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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2728/2022

ATAS/942/2023 du 05.12.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2728/2022 ATAS/942/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 décembre 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______
représentée par Me Raphaël TATTI

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née le ______ 1966, liée par un partenariat enregistré depuis 2007, est titulaire d’un diplôme d’architecte français et d’un DES en architecture et arts appliqués délivré à Genève en 2001. Elle s’est adressée une première fois à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en vue de l’octroi d’un appareillage acoustique qu’elle a obtenu le 18 février 2010 en raison d’une déficience auditive.

b. Le 16 mars 2020, elle a déposé une demande de prestations AI pour adultes (mesures professionnelles/rente) auprès de l’OAI en indiquant qu’elle travaillait depuis le 1er avril 2007 en qualité d’architecte à plein temps au service de la société Atelier d’Architecture B______ SA (ci-après : l’employeur). Selon ses explications, elle présentait une dépression nerveuse avec un trouble
du sommeil et une anxiété sévère. À 53 ans, cela faisait seulement un an et demi qu’elle se savait atteinte d’un trouble du spectre autistique. Jusqu’à présent, elle s’était « surpassée », mais cela faisait des années qu’elle était complètement
épuisée. Il y avait trop d’interactions sociales exigées et de « surstimulations » sensorielles. Elle était actuellement suivie par une psychiatre spécialisée en autisme et bénéficiait d’un traitement antidépresseur. C’était à partir de 2007 que sa situation s’était aggravée d’année en année.

c. Le 30 mars 2020, Allianz Suisse Société d’Assurances SA (ci-après : Allianz), assureur perte de gain maladie de l’employeur, a transmis à l’OAI, à sa demande, le dossier en sa possession, soit notamment :

-          Une déclaration de maladie du 13 février 2020, indiquant que l’incapacité de travail, totale, remontait au 16 janvier 2020 ;

-          Un courrier du 10 mars 2020 de la docteure C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, indiquant en réponse aux questions d’Allianz que l’assurée présentait actuellement un état dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11). Précisant qu’elle était spécialisée dans le syndrome d’Asperger, la Dre C______ a mentionné que l’assurée était atteinte de cette maladie et que dans ce contexte, elle était venue la consulter dès le mois de mai 2018. Au centre de ses soucis, il y avait une fatigue handicapante et une notion de stress et de surcharge au travail avec, en toile de fond, des difficultés dans la gestion du quotidien à la maison. Elle était en arrêt de travail depuis le 16 janvier 2020 en raison d’un état d’épuisement avec idées noires, d’une perte d’élan vital, d’un repli et d’un manque d’estime de soi. Au bénéfice d’un traitement antidépresseur depuis février 2020, le repos l’avait partiellement aidée. Interrogée sur le point de savoir en quoi consistait la limitation effective de l’assurée à exercer son activité professionnelle et à quel degré, la Dre C______ a répondu que sa patiente était épuisée, anxieuse et très tendue. Elle présentait un manque d’estime de soi et des idées noires. À moyen terme, le pronostic concernant la capacité de travail était bon, mais l’assurée nécessitait une période de soins dont la durée était très difficile à déterminer en l’état. Aussi n’était-il pas possible, pour le moment, de se positionner sur une date de reprise partielle ou totale du travail. Questionnée sur le caractère raisonnablement exigible d’un autre travail et, si oui, à partir de quand et dans quelle mesure, la Dre C______ a répondu qu’un autre travail, moins stressant, était théoriquement exigible à moyen terme, mais que le haut niveau de spécialisation de l’intéressée rendait sa reconversion très incertaine.

d. Dans un rapport du 30 mars 2020 à l’OAI, la Dre C______ a indiqué que les diagnostics psychiatriques avec effet sur la capacité de travail consistaient en un état dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11) et un syndrome d’Asperger (F84.5). Ce syndrome conduisait à une accumulation de stress incompatible avec une activité lucrative. Au titre des diagnostics sans effets sur la capacité de travail, on notait la présence d’algies diffuses surtout dans la région cervicale. Invitée à décrire le traitement et l’évolution des atteintes, ce médecin a indiqué qu’avec le traitement psychiatrique, psychothérapeutique et psychotrope (Fluctine et Stilnox) dont avait bénéficié l’assurée, son évolution
était favorable sur le plan thymique et favorisée par l’arrêt de travail qui l’avait éloignée des facteurs de stress. La compliance était excellente. Elle continuait cependant à présenter une fatigue handicapante et restait anxieuse et tendue. Invitée à décrire le déroulement d’une journée type de l’assurée, la Dre C______ a indiqué que l’assurée restait à la maison, arrivait à « gérer les besoins de l’hygiène et du quotidien », mais éprouvait une grande difficulté à faire face aux tâches administratives. Interrogée sur la répercussion des atteintes à la santé invoquées dans les domaines courants de la vie (ménage, loisirs et activités sociales), la Dre C______ a répondu que l’assurée arrivait à la maison épuisée, avec pour seule envie de dormir, et qu’elle repartait au travail en se demandant chaque jour s’il ne fallait pas présenter sa démission. La situation de fatigue avait aussi mis à mal la relation de couple avec sa partenaire, car l’assurée s’était enfermée dans un cercle néfaste travail-épuisement-travail. Invitée à détailler les ressources disponibles ou mobilisables sur lesquelles l’assurée pouvait compter, la Dre C______ a indiqué qu’au vu de l’éloignement de sa partenaire et de la raréfaction de son réseau d’amis qui avait fait suite à son état clinique, l’assurée avait « ouvert un groupe » avec des personnes présentant également le syndrome d’Asperger. Ce soutien était important, mais éloigné. Sa mère et les autres membres de sa famille d’origine étaient en Corée. Ainsi, les échanges avaient lieu à distance et une aide proche n’était pas possible. Interrogée sur le point de savoir si l’assurée était en mesure de reprendre son activité professionnelle, la Dre C______ a répondu « probablement oui », mais dans des conditions de travail moins exigeantes et à temps partiel. Elle avait longuement discuté d’une possible réorientation professionnelle avec l’assurée mais il fallait tenir compte du fait que pour les personnes atteintes du syndrome d’Asperger, les changements étaient très difficiles. Invitée à dire dans quel délai la reprise de son/une activité professionnelle était possible, la Dre C______ a indiqué qu’une telle reprise paraissait envisageable si elle était accompagnée de conditions de travail différentes. Mais avant de se positionner de manière réaliste à ce sujet, un arrêt
de travail de six mois était en tout cas nécessaire. Actuellement, la capacité de travail de l’assurée était de 0% dans son activité habituelle et ceci au moins pour les six prochains mois. Dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles, c’est-à-dire plus calme, avec beaucoup moins d’échanges avec les équipes de chantier et de pression concernant les délais à respecter, une reprise à 50% serait envisageable dans six mois.

