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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3324/2022

ATAS/965/2023 du 11.12.2023 ( LAMAL )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3324/2022 ATAS/965/2023

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 11 décembre 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

GROUPE MUTUEL

 

 

intimée

 


 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1959, est assurée auprès de GROUPE MUTUEL (ci-après : l’assureur) pour l’assurance obligatoire des soins. Elle dispose également d’une assurance complémentaire en cas d’hospitalisation (division mi-privée sans franchise) et une assurance pour les soins auprès de cet assureur.

b. Par courriel du 25 janvier 2021, l’assurée a indiqué à l’assureur que ses dents avaient subi « beaucoup de dégâts » après plusieurs traitements par chimiothérapie et lui a demandé s’il prenait en charge les frais y relatifs.

c. Deux jours plus tard, l’assureur a demandé à son assurée de faire parvenir à son médecin-conseil une demande de prise en charge établie par un médecin-dentiste. À la suite de quoi, l’assurée a fait parvenir deux courriels à l’assureur pour savoir s’il acceptait le prestataire de soins B______, basé à Genève, mais ayant son laboratoire à Budapest, en précisant que tout serait facturé à Genève.

d. Le 16 avril 2021, B______ a fait parvenir une radiographie et deux devis à l’assureur, l’un correspondant à l’extraction des dents 15-36-35 et la pose de trois implants (CHF 7'841.70) et l’autre correspondant aux soins de la dent 16 (CHF 277.30).

e. Par courriels des 5 et 7 mai 2021, l’assureur a sollicité de son assurée qu’elle demande à son médecin de transmettre un justificatif avec un diagnostic précis pour pouvoir se déterminer sur la prise en charge des traitements dentaires par l’assurance obligatoire des soins.

f. Le 12 mai 2021, B______ a adressé à l’assurée un rapport médical du docteur C______ concernant l’assurée. Il y était relevé une bonne hygiène bucco-dentaire et mentionné que les dents 15-35-36 étaient cassées. L’état bucco-dentaire était dû principalement aux chimiothérapies lui ayant fragilisé les dents (traitée à trois reprises depuis 2014).

g. Le 1er juin 2021, le médecin-conseil de l’assureur, le docteur D______, a refusé la prise en charge du traitement, au motif qu’il n’existait pas de relation entre la pathologie et les soins devisés. Cela ne correspondait pas aux art. 17 à 19a de l’ordonnance du DFI sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins, OPAS - RS 832.112.31). Il indiquait dans le contexte global « femme de 61 ans – cancer du sein – 3 chimio effectuées à 3 reprises depuis 2014 actuellement en radiothérapie selon facture ».

h. Par courriel du 8 juin 2021, l’assurée a demandé des explications complémentaires à l’assureur à défaut de comprendre « pourquoi le traitement ne correspondait pas ».

i. Par courrier du 9 juin 2021, l’assureur a refusé formellement la prise en charge des traitements devisés en indiquant qu’ils ne correspondaient pas aux dispositions légales mentionnées par son médecin-conseil.

j. À la suite d’une opposition de l’assurée, l’assureur a indiqué, par courrier du 22 juin 2021, qu’il prenait en charge des traitements dentaires préalables à une chimiothérapie et nécessaires à réaliser et à garantir les traitements médicaux (art. 19 let. c OPAS) et, en cas de radiothérapie, uniquement si la sphère ORL est irradiée.

k. Le 29 juin 2021, le Dr D______ a rédigé un nouveau commentaire à la teneur suivante « les problèmes dentaires déclarés ne sont pas une conséquence de la chimiothérapie. Le tt (traitement) n’est pas à charge de l’AOS. La prévention d’infection n’est plus nécessaire en liaison avec la chimiothérapie et la radiothérapie n’influençant pas les glandes salivaires dans ce cas les soins ne sont pas à la charge de l’AOS non plus sous ce point de vue. Les tt sont dus à des dents fortement reconstituées et délabrées et sont nécessaires ».

l. À la suite d’échanges de courriels dans lesquels l’assurée sollicitait notamment une décision formelle de refus de la part de son assureur, l’assurée a indiqué à ce dernier qu’elle irait consulter un autre dentiste en novembre 2021, de sorte qu’elle demandait à l’assureur d’attendre avant de rendre la décision sollicitée.

