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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2967/2023

ATAS/1021/2023 du 20.12.2023 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2967/2023 ATAS/1021/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 décembre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______
représenté par ADC association de défense des chômeur-se-s

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1982, s’est inscrit à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) le 9 mars 2022 pour un placement au 19 mars suivant à 100%.

b. Le 9 juin 2023, le service juridique de l’OCE a sanctionné l’assuré d’une suspension de son droit à l’indemnité de chômage de trois jours au motif qu’il n’avait effectué que quatre recherches personnelles d’emploi pour le mois d’avril 2023, lesquelles avaient été remises le 5 mai dans le délai imparti, au lieu des dix demandées par l’office régional de placement (ORP). Les sept autres recherches avaient été remises hors délai le 6 mai et elles ne pouvaient pas être prises en compte.

c. Le 10 juillet 2023, l’assuré a fait opposition à la décision précitée, faisant valoir qu’il s’était connecté à la plateforme Job-Room le vendredi 5 mai 2023, donc dans le délai imparti, afin de vérifier et compléter ses preuves de recherches personnelles d’emploi du mois d’avril 2023. Il avait pu enregistrer quatre recherches avant minuit le 5 mai 2023. Malheureusement, en cours de manipulation, alors qu’il s’apprêtait à entrer les sept recherches suivantes, la plateforme avait présenté des problèmes techniques. Un message d’erreur n’avait cessé d’apparaitre pendant plusieurs heures. À partir de 00h2 le lendemain, il avait pu se connecter à nouveau et inscrire les sept recherches restantes. Il avait été alors informé qu’une transmission automatique serait faite le 6 mai 2023 à minuit. En poursuivant l’inscription des quatre dernières recherches, un nouveau problème technique similaire au précédent était apparu. Ce n’était qu’à 12h50 qu’il avait pu enfin terminer d’inscrire ses dernières recherches. À ce moment-là, une indication de la plateforme mentionnait qu’une transmission automatique se ferait le dimanche 7 mai 2023 à minuit. Les détails accessibles directement sur la plateforme indiquaient que certaines recherches avaient été transmises le 7 mai 2023, alors que les autres avaient été transmises les 5 et 6 mai 2023.

Le formulaire preuve de recherches personnelles d’emploi détaillé qui apparaissait sur la plateforme montrait que toutes les recherches avaient été enregistrées entre le vendredi 5 et le samedi 6 mai 2023.

L’assuré avait été rassuré par les indications de la plateforme selon lesquelles toutes ses recherches seraient transmises pour le jour ouvrable suivant, soit le lundi 8 mai 2023, et n’avait pas pensé que la remise de ses recherches serait considérée comme tardive. Le défaut de l’outil mis à sa disposition par l’OCE sur lequel il lui était demandé de transmettre ses recherches ne lui était pas imputable et il n’y avait pas lieu de retenir un comportement fautif de sa part.

L’assuré a ajouté qu’il souffrait d’un trouble de l’attention avec hyperactivité (ci-après : TDAH) et d’une carence en vitamine B12, lesquels avaient un impact sur ses capacités cognitives et sa concentration, ce qui avait été attesté par son médecin. Pour cette raison, en fin de mois, il refaisait toujours un contrôle le dernier jour de remise de ses recherches d’emploi afin de s’assurer que tout était en ordre.

d. Par décision sur opposition du 13 juillet 2023, l’OCE a rejeté l’opposition formée le 10 juillet 2023 par l’assuré contre sa décision du 9 juin 2023, considérant qu’il ressortait des données informatiques que pour avril 2023, cinq candidatures avaient été sauvegardées le 5 mai 2023 et sept autres le lendemain. L’assuré n’avait pas apporté d’élément dans son opposition permettant de revoir la décision litigieuse. Il lui appartenait de bien vérifier, au plus tard le 5 mai 2023, qu’à tout le moins dix postulations figuraient sur sa liste d’avril 2023, ce qu’il reconnaissait n’avoir pas fait contrairement à son habitude, étant relevé qu’il aurait pu, s’il rencontrait un problème avec Job-Room, envoyer ses postulations par courrier à l’OCE, ce qu’il n’avait pas fait.