e. Dans un rapport du 9 septembre 2020 à l’OAI, la docteure D______, spécialiste en médecine interne, a renvoyé aux appréciations de la Dre C______ s’agissant des constats médicaux sur le plan psychiatrique, tout en précisant que les diagnostics ayant une incidence sur la capacité de travail consistaient en des troubles du spectre autistique (diagnostic posé en novembre 2018 à l’Unité de psychiatrie et du développement mental des HUG), une dépression (diagnostic posé en janvier 2020) et des cervico-dorsalgies. Sur ce dernier point, il existait des plaintes récurrentes depuis l’enfance et l’assurée attribuait ses douleurs à une perpétuelle tension nerveuse en lien avec sa sensibilité liée à l’autisme. Toutes ces affections influaient sur sa capacité de travail. Il était prématuré pour l’instant de parler de réinsertion puisque pour le moment, l’assurée n’arrivait pas à récupérer de son épuisement.

f. Le 14 septembre 2020, au cours d’un entretien téléphonique, l’assurée a informé l’OAI que la séparation d’avec sa partenaire était en cours (dissolution judiciaire du partenariat enregistré), qu’elle allait déménager à Lausanne au 1er octobre 2020 et que son employeur l’avait licenciée pour le 31 octobre 2020.

g. Agissant sur mandat d’Allianz, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu, le 17 décembre 2020, un rapport d’évaluation psychiatrique sur la base d’un entretien réalisé le 10 décembre 2020 avec l’assurée. Le Dr E______ a retenu un diagnostic d’épisode dépressif moyen, avec syndrome somatique (F32.11). Pour le reste, même si l’évaluation réalisée n’était pas assez approfondie pour lui permettre de se déterminer sur le syndrome d’Asperger retenu par la Dre C______, ce diagnostic apparaissait « plausible ». Cependant, dans l’hypothèse où l’assurée était atteinte d’un tel trouble, celui-ci ne l’avait pas empêchée d’effectuer ses études et de travailler durablement comme architecte, en ressentant parfois de l’ennui. De fait, il n’était pas vraisemblable que des limitations fonctionnelles inhérentes à un tel trouble soient à prendre en compte dans la profession d’architecte. Ainsi, la question d’une reconversion n’était pas opportune. Le pronostic était favorable, en ce sens que le Dr E______ s’attendait à une rémission complète dans un délai de trois mois, sous réserve d’une médication appropriée – qu’il jugeait perfectible dans le cas particulier (augmentation de la fluoxétine, arrêt de la mélatonine, etc.). Dans l’activité d’architecte, la capacité de travail de l’assurée était actuellement de 50% ; elle pouvait être présente à 60% à son lieu de travail avec un rendement diminué de 20% « (60% de présence x 80% de performance = 50% de capacité de travail) ». Son négativisme à l’idée d’une reprise d’activité professionnelle n’était pas justifié et ne s’expliquait pas entièrement par son épisode dépressif. Une fois le traitement psychotrope réévalué, il était raisonnable de s’attendre à la récupération d’une capacité de travail de 80% dans un délai de deux mois, et de 100% dans un délai de deux mois au plus tard.

h. Par courrier du 3 février 2021, la Dre C______ a informé Allianz qu’elle avait pu constater, autour de la période de fin d’année (2020), une aggravation de la dépression de l’assurée en raison des « émotions remuées » durant cette période de fêtes, de son isolement social, de la date d’anniversaire du décès de son père (décédé le 17 janvier 2015), ainsi que de la perspective de chercher un emploi dans cette période de pandémie si peu propice. Actuellement, la prise de soins comportait un ajustement et une évaluation des traitements
en cours. Il convenait aussi de souligner qu’une demande AI était en cours d’instruction et que des mesures de réinsertion professionnelle étaient en train d’être mises en place avec la perspective d’une reprise de travail progressive. En l’état, l’arrêt de travail à 100% jusqu’au 11 février 2021 était justifié. Une réévaluation de l’incapacité de travail aurait lieu le 9 février 2021. Dans l’hypothèse d’une évolution favorable et d’une réaction positive au changement de traitement, une reprise du travail à 50% pourrait avoir lieu après le contrôle prévu le 23 février 2021. Ensuite, il faudrait envisager environ six mois de tentative de réinsertion professionnelle à 50% avec le soutien de l’AI.

i. Par courriel du 5 février 2021, Allianz a transmis au Dr E______ une copie du courrier du 3 février 2021 de la Dre C______ en précisant que cette dernière avait contesté son rapport du 17 décembre 2020.

