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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4134/2022

ATAS/983/2023 du 14.12.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4134/2022 ATAS/983/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 décembre 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représenté par l’APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, mandataire

recourant

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1975, est père de deux enfants, B______, né en ______ 2017, et C______, née en ______ 2020.

b. Après l’obtention de son brevet d’avocat en 2014, l’assuré a travaillé en tant que collaborateur au sein d’une étude d’avocats genevoise du 15 septembre au 24 octobre 2014 puis, du 1er septembre 2015 au 31 août 2016, en tant que juriste au service des affaires juridiques de l’office de D______, État de Genève.

c. Entre 2016 et 2018, l’assuré a procédé à de nombreuses recherches d’emploi, lesquelles se sont révélées infructueuses.

B. a. Le 7 juillet 2021, l’assuré a saisi l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) d’une demande de prestations en raison d’un trouble du spectre autistique présent depuis l’enfance, d’un trouble déficitaire de l’attention sans hyperactivité, également présent depuis l’enfance, et d’une maladie cœliaque. Selon le formulaire, l’assuré était père au foyer depuis le 9 mai 2017.

b. Dans le cadre de l’instruction de la demande de prestations, l’OAI a récolté divers rapports, dont notamment celui du docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, psychiatre traitant, daté du 8 septembre 2021, dans lequel ce médecin a posé les diagnostics de syndrome d’Asperger (F84.5) et de trouble déficitaire de l’attention sévère, présent depuis l’enfance, sans hyperactivité. Pour le Dr E______, l’assuré n’avait jamais présenté une capacité de travail supérieure à 50%, que ce soit durant son parcours scolaire, universitaire ou professionnel. Les interactions étaient source de stress car le comportement de l’assuré était excentrique et il déstabilisait ses interlocuteurs. L’assuré était également limité par son manque d’intuition sociale (incapacité à regarder dans les yeux, recours excessif à l’humour noir) et son intérêt excessif pour les détails, de même que sa difficulté à passer outre sur les illogicités de la vie quotidienne. L’assuré était très probablement à même d’exercer, à 50%, son métier d’avocat et juriste dans un environnement reconnaissant et acceptant son fonctionnement Asperger, ne l’exposant pas à un stress excessif concernant les délais et la productivité et encourageant sa capacité à travailler de manière intense sur un sujet plutôt que de gérer une multitude de tâches. Depuis le début du suivi, l’assuré avait bénéficié de 205 séances de psychothérapie d’orientation psychodynamique hebdomadaire.

c. Pour permettre à l’OAI de déterminer le statut à prendre en considération pour le calcul du degré d’invalidité, l’assuré a répondu à un questionnaire en date du 22 septembre 2021. Il en ressort, notamment, qu’auparavant l’assuré avait exercé plusieurs activités professionnelles, presque toujours à 100%. Après avoir perdu son dernier emploi, il avait fait de nombreuses postulations, y compris à temps partiel, notamment en raison de son atteinte à la santé et des charges familiales. Il s’occupait de sa fille avec l’aide de deux nounous à temps partiel et de sa mère.

d. Les pièces médicales ont été soumises au service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), l’assuré étant alors considéré comme actif dans le mandat du 27 septembre 2021.

e. Selon l’avis du SMR, daté du 21 juin 2022, la capacité de travail de l’assuré était de 50% depuis le mois d’avril 2020, dans toute activité, les limitations fonctionnelles concernant les interactions sociales difficiles, le manque d’intuition sociale (incapacité à regarder dans les yeux, recours excessif à l’humour noir) et l’intérêt excessif pour les détails, de même que des difficultés à passer outre sur les illogicités de la vie quotidienne.

f. Considérant que le statut de l’assuré était ménager, vu l’absence d’activité lucrative depuis 2017 (cf. note relative au choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité du 22 juin 2022), l’OAI a diligenté une enquête économique sur le ménage.

