras ou d’une jambe ou encore la perte de sensation d’une partie du corps, suggèrent un dysfonctionnement du système nerveux. D’autres symptômes peuvent ressembler à une crise convulsive ou se caractériser par des problèmes de pensée, des difficultés à avaler, ou par la perte d’un des sens, tels que la vue ou l’audition.

Les symptômes apparaissent fréquemment suite à un événement social ou psychologique entraînant une souffrance. Les symptômes ne sont pas produits consciemment. Cela signifie que les personnes ne simulent pas leurs symptômes. Les symptômes sont suffisamment graves pour entraîner une souffrance considérable et entraver le fonctionnement de la personne atteinte.

On peut n’en présenter qu’un seul épisode dans sa vie ou plusieurs se produisant de façon sporadique. Les épisodes sont généralement brefs.

5.2.7 Le SDRC est un diagnostic fondamentalement clinique, aux étiologies variées. Une des difficultés de ce diagnostic réside dans le fait qu’il n’existe pas de test de laboratoire, radiologique ou génétique de référence (gold standard) pour le diagnostiquer. En l’absence d’un test objectif définitif pouvant servir de gold standard, il est possible de diagnostiquer un SDRC en disposant d’une sensibilité et d’une spécificité suffisantes avec les critères de Budapest, validés par l’IASP. Ils représentent également un standard permettant d’uniformiser la pratique clinique quotidienne et les travaux scientifiques. Le SDRC est un diagnostic d’exclusion. Son diagnostic n’est licite qu’à condition qu’il n’existe pas d’autre diagnostic qui serait mieux à même d’expliquer les symptômes présentés et les constatations faites. La confirmation ou la réfutation d’un SDRC ne peut se faire qu’après un examen rigoureux des critères de Budapest (David Ionta, Le syndrome douloureux régional complexe [SDRC] et causalité en LAA, in : Jusletter 18 octobre 2021, p.14).

Le SDRC constitue une atteinte à la santé physique, respectivement corporelle (arrêt du Tribunal fédéral 8C_955/2008 du 29 avril 2009 consid. 6). Il désigne, en médecine, un état maladif post-traumatique, qui est causé par un traumatisme bénin, qui se transforme rapidement en des douleurs importantes et individualisées avec des sensations de cuisson, qui s’accompagnent de limitations fonctionnelles de type moteur, trophique ou sensori-moteur. Toute une extrémité ou une grande partie d’une zone du corps est touchée. Les causes peuvent non seulement être une distorsion d’une articulation mais aussi, par exemple, un infarctus. La discordance entre le traumatisme à l’origine, qui peut en réalité être qualifié de bagatelle, et les conséquences est importante.

L’étiologie et la pathogenèse de ce syndrome ne sont pas claires. C’est pourquoi, selon la jurisprudence, pour qu’un tel syndrome puisse constituer la conséquence d’un accident, les trois critères suivants doivent être réalisés : a) la preuve d'une lésion physique (comme par exemple un hématome ou une contusion) après un accident ou l'apparition d'une algodystrophie à la suite d'une opération nécessitée par l'accident ; b) l'absence d'un autre facteur causal de nature non traumatique (comme par exemple : état après infarctus du myocarde, après apoplexie, après ou lors de l’ingestion de barbituriques, lors de tumeurs, de grossesses; etc.) et c) une courte période de latence entre l'accident et l'apparition de l'algodystrophie, soit au maximum six à huit semaines (arrêts du Tribunal fédéral 8C_871/2010 du 4 octobre 2011 consid. 3.2 et 8C_384/2009 du 5 janvier 2010 consid. 4.2.1 in SVR 2010 UV n° 18 p. 69).

Pour admettre un lien de causalité naturelle, il n'est pas déterminant que le diagnostic ait été posé dans les six à huit semaines après l’accident, mais que sur la base de constatations médicales fournies en temps réel, on puisse conclure que durant cette période de latence l'assuré a souffert au moins en partie des symptômes typiques de ce diagnostic (arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2022 du 12 octobre 2022 consid. 4.2.1 et les références).

6.              

6.1  

6.1.1 En l’espèce, l’intimée a admis dans la décision querellée que l’apparition des troubles de la recourante était vraisemblablement en relation de causalité certaine avec l’électrocution. Dans ces circonstances, il lui revient d’établir au degré de la vraisemblance prépondérante que cela n’était plus le cas dès le 8 décembre 2017. L’expertise du Dr J______ ne suffit pas à l’établir, car il s’est contenté d’affirmer que le lien de causalité naturelle n’était actuellement plus que possible et non pas vraisemblable ou certain et il n’a pas examiné la situation de la recourante sous l’angle du diagnostic de SDRC, qui ne relève pas de sa spécialité.