j. Dans un « complément à l’évaluation » du 9 février 2021, le Dr E______ a estimé que la péjoration de l’état de santé de l’assurée, survenue fin 2020 et relatée le 3 février 2021 par la Dre C______, était naturellement possible, mais que le rapport de ce médecin n’était pas assez détaillé pour permettre une appréciation extérieure des symptômes et de leur influence sur
les limitations fonctionnelles. Il avait par ailleurs noté, durant son évaluation,
que le négativisme de l’assurée à l’idée d’une reprise d’activité professionnelle n’était pas justifié et ne s’expliquait pas entièrement par l’épisode dépressif.
Le deuxième point problématique concernait la médication. En effet, la simple mention d’un ajustement et d’une évaluation de celle-ci – par la Dre C______ – ne permettait pas de déterminer, d’une part, l’incidence des limitations fonctionnelles actuelles sur la capacité de travail et, d’autre part, si
les recommandations thérapeutiques avaient été mises en œuvre. En conclusion, le Dr E______ a indiqué à l’attention d’Allianz qu’il ne pouvait pas répondre à la question de savoir si ses conclusions antérieures, du 17 décembre 2020, étaient toujours pertinentes.

k. Par communication du 23 février 2021, l’OAI a octroyé à l’assurée des mesures d’intervention précoce sous la forme d’un coaching/ accompagnement.

l. Dans un rapport du 25 février 2021 à Allianz, la Dre C______ a indiqué qu’elle avait été trop optimiste quant à une reprise plus rapide du travail, mais à vue humaine, une reprise à 20% lui paraissait possible le 9 mars 2021, date à laquelle elle reverrait l’assurée. À moyen terme, le pronostic était bon, mais sa patiente nécessitait une période de soins et de repos dont la durée était très difficile à déterminer pour le moment. De plus, le type de travail dans lequel l’assurée aurait la possibilité d’évoluer devait être compatible avec ses forces effectives. En effet, le syndrome d’Asperger était un syndrome invalidant avec une « suradaptation » aux échanges sociaux, ce qui amenait à un épuisement grave et à des décompensations dépressives dont le traitement était difficile.

m. Par courriel du 11 mars 2021, l’assurée a informé Allianz de son inscription à l’office régional de placement (ci-après : ORP) en date 10 mars 2021 en tant que demandeuse d’emploi à 20%. Elle a également joint à son message un certificat d’arrêt de travail à 80% pour la période du 9 mars au 6 avril 2021.

n. Le 21 avril 2021, dans le cadre d’un entretien téléphonique avec la conseillère de l’assurée auprès de l’Office AI du canton de VD (ci-après : OAI-VD), la chargée de réadaptation de l’OAI a noté que l’assurée avait une capacité de travail de 20% en mars et de 50% en avril et qu’elle semblait évoluer favorablement. La mesure avec son coach se déroulait bien.

o. Par communication du 6 mai 2021, l’OAI a prolongé la mesure de coaching.

p. Dans une note du 27 mai 2021, l’OAI a demandé au service médical régional de l’AI (ci-après : SMR) d’indiquer quelles étaient les limitations fonctionnelles et la capacité de travail de l’assurée. Il était précisé que l’assurée était actuellement inscrite au chômage et sous certificat médical à 50%.

q. Le 2 juin 2021, l’assurée a transmis à l’OAI un certificat d’arrêt de travail à 50%, établi le 1er juin 2021 par la Dre C______ pour la période du 1er au 29 juin 2021. Elle a précisé avoir transmis le même document à l’ORP, à Allianz et à son avocat.

r. À la demande d’Allianz, l’assurée s’est rendue, le 15 juin 2021, auprès du docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour se soumettre à un examen médical dont les observations et conclusions ont été consignées dans un « rapport d’examen de l’appréciation de la capacité de travail » du 21 juin 2021. Selon ce médecin, il était difficile de diagnostiquer un syndrome d’Asperger après un seul entretien, qui plus est sans avoir pu compléter l’hétéroanamnèse. De prime abord, l’assurée présentait certaines caractéristiques de ce syndrome, à savoir : distance relationnelle, contact interpersonnel singulier, faible expressivité émotionnelle, difficultés à entrer dans la résonnance affective de l’interlocuteur, difficultés à nouer un contact visuel. On ne pouvait néanmoins pas formellement retenir de syndrome d’Asperger sur cette base. « Quoi qu’il en soit », il n’était pas nécessaire de trancher cette question : même s’il existait,
un tel syndrome devrait être considéré comme dépourvu d’effets sur la capacité de travail. On pouvait rejoindre sur ce plan l’appréciation du Dr E______ en tant que ce médecin soulignait que ce syndrome, s’il existait, n’avait pas empêché l’assurée ni d’effectuer des études, ni de travailler durablement comme architecte. Pour le reste, le Dr F______ a estimé que les critères d’un « épisode dépressif caractérisé » (équivalent DSM-5 de l’épisode dépressif moyen évoqué par la Dre C______ et le Dr E______) n’étaient pas réalisés et qu’ainsi, il n’y avait, à l’heure actuelle, aucun diagnostic avec ou sans impact sur la capacité de travail (sous réserve du syndrome d’Asperger qui, s’il était donné, ne serait pas incapacitant). Invité à se prononcer sur la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle d’architecte, respectivement dans une activité adaptée, le Dr F______ a indiqué qu’il lui était difficile de faire une évaluation rétrospective de l’évolution du taux d’incapacité de travail, tout en précisant qu’il ne partageait pas le point de vue exprimé par la Dre C______ dans son rapport du 25 février 2021, selon lequel l’assurée avait besoin d’une période de soins et de repos dont la durée était très difficile à déterminer. Selon le Dr F______, une telle appréciation ne paraissait pas justifiée après plus d’une année d’arrêt de travail complet. Pour le surplus, il ressortait des rapports de la Dre C______ que cette psychiatre mettait l’accent, à tort ou à raison, sur une inadéquation de l’activité professionnelle de l’assurée. À cet égard, le Dr F______ ne savait pas si l’assurée avait une pleine aptitude au travail en qualité d’architecte ou
pas. Cela ne relevait pas de ses compétences, mais de celles d’un médecin du travail. Interrogé sur le pronostic de l’évolution du taux de la capacité de travail, le Dr F______ a répondu : « sans objet ». Il a ajouté que le traitement actuel (comprenant une médication antidépressive) était adapté et avait permis une évolution favorable. Ce traitement devait être maintenu pendant au moins six mois depuis la disparition des symptômes dépressifs afin de diminuer le risque de rechute.