m. Le 3 novembre 2021, l’assurée a fait parvenir un devis pour CHF 17'741.20 et un avis médical du docteur E______ à teneur duquel l’assurée avait souffert de trois cancers et reçu les traitements suivants :

                                          i.      de janvier à mars 2014 une chimiothérapie adjuvante DOCÉTAXEL,

                                        ii.      de juillet 2014 à janvier 2016 ANASTROZOLE (hormonal),

                                      iii.      de janvier à février 2018 une chimiothérapie adjuvante FEC 100,

                                       iv.      de mars à mai 2018 une chimiothérapie adjuvante TAXOL, de janvier à août 2018 OXYNORM 5 mg (opiacé) + TARGIN (opiacé)

                                         v.      et de juillet à novembre 2020 (chimiothérapie) TAXOL + CARBOPLATINE.

Le médecin indiquait :

« Ces multiples traitements ont entraîné des nausées à répétition et remontées acides malgré des produits adaptés pour pallier à ces gros désagréments. De plus, l’état de santé de Mme A______ ne lui permettait pas de se rendre chez le dentiste dans les délais pour se faire soigner préventivement. Il en a découlé une infiltration des obturations existantes avec récidives de caries et fragilisation extrême de l’email entrainant la fracture de certaines dents et la perte d’obturations ».

n. Le 10 novembre 2021, l’assureur a réitéré son refus de prise en charge, au motif que le traitement ne correspondait pas aux dispositions déjà citées.

o. Par décision formelle du 19 novembre 2021, l’assureur a expliqué son refus en exposant que seules les lésions du système de mastication dues à un accident ou une maladie justifiaient la prise en charge des frais de traitement par l’assurance-maladie de base. Seules les maladies graves contenues dans la liste des art. 17 à 19a OPAS pouvaient entrer en ligne de compte. Selon son médecin-conseil, les lésions de l’assurée n’étaient pas la conséquence d’une telle maladie et par conséquent, le traitement desdites lésions n’était pas à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Les problèmes dentaires n’étaient pas la conséquence de la chimiothérapie et n’avaient pas été réalisés préalablement à ce type de traitement. La chimiothérapie ayant un effet momentané et temporaire sur la salivation, il fallait considérer que trois ans après celle-ci, la chimiothérapie n’avait plus d’effet sur la salivation. Par ailleurs, lors de chimiothérapie, l’assurance obligatoire des soins n’entrait en ligne de compte que si le traitement dentaire avait été réalisé préalablement, car ils étaient nécessaires à la chimiothérapie. Enfin, en cas de traitement pas radiothérapie, l’assurance ne couvrait que les traitements dus à une irradiation de la sphère ORL.

p. L’assurée a fait opposition à cette décision en joignant un rapport de son oncologue, la docteure F______. Elle a rappelé que les traitements suivis avaient entrainé des vomissements réguliers. Elle avait toujours suivi une bonne hygiène dentaire sans pouvoir néanmoins éviter les dommages que les traitements avaient eus sur sa dentition. Il était impératif qu’elle retrouve une dentition saine pour pouvoir s’alimenter à nouveau. La Dre F______ indiquait avoir suivi la patiente depuis 2016 à la Clinique G______. Les différents traitements contre le cancer avaient engendré des nausées, des vomissements quotidiens et répétés et des remontées acides qui avaient pu avoir un effet délétère sur sa dentition.

q. Le 28 décembre 2021, l’assureur a sollicité des informations complémentaires de l’assurée en ces termes :

« 1. Les mesures prophylactiques mises en place par l’oncologue et le médecin traitant 2. Le nombre de rendez-vous d’hygiènes effectués depuis 2012 3. Les dates précises ainsi que les factures y relatives 4. Possédez-vous des gouttières de fluoration ? si oui, depuis quand ? 5. Est-ce qu’un test de débit salivaire a été effectué ? si oui, merci de nous faire parvenir le document ».

r. L’assurée a répondu avoir suivi des règles d’hygiène dentaire apprises dans le cadre de sa formation d’assistante dentaire, mais n’avait pas reçu de conseil ou de prophylaxie dentaires des oncologues. Elle n’aurait pas été en mesure de faire une gouttière dans son état de santé. Elle avait été suivie par le Dr H______ avec lequel elle avait travaillé et par l’hygiéniste I______. Elle ne disposait plus des factures, mais tentait de les retrouver. En décembre 2017, lors d’une intervention pour lui retirer le lobe inférieur du poumon, les médecins lui avaient cassé une côte, de sorte qu’elle avait été incapable de se déplacer et s’en était suivie la pandémie qui durant deux ans avait réduit ses déplacements.