6.1.2 Selon l’expertise neurologique des Drs N______ et O______, qui répond aux réquisits permettant de lui reconnaître une valeur probante, la recourante souffre de troubles neurologiques d’origine fonctionnelle. Elle présente des symptômes physiques ressemblant à ceux d’un trouble du système nerveux (neurologique), sans atteinte objectivable expliquant les symptômes. Ces derniers peuvent, selon la littérature médicale précitée, découler de facteurs mentaux, tels qu’un conflit ou un stress.

Dans le cas de symptômes qui, bien qu'apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique, il y a lieu d'examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l'événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6 ; 117 V 369 consid. 4b). Cependant, seuls des événements extraordinaires propres à susciter l'effroi et entraînant des chocs psychiques eux-mêmes extraordinaires remplissent la condition du caractère extraordinaire de l'atteinte et partant, sont constitutifs d'un accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 et les références ; RAMA 2000 n° U 365 p. 89).

6.1.3 En l’espèce, l’événement en cause ne peut manifestement pas être qualifié de la sorte et le lien de causalité adéquate doit être nié s’agissant du diagnostic de troubles neurologiques fonctionnels.

6.2 Se pose encore la question de savoir si la recourante souffre d’un SDRC en lien de causalité avec l’événement en cause.

6.2.1 Selon la décision sur opposition, l’examen de scintigraphie osseuse du 19 janvier 2017 était normal et n’avait pas mis en évidence d’arguments en faveur d’un SDRC.

Dans sa réponse, l’intimée a fait valoir que comme relevé par plusieurs médecins, la situation était « intrigante, curieuse, voir atypique », dès lors qu’il existait une discordance entre la discrétion objective de l’électrocution et l’importance des troubles. Il fallait remarquer que l’accident n’avait créé aucune atteinte motrice alors même que la recourante avait été multi-investiguée durant plusieurs années, notamment sur le plan neurologique, sans qu’il soit possible de déceler une atteinte des structures nerveuses ou une anomalie permettant de déceler un SDRC.

Dans ses dernières écritures, l’intimée a considéré que le SDRC – qui était exclu par plusieurs médecins compte tenu notamment de l’absence d’anomalie – était évoqué au seul motif qu’il serait cohérent avec la symptomatologie, argumentation qui était nettement insuffisante compte tenu des exigences jurisprudentielles, selon lesquelles les experts doivent notamment se référer en détail aux résultats médico-psychiatriques des examens et des explorations cliniques menées dans les règles de l’art et qui relèvent de leur compétence. Un tel diagnostic était extrêmement complexe à établir, l’absence d’éléments pouvant impliquer un autre trouble qui pouvait rendre compte de la symptomatologie observée. Or, dans le cas d’espèce, de très nombreux troubles avaient été évoqués par les médecins et les experts. Ainsi, selon la littérature médicale, si un autre trouble était présent, le SDRC devait être considéré comme seulement probable ou possible. Il était curieux de retenir un diagnostic là où les médecins et les précédents experts avaient échoué. Ce syndrome impliquait généralement une lésion, ce qui n’avait pas été observé chez la recourante. En tout état, le CEMEDEX ne motivait pas ce diagnostic et n’évoquait aucune causalité avec l’accident.

6.2.2 La recourante a fait valoir que l’expertise du CEMEDEX faisait état d’un SDRC qui ne pouvait être que la conséquence de l’accident du 14 juin 2016. L’intimée ne pouvait donc réfuter ce diagnostic, au motif que les experts du CEMed n’étaient pas parvenus à l’établir. L’intimée occultait totalement le rapport médical établi le 2 septembre 2022 par le professeur T______, spécialiste FMH en anesthésiologie, qui faisait état d’une hyperesthésie, de douleurs et symptômes compatibles avec une lésion neurologique et qui établissait le lien de causalité avec l’accident en concluant que la recourante présentait très certainement les conséquences d’une électrocution qui avait touché principalement le « SNC » vu sa distribution. L’intimée ne contestait ni ne discutait ces conclusions. En conclusion, ses atteintes n’avaient aucune autre cause que l’électrocution dont elle avait été victime le 14 juin 2016.

