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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1753/2023

ATAS/966/2023 du 11.12.2023 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1753/2023 ATAS/966/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 décembre 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

 

recourante

contre

 

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1989, a démissionné par courrier du 23 juin 2022, pour le 31 août 2022, de son poste de « responsable compliance » (juriste) qu’elle occupait depuis le 6 avril 2015 auprès de B______ SA (ci-après : l’employeuse).

b. Elle s’est inscrite à l’office régional de placement le 5 juillet 2022 et a fait une demande d’indemnités auprès de la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse)

B. a. L’assurée, selon un certificat médical du docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecine d’urgence, a été en arrêt de travail total du 17 au 24 mars 2022, puis, selon un certificat médical de la docteure D______, spécialiste FMH en médecine interne, du 7 avril 2022, du 8 au 22 avril 2022.

b. Le 5 septembre 2022, l’assurée a rempli le formulaire de demande d’indemnités de chômage, en précisant qu’elle avait démissionné suite à des conditions de travail devenues de plus en plus difficiles avec le temps, ayant entrainé une situation d’épuisement ; elle avait suivi des consultations régulières auprès d’une psychologue.

c. Le 7 septembre 2022, elle avait rempli, à la demande de la caisse, le « formulaire concernant la résiliation de votre dernier emploi », en indiquant qu’elle s’était retrouvée en situation de stress et d’épuisement ; un collaborateur avait sur plusieurs mois eu un comportement inadéquat et les ressources humaines avaient pris des mesures ; elle avait subi une surcharge de travail importante en lien avec un projet d’entreprise ; on lui avait demandé de travailler un samedi pendant une période de vacances, le week-end de Pâques et un autre week-end 15 jours plus tard ; elle avait été en arrêt du 17 au 24 mars et du 8 au 22 avril (non pris, compte tenu de la pression) ; l’employeuse lui avait demandé d’être joignable durant sa semaine de vacances en août ; plusieurs personnes avaient quitté le service, ce qui avait ajouté du stress ; elle consultait actuellement une psychologue.

d. À la demande de la caisse, Madame E______, psychologue FSP, a rempli le 15 septembre 2022 un « certificat médical concernant la résiliation des rapports de travail pour raisons médicales ». Elle suivait l’assurée depuis août 2022 et l’avait aussi suivie de janvier à avril 2017 pour un épuisement, surmenage au travail en 2017 et en 2022. La poursuite des rapports de travail aurait péjoré l’état de santé de l’assurée, en raison d’un risque d’épuisement et surmenage plus importants, voire d’un burnout.

e. À la demande de la caisse, Madame E______ a précisé le 26 septembre 2022 que c’était suite aux dires de l’assurée et à sa propre connaissance de celle-ci, suite au suivi de 2017 et à son expérience clinique, qu’elle était parvenue à la conclusion que la continuation des rapports de travail aurait péjoré l’état de santé de l’assurée.

f. Par décision du 6 octobre 2022, la caisse a suspendu le droit de l’assurée à des indemnités de chômage pour une durée de 26 jours, en relevant que la psychologue n’avait été consultée qu’à la fin du délai de congé, que l’assurée n’était pas en incapacité de travail durant son délai de congé et que les informations de la psychologue n’étaient pas suffisamment probantes pour établir que la démission était due à des raisons de santé, de sorte que celle-ci était fautive.

g. Le 26 octobre 2022, l’assurée a fait opposition à la décision précitée, en faisant valoir le développement d’un stress chronique depuis fin 2021 avec un craquage physique le 16 mars 2022, entrainant une incapacité de travail du 17 au 24 mars attestée par le Dr C______. Elle avait été déstabilisée par le comportement inapproprié d’un collègue fin 2021, lequel avait été sanctionné ; il y avait eu de fortes sollicitations au travail ; on lui avait demandé de faire des heures supplémentaires lors de week-ends et elle devait être joignable durant ses vacances d’été 2022 ; sa psychologue avait confirmé le risque d’épuisement et de surmenage en cas de maintien des rapports de travail ; elle avait bien consulté deux médecins avant de démissionner. Sa faute était seulement légère.

h. Le 4 avril 2023, la caisse a requis de l’assurée la transmission d’informations de la part de son médecin.

i. Le 11 avril 2023, l’assurée a indiqué ne pas avoir d’autres éléments à produire.

j. Par décision du 2 mai 2023, la caisse a rejeté l’opposition de l’assurée, en relevant que la sanction de 26 jours (faute de gravité moyenne) tenait compte des conditions de travail, de l’état de santé de l’assurée et des déclarations de sa psychologue.