s. Le 26 janvier 2022, l’assureur a sollicité toutes les radiographies faites depuis 2012 et les factures relatives aux mesures d’hygiène.

t. L’assurée a répondu le 2 mars 2022 n’avoir pas pu retrouver les factures des soins d’hygiène faits en France, à l’exception de l’un d’eux. Elle avait été soignée par le Dr H______ avec lequel elle avait travaillé et avait de ce fait bénéficié d’un traitement de faveur. Elle ne disposait pas de radiographie, mais d’une photographie de 2014. Elle a fourni une liste de traitements réalisés par le Dr H______ de laquelle il ressort que l’assurée avait reçu des traitements sur la dent 35 dès 2001 (« ciment », traitement radiculaire, composite, sur la dent 15 dès 2009, amputation vitale, ciment, traitement radiculaire), et la dent 36 dès 2010 (reconstitution).

u. Le 8 mars 2022, l’assureur a répété ses questions sur les mesures de prophylaxie et le test salivaire.

v. Le 20 avril 2022, l’assurée a annoncé ne pas pouvoir récupérer son dossier dentaire d’une clinique en France qui avait été fermée. Elle n’avait pas reçu de prophylaxie et ne disposait d’autres pièces.

w. Le Dr D______ a établi un avis le 25 août 2022 à teneur duquel les traitements devisés ne relevaient pas de l’art. 19c OPAS puisqu’il ne s’agissait pas de traitement préalable et nécessaire à la chimiothérapie. L’art. 17 let. b al. 3 OPAS ne s’appliquait pas, car les pièces au dossier ne permettaient pas d’établir une péjoration de l’état dentaire imputable à la chimiothérapie. Il est convenu qu’il est raisonnablement exigible trois séances annuelles d’hygiène buccale et l’utilisation d’une gouttière de fluoration. Les médecins-dentistes de l’assurée n’avaient pas mentionné l’aspect parodontal. Selon lui, il y avait une parodontie modérée généralisée avec perte osseuse et présence de tartre visible sur les orthopantomogrammes. Il s’agissait d’une parodontie non médicamenteuse. Le lien de causalité entre le traitement et l’état parodontal n’était pas présent. À la lecture du dossier, les problèmes d’érosion et d’infiltration étaient présents avant 1999. Les obturations sont à refaire, leur durée de vie ne dépassant pas 20 ans et les bords se détériorent sur une dizaine d’années. L’art. 18d OPAS n’a pas été évoqué par les médecins de l’assurée et aucun test salivaire n’a été fait. Les deux orthopantomogrammes au dossier ne montraient pas de lésions carieuses. La zone 14-15 offrait une mauvaise image pour une bonne interprétation. Les deux autres zones ne montraient pas de caries dues aux vomissements du ressort de l’assurance obligatoire des soins et il manquait un état de fait préalable. Les soins d’hygiène n’étaient pas documentés. Le médecin persistait donc dans son avis.

x. Par décision sur opposition du 5 septembre 2022, l’assureur a réitéré son refus de prendre en charge les traitements dentaires de l’assurée en se fondant sur l’avis de son médecin-conseil.

B. a. Par acte du 3 octobre 2022, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre des assurances sociales) d’un recours contre cette décision.

b. L’assureur a conclu au rejet du recours le 16 novembre 2022.

c. Le 19 janvier 2023, l’assurée a fait parvenir une réplique à la chambre de céans.

C. a. Par courrier du 8 novembre 2023, la chambre de céans a informé les parties de sa décision de confier une mission d’expertise au docteur J______ et leur a communiqué les questions qu’elle soumettrait à l’expert.

b. Les parties n’ont pas invoqué de motif de récusation ni formulé de questions complémentaires.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans le délai prévu par la loi, le recours sera déclaré recevable.

4.             Le litige porte sur le point de savoir si, dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins, l'intimée doit prendre en charge le traitement dentaire dont la recourante sollicite la prise en charge et pour lequel elle a fourni deux devis.

5.              