s. Par avis du 3 septembre 2021, le SMR a estimé à la lumière des rapports médicaux versés au dossier, en particulier des expertises diligentées par Allianz que la modification du traitement proposée par le Dr E______ ne semblait pas être intervenue et que selon le Dr F______, le syndrome d’Asperger, même s’il était retenu, n’était pas incapacitant puisqu’il n’avait pas entravé l’assurée
par le passé, que ce soit dans la réussite de ses études ou l’accomplissement de
sa carrière durant plus de 20 ans. Aussi le SMR a-t-il estimé que la seule atteinte à la santé incapacitante était un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique en rémission, ayant entraîné une incapacité de travail totale du 16 janvier 2020 au 2 mars 2021. Depuis le 3 mars 2021, la capacité de travail était à nouveau totale dans l’activité habituelle comme dans toute activité adaptée. Il n’y avait pas de limitations fonctionnelles résiduelles.

B. a. Par projet de décision du 14 septembre 2021, notifié à Maître Raphaël TATTI, avocat de l’assurée, l’OAI a proposé à cette dernière l’octroi d’une rente entière d’invalidité pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021 et le refus du droit à des mesures professionnelles. L’incapacité de travail était totale dans toute activité du 16 janvier 2020 (début du délai d’attente d’un an) au 2 mars 2021. Dès le 3 mars 2021, l’assurée disposait à nouveau d’une capacité de travail entière dans toute activité. Étant donné que ce changement n’était déterminant que s’il avait duré trois mois, le droit à une rente entière d’invalidité lui était reconnu jusqu’au 30 juin 2021.

b. Par courriel du 23 septembre 2021 à l’OAI, l’assurée a confirmé avoir reçu, via son avocat, le projet de décision en question en précisant que son conseil ne manquerait pas d’adresser prochainement sa détermination à l’OAI. L’assurée a également transmis à cette autorité un certificat d’arrêt de travail à 50% pour la période du 21 septembre au 19 octobre 2021.

c. Les 19 octobre et 16 novembre 2021, la Dre C______ a prolongé cet arrêt de travail à 50% du 19 octobre au 16 novembre 2021, respectivement du 16 novembre au 14 décembre 2021.

d. Le 1er novembre 2021, l’OAI a rendu une décision reprenant en tous points
la motivation de son projet de décision du 14 septembre 2021 et octroyant à l’assurée une rente entière d’invalidité du 1er janvier au 30 juin 2021. Aucune décision de la caisse de compensation compétente – calculant le montant de la rente allouée sur cette période – n’a cependant été rendue en parallèle.

e. Par courrier du 1er novembre 2021, l’OAI a informé Me TATTI que la procédure d’audition était terminée et que la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC) allait procéder au calcul de la rente et lui ferait parvenir une décision sujette à recours.

f. Par pli du 23 novembre 2021 à Me TATTI, avec copie à l’assurée, l’OAI s’est référé au certificat d’arrêt de travail du 16 novembre 2021 que l’assurée lui avait fait suivre par courriel du samedi 20 novembre et qu’il avait reçu le surlendemain. Il a précisé à ce sujet que le délai pour « former audition » était échu. En conséquence, la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC) allait procéder au calcul de la rente et lui ferait parvenir une décision sujette à recours.

g. Par décision du 23 juin 2022, notifiée directement à l’assurée – avec copie à Allianz et diverses autorités/institutions –, à laquelle était annexée la décision de l’OAI du 1er novembre 2021, la CCGC a fixé à CHF 1’367.- la rente mensuelle due à l’assurée du 1er janvier au 30 juin 2021, ce qui correspondait à CHF 8’202.- sur cette période. Après « compensation externe avec le paiement rétroactif », soit une déduction de CHF 1’242.- en faveur d’Allianz et de CHF 3’743.20 au profit de la Caisse de chômage UNIA, le solde de CHF 3’216.80 serait versé en faveur de l’assurée.

C. a. Le 29 août 2022, l’assurée, représentée par Me TATTI, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’OAI pour nouvelle décision. En effet, compte tenu du non-respect de l’élection de domicile par l’OAI (le 1er novembre 2021), respectivement la CCGC (le 23 juin 2022), la décision du 23 juin devait être retournée à l’autorité pour qu’elle notifie valablement au conseil de la recourante les décisions des 1er novembre 2021 et 23 juin 2022. En effet, la recourante subissait un dommage, en particulier en ce qui concernait la décision du 1er novembre 2021, sauf à admettre que cet acte lui avait été notifié en même temps que la décision du 23 juin 2022. Par ailleurs, son droit d’être entendu avait été violé, dans la mesure où les raisons pour lesquelles elle aurait soi-disant recouvré une pleine capacité de travail dès le début du mois de mars n’étaient pas explicitées. Son état de santé était demeuré stable entre 2021 et 2022 comme en attestaient les certificats de la Dre C______. Aussi a-t-elle conclu, à titre subsidiaire, à ce que la décision litigieuse fût réformée, en ce sens qu’une rente entière d’invalidité lui était octroyée du 1er janvier au 30 juin 2021, puis une demi-rente dès le 1er juillet 2021.

b. Par pli du 30 août 2022, le greffe de la chambre de céans a invité l’intimé à bien vouloir faire parvenir la preuve de la date à laquelle sa décision du 23 juin 2022 avait été reçue.

c. Par réponse du 26 septembre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours.
Même si la décision attaquée aurait dû être notifiée à l’avocat de la recourante,
il n’en demeurait pas moins, dans le cas particulier, que sa notification, certes irrégulière, n’avait causé aucun préjudice à la recourante. Partant, une annulation de cette décision ne se justifiait pas. S’agissant du droit d’être entendu, il était possible de discerner les motifs ayant guidé la décision litigieuse, de sorte que le droit à une décision motivée avait été respecté. Ainsi, le grief de violation du droit d’être entendu devait être écarté. Enfin, l’intimé a indiqué à l’attention de la chambre de céans que la décision du 23 juin 2022 avait été postée en courrier A, et non en recommandé.