C. a. Le 23 mai 2023, l’assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en rappelant les arguments de son opposition. Elle avait démissionné pour préserver sa santé ; quatre collaborateurs sur sept de son service avaient quitté l’employeuse entre mars et juillet 2022 ; l’incompatibilité pour des raisons de santé pouvait aussi être attestée par d’autres moyens de preuve qu’un certificat du médecin ; la caisse ne précisait pas quelles conditions de travail difficiles elle avait retenues ; elle n’avait pas voulu s’absenter durant son délai de congé pour ne pas partir en mauvais termes ; le raisonnement de la caisse n’était pas compréhensible et elle a requis la production de pièces permettant d’analyser le bien-fondé de la sanction. Elle a conclu à l’annulation de la décision litigieuse, subsidiairement à la réduction de la sanction. Elle a notamment produit :

-     un certificat de travail de l’employeuse du 1er septembre 2022 ;

-     un certificat d’arrêt de travail du Dr C______, attestant d’un arrêt de travail total du 17 au 24 mars 2022.

b. Le 1er juin 2023, la caisse a conclu au rejet du recours.

c. Le 27 juin 2023, l’assurée a répliqué. Elle a réitéré sa demande de production de documents de la part de la caisse, permettant de comprendre la décision de celle-ci.

d. Le 30 juin 2023, la caisse a dupliqué, en relevant qu’elle avait invité l’assurée, le 4 avril 2023, à fournir un certificat médical de la part d’un médecin.

e. Le 18 septembre 2023, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

f. À la demande de la chambre de céans, la Dre D______ a indiqué qu’en 2022 elle avait reçu l’assurée les 7 avril, 15 juin et 26 août, qu’elle avait posé un diagnostic de possibles symptômes liés à un burnout ayant motivé l’arrêt de travail du 8 au 22 avril 2022 et qu’elle ne pouvait dire si la poursuite des rapports de travail aurait péjoré l’état de santé de l’assurée, celle-ci ayant par ailleurs annulé le rendez-vous prévu le 9 mai 2022, au motif que sa situation s’était améliorée.

g. Le 12 octobre 2023, la caisse a maintenu ses conclusions.

h. Le 30 octobre 2023, l’assurée a observé qu’elle avait annulé le rendez-vous médical du 9 mai 2022 car elle pensait que sa situation s’était améliorée, ses symptômes n’ayant toutefois pas disparu ; son état s’était dégradé rapidement par la suite et la Dre D______ n’avait pas suffisamment approfondi son diagnostic, ce qui avait empêché la mise en place de mesures appropriées ; elle n’avait vu d’autre issue que de démissionner, pour préserver sa santé ; Madame E______ avait attesté d’un état d’épuisement et du fait que la continuation des rapports de travail aurait péjoré sa situation.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

1.2 Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.3 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.             Le litige porte sur la suspension du droit à l’indemnité de la recourante de 26 jours, pour chômage imputable à une faute.

3.              

3.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute. Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l'assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail, sans avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02]). La résiliation d’un contrat de travail procurant un revenu pris en considération à titre de gain intermédiaire constitue un chômage fautif si le salaire répondait aux exigences d’admissibilité de l’art. 24 al. 3 LACI (DTA 1998 p. 41 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage 2014, p. 309, n° 32).

3.2 Pour qu’un assuré puisse être sanctionné en vertu de l’art. 44 al. 1 let. b OACI, trois conditions doivent être réunies. Il faut premièrement que l’assuré ait donné lui-même son congé. Il importe ensuite qu’au moment de résilier son contrat de travail, l’assuré n’ait pas eu d’assurance préalable d’un nouvel emploi. Enfin, il faut qu’aucune circonstance ne se soit opposée à la poursuite des rapports de travail (critère de l’exigibilité).

3.3 Selon la jurisprudence, l'exigibilité de la continuation des rapports de travail est examinée plus sévèrement que le caractère convenable d'un emploi au sens de l'art. 16 LACI (ATF 124 V 234 consid. 4b/bb ; arrêt 8C_1021/2012 du 10 mai 2013 consid. 2.2). Au regard du principe général de l'obligation de diminuer le dommage ancré à l'art. 17 al. 1 LACI et valable en droit des assurances sociales (ATF 134 V 109 consid. 10.2.7 ; 129 V 460 consid. 4.2 et les références), la personne assurée doit entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement exiger d'elle pour éviter la survenance du chômage. Un travailleur ne résiliera pas un contrat de travail existant tant que son avenir financier n'est pas assuré par un nouvel emploi, à moins que même le maintien temporaire sur le lieu de travail actuel ne soit pas raisonnablement exigible. L'exigibilité de la poursuite des rapports de travail s'apprécie toujours en fonction des circonstances concrètes. Généralement, les conditions de travail difficiles (chantiers, centre d'appels, etc.), des relations tendues avec les collègues et les supérieurs, une mauvaise atmosphère de travail ou des problèmes de santé non attestés médicalement ne suffisent pas à faire admettre que la continuation des rapports de travail n'était pas exigible (Boris RUBIN, op. cit., n° 37 ad art. 30 LACI, p. 310 ; ATF 124 V 234 consid. 4b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2022 du 14 juin 2023 consid. 4.1). 