L’enquêtrice a retranscrit, dans une première partie, les informations données par l’assuré s’agissant notamment de sa situation professionnelle. Selon ses dires, sans atteinte à la santé, il travaillerait actuellement à temps partiel, à un taux de 50-60%, ce qui lui permettrait de concilier vie familiale et vie professionnelle. Sa conjointe travaillait, en effet, à 80%, et ils étaient parents de deux enfants. Le fait d’être père au foyer s’était imposé à l’assuré et à sa compagne, compte tenu de son échec professionnel. De plus, à cette époque, sa compagne travaillait à 100% et ils n’avaient trouvé aucun mode de garde, tel qu’une crèche. Cette situation les avait confortés dans leur choix. L’assuré avait toutefois toujours eu des difficultés sur le plan scolaire et universitaire, ayant notamment fait ses études de lettres et de droit en plus de dix ans. Il n’avait d’ailleurs jamais réussi à faire face aux exigences professionnelles. Durant son stage en Étude, il peinait à faire face aux exigences du travail, prenant trop de temps avec les futurs clients et n’arrivant pas à atteindre les objectifs de rentabilité avec les dossiers à traiter. Après deux mois en tant que collaborateur, il avait été licencié d’un commun accord, en raison de son faible rendement et de sa difficulté à entrer en relation avec autrui. Enfin, le poste de juriste à l’État de Genève était un contrat d’auxiliaire, d’une durée de douze mois. Il n’avait pas non plus donné satisfaction et à l’issue dudit contrat, une autre personne avait été engagée en fixe pour ce poste.

Après avoir décrit la situation avant et après l'atteinte à la santé et les activités qu'elle estimait encore exigibles de l'assuré, l'enquêtrice a retenu, dans son rapport du 5 septembre 2022, un empêchement de 4% dans les travaux ménagers habituels, après prise en considération d’une exigibilité de la famille, soit :

 

Description des empêchements dus à l'invalidité

Exigibilité

Pondération du champ d'activité en %

Empêchement en %

Invalidité en %

Alimentation 

 

41%

10%

4.10%

Exigibilité

10%

 

0%

0%

Entretien du logement  

 

15%

40%

6%

Exigibilité

40%

 

0%

0%

Achats et courses diverses

 

8%

10%

0.8%

Exigibilité

10%

 

0%

0%

Lessive et entretien des vêtements 

 

15%

10%

1.5%

Exigibilité

10%

 

0%

0%

Soins aux enfants ou autres membres de la famille

 

20%

40%

8%

Exigibilité

20%

 

20%

4%

Soin du jardin et de l’extérieur de la maison et garde des animaux domestiques

 

1%

0%

0%

Exigibilité

0%

 

0%

0%

Total champs d’activité

100%

Total exigibilité retenue

16.4%

Total empêchement pondéré sans exigibilité

20.4%

Total empêchement pondéré avec exigibilité

4%

g. Par projet de décision du 14 septembre 2022, confirmé par décision du 2 novembre 2022, l'OAI a mis l'assuré au bénéfice d’une demi-rente d'invalidité, à compter du 1er janvier 2022, compte tenu d’un degré d’invalidité de 52%. Ce pourcentage avait été obtenu de la manière suivante :

Activité

Quote-part

Perte de gain / empêchement

Degré d'invalidité

Activité lucrative

50%

100%

50%

Travaux habituels (ménage)

50%

4%

2%

Degré d'invalidité total

52%

C. a. Le 5 décembre 2022, l’assuré, sous la plume de son conseil, a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision du 2 novembre 2022 concluant, sous suite de frais et dépens, à l’annulation partielle de la décision querellée et, cela fait, à l’octroi d’une rente entière, dès le 1er janvier 2022. À l’appui de sa position, il a essentiellement contesté la méthode applicable à la détermination du degré d’invalidité, considérant qu’au vu de son parcours de vie, il aurait exercé une activité professionnelle à temps complet sans ses atteintes à la santé.

b. Dans sa réponse du 30 janvier 2023, l’intimé a souhaité modifier le dispositif de la décision querellée, en ce sens qu’aucun droit à une rente d’invalidité n’était reconnu au recourant. En effet, pour l’OAI, ladite décision comportait des erreurs de plume et de calcul, dès lors qu’elle mentionnait, à tort, qu’une incapacité de travail totale dans toute activité et une incapacité de gain totale avaient été reconnues au recourant, alors que l’instruction médicale avait montré une incapacité de travail partielle de 50% dans l’activité habituelle (cf. avis du SMR du 21 juin 2022 et rapport du Dr E______ du 8 septembre 2021). Le taux d’empêchement de 100% retenu dans la rubrique « Perte économique / Empêchement en % » du tableau compris dans la décision querellée ne trouvait ainsi aucun fondement dans les pièces du dossier et le calcul correct était le suivant :