6.2.3 Dans son rapport du 28 juin 2021, fondé sur un examen clinique, l’expert rhumatologue du CEMEDEX, le Dr S______, a posé le diagnostic avec impact sur la capacité de travail de SDRC du membre supérieur gauche de la recourante. Il a motivé ce diagnostic en indiquant que celle-ci avait subi une électrocution à bas voltage, sans aucun signe neurologique objectif. Les seules constatations objectives avaient été cliniquement une augmentation de volume du bras et de l’avant-bras, qui n’avait pas changé depuis. Il existait une impotence fonctionnelle avec des signes de neuropathie selon les critères DN4. En revanche, l’examen n’avait démontré aucune rétractation articulaire, les amplitudes articulaires étaient tout à fait normales, il n’y avait pas de changement de température, ni de couleur du membre supérieur gauche, pas d’hypersudation, pas d’hyperpilosité ni de réseaux sanguins apparents. La douleur apparaissait disproportionnée par rapport à l’élément initial. Tous les traitements assurés jusqu’à présent s’étaient révélés inefficaces, à l’exception d’une première injection de kétamine et de l’ergothérapie. Tous les autres diagnostics avaient été éliminés. Tout ceci répondait aux critères de Budapest pour un SDRC.

6.2.4 S’il est exact que l’expert S______ a indiqué que la symptomatologie était compatible avec le diagnostic de SDRC, il n’a pas seulement évoqué ce diagnostic, mais l’a posé formellement et l’a motivé en décrivant le déroulement de l’événement en cause, les constatations objectives qui avaient suivi, le résultat de son examen, notamment, et en concluant que la situation correspondait aux critères de Budapest permettant de poser ce diagnostic. Certes, il n’a pas examiné ces critères en détail.

La pose du diagnostic de SDRC requiert, selon les critères de Budapest, que les éléments caractéristiques suivants soient satisfaits (David Ionta, Le syndrome douloureux régional complexe (SDRC) et causalité en LAA, in : Jusletter 18 octobre 2021, p. 6 et 7) :

1. Une douleur persistante disproportionnée par rapport à l’événement déclencheur.

En l’occurrence, le Dr S______, l’expert rhumatologue ayant participé à l’expertise du CEMEDEX, a indiqué dans son appréciation que la douleur ressentie par la recourante apparaissait disproportionnée par rapport à l’élément initial. Le premier élément est ainsi réalisé.

2. Le patient doit rapporter au moins un symptôme dans trois des quatre catégories suivantes :

-      Sensorielle : hyperesthésie et/ou allodynie

-      Vasomotrice : asymétrie au niveau de la température et/ou changement/asymétrie au niveau de la coloration de la peau

-      Sudomotrice/œdème : œdème et/ou changement/asymétrie au niveau de la sudation

-      Motrice/trophique : diminution de la mobilité et/ou dysfonction motrice (faiblesse, tremblements, dystonie) et/ou changements trophiques (poils, ongles, peau).

En l’espèce, la recourante a rapporté au moins un symptôme dans les quatre catégories précitées :

Elle a indiqué au Dr R______, du CEMEDEX, que le moindre contact pouvait provoquer des douleurs de son membre supérieur gauche (catégorie 1) et qu’elle avait l’impression de plus transpirer du côté gauche au niveau de la main et des aisselles et que son membre supérieur gauche changeait de couleur, passant du rouge au rouge foncé, avec des taches blanches au niveau du moignon de l’épaule (catégorie 2). Elle avait une diminution de la force musculaire du membre supérieur gauche (catégorie 4).

Elle a encore indiqué au Dr S______ que quelques jours après l’événement un œdème était apparu sur son membre supérieur gauche et que ce dernier était augmenté de volume en permanence (catégorie 3).

3. Le patient doit démontrer au moment de l’examen au moins un signe clinique dans deux des quatre catégories suivantes :

-      Sensorielle : hyperalgésie (piqûre) et ou allodynie (au toucher léger et/ou température, pression, mouvement)

-      Vasomotrice : différence de température ( >1°) et/ou changement de coloration de la peau

-      Sudomotrice/œdème : œdème et/ou changement/asymétrie au niveau de la sudation

-      Motrice/trophique : diminution de la mobilité et/ou dysfonction motrice (faiblesse, tremblements, dystonie) et/ou changements trophiques (poils, ongles, peau)

Au moment des examens cliniques des médecins du CEMEDEX, il a été observé au moins un symptôme dans quatre catégories précitées et il y a en a eu davantage si l’on se réfère à l’ensemble des examens cliniques figurant au dossier.

Le Dr R______ a constaté une allodynie du membre supérieur gauche (catégorie 1).

