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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1840/2022

ATAS/982/2023 du 13.12.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1840/2022 ATAS/982/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 décembre 2023

Chambre 3

 

En la cause

HOIRIE DE FEUE MADAME A______

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1975, originaire de Macédoine, en Suisse depuis 1994, a bénéficié d’un quart de rente d’invalidité à compter du 6 août 1997, puis d’une rente entière à compter du 1er janvier 2007.

b. Le 30 septembre 2021, l’assurée a déposé une demande d’allocation pour impotence auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (OAI). Elle y indiquait avoir besoin de l’aide régulière d’autrui pour se vêtir, se lever, manger, faire sa toilette, aller aux toilettes et se déplacer. A l’appui de sa demande, elle a joint un certificat médical du 15 juillet 2021 faisant état d’une tumeur au cerveau (glioblatome de grade IV) opérée le 12 juillet 2021.

c. Par décision du 6 mai 2022, l’OAI a rejeté la demande d’allocation pour impotent au motif que, selon le rapport d’enquête à domicile établi par une infirmière de son service extérieur le 28 février 2022, l’assurée n’avait besoin de l’aide régulière et importante d’autrui que pour un seul des actes ordinaires de la vie (se déplacer) depuis juillet 2021.

B. a. Par écriture du 1er juin 2022, l’assurée a interjeté recours contre cette décision.

Elle a rappelé qu’elle était au bénéfice d’une rente entière d’invalidité pour atteintes psychiques et allégué que celles-ci s’étaient accentuées suite à l’apparition d’une tumeur au cerveau et des complications ayant suivi son opération. Elle était suivie régulièrement par son psychiatre et devait se soumettre à des traitements lourds de chimiothérapie. Elle devait solliciter régulièrement l’aide de sa famille. Son époux était épuisé entre son travail à plein temps, les tâches ménagères et l’aide qu’il devait lui apporter.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 29 juin 2022, a conclu au rejet du recours.

Il a rappelé que l’enquête à domicile réalisée le 28 février 2022 l’avait été en présence de l’assurée et de son mari et que, selon les déclarations de l’assurée et les constations de l’enquêtrice, l’intéressée était autonome dans les tâches quotidiennes, même si elle avait dû les adapter et les effectuer à un rythme convenable. L’enquêtrice n’avait retenu le besoin d’une aide régulière que pour les déplacements à l’extérieur, le mari de la recourante devant systématiquement l’accompagner.

c. Une audience de comparution personnelle a été convoquée, à laquelle l’assurée n’a pu se présenter en raison de l’aggravation de son état de santé.

d. Le 19 juin 2023, l’époux de la recourante a informé la Cour de céans du décès de son épouse, survenu le 12 juin 2023.

e. La procédure, suspendue par ordonnance du 27 juin 2023, a été reprise le 2 août 2023.

f. L’époux de la recourante, représentant l’hoirie de sa défunte épouse, a informé la Cour de céans qu’il entendait poursuivre la procédure.

g. Une audience s’est tenue en date du 16 novembre 2023, lors de laquelle le représentant de la recourante a indiqué que l’état de son épouse s’était nettement péjoré en août 2022, date à partir de laquelle elle n’a plus été capable de se laver seule, de se lever, ni de s’habiller ; deux personnes l’assistaient continuellement dans tous ces actes. La mère et la sœur de l’époux de l’assurée sont venues prêter main-forte à la famille. Il lui a été expliqué que cette aggravation, postérieure à la décision litigieuse du 6 mai 2022, excédait l’objet du litige.

S'agissant de la période antérieure à la décision litigieuse, l’époux de l’assurée a expliqué que, pour s’habiller, son épouse, contrairement à ce qui figurait dans le rapport de l’enquêtrice, devait être assistée, en raison de ses atteintes psychiques, mais aussi des vertiges dont elle souffrait. Durant cette période, elle ne mettait plus que des survêtements, parce que c'est ce qu’il arrivait à lui passer le plus facilement. Elle s’asseyait au bord du lit ou du canapé et il lui enfilait le pantalon, puis le haut, ce qu’il avait d’ailleurs expliqué à l’enquêtrice. L’assurée pouvait se lever, s'asseoir et se coucher seule, mais cela lui prenait plus de temps. Elle préférait dormir sur le canapé. Elle pouvait manger seule et faisait sa toilette seule dans la douche, sur la planche installée à cet effet. Il restait toujours à proximité en cas de besoin, car elle souffrait de vertiges et faisait de même lorsqu’elle se rendait aux toilettes.