 

Activité

Quote-part

Perte de gain / empêchement

Degré d'invalidité

Activité lucrative

50%

0%

0%

Travaux habituels (ménage)

50%

4%

2%

Degré d'invalidité total

2%

c. Le recourant a produit sa réplique en date du 23 février 2023, contestant la possibilité pour l’intimé de modifier ses conclusions à son détriment et, partant, que la procédure puisse aboutir à une reformatio in pejus. Sur le fond, il a constaté que le Dr E______ n’avait jamais attesté d’une capacité de travail de 50% dans l’activité habituelle d’avocat ou de juriste, mais uniquement du fait qu’il pourrait très probablement exercer son métier, pour autant qu’il travaille dans un environnement reconnaissant et acceptant son fonctionnement Asperger, soit en ne l’exposant pas à un stress excessif concernant les délais et la productivité et encourageant sa capacité à travailler sur un sujet plutôt que de gérer une multitude de tâches. Le recourant a également persisté dans ses conclusions s’agissant du choix du statut. Enfin, il a produit les preuves des recherches d’emploi pour les années 2016, 2017 et 2018, dont il ressort, selon lui, qu’il recherchait un emploi à 80-100%.

d. Dans sa duplique du 15 mars 2023, l’OAI a, une nouvelle fois, modifié le calcul du taux d’invalidité, retenant désormais un degré d’invalidité de 27%, toujours insuffisant pour donner droit à une rente d’invalidité, soit :

Activité

Quote-part

Perte de gain / empêchement

Degré d'invalidité

Activité lucrative

50%

50%

25%

Travaux habituels (ménage)

50%

4%

2%

Degré d'invalidité total

27%

Par ailleurs, l’office intimé a rappelé qu’il avait retenu une capacité de travail de 50% dans toute activité, sur la base de l’avis du SMR, qui s’était, quant à lui, fondé sur le rapport du psychiatre traitant du 8 septembre 2021. Quant au statut mixte, il avait notamment été retenu sur la base des déclarations du recourant au stade de la demande, du questionnaire sur le statut et de l’enquête économique sur le ménage. Enfin, s’agissant des recherches d’emploi, l’OAI constatait que les temps pleins visés représentaient un tiers des postulations en 2018, et moins de 50% des postulations en 2016 et 2017. La volonté de travailler à temps partiel ressortait ainsi largement des postulations, lesquelles étaient antérieures à ses premières déclarations.

e. Dans ses déterminations du 9 avril 2023, le recourant a encore relevé que les recherches produites correspondaient à des postulations pour des emplois et non à des offres spontanées. Pour le surplus, il persistait dans ses précédentes conclusions.

f. Par courrier du 24 avril 2023, l’OAI a, à son tour, persisté dans ses précédentes conclusions.

g. Le 12 mai 2023, le recourant a conclu à la tenue d’une audience de comparution personnelle, à laquelle l’OAI s’est opposé par courrier du 17 mai 2023, considérant que le dossier permettait de statuer en pleine connaissance de cause.

h. Par courrier du 12 octobre 2023, le recourant a transmis à la chambre de céans un rapport du Dr E______ du 9 octobre 2023 et a persisté dans ses conclusions tendant à la tenue d’une audience de comparution personnelle, au cours de laquelle il entendait décrire son parcours professionnel après l’obtention de son brevet d’avocat.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

j. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

 

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.2 En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en janvier 2022, soit six mois après le dépôt de la demande du 4 juillet 2021 (cf. art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

4.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI de rejeter la demande de prestations du recourant, singulièrement sur le statut du recourant (statut d’actif ou statut mixte) et sa capacité de travail, ce qui implique un examen de la valeur probante des rapports médicaux figurant au dossier.