3.4 Le Bulletin LACI/IC D26 précise notamment qu’une résiliation du contrat de travail par l'assuré ne peut être sanctionnée que si l'on pouvait attendre de lui qu'il conservât son emploi, que le caractère convenable de l'ancien emploi doit être apprécié sur la base de critères stricts et qu’un climat de travail tendu ne suffit pas à faire qualifier un emploi de non convenable. Si l'assuré invoque des problèmes de santé, il doit les prouver par un certificat médical.

4.              

4.1 La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3). L’OACI distingue trois catégories de faute – à savoir les fautes légères, moyennes et graves – et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI). Des antécédents remontant à moins de deux ans justifient une prolongation de la durée de suspension (art. 45 al. 5 OACI ; Boris RUBIN, op. cit., n° 114 ss ad art. 30).

4.2 Selon l'art. 45 al. 4 let. a OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s'agir, dans le cas concret, d'un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1 ; 130 V 125 consid. 3.5). Si des circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à trente et un jours. Toutefois, les motifs de s'écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (Boris RUBIN, op. cit., n° 117 ad art. 30 LACI et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2022 du 14 juin 2023 consid. 5.1). 

4.3 En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème indicatif à l'intention des organes d'exécution (Bulletin LACI/IC). Un tel barème constitue un instrument précieux pour les organes d'exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d'apprécier le comportement de l'assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas d'espèce notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations et de fixer la sanction en fonction de la faute (arrêt du Tribunal fédéral 8C_425/2014 du 12 août 2014, consid. 5.1).

Selon le Bulletin LACI/IC D77 pour la détermination de la faute individuelle et de la quotité de la suspension dans le domaine de la faute grave il faut partir, selon le Tribunal fédéral, du milieu de la fourchette de 31 à 60 jours (art. 45 al. 3 let. c OACI), soit 45 jours, et tenir compte des facteurs aggravants, atténuants et du principe de proportionnalité (ATF 123 V 153). Ce principe doit également s’appliquer en cas de faute légère et moyenne (art. 45 al. 3 let. a et b OACI).

Et aux termes du Bulletin LACI/IC D78 les facteurs pris en compte pour la détermination du degré de la faute dans la présente échelle ne sont pas exhaustifs. Ils peuvent se combiner avec d’autres facteurs aggravants ou atténuants.

4.4 Selon le Tribunal fédéral, le but de la suspension du droit à l'indemnité, dans l'assurance-chômage, vise à faire participer l'assuré de façon équitable au dommage qu'il cause à cette assurance sociale, en raison d'une attitude contraire aux obligations qui lui incombent. La durée de la suspension du droit à l'indemnité de chômage est fixée compte tenu non seulement de la gravité de la faute, mais également du principe de proportionnalité (ATF 125 V 197 consid. 6a ; Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung in Schweizerisches Bundes-verwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd. 2007, n. 855 p. 2435).

4.5 La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation. La juridiction cantonale ne doit pas dans ce contexte exercer son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit commettre un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d'appréciation ou abuser (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF non publié 8C_658/2009 du 19 janvier 2010, consid. 1.2 ; ATF non publié 8C_31/2007 du 25 septembre 2007, consid. 3.1, non publié in ATF 133 V 640 mais dans SVR 2008 ALV n° 12 p. 35).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

6.             En l’occurrence, l’intimée a considéré que la recourante aurait fautivement résilié son contrat de travail, ce qui constituait en principe une faute grave. Cependant, en tenant compte des circonstances particulières du cas, soit les conditions de travail de la recourante, son état de santé et les attestations de Madame E______, la faute était qualifiée de moyenne, ce qui justifiait une suspension du droit à l’indemnité de 26 jours.

La recourante conteste principalement toute sanction, subsidiairement elle en demande la réduction ; elle fait valoir qu’elle a quitté son emploi pour préserver sa santé, voire sa vie.

6.1 La qualification de la résiliation du contrat de travail par la recourante comme faute moyenne par l’intimée n’est pas critiquable.