Le 4 janvier 2017, la Dre H______ a constaté à l’examen clinique que l’assurée avait une rougeur de la main et de l’avant-bras et dans une moindre mesure du bras gauche ainsi qu’une allodynie de contact de la totalité du bras.

Le Dr S______ a indiqué dans son évaluation que suite à l’évènement, une augmentation du volume du bras gauche de la recourante avait été constatée, qui n’avait pas changé depuis lors (catégorie 3) et qu’il existait une impotence fonctionnelle avec des signes de neuropathie (catégorie 4).

4. Il ne doit exister aucun autre diagnostic permettant de mieux expliquer les symptômes et les signes cliniques.

En l’occurrence, le Dr S______ a indiqué dans son évaluation que tous les autres diagnostics avaient été éliminés.

Confirme en tant que de besoin les conclusions des experts du CEMEDEX, le rapport établi le 12 décembre 2018, par le docteur U______, médecin-chef de la clinique de la douleur de l’hôpital de la Tour, qui a également posé le diagnostic de SDRC, considérant que les critères de Budapest étaient remplis et qui avait constaté une asymétrie de sudation avec transpiration du bras gauche, un œdème du bras gauche ainsi qu’une allodynie dans le territoire radial superficiel.

Le fait que la scintigraphie osseuse du 19 janvier 2017 n’ait pas mis en évidence d’argument en faveur d’un SRDC n’est pas déterminant, car ce diagnostic est fondé essentiellement sur des critères cliniques.

Le fait que des médecins aient qualifié la situation de la recourante d’intrigante (la Dre C______ le 28 juin 2016) ou de curieuse (la Dre B______ le 7 octobre 2016) dès lors qu’il existait une discordance entre la discrétion objective de l’électrocution et l’importance des troubles, ne fait que corroborer le diagnostic de SDRC, qui concerne précisément ces cas de figure. Si une atteinte neurologique n’a pas été objectivée, une atteinte fonctionnelle l’a été, de sorte que l’intimée ne peut soutenir qu’aucune atteinte motrice n’a été constatée.

L’expertise du CEMed effectuée en août 2017 ne remet pas en cause le diagnostic de SDRC dès lors que ce diagnostic ne relève pas des spécialités des experts qui l’ont effectuée, lesquels étaient neurologue et psychiatre.

6.2.5 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. David Ionta, op. cit, p. 12 à 14), pour qu’un SDRC puisse constituer la conséquence d’un accident, les trois critères suivants doivent être réalisés :

a)      la preuve d'une lésion physique (comme par exemple un hématome ou une contusion) après un accident ou l'apparition d'une algodystrophie à la suite d'une opération nécessitée par l'accident.

En l’occurrence, le Dr S______ a indiqué dans son évaluation médicale qu’après l’accident, la recourante avait présenté un hématome de la face antérieure du pouce gauche ainsi que de la face antérieure du poignet gauche plus important, puis quelques jours plus tard un œdème du membre supérieur gauche. Ce premier critère est donc réalisé.

b)      l'absence d'un autre facteur causal de nature non traumatique (comme par exemple : état après infarctus du myocarde, après apoplexie, après ou lors de l’ingestion de barbituriques, lors de tumeurs, de grossesses, etc.).

En l’occurrence, il ne ressort pas d’autres facteurs causals de nature non traumatique des plaintes de la recourante. Le second critère est également réalisé.

c)      une courte période de latence entre l'accident et l'apparition de l'algodystrophie, soit au maximum six à huit semaines (arrêts du Tribunal fédéral 8C_871/2010 du 4 octobre 2011 consid. 3.2 et 8C_384/2009 du 5 janvier 2010 consid. 4.2.1 in SVR 2010 UV n° 18 p. 69).

En l’espèce, les plaintes de la recourante, bien que diagnostiquées tardivement comme SDRC, sont apparues dans les suites de l’événement, avec immédiatement une hypoesthésie de la face médiale et latérale de l’avant-bras, puis avec l’apparition quelques jours plus tard d’un œdème du membre supérieur gauche avec une hypoesthésie distale et des paresthésies jusqu’au niveau du mamelon.

Les critères jurisprudentiels sont ainsi remplis pour retenir que le diagnostic de SDRC est un lien de causalité avec l’événement du 14 juin 2016.

7.             Le recours doit ainsi être admis, la décision querellée annulée et il sera dit que l’intimée doit prendre en charge les suites de cet événement au-delà du 8 décembre 2017.

La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 21 novembre 2018.

4.        Dit que l’intimée doit prendre en charge les suites de l’événement du 14 juin 2016 au-delà du 8 décembre 2017.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- à la charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le