h. Par écriture du 29 novembre 2023, l’intimé, après avoir soumis ces éléments à son service d’évaluation, a convenu qu’il était probable, au vu des atteintes à la santé documentées, que l’assurée avait également besoin de l’aide régulière d’autrui pour s’habiller « de manière sécure » (sic) depuis juillet 2021 – date de l’intervention chirurgicale. Dans ces conditions, l’aide pour deux actes ordinaires de la vie devait être admise à compte de juillet 2021, étant rappelé que le droit à une allocation ne pouvait s’ouvrir qu’à l’issue d’un délai de carence d’une année, soit en juillet 2022 (date postérieure à la décision litigieuse).

i. Par écriture du 5 décembre 2023, l’époux de la recourante a indiqué qu’il « acceptait la constatation » de l’intimé et souhaitait que l’affaire soit résolue le plus rapidement possible, afin de pouvoir tourner la page.

j. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Interjeté dans les délai et forme requis par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

5.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimé du 6 mai 2022 de nier à l’assurée désormais défunte le droit à une allocation pour impotence.

6.             Selon l’art. 42 al. 1 1ère phrase LAI, les assurés impotents (art. 9 LPGA) qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une allocation pour impotent.

Est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne (art. 9 LPGA). Ces actes sont ceux que la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA désignait par « actes ordinaires de la vie » (Michel VALTERIO, Commentaire de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 10 ad art. 42 LAI).

Est aussi considérée comme impotente la personne vivant chez elle qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a durablement besoin d’un accompagnement lui permettant de faire face aux nécessités de la vie (art. 42 al. 3 1ère phrase LAI).

7.             La loi distingue trois degrés d’impotence: grave, moyen ou faible (art. 42 al. 2 LAI).

Le degré d’impotence se détermine en fonction du nombre d'actes (associés éventuellement à une surveillance personnelle permanente ou à un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie) pour lesquels l’aide d’autrui est nécessaire (cf. art. 37 du règlement sur l’assurance-invalidité, du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201). L’évaluation du besoin d’aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie constitue donc une appréciation fonctionnelle ou qualitative de la situation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_350/2014 du 11 septembre 2014 consid. 4.2.2 et la référence).

7.1 Selon l’art. 37 al. 1 RAI, l’impotence est grave lorsque l’assuré est entièrement impotent. Tel est le cas s’il a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour tous les actes ordinaires de la vie et que son état nécessite, en outre, des soins permanents ou une surveillance personnelle

7.2 Selon l’art. 37 al. 2 RAI, l’impotence est moyenne si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin : d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie (let. a); d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente (let. b); ou d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI (let. c).

7.3 Selon l’art. 37 al. 3 RAI, l’impotence est faible si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin de façon régulière et importante, de l’aide d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie (let. a); d’une surveillance personnelle permanente (let. b); de façon permanente, de soins particulièrement astreignants, exigés par l’infirmité de l’assuré (let. c); de services considérables et réguliers de tiers lorsqu’en raison d’une grave atteinte des organes sensoriels ou d’une grave infirmité corporelle, il ne peut entretenir des contacts sociaux avec son entourage que grâce à eux (let. d); ou d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI (let. e).

7.4 Selon la jurisprudence, les actes élémentaires de la vie quotidienne se répartissent en six domaines : 1. se vêtir et se dévêtir ; 2. se lever, s’asseoir et se coucher ; 3. manger ; 4. faire sa toilette (soins du corps) ; 5. aller aux toilettes ; 6. se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur et établir des contacts sociaux (arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2014 du 16 octobre 2015 consid. 3.3 et les références).

7.5 L’aide est importante lorsque l’assuré ne peut plus accomplir seul au moins une fonction partielle d’un acte ordinaire de la vie (ATF 121 V 88 consid. 3c et les références ; ATF 107 V 136 consid. 1b) ; lorsqu’il ne peut le faire qu’au prix d’un effort excessif ou d’une manière inhabituelle ou que, en raison de son état psychique, il ne peut l’accomplir sans incitation particulière (ATF 106 V 153 consid. 2a et 2b); lorsque, même avec l’aide d’un tiers, il ne peut accomplir un acte ordinaire déterminé parce que cet acte est dénué de sens pour lui (par ex. si l’assuré souffre de graves lésions cérébrales et que sa vie se trouve réduite à des fonctions purement végétatives, de sorte qu’il est condamné à vivre au lit et qu’il ne peut entretenir de contacts sociaux (ATF 117 V 146 consid. 3b ; CIIAI, ch. 8026).