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.2 En vertu de l’art. 28b LAI, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour un taux d’invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est la suivante (al. 4) :

 

Taux d’invalidité

Quotité de la rente

49 %

47,5 %

48 %

45    %

47 %

42,5 %

46 %

40    %

45 %

37,5 %

44 %

35    %

43 %

32,5 %

42 %

30    %

41 %

27,5 %

40 %

25    %

 

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 1997, p. 8).

7.              

7.1 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

7.2 La question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse. Cependant, pour admettre l'éventualité que l'assuré aurait repris une activité lucrative partielle ou complète jusqu'à ce moment-là, il faut des éléments dont la force probante atteigne le degré de vraisemblance prépondérante reconnu habituellement en droit des assurances sociales (ATF 130 V 393 consid. 3.3 et 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

8.              

8.1 En l’espèce, se fondant sur le rapport d’enquête ménagère du 5 septembre 2022, l’OAI a retenu un statut mixte, à savoir actif à 50% et travaux habituels à 50%. Le recourant conteste cette appréciation et conclut à un statut d’actif à 100%.

C’est le lieu de rappeler que le recourant souffre d’un trouble du spectre autistique, de type Asperger, et d’un trouble du déficit de l’attention, sévère, sans hyperactivité, en raison desquels il était probablement en mesure d’exercer à 50% son métier d’avocat et juriste uniquement dans un environnement reconnaissant et acceptant son fonctionnement Asperger, ne l’exposant pas à un stress excessif concernant les délais et la productivité et encourageant sa capacité à travailler de manière intense sur un sujet plutôt que de gérer une multitude de tâches. En outre, les interactions étaient source de stress car le comportement de l’assuré était excentrique et qu’il déstabilisait ses interlocuteurs. L’assuré était également limité par son manque d’intuition sociale (incapacité à regarder dans les yeux, recours à l’humour noir) et son intérêt excessif pour les détails, de même que sa difficulté à passer outre sur les illogicités de la vie quotidienne (cf. rapport du Dr E______ du 8 septembre 2021).

La question que la chambre de céans doit examiner pour savoir à quelle catégorie attribuer le recourant et, partant, quel statut retenir, est celle de savoir si, sans ses atteintes, le recourant aurait travaillé à 100% ou si, au contraire, il aurait également consacré une part importante de ses journées aux travaux habituels.

8.2 Selon le dossier soumis à la chambre de céans, après l’obtention de son brevet d’avocat en septembre 2014, le recourant a travaillé, à 100%, tout d’abord dans une Étude d’avocats en qualité de collaborateur, du 15 septembre au 24 octobre 2014, puis en qualité de juriste auprès du service des affaires juridiques de l’office de l’urbanisme du 1er septembre 2015 au 31 août 2016. Ces contrats se sont terminés en raison de son faible rendement et de ses difficultés relationnelles (cf. rapport d’enquête sur le ménage du 5 septembre 2022).

Suite à la perte de son emploi à l’État de Genève, fin août 2016, le recourant a effectué de nombreuses postulations, soit :

Année

50%

60%

70%

80%

90%

100%

moyenne

2016

2

2

2

6

2

9

83%

2017

5

5

3

9

9

38

88%

2018

7

6

1

9

7

14

80%

Force est de constater que près de trois quarts des postulations (soit 103 sur les 136 au total) concernaient des postes à des taux compris entre 80% et 100%.

Le 9 mai 2017 est né le premier enfant du recourant, B______. Quelques mois plus tard, le 31 août 2017, s’est terminé le délai-cadre d’indemnisation de l’assurance-chômage.

La chambre de céans constate, à ce stade, que malgré la naissance de son fils, le recourant a continué, sans succès, ses recherches d’emploi, y compris pour des postes à 100%.

Dans de telles circonstances, la chambre de céans est d’avis que selon toute vraisemblance, sans atteinte à la santé, le recourant aurait exercé une activité professionnelle à 100%.

En réalité, le recourant est devenu père au foyer suite à l’échec des nombreuses recherches d’emploi, ce qu’il a d’ailleurs expliqué à l’enquêtrice (cf. rapport d’enquête économique sur le ménage du 5 septembre 2022, p. 2 : « l’assuré dit que le fait d’être père au foyer en 2017 s’est imposé à lui et à sa compagne après avoir été en échec professionnel »). En effet, aucune des 136 recherches d’emploi effectuées entre août 2016 et décembre 2018 n’a été couronnée de succès. Il n’est donc pas surprenant qu’à un moment donné, le recourant ait renoncé à rechercher un emploi.