5.1 Selon l’art. 25 LAMal, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (al. 1). Ces prestations comprennent notamment les examens et traitements dispensés sous forme ambulatoire, en milieu hospitalier ou dans un établissement médico-social, ainsi que les soins dispensés dans un hôpital par des médecins, des chiropraticiens et des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat l’un médecin ou d'un chiropraticien (al. 2 let. a).

5.2 Selon l’art. 31 al. 1 LAMal, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des soins dentaires s’ils sont occasionnés par une maladie grave et non évitable du système de la mastication (let. a), ou s’ils sont occasionnés par une autre maladie grave ou ses séquelles (let. b), ou s’ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou ses séquelles (let. c).

5.3 Conformément à l’art. 33 al. 2 et 5 LAMal, en corrélation avec l’art. 33 let. d de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102), le Département fédéral de l’intérieur (ci-après : DFI) a édicté les art. 17 à 19a de l’ordonnance sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS - RS 832.112.31), qui se rapportent à chacune des éventualités prévues à l’art. 31 al. 1 LAMal.

5.4 L’art. 17 OPAS énumère les maladies graves et non évitables du système de la mastication au sens de l’art. 31 al. 1 let. a LAMal permettant la prise en charge par l’assurance obligatoire de soins à condition que l’affection puisse être qualifiée de maladie et dans la mesure où le traitement de l’affection l’exige. La let. b ch. 3 vise notamment, dans le cas des maladies de l'appareil de soutien de la dent (parodontopathies), les effets secondaires irréversibles de médicaments.

5.5 Afin de déterminer si les frais de traitement d'une parodontopathie imputable à une chimiothérapie d'une pathologie maligne doivent être pris en charge par l'assurance-maladie obligatoire, il convient d'examiner si elle constitue l'effet secondaire irréversible de médicaments au sens de l'art. 17 let. b ch. 3 OPAS.

5.6 L’art. 18 al. 1 OPAS dispose que l’assurance prend en charge les soins dentaires occasionnés par les autres maladies graves suivantes ou leurs séquelles et nécessaires à leur traitement (art. 31, al. 1, let. b, LAMal) : maladies du système hématopoïétique, neutropénie, agranulocytose (ch. 1), anémie aplastique sévère (ch. 2), leucémies (ch. 3), syndromes myélodysplastiques (SDM) (ch. 4), diathèses hémorragiques (ch. 5) (let. a) ; maladies du métabolisme : acromégalie (ch. 1), hyperparathyroïdisme (ch. 2), hypoparathyroïdisme idiopathique (ch. 3), hypophosphatasie (rachitisme génétique dû à une résistance à la vitamine D) (ch. 4) (let. b) ; autres maladies : polyarthrite chronique avec atteinte des maxillaires (ch. 1), maladie de Bechterew avec atteinte des maxillaires (ch. 2), arthropathies psoriasiques avec atteinte des maxillaires (ch. 3), maladie de Papillon-Lefèvre (ch. 4), sclérodermie (ch. 5), SIDA (ch. 6), maladies psychiques graves avec une atteinte consécutive grave de la fonction de mastication (ch. 7) (let. c) ; maladies des glandes salivaires (let. d). Aux termes de l’art. 18 al. 2 OPAS, les prestations mentionnées à l'al. 1 ne sont prises en charge que si l'assureur-maladie a donné préalablement une garantie spéciale et avec l'autorisation expresse du médecin-conseil.

5.7 Selon la jurisprudence, les diagnostics et indications suivants ne tombent notamment pas sous le coup de l’art. 18 OPAS : atteintes du système de la mastication causées par le diabète, par des radiations en raison d’un carcinome, atteintes liées à une chimiothérapie et à une radiothérapie en cas de lymphome de Hodgkin et de cancer du sein, extraction d’une dent après une chimiothérapie administrée en raison d’un cancer, colite (Gebhard EUGSTER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz über die Krankenversicherung [KVG], 2010, n. 31 ad art. 31 LAMal).

5.8 L’art. 19 OPAS a pour objet la prise en charge des soins dentaires nécessaires afin de réaliser et garantir les traitements médicaux au sens de l’art. 31 al. 1 let. c LAMal.