d. Par réplique du 19 décembre 2022, la recourante a réitéré les griefs articulés dans sa première écriture en soutenant pour le surplus que l’intimé ne pouvait se contenter de se fonder sur une ou plusieurs expertises diligentées par l’assureur maladie perte de gain de son ex-employeur mais qu’il devait mettre en œuvre
lui-même une expertise indépendante, d’autant que les expertises en question étaient en contradiction flagrante avec les avis des Drs C______ et D______.

e. Le 19 janvier 2023, l’intimé a dupliqué en précisant qu’il n’avait rendu qu’une seule décision sujette à recours, soit celle du 23 juin 2022 et qu’il n’y avait aucune décision datée du 1er novembre 2022. S’agissant des expertises mises en œuvre par Allianz, le SMR avait estimé à juste titre qu’il n’y avait pas lieu de s’en écarter.

f. Le 24 avril 2023, la recourante a transmis à la chambre de céans notamment :

- un rapport du 3 novembre 2022 de la Dre C______ à l’assureur obligatoire des soins de l’assurée, indiquant que celle-ci présentait toujours un état dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11) et un syndrome d’Asperger (F84.5). Comme elle l’avait indiqué dans son précédent rapport à
cet assureur (1er avril 2021), le syndrome d’Asperger était un syndrome invalidant avec une « suradaptation » aux échanges sociaux, ce qui conduisait à un épuisement grave et à des décompensations dépressives de traitement difficile. Ce syndrome pouvait amener à une accumulation de stress et de fatigue qui devenaient incompatibles avec une activité lucrative non adaptée. Aussi était-il vivement conseillé de garder un taux de travail autour de 50%. En 2019, l’état de l’assurée était inquiétant avec épuisement, idées noires, perte d’élan vital, repli et manque d’estime de soi. Le repos, favorisé par l’arrêt de travail complet dès le 16 janvier 2020, l’avait partiellement aidée. Il en allait de même du traitement antidépresseur instauré en février 2020. L’arrêt de travail avait été ajusté à 80% entre mars et avril 2021 pour se stabiliser à 50% dès mi-avril 2021. L’assurée avait pu reprendre une activité de travail à 50% en août 2022 ;

- un curriculum vitae de la Dre C______ ;

- la liste des publications de ce médecin ;

- une liasse de certificats médicaux attestant d’une incapacité de travail de 50% sur la période du 8 novembre 2022 au 25 avril 2023.

g. Les 26 avril, 24 mai, 23 juin, 21 juillet, 18 août, 15 septembre et 16 octobre 2023, la recourante a fait parvenir à la chambre de céans d’autres certificats pour la période du 25 avril au 9 novembre 2023, faisant toujours état d’une incapacité de travail de 50%.

h. Les 24 octobre et 27 novembre 2023 une copie des deux derniers certificats transmis a été remise, pour information, à l’intimé.

i. Les autres faits seront exposés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité (ci-après : AI), à moins que la loi n’y déroge expressément.

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

1.4 Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA).

Datée du 23 juin 2022 mais postée le 27 juin 2022, la décision litigieuse a été notifiée au plus tôt le 28 juin 2022 à la recourante. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui
était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF
136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont
le droit est né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Par un moyen de nature formelle qu’il convient d’examiner en premier lieu,
la recourante se plaint d’une notification irrégulière de la décision litigieuse (ci-après : consid. 3.1) et d’une violation de son droit d’être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) dans la mesure où cette décision serait entachée d’un défaut de motivation. En particulier, elle reproche à l’intimé d’avoir privilégié à tort les expertises réalisées à la demande d’Allianz au détriment des rapports des médecins traitants (ci-après : consid. 3.2).

3.1 Selon l’art. 37 LPGA, une partie peut, en tout temps, se faire représenter, à moins qu’elle ne doive agir personnellement, ou se faire assister, pour autant que l’urgence d’une enquête ne l’exclue pas (al. 1). Tant que la partie ne révoque pas la procuration, l’assureur adresse ses communications au mandataire (al. 3). Il s’agit là d’un principe général du droit des assurances sociales, commandé par la sécurité du droit, qui est utilisé pour éliminer tout doute quant à la question de savoir si la communication a été envoyée à la partie elle-même ou à son représentant, et pour clarifier quelles sont les communications déterminantes pour le calcul du délai de recours (ATF 99 V 177 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_815/2015 du 8 août 2016 consid. 5). Lorsqu’il reçoit personnellement une communication de l’assureur social, l’assuré représenté est en droit de penser que celle-ci est aussi parvenue à son représentant et qu’il peut s’abstenir d’agir personnellement (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4e éd. 2020, n. 25 ad art. 37).

La notification irrégulière d’une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l’intéressé (art. 49 al. 3, 3e phr., LPGA). Cependant, la jurisprudence n’attache pas nécessairement la nullité à l’existence de vices dans la notification. La protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il convient à cet égard de s’en tenir aux règles
de la bonne foi qui imposent une limite à l’invocation du vice de forme. Ainsi l’intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu’il a connaissance, de quelque manière que ce soit, de la décision qu’il entend contester (ATF 122 I 97
consid. 3a/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_863/2013 du 9 mai 2014 consid. 3.2). En vertu de son devoir de diligence, il appartient à la partie à qui la décision a été directement notifiée de se renseigner auprès de son mandataire – dont l’existence est connue de l’autorité – de la suite donnée à son affaire, au plus tard le dernier jour du délai de recours. Aussi, la jurisprudence considère-t-elle qu’il y a lieu de faire courir dès cette date le délai dans lequel une partie est tenue d’attaquer une décision qui n’a pas été notifiée à son représentant (arrêts du Tribunal fédéral 9C_239/2022 du 14 septembre 2022 consid. 5.1 ; 9C_266/2020 du 24 novembre 2020 consid. 2.3 ; 2C_1021/2018 du 26 juillet 2019 consid. 4.2 et les références).