Les sept candidatures remises le 6 mai 2023 ne pouvaient être prises en compte, car elles avaient été transmises après le délai imparti. En fixant la durée de la suspension à trois jours, le service juridique de l’OCE avait appliqué une sanction respectant le barème du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) pour un tel manquement et de ce fait, le principe de proportionnalité.

B. a. Le 14 septembre 2023 l’assuré a formé recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation, avec suite de frais et dépens, subsidiairement à la réduction de la sanction à un jour.

Il a fait valoir qu’il s’était bien connecté à Job-Room le 5 mai 2023 comme à son habitude afin d’inscrire ses recherches manquantes et de s’assurer que toutes les informations étaient à jour. Alors qu’il remplissait son obligation, le système avait eu une panne informatique. Cet incident était corroboré par les captures d’écran qu’il avait eu le réflexe de prendre. Au regard de ses explications et des preuves soumises, c’était de façon choquante et incompréhensible que l’intimé retenait qu’il ne s’était pas connecté au plus tard le 5 mai 2023, ce qui n’était pas exact. La décision sur opposition le tenait responsable du retard de transmission de ses recherches sans prendre en compte la panne informatique qui avait duré plusieurs heures. Ce problème n’avait jamais eu lieu auparavant, alors que le recourant se servait de la plateforme depuis de nombreux mois. Dans ces conditions, il lui avait été impossible de le prévoir et de l’anticiper. Cette panne relevait de toute évidence du cas fortuit et se trouvait à l’origine de son incapacité d’inscrire toutes ses recherches à temps. En se connectant aux alentours de 21h, il lui restait, si l’évènement n’avait pas eu lieu, amplement le temps de vérifier et compléter ses recherches d’emploi dans le cadre du délai imparti.

Lorsqu’il avait rencontré les difficultés informatiques précitées, le recourant n’avait pas remis son obligation à plus tard. Au contraire, il avait réactualisé régulièrement la page, tenté de se connecter à plusieurs reprises et attendu de pouvoir enfin, à une heure tardive dans la nuit, continuer sa saisie. Il avait recommencé dès le lendemain à se connecter pour finaliser la transmission de ses recherches d’emploi. Il avait ainsi tout fait pour limiter les conséquences du défaut de la plateforme. Dès lors, il n’avait eu aucun comportement fautif et les conditions de l’art. 30 LACI n’étaient pas remplies.

À titre subsidiaire, si un comportement fautif devait être retenu à son encontre, il fallait qualifier sa faute de très légère. Son seul manquement était de n’avoir saisi que quatre recherches avant minuit le 5 mai 2023 et sept à partir de 0h27 le samedi 6 mai 2023. Enfin, sa situation particulière ne pouvait être ignorée, à savoir les difficultés liées à son TDAH, en raison desquelles, il déployait une énergie et des ressources considérables pour se conformer à ses obligations.

À l’appui de son recours, l’assuré a produit :

-          un rapport établi par le docteur B______, psychiatre et psychothérapeute FMH, qui attestait suivre l’assuré depuis le 15 mars 2017, pour un TDAH qui impactait sa capacité à la planification et à l’organisation, notamment ;

-          deux articles concernant le TDAH ;

-          une capture d’écran mentionnant que la page demandée n’était pas disponible à 23h36 ;

-          une capture d’écran « Job research » faite à 23h37 indiquant qu’une erreur avait été rencontrée pendant la procédure de connection ;

-          une capture d’écran « Job-Room » indiquant pour avril 2023 que sept recherches d’emploi avaient été saisies avec une transmission automatique le 6 mai 2023 à 0h00 ;

-          une capture d’écran dont il ressort que l’assuré avait saisi huit recherches d’emploi pour le mois d’avril 2023 transmises le 7 mai 2023 à minuit ;

-          une capture d’écran correspondant au formulaire type de preuves des recherches d’emploi, dont il ressort que quatre recherches d’emploi avaient été sauvegardées le 5 mai 2023 et sept le 6 mai 2023.

b. Le 6 octobre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. Les parties ont été entendues par la chambre de céans le 6 décembre 2023.