5.9 Les coûts de tous les traitements dentaires qui sont nécessaires en raison de la grave maladie au sens de l’art. 31 al. 1 let. b LAMal doivent être pris en charge (ATF 124 V 351 consid. 2d). La maladie du système de la mastication doit être objectivement inévitable. Le caractère non évitable suppose une hygiène buccale suffisante au regard des connaissances odontologiques actuelles ; une personne assurée qui, en raison de sa constitution, de maladies dont elle a souffert ou de traitements qu'elle a suivis, présente une sensibilité accrue aux affections dentaires, ne peut se contenter d'une hygiène buccale usuelle. Les mesures d’hygiène à prendre au quotidien et les visites régulières chez le dentiste doivent toutefois rester raisonnablement exigibles (ATF 128 V 59 consid. 6d). Lorsque les soins d’hygiène buccaux sont simplement plus difficiles mais pas impossibles, par exemple en raison d’une dépression, le critère de l’inévitabilité n’est pas réalisé (ATF 128 V 70 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2007 du 5 mars 2008 consid. 3).

5.10 De jurisprudence constante, la liste des affections de nature à nécessiter des soins dentaires à la charge de l'assurance est réglée de manière exhaustive aux art. 17 à 19 OPAS (ATF 129 V 80 consid. 1.3, arrêt du Tribunal fédéral 9C_223/2009 du 16 avril 2010 consid. 1.2).

5.11 Certes, les dispositions de l'OPAS n'échappent pas au contrôle du juge, sous l'angle de leur légalité et de leur constitutionnalité. Néanmoins, le Tribunal fédéral des assurances s'impose une grande retenue dans cet examen. En effet, l'ordonnance, souvent révisée, peut être corrigée à bref délai par le DFI. En outre, le catalogue des maladies repose sur une consultation préalable de la Commission fédérale des prestations générales. Or, sous l'angle médical, les avis de la commission sont propres à assurer au contenu de la liste une certaine homogénéité, qui ne serait plus garantie en cas de complément de cette liste par le juge (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 107/00 du 6 novembre 2000 consid. 2). Un complément par le juge nécessiterait en outre une consultation préalable d’experts, ce qui prendrait un temps considérable (ATF 124 V 185 consid. 6).

5.12 En revanche, le tribunal revoit librement une disposition de l'ordonnance lorsqu'il apparaît que les commissions des spécialistes - dont les avis sont à la base d'une décision du DFI - se fondent non sur des considérations médicales, mais sur des appréciations générales ou de nature juridique (ATF 142 V 249 consid. 4.3). Faute d'indices permettant de penser que la limitation critiquée serait la conséquence d'une lacune manifeste ou reposerait sur des considérations arbitraires de la part du législateur, il n'y a pas place pour substituer une autre appréciation à celle de l'autorité compétente, d'autant moins lorsqu'elle est fondée sur l'avis de spécialistes (ATF 139 V 509 consid. 5.3). D'autre part, le juge n'a pas la possibilité d'étendre le contenu d’une liste par un raisonnement analogique (ATF 125 V 21 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 46/05 du 13 février 2006 consid. 5.1).

5.13 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

5.14 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b). Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.15 Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

5.16 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3a). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

5.17 L'administration en tant qu'autorité de décision et le juge, en cas de recours, ne peuvent considérer un fait comme établi que lorsqu'ils sont convaincus de son existence. En droit des assurances sociales, pour autant que la loi n'en dispose pas autrement, le juge doit fonder sa décision sur les faits qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. La simple possibilité de l'existence d'un fait ne suffit pas. Le juge doit bien plus retenir les éléments qui, parmi les faits possibles, lui paraissent les plus probables (ATF 144 V 427 consid. 3.2, 138 V 218 consid. 6).

5.18 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3). Selon une jurisprudence constante, la liste des affections de nature à nécessiter des soins dentaires à la charge de l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie est exhaustive (ATF 127 V 332 consid. 3a et 343 consid. 3b ; ATF 124 V 194 consid. 4).

6.              

6.1 En l’espèce, si l’on peut d’emblée exclure l’application des art. 19 et 18 OPAS, dans la mesure où l’on ne se trouve ni dans le cas où le traitement dentaire envisagé est un préalable nécessaire à un traitement contre le cancer ni dans la liste des affections de la seconde disposition, l’on doit s’interroger sur l’application de l’art. 17 let. b ch. 3 OPAS au cas d’espèce.