Par ailleurs, le taux d'activité de 50% évoqué par le recourant lors de l’enquête à domicile correspond à l'exigibilité retenue par le Dr E______ dans un environnement reconnaissant et acceptant son fonctionnement Asperger. Il paraît ainsi hautement vraisemblable que le recourant ne prévoit pas d’exercer une activité à un taux supérieur, compte tenu des conclusions de son médecin. Il l’admet d’ailleurs, lorsqu’il explique qu’il a cherché un emploi à temps partiel, non seulement en raison des charges de famille, mais également en raison de ses limitations à la santé (réponse à la question 1 du questionnaire sur le statut, rempli le 22 septembre 2021).

S’agissant des charges de famille, la chambre de céans constate que le recourant était aidé par trois personnes : deux nounous à temps partiel et sa mère. Dans de telles circonstances, on ne saurait retenir que la présence du recourant au foyer remplace un moyen de garde.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans considère que compte tenu de l’ensemble des circonstances, il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’en l’absence d’atteinte à la santé, le recourant aurait exercé une activité professionnelle à 100%, de sorte que c’est un statut d’actif que l’OAI aurait dû retenir.

La décision querellée sera annulée pour ce motif déjà.

9.             C’est le lieu à présent de déterminer la capacité de travail du recourant.

9.1 Comme indiqué précédemment, pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir, en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

9.2  

9.2.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable, en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

9.2.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

9.2.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

9.2.3.1.    Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères : s'il existe un doute, même minime, sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 et les références ; ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes, même faibles, quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4). 

9.2.3.2.    En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.3  

9.3.1 Le marché du travail équilibré est une question théorique, de sorte que l'on ne peut pas supposer à la légère que la capacité restante est inutilisable (arrêts du Tribunal fédéral 8C_442/2019 du 20 juillet 2019 consid. 4.2 et 9C_485/2014 du 28 novembre 2014 consid. 3.3.1). Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s'écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l'activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p. 329 ; RCC 1989 p. 328 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé – puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d'une invalidité (cf. art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2).

9.3.2 D'après ces critères, il y a lieu de déterminer dans chaque cas et de manière individuelle si l'assuré est encore en mesure d'exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l'angle de l'obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu'offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d'eux qu'ils prennent des mesures incompatibles avec l'ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1066/2009 du 22 septembre 2010 consid. 4.1 et la référence).

9.3.3 Le Tribunal fédéral a été amené à examiner à plusieurs reprises le caractère réaliste des activités adaptées envisageables. Il a ainsi considéré, dans son arrêt 9C_984/2008 du 4 mai 2009, que l’assuré, qui souffrait d’une personnalité borderline et qui avait besoin de pouvoir fonctionner de manière parfaitement autonome et en dehors de toute pression extérieure, dans un environnement protégé et confiné, ne pouvait offrir ce que l’on est en droit d’attendre d’un travailleur dans des rapports de travail qualifiés de normaux. Bien plus, notre Haute Cour a rappelé qu’à la différence de simples fluctuations conjoncturelles (arrêt du Tribunal fédéral I 198/76 du 4 octobre 1976 consid. 2, in RCC 1977 p. 206), les modifications structurelles que peut connaître le marché du travail sont des circonstances dont il y a lieu de tenir compte en matière d'assurance-invalidité (ATF I 436/92 du 29 septembre 1993 consid. 4c et 5b). La structure actuelle du marché du travail n'offre plus les conditions qui permettaient encore à une personne comme l'assuré, à l'aube des années nonante, de trouver un emploi et d'exercer par intermittence une activité lucrative. L'augmentation de la productivité au sein des entreprises, la pression sur la rentabilité ou encore les nécessités liées à la maîtrise des coûts salariaux pèsent sur les salariés qui doivent désormais faire preuve d'engagement et d'efficacité, s'intégrer dans une structure d'entreprise et, partant, montrer des facultés d'adaptation importantes. Si le marché du travail présentait, par le passé, une souplesse suffisante permettant, tant bien que mal, d'intégrer en son sein la personne de cet assuré, la nature et l'importance du trouble de la personnalité constitue, au regard des conditions actuelles du marché du travail, des obstacles irrémédiables à la reprise d'une activité lucrative salariée.