La conseil du recourant a indiqué qu’on pouvait inscrire des recherches sur Job-Room sans les transmettre et les compléter par la suite. C'était la dernière date d'accès qui était enregistrée comme sauvegarde. Une fois que les recherches étaient transmises, on ne pouvait plus les modifier. Les recherches étaient transmises soit volontairement, soit automatiquement le dernier jour du délai à minuit.

Le recourant a déclaré qu’il avait déjà eu des problèmes du même type avec Job-Room dans le passé, mais qui n'avaient pas duré. Il avait suffi de relancer le système, mais cela n'avait pas fonctionné le 5 mai. Il ressortait de la pièce 5 que la page n'était pas disponible à 21h36. Il avait alors déjà pu enregistrer trois ou quatre recherches.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (cf. art. 49 al. 3 LMC et art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de sanction de 3 jours prononcée contre le recourant pour n’avoir transmis que quatre recherches d’emploi dans le délai requis pour le mois d’avril 2023.

4.              

4.1 Selon l’art. 17 al. 1 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger; il lui incombe en particulier de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment; il doit apporter la preuve des efforts qu’il a fournis.

Selon l’art. 26 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité, du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), l’assuré doit remettre la preuve de ses recherches d’emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le 5 du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date; à l’expiration de ce délai, et en l’absence d’excuse valable, les recherches d’emploi ne sont plus prises en considération.

4.2 En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3; 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.             En l’espèce, le recourant a fait valoir qu’il était prêt à enregistrer ses recherches d’emploi faites en nombre suffisant pour le mois d’avril 2023 le dernier jour du délai, soit le 5 mai vers 21h, mais qu’en raison d’une panne informatique, il n’avait pu enregistrer que quatre recherches d’emploi en temps utile et le reste de ses recherches que le lendemain, dont une partie, peu de temps après minuit. Le recourant a produit des captures d’écran qui attestent, au degré de la vraisemblance prépondérante, ses déclarations, qui ont été constantes au long de la procédure et qui ont convaincu la chambre de céans. Il apparaît en outre excessif de lui reprocher de ne pas avoir envoyé son formulaire de recherches d’emploi par courrier suite à la panne informatique, dès lors que celle-ci est survenue le vendredi soir, que le recourant a tenté de se connecter à la plateforme jusqu’à minuit et que son courrier ne serait de toute façon pas parvenu avant le lundi suivant à l’intimé, soit concrètement après l’enregistrement de l’ensemble de ses recherches d’emploi sur Job-Room, qui a pu se faire avant la fin du week-end.

Il sera enfin relevé que le recourant n’avait au moment des faits en cause, soit au début du mois de mai 2023, pas été sanctionné par l’intimé, soit pendant plus d’un an après son inscription au chômage (le 19 mars 2022), alors même qu’il avait pour des raisons de santé des difficultés à gérer ses affaires administratives, ce qui démontre qu’il prenait au sérieux ses obligations de chômeur.

Au vu des circonstances du cas d’espèce, il ne se justifiait pas de retenir un comportement fautif du recourant et de le sanctionner.

6.             La décision sur opposition du 13 juillet 2023 sera en conséquence annulée.

Le recourant obtenant gain de cause et étant assisté d’un conseil, il a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 1'500.- et mis à la charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. g LPGA).

 


6.1  

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 14 septembre 2023.

4.        Alloue au recourant CHF 1'500.- à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le