En effet, cette disposition vise le cas de parodontopathie. Avant de pouvoir déterminer si les frais de traitement d'une parodontopathie imputable à une chimiothérapie d'une pathologie maligne doivent être pris en charge par l'assurance-maladie obligatoire et d'examiner ainsi si elle constitue l'effet secondaire irréversible de médicaments au sens de l'art. 17 let. b ch. 3 OPAS, il sied de déterminer s’il existe un lien de causalité entre elle et le traitement dentaire préconisé.

Bien que qualifiée par le Dr D______ de parodontie modérée généralisée avec perte osseuse et présence de tartre visible sur les orthopantomogrammes non médicamenteuse (supra A. w.), sans lien de causalité avec l’état actuel de la dentition de la recourante, d’autres médecins semblent mettre en lien de causalité l’état de la dentition de la recourante et les chimiothérapies subies par cette dernière.

Le Dr C______ a relevé une bonne hygiène bucco-dentaire et a mentionné que les dents 15-35-36 étaient cassées. Il a ajouté que l’état bucco-dentaire était dû principalement aux chimiothérapies ayant fragilisé les dents de la recourante. L’oncologue F______ a, pour sa part, indiqué que les différents traitements contre le cancer avaient engendré des nausées, des vomissements quotidiens et répétés et des remontées acides qui avaient pu avoir un effet délétère sur sa dentition.

Ces avis ne permettent pas à eux seuls à établir le lien de causalité entre les traitements et la parodontie ou parodonpathie et ce d’autant moins qu’il apparaît au dossier que la recourante avait déjà subi des traitements sur ces mêmes dents avant les chimiothérapies. Les médecins ayant établi les devis n’ayant suivi la patiente qu’après les premiers traitements par chimiothérapie, l’on ne peut leur reprocher de ne pas pouvoir fournir davantage de précision sur le diagnostic et la raison du besoin de traitement. Il apparaît néanmoins dans leurs écrits que les traitements ont suivi des cycles de chimiothérapie ayant eu des conséquences graves pour l’assurée (nausées, vomissements quotidiens et répétés, remontées acides). Par ailleurs, le fait que la recourante n’a pas pu fournir le dossier de son hygiéniste dentaire dont le cabinet est fermé ne suffit pas à conclure qu’elle avait une mauvaise hygiène dentaire. Au contraire, tout indique qu’elle était consciente des bonnes pratiques en la matière et a vraisemblablement consulté un hygiéniste à réitérées reprises (au vu notamment des recherches qu’elle a faites pour récupérer son dossier et compte tenu de sa formation auprès d’un dentiste).

L’on ne saurait dans ces circonstances nier, sans instruction médicale, le lien de causalité sans tenter d’établir si la péjoration de l’état bucco-dentaire est due aux chimiothérapies ou si, comme l’indique le médecin de l’intimée, cet état existait préalablement et si le besoin de soin a été rendu nécessaire au vu du temps écoulé depuis les premiers traitements de ces dents.

Le dossier ne permettant pas de rendre une décision éclairée sur l’origine des lésions dentaires dont la recourante sollicite la prise en charge des coûts par l’intimée et le lien de causalité entre les traitements par chimiothérapie et le besoin de soin actuel, la chambre de céans ordonnera une expertise, laquelle est confiée au docteur J______.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

 

A.           Ordonne une expertise dentaire, l’expert ayant pour mission d’examiner et d’entendre Madame A______, après s’être entouré de tous les éléments utiles et après avoir pris connaissance du dossier de l’intimée, ainsi que du dossier de la présente procédure en s’entourant d’avis de tiers au besoin ;

B.            Charge l’expert de répondre aux questions suivantes :

1.        Quel est le diagnostic de l’affection dont souffre la recourante ?

2.        Quelles sont les causes de l’affection constatée ?

3.        Existe-il un lien de causalité entre le besoin actuel de soins (devis au dossier) et les cycles de chimiothérapie subis par la recourante ?

4.        Sans les cycles de chimiothérapie et l’ensemble des médicaments pris par la recourante, les traitements devisés auraient-ils été nécessaires ?

5.        Êtes-vous d’accord avec l’avis du médecin-conseil de l’intimée et le cas échéant pourquoi ?

6.        En cas de désaccord avec l’avis précité, pouvez-vous exposer en quoi consiste votre désaccord ?

7.        Faire toutes remarques utiles sur ce cas.

C.           Commet à ces fins le Dr J______.

D.           Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires à la chambre de céans, dans un délai de trois mois ;

E.            Réserve le fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le