10.          

10.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

10.3 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

11.          

11.1 En l’espèce, se fondant sur l’avis de son SMR du 21 juin 2022, l’OAI a considéré que le recourant était capable de travailler à 50% dans toute activité, y compris dans son activité habituelle.

De son côté, le recourant invoque, en se référant aux rapports du Dr E______ des 8 septembre 2021 et 9 octobre 2023, une incapacité de travail totale, quelle que soit l’activité retenue.

11.2 À titre liminaire, il sied de relever que l’avis du SMR du 21 juin 2022 constitue un rapport au sens de l'art. 59 al. 2bis LAI précité et qu’il a pour seule fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier. Il ne peut comporter des conclusions nouvelles. En tant qu’il porte une appréciation sur la situation médicale du recourant compte tenu, essentiellement, des conclusions du Dr E______ du 8 septembre 2021, il convient d’examiner la valeur probante de ce document et, cela fait, la cohérence de l’avis du SMR.

Dans son rapport du 8 septembre 2021, le Dr E______, psychiatre traitant du recourant, a considéré que son patient était très probablement à même d’exercer, à 50% en temps et en rendement, son métier d’avocat et juriste, toutefois dans un environnement reconnaissant et acceptant son Asperger, à savoir un environnement dans lequel il n’était pas exposé à un stress excessif concernant les délais et la productivité et où sa capacité à travailler de manière intense sur un sujet plutôt que de gérer une multitude de tâches était encouragée. Les interactions sociales étaient source de stress pour le recourant, car son comportement était excentrique et déstabilisant pour les interlocuteurs. Les limitations fonctionnelles consistaient également dans le manque d’intuition sociale (incapacité à regarder dans les yeux, recours à l’humour noir), son intérêt excessif pour les détails et sa difficulté à passer outre sur les illogicités de la vie quotidienne.

Force est ainsi de constater, au vu de ce qui précède, que l’avis du SMR du 21 juin 2022 se fondait sur un rapport psychiatrique dans lequel le Dr E______ a certes évoqué une capacité de travail de 50% dans l’activité de juriste, mais a précisé que celle-ci devait être exercée dans un environnement particulier, lequel reconnaît et accepte le trouble autistique et le trouble du déficit de l’attention dont souffre le recourant, ce qui implique un certain nombre d’adaptations.

Par conséquent, en retenant, dans son avis du 21 juin 2022, que le recourant est capable de travailler à 50% dans toute activité adaptée à seulement quelques-unes des limitations fonctionnelles énoncées (manque d’intuition sociale [incapacité à regarder dans les yeux, recours à l’humour noir], intérêt excessif pour les détails et difficulté à passer outre sur les illogicités de la vie quotidienne), le SMR a pris des conclusions nouvelles, outrepassant les fonctions qui lui étaient attribuées, de sorte que l’OAI ne pouvait s’y fier pour déterminer la capacité de travail résiduelle du recourant.

En réalité, le Dr E______ a nuancé son appréciation de la capacité de travail, considérant, en substance, que la capacité de travail était de 50% dans un environnement bienveillant. Dans son certificat du 9 octobre 2023, établi au cours de la présente procédure, le Dr E______ a encore apporté des précisions, en ce sens que le recourant présentait des signes et symptômes sévères d’un trouble déficitaire de l’attention sans hyperactivité avec une objectivation spécialisée et informatisée de sa faible capacité de concentration et sa fatigabilité avec une tendance à être inattentif, « overfocused » (tendance à rester bloqué sur une tâche ou une pensée [ruminations]), « limbic » (tendance à rester bloqué sur une tâche ou une tendance au négativisme, à la tristesse et au syndrome du verre à moitié vide), « ring of fire » (tendance à avoir des comportements impulsifs) et « anxious » (caractère anxieux). L’échelle de souffrance associée au trouble déficitaire était également élevée. S’agissant de la capacité de travail, un emploi requérant une tenue de délais, des interactions sociales et une capacité de synthèse n’était pas envisageable pour le recourant, même à un taux réduit. Le recourant présentait des troubles de la concentration importants liés à sa difficulté à synthétiser l’essentiel et à sa tendance envahissante à s’intéresser aux détails. Il présentait également un évitement du regard et un évitement des conflits, avec une tendance inattendue aux cris sans signification lorsqu’il y avait trop d’agitation autour de lui ou à avoir des gestes répétitifs comme ouvrir ou fermer une fenêtre.