En effet, s’il est établi, et d’ailleurs admis par l’intimée, que la recourante s’est retrouvée dans une situation professionnelle difficile en 2022, ayant entrainé des conséquences sur son état de santé, en particulier une incapacité de travail totale du 17 au 24 mars, puis du 8 au 22 avril 2022, ainsi qu’un état psychique fragilisé, il n’est pas établi, selon les pièces médicales au dossier, que la continuation des rapports de travail n’était plus exigible.

En effet, la Dre D______ a précisé, le 5 octobre 2023, que la recourante - qu’elle avait reçue les 7 avril, 15 juin et 26 août 2022 - avait présenté de possibles symptômes en lien avec un burnout, mais que le 6 mai 2022 elle avait annulé le rendez-vous médical prévu le 9 mai 2022, en déclarant que sa situation s’était améliorée ; la médecin a indiqué qu’elle ne pouvait se prononcer sur la question de savoir si la poursuite des rapports de travail aurait péjoré l’état de santé de la recourante. Il est à constater que cette médecin s’est notamment entretenue avec la recourante le 15 juin 2022, soit quelques jours seulement avant la résiliation par la recourante de son contrat de travail, mais n’a pas pu attester de la situation d’urgence invoquée par la recourante au sujet de sa santé.

Quant à Madame E______, elle n’a débuté un suivi avec la recourante que postérieurement à la résiliation du contrat de travail par celle-ci, de sorte que ses observations sont moins déterminantes. Néanmoins, elle a attesté d’un état d’épuisement et de surmenage au travail de la recourante et estimé que la continuation des rapports de travail aurait péjoré la situation, avec un risque d’aggravation du surmenage, pouvant mener à un burnout (avis du 15 septembre 2022 de Madame E______).

Cet avis a été pris en compte par l’intimée, laquelle a estimé que la faute de la recourante ne pouvait être qualifiée de grave, mais seulement de moyenne, compte tenu des circonstances précitées. Le surmenage, attesté uniquement par Madame E______, postérieurement aux faits déterminants, ne saurait, à lui seul, aboutir à une exonération de toute faute, dès lors que la recourante a été à même de poursuivre l’exercice de son activité jusqu’au terme du délai de résiliation, même si cela s’est fait au prix, comme elle le relève, d’efforts importants.

6.2 Par ailleurs, le collègue de travail de la recourante l’ayant harcelée a été finalement licencié, de sorte qu’il n’était plus en emploi au jour où la recourante a résilié son contrat de travail. Si ce harcèlement a contribué à déstabiliser la recourante, il ne peut être la cause du motif de résiliation des rapports de travail le 23 juin 2022.

Quant aux autres circonstances évoquées par la recourante, soit l’augmentation des exigences de la part de son employeuse, un projet informatique important à réaliser, avec en parallèle la réduction des effectifs de son équipe, ainsi que la demande d’être à deux reprises à disposition de l’employeuse pendant ses congés, elles ne sauraient être assimilées à des conditions qualifiant l’emploi de non convenable (procès-verbal de l’audience de comparution personnelle du 18 septembre 2023).

6.3 Le fait que la recourante ne voyait pas d’autre option que de démissionner (procès-verbal de l’audience de comparution personnelle du 18 septembre 2023) démontre, comme l’a relevé Madame E______, que son état de santé était grandement fragilisé. Cependant, faute d’un certificat médical attestant d’un diagnostic clair et d’une incapacité totale de la recourante à poursuivre son activité auprès de l’employeuse, cette situation de santé ne peut constituer un motif d’exonération de toute faute. Ce d’autant que quelques semaines avant la résiliation de son contrat de travail (le 23 juin 2022), la recourante a annulé son rendez-vous avec la Dre D______ (prévu le 9 mai 2023), au motif que son état de santé s’améliorait.

7.             Au demeurant, il convient de confirmer la réalisation d’une faute moyenne.

7.1 S’agissant de la quotité de la sanction, l’intimée est partie du milieu de la fourchette de 16 à 30 jours, soit 23 jours, puis a effectué une majoration de 3 jours (procès-verbal de l’audience de comparution personnelle du 18 septembre 2023). Or, cette majoration, compte tenu des circonstances du cas précitées, n’est pas justifiée.

7.2 En conséquence, il convient de réduire la sanction de 26 à 23 jours de suspension du droit à l’indemnité de la recourante.

Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse réformée, la suspension étant réduite à 23 jours.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l’intimée du 2 mai 2023 et réduit la suspension du droit à l’indemnité de la recourante à 23 jours.

4.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 1'000.- à charge de l’intimée.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le