En l’espèce, la recourante part à tort du principe que l’intimé aurait rendu et notifié une décision le 1er novembre 2021. En effet, en application des art. 57 al. 1 let. j et 60 al. 1 let. b LAI, il ne s’agissait là que de la « partie de la décision (prononcé concernant l’invalidité […] avec la motivation) » (cf. n° 6052 de la Circulaire sur la procédure dans l’assurance-invalidité [CPAI]) transmise à la CCGC en vue de la décision que cette caisse a finalement rendue le 23 juin 2022. C’est cette dernière qui a été notifiée à la recourante elle-même. Ce non-respect de l’élection de domicile est certes constitutif d’une notification irrégulière, mais celle-ci a atteint son but, dans la mesure où la recourante a fait suivre cette décision à son avocat qui a interjeté recours en temps utile, soit en agissant dans le même délai que si la décision lui avait été notifiée personnellement (cf. ci-dessus : consid. 1.4). Partant, en l’absence de préjudice découlant de l’irrégularité de la notification, la question de la nullité de la décision litigieuse ne se pose pas.

3.2 Dans un second moyen, la recourante fait valoir que même si la « décision » du 1er novembre 2021 lui a été valablement notifiée par pli du 27 juin 2022 (en annexe de la décision du 23 juin 2022), il y aurait lieu de constater que la décision litigieuse violerait son droit d’être entendue.

3.2.1 Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le devoir pour l’autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s’il y a lieu et que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre aux exigences de motivation, il suffit que l’autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision; elle n’a toutefois pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les arguments invoqués par les parties (ATF 129 I 232 consid. 3.2; ATF 126 I 97 consid. 2b).

Selon la jurisprudence, une violation du droit d’être entendu est considérée comme réparée lorsque l’intéressé jouit de la possibilité de s’exprimer librement devant une autorité de recours pouvant contrôler librement l’état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée, à condition toutefois que l’atteinte aux droits procéduraux de la partie lésée ne soit pas particulièrement grave, de sorte qu’il n’en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2, ATF 133 I 201 consid. 2.2, arrêt du Tribunal fédéral 8C_414/2015 du 29 mars 2016 consid. 2.3).

3.2.2 En l’occurrence, la violation du droit d’être entendu dans le sens invoqué par la recourante est une question qui n’a pas de portée propre par rapport au
grief tiré d’une mauvaise appréciation des preuves (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_449/2007 du 28 juillet 2008 consid. 2.1). L’administration ou le juge
peuvent en effet renoncer à accomplir certains actes d’instruction, sans que cela
n’entraîne une violation du devoir d’administrer les preuves nécessaires ou plus généralement une violation du droit d’être entendu, s’ils sont convaincus, en se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves, que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 8C_229/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4.1 et les arrêts cités). Une telle manière de procéder – qui fera de toute manière l’objet d’un examen approfondi (cf. ci-après : consid. 10) – ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29
al. 2 Cst. (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 157/04 du 22 décembre 2004 consid. 1.2). Aussi le grief tiré d’une violation de ce droit ne peut-il être que rejeté. Il s’ensuit qu’il y a lieu de se pencher sur le fond du litige.

4.             Le litige porte sur le point de savoir si la recourante a droit à une rente d’invalidité au-delà du 30 juin 2021.

5.             Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l’assurance-invalidité accorde une rente d’invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l’augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2).

L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important
(ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 du
9 mars 2016 consid. 4.1). Il n’y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n’est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108
consid. 5.4 ; 130 V 343 consid. 3.5.2).

Si les conditions de la révision sont données, les prestations sont, conformément
à l’art. 17 al. 1 LPGA, modifiées pour l’avenir dans le sens exigé par le nouveau degré d’invalidité. Chaque loi spéciale peut fixer le point de départ de la modification ou encore exclure une révision en s’écartant de la LPGA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 806/04 du 15 mars 2005 consid. 2.2).

Dans le domaine de l’assurance-invalidité, le point de départ d’une modification du droit aux prestations est fixé avec précision. En cas de modification de la capacité de gain, la rente doit être supprimée ou réduite avec effet immédiat si
la modification paraît durable et par conséquent stable (art. 88a al. 1 RAI) ; on attendra en revanche trois mois au cas où le caractère évolutif de l’atteinte à la santé, notamment la possibilité d’une aggravation, ne permettrait pas un jugement immédiat (phr. 2 de la disposition ; arrêt du Tribunal fédéral I 666/81 du 30 mars 1983 consid. 3, in RCC 1984 p. 137 s.). En règle générale, pour examiner s’il y a lieu de réduire ou de supprimer la rente immédiatement ou après trois mois, il faut examiner pour le futur si l’amélioration de la capacité de gain peut être considérée comme durable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_32/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1). L’OAI doit réduire ou supprimer la rente avec effet à la fin du mois au cours duquel le délai de trois mois a expiré (voir arrêt du Tribunal fédéral 9C_900/2013 du 8 avril 2014 consid. 6.5 dans le même sens).

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

6.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

6.2.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, telle
la classification internationale des maladies (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual ; ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

6.2.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité
de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques
(ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au nombre desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé, la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, d’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, d’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, de plaintes très démonstratives laissant insensible l’expert, ainsi qu’en cas d’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

6.2.3 L’organe chargé de l’application du droit doit, avant de procéder à l’examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d’une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l’assurance-invalidité, c’est-à-dire qui résiste aux motifs dits d’exclusion tels qu’une exagération ou d’autres manifestations d’un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

6.2.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêts du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; 9C_724/2018 du 11 juillet 2019
consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

6.2.5 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d’évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d’une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d’autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L’accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d’exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-     Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3)

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-     Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

7.              