De toute évidence, au vu des explications données par le Dr E______, au demeurant non remises en question – mais partiellement occultées – par le SMR ou l’OAI, les troubles dont souffre le recourant et leurs conséquences sur son fonctionnement au quotidien ne sont pas compatibles avec une activité juridique, qui, par sa nature, implique plusieurs tâches en même temps, des délais et un rendement à tenir ainsi que, dans nombre de cas, des interactions sociales.

Partant, l’activité habituelle de juriste ou d’avocat n’est pas exigible du recourant.

11.3 Se pose donc la question de la capacité de travail dans une activité adaptée, ce qui impliquerait une reconversion professionnelle et présupposerait des facultés d'adaptation.

C’est le lieu de noter qu’un changement d’activité est exigible si on peut admettre qu'un employeur consentira les moyens et les efforts nécessaires pour permettre au recourant de se réinsérer dans le monde du travail. Un tel changement d’activité n’est toutefois pas évident dans le cas présent, au vu des limitations fonctionnelles du recourant.

En effet, ainsi que le Tribunal fédéral l’a relevé, l'augmentation de la productivité au sein des entreprises, la pression sur la rentabilité ou encore les nécessités liées à la maîtrise des coûts salariaux pèsent sur les salariés qui doivent désormais faire preuve d'engagement et d'efficacité, s'intégrer dans une structure d'entreprise et, partant, montrer des facultés d'adaptation importantes. Si le marché du travail présentait par le passé une souplesse suffisante permettant, tant bien que mal, d'intégrer en son sein la personne du recourant, la nature et l'importance du trouble psychique constituent, au regard des conditions actuelles du marché du travail, des obstacles irrémédiables à la reprise d'une activité lucrative (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_984/2008 du 4 mai 2009 consid. 6.2).

Or, on peut douter du fait que le recourant dispose de facultés d’adaptation importantes, et qu'il soit en mesure de pouvoir faire preuve d’engagement et d’efficacité, afin de s’intégrer dans une structure d’entreprise.

Toutefois, il ne s’agit là que de suppositions de la chambre de céans, aucun médecin ne s’étant prononcé sur cette question. En effet, le Dr E______ a uniquement évoqué la capacité de travail dans l’activité habituelle mais il ne s’est jamais explicitement prononcé sur les capacités d’adaptation du recourant et la question d’un changement d’activité. On ne sait ainsi pas si le trouble du spectre autistique de type Asperger et le trouble du déficit de l’attention dont souffre le recourant permettent un changement d’activité professionnelle et, dans l’affirmative, dans quelle mesure et à quel taux.

Dès lors que l’office intimé s’est limité à examiner la capacité de travail du recourant dans son activité habituelle, la cause lui sera renvoyée pour instruction complémentaire sur la question de la capacité de travail dans une activité adaptée. Concrètement, il appartiendra à l’OAI de se renseigner, tout d’abord, sur l’exigibilité d’un changement de profession au vu des atteintes du recourant et, en cas de réponse positive, d’examiner, dans un deuxième temps, si une activité adaptée aux limitations fonctionnelles du recourant existe vraiment. Si tel est bien le cas, se posera enfin la question du taux auquel le recourant peut exercer une activité adaptée.

Ce n’est finalement que lorsque l’OAI aura investigué ces trois problématiques qu’il pourra se prononcer sur la capacité de travail du recourant et son droit à une rente.

La décision querellée doit donc également être annulée pour ce motif.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision querellée annulée. La cause sera renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants qui précèdent et nouvelle décision.

13.         Assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA).

14.         Par ailleurs, au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 2 novembre 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le