Il y a aide directe de tiers lorsque l’assuré n’est pas ou n’est que partiellement en mesure d’accomplir lui-même les actes ordinaires de la vie (CIIAI, ch. 8028).

Il y a aide indirecte de tiers lorsque l’assuré est fonctionnellement en mesure d’accomplir lui-même les actes ordinaires de la vie, mais qu’il ne le ferait pas, qu’imparfaitement ou de manière inhabituelle s’il était livré à lui-même (ATF 133 V 450 consid. 7.2 et les références).

8.             Selon l’art. 42 al. 4 LAI, l’allocation pour impotent est octroyée au plus tôt à la naissance et au plus tard à la fin du mois au cours duquel l’assuré a fait usage de son droit de percevoir une rente anticipée, conformément à l’art. 40 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), ou du mois au cours duquel il a atteint l’âge de la retraite. La naissance du droit à l’allocation pour impotent est régie, à partir de l’âge d'un an, par l’art. 29 al. 1 LAI (actuellement : art. 28 al. 1 let. b LAI ; ATF 137 V 351 consid. 4 et 5).

Dès lors que les conditions posées par l’art. 28 al. 1 let. b LAI  s’agissant du droit à la rente d’invalidité sont applicables par analogie au domaine des allocations pour impotent, il en résulte qu’un droit à une telle prestation ne peut pas naître avant l’échéance d’un délai de carence d’une année à compter de la survenance de l’impotence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2017 du 18 septembre 2017 consid. 3.1). Le niveau de l’allocation pour impotent est alors déterminé d’une part, d’après le degré d’impotence existant au cours du délai d’attente et d’autre part, selon l’étendue de l’impotence persistant une fois le délai d’attente écoulé (ATF 111 V 226 consid. 3).

À teneur de l’art. 35 al. 1 RAI, le droit à l’allocation pour impotent prend naissance le premier jour du mois au cours duquel toutes les conditions de ce droit sont réalisées.

9.             L’art. 17 LPGA s’applique à la révision des allocations pour impotent (VALTERIO, op cit., n. 75 ad art. 42 LAI). Lorsque le degré d’impotence subit une modification importante, les art. 87 à 88bis sont applicables (art. 35 al. 2 1ère phrase RAI).

Une aggravation de l’impotence peut accroître le droit aux prestations lorsqu’elle a duré trois mois au moins sans interruption notable (art. 88a al. 2 RAI ; ATF 125 V 256 consid. 3a).

Lors de l’octroi rétroactif d’une allocation pour impotent en raison de degrés d’impotence différents, il y a lieu d’appliquer l’art. 88a et non l’art. 88bis RAI (ATF 125 V 256 consid. 3a).

10.         En l’espèce, il est désormais établi et non contesté par les parties que, jusqu’en juillet 2021, l’assurée défunte n’avait besoin de l’aide régulière et importante d’autrui que pour un seul des actes ordinaires de la vie, celui de se déplacer à l’extérieur.

A l’issue de l’instruction, l’intimé a reconnu le besoin d’aide pour un autre acte de la vie, celui de se vêtir, à compter de juillet 2021.

Cependant, ainsi qu’il le relève, le droit à une allocation pour impotence légère ne s’est ouvert qu’à l’issue du délai de carence d’une année, soit en juillet 2022.

Il en résulte qu’à la date à laquelle a été rendue la décision litigieuse, le 6 mai 2022, le droit à une allocation n’était pas encore ouvert et que ladite décision n’est donc pas criticable. Le recours sera donc rejeté.

En revanche, il y a lieu de considérer le recours interjeté par l’assurée en juin 2022 comme valant nouvelle demande. Elle y indiquait en effet avoir désormais besoin d’aide pour plusieurs actes de la vie. L’intimé est invité à statuer et à octroyer à l’hoirie de la défunte l’allocation pour impotence légère à laquelle il a d’ores et déjà admis qu’elle aurait eu droit à compter de juillet 2022. L’OAI est également invité à investiguer la période postérieure à août 2022, date à laquelle l’époux de l’assurée a indiqué que l’état de cette dernière s’était dramatiquement et définitivement aggravé, jusqu’au décès de l’intéressée, le 12 juin 2023 et de statuer là encore par décision formelle.

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renvoie la cause à l’OAI pour examen des nouvelles demandes concernant la période postérieure à la décision du 6 mai 2022 et nouvelles décisions concernant le droit de la défunte à une allocation à compter de juillet 2022, voire d’août 2022.

4.        Renonce à percevoir l’émolument.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le