7.1 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Selon les art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

7.2 Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et
art. 28a al. 1 LAI).

La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens
du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ;
ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001
consid. 1).

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

8.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.3.2 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu’un cas d’assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l’art. 44 LPGA, l’appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s’il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d’un médecin de l’assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ;
142 V 58 consid. 5.1 ; 139 V 225 consid. 5.2). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu’ils n’avaient pas la même force probante qu’une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon
l’art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

8.3.3 Selon la pratique, le fait qu’une expertise ait été réalisée sur mandat d’un assureur d’indemnités journalières en cas de maladie – et donc pas dans le cadre de la procédure prévue à l’art. 44 LPGA (cf. ATF 141 V 330 consid. 3.2 ; 137 V 210 consid. 3.4.2.9) – ne s’oppose pas à sa force probante pour l’évaluation du droit à la rente envers l’assurance-invalidité. Toutefois, l’appréciation des preuves doit répondre à des exigences strictes. En cas de doute, même minime, quant
à la fiabilité et à la cohérence d’une telle expertise, il convient de procéder
à des clarifications complémentaires, comme pour les constatations médicales internes à l’assurance (cf. ci-dessus : consid. 8.3.2). Une « expertise externe »
n’a donc pas d’emblée la même force probante qu’une expertise d’experts indépendants ordonnée par un tribunal ou par l’assureur dans la procédure selon l’art. 44 LPGA (arrêts du Tribunal fédéral 8C_230/2019 du 2 juillet 2019
consid. 3.2 et les références ; 8C_71/2016 du 1er juillet 2016 consid. 5).

8.3.4 Conformément à la jurisprudence, de légers doutes quant à la fiabilité et à
la cohérence de rapports qui n’ont pas été obtenus dans le cadre de la procédure de l’art. 44 LPGA peuvent être éveillés notamment par des avis – motivés de manière compréhensible – d’autres professionnels de la santé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_399/2020 du 28 septembre 2020 consid. 5 et les références). Faire dépendre l’aptitude des rapports des médecins traitants à susciter de tels doutes d’exigences finalement irréalisables constituerait une violation du droit fédéral. Si la cohérence des constatations des spécialistes internes à l’assurance est mise en doute par le rapport compréhensible d’un médecin traitant, une référence toute générale à la qualité de mandataire de ce dernier ne suffit pas à priver de ses effets le doute exprimé par ce médecin. On ne saurait pas non plus se contenter d’indiquer que les rapports des médecins traitants ne remplissent pas (ou seulement en partie)
les exigences auxquelles doivent répondre les expertises selon l’ATF 125 V 351 consid. 3a. Afin que la personne assurée ait une chance raisonnable de soumettre son cas au tribunal sans être clairement désavantagée par rapport à l’assureur, il
ne faut pas, en présence de tels doutes, procéder à une appréciation définitive des preuves sur la base des rapports produits par la personne assurée d’une part et des rapports médicaux internes à l’assurance d’autre part. Afin d’écarter de tels doutes, le tribunal devra au contraire soit ordonner une expertise judiciaire, soit renvoyer l’affaire à l’assureur afin qu’il fasse procéder à une expertise dans le cadre de la procédure prévue à l’art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_168/2020 du 17 mars 2021 consid. 5.1).

8.3.5 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou
la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu.
Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à
la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR
(ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

9.              

9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

9.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3 ; cf. aussi ci-dessus : consid. 8.3.4).

10.          

10.1 En l’espèce, la recourante conteste en substance la suppression de sa rente au 30 juin 2021 en faisant valoir que le recouvrement de sa capacité de travail n’était alors que partiel (50%) et que ce taux d’incapacité de travail n’a plus varié à ce jour selon les rapports et certificats de sa psychiatre traitante, la Dre C______. L’intimé se fonde quant à lui sur le rapport du 3 septembre 2021 du SMR – faisant siennes les expertises des Drs E______ et F______ réalisées sur mandat d’Allianz – pour justifier sa décision.

Il n’est ni contesté, ni contestable qu’à l’issue du délai d’attente d’un an, soit en janvier 2021, la recourante était dans l’incapacité totale d’exercer la moindre activité, ce qui lui ouvre droit à une rente entière à partir du 1er janvier 2021.

Dans la mesure où la recourante conteste les conclusions des experts précités au motif qu’elles sont contredites par la Dre C______, il convient tout d’abord d’examiner la valeur probante des rapports d’expertise psychiatrique des 17 décembre 2020 (Dr E______) et 21 juin 2021 (Dr F______).

10.2 Il ressort en synthèse du rapport d’expertise du 17 décembre 2020 que même s’il considérait que le syndrome d’Asperger était « plausible », le Dr E______ n’en estimait pas moins qu’il n’était ni possible (à l’issue d’un seul entretien)
ni nécessaire de s’assurer de son existence puisque dans cette éventualité, ce trouble n’avait pas empêché la recourante d’effectuer des études et de travailler
en tant qu’architecte par le passé et qu’il était donc possible de se concentrer sur
le seul épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11 ; également posé par la Dre C______) dont les effets incapacitants pouvaient diminuer progressivement à condition d’en ajuster le traitement. Dans son complément d’évaluation du 9 février 2021 – qui faisait suite au rapport du
3 février 2021 de la Dre C______, annonçant une aggravation de la dépression en fin d’année 2020 –, le Dr E______ a considéré qu’une telle évolution était « naturellement possible », mais que les informations ressortant du rapport du 3 février 2021 de la Dre C______ ne lui permettaient de déterminer ni l’incidence des limitations fonctionnelles actuelles sur la capacité de travail, ni le point de savoir si les recommandations thérapeutiques qu’il avait émises le 17 décembre 2020 avaient été suivies. Aussi ne pouvait-il pas dire si les conclusions qu’il avait rendues à cette date étaient toujours d’actualité.

En ce qui concerne le rapport du 21 juin 2021 du Dr F______, il reprend
à son compte le raisonnement tenu par le Dr E______, selon lequel un éventuel syndrome d’Asperger n’aurait pas besoin d’être posé lege artis, dans la mesure
où son existence supposée n’aurait pas empêché la recourante de travailler par
le passé. Le rapport du Dr F______ se distingue néanmoins de ceux des
Dr E______ et C______ par le fait qu’il ne retient aucun diagnostic psychiatrique, à tout le moins le jour de l’expertise (15 juin 2021), excepté un éventuel syndrome d’Asperger qu’il n’était pas indispensable, aux dires de cet expert, de confirmer/infirmer vu son absence d’effet invalidant par le passé.

La chambre de céans constate que le procédé, commun aux deux experts mandatés par Allianz, consistant à examiner séparément le syndrome d’Asperger – qui plus est sous forme de simple hypothèse – et à se focaliser sur le seul état dépressif
ne respecte pas la procédure d’établissement des faits structurée (cf. ci-dessus : consid. 6.2.5), celle-ci prévoyant, entre autres, que même si un trouble psychique, pris séparément, n’est pas invalidant, il doit être pris en considération dans l’appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes (ATF 143 V 418 consid. 8.1). On peut certes être tenté d’objecter qu’en l’absence d’état dépressif et d’autres diagnostics psychiatriques retenus par l’expert F______, un hypothétique syndrome d’Asperger pourrait être examiné en lui-même. Sachant toutefois que ce médecin
en réfute les effets invalidants au jour de l’expertise non pas sur la base de critères diagnostiques – qu’il reconnaît d’ailleurs être incapable d’examiner de manière complète « après un seul entretien et sans avoir pu compléter l’hétéroanamnèse » (dossier AI, doc. 85, p. 381) – mais en exposant des généralités sur l’évolution habituelle de cette maladie au fil des étapes de la vie de celles et ceux qui en sont atteints (dossier AI, doc. 85, p. 382), le rapport d’évaluation du Dr F______ s’avère en définitive tout aussi peu convaincant – car détaché du cas concret – que celui du Dr E______, de sorte qu’on ne saurait reconnaître de valeur probante à aucune de ces deux expertises. On rappellera par ailleurs que les rapports
de ces deux médecins ont été réalisés sur mandat d’un assureur d’indemnités journalières en cas de maladie – et donc pas dans le cadre de la procédure prévue à l’art. 44 LPGA –, si bien qu’il suffit d’un doute, même minime, quant à leur fiabilité et à leur cohérence pour que des clarifications complémentaires s’imposent (ci-dessus : consid. 8.3.3 et 8.3.4). En l’occurrence, la Dre C______ indiquait, dans son rapport du 3 novembre 2022 à l’assureur obligatoire des soins, que les diagnostics d’état dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11) et de syndrome d’Asperger (F84.5) mentionnés dans son précédent rapport du 1er avril 2021 (à cet assureur) étaient toujours d’actualité (cf. pièce 8 recourant). Il s’ensuit qu’ils l’étaient a priori également le 23 juin 2022, soit à la date de la décision litigieuse. Par ailleurs, dans ce même rapport du 3 novembre 2022, la Dre C______ réitère son explication – déjà donnée dans son rapport du 25 février 2021 (dossier AI, doc. 85, p. 404) –, selon laquelle le syndrome d’Asperger est invalidant avec une « suradaptation » aux échanges sociaux, ce qui amène à un épuisement grave, ainsi qu’à des décompensations dépressives de traitement difficile. Ces éléments, qui mettent en exergue une interaction entre le syndrome d’Asperger et l’état dépressif moyen avec syndrome somatique, laissent à tout le moins subsister un doute quant à l’absence de diagnostic psychiatrique retenue par le Dr F______ en juin 2021, ce à plus forte raison que les conclusions de ce médecin, et celles du Dr E______, bien que différentes entre elles, ont pour point faible commun de résulter d’une analyse du syndrome d’Asperger sous forme de simple hypothèse dont le caractère invalidant est nié par référence au passé mais sans examen lege artis de ses répercussions actuelles et concrètes – et, s’agissant du Dr E______, sans examen de ses interactions avec l’état dépressif moyen avec syndrome somatique.

Dans ces circonstances, le SMR et l’intimé ne pouvaient considérer, en l’état de l’instruction, que dans la mesure où l’épisode dépressif moyen avec syndrome somatique était, selon les constatations du Dr F______, en rémission au moment de l’examen pratiqué par ce médecin, la capacité de travail de la recourante, après avoir été nulle du 16 janvier 2020 au 2 mars 2021, était à nouveau entière dans toute activité à compter du 3 mars 2021, justifiant ainsi la suppression de la rente entière au 30 juin 2021.

10.3 En l’état actuel, la chambre de céans ne peut donc pas statuer de manière définitive sur le droit aux prestations de la recourante, à tout le moins pour la période à partir du 30 juin 2021. Il incombera donc à l’intimé de mettre en œuvre une expertise indépendante au sens de l’art. 44 LPGA et d’inviter l’expert à se prononcer de manière claire, au regard de l’ensemble des atteintes psychiques de la recourante, sur l’existence d’une amélioration de l’état de santé à partir de mars 2021, les limitations fonctionnelles, le taux de capacité de travail dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée, le rendement dans une telle activité ainsi que la/les date(s) d’exigibilité d’une reprise de travail partielle/totale.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis, la décision querellée annulée en tant qu’elle supprime la rente d’invalidité au 30 juin 2021
et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

12.         La recourante, représentée par un avocat, a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 1’500.- (art. 61 let. g LPGA).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

*****

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 23 juin 2022 en tant qu’elle supprime le droit de la recourante à une rente après le 30 juin 2021.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l’intimé à payer à la recourante la somme de CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le