Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1100/2022

ATAS/938/2023 du 30.11.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1100/2022 ATAS/938/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 novembre 2023

Chambre 3

 

En la cause

Monsieur A______
représenté par Me Marina VALERO ANDRADE

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), d’origine camerounaise, est né en 1993. Célibataire, il est père d’un enfant de trois ans qui vit avec sa mère au Cameroun.

b. L’assuré souffre depuis son plus jeune âge d’une poliomyélite qui a entraîné une paralysie irréversible de ses jambes. Il a subi il y a quelques années une intervention chirurgicale, mais ne peut se déplacer que péniblement, avec des béquilles et sur une courte distance.

B. a. En août 2009, l’assuré a déposé une première demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) en expliquant être arrivé en Suisse en 2002 et être appareillé d’une orthèse à la jambe droite qui lui permet de marcher avec des cannes mais complique sa recherche d’apprentissage.

b. Un mandat de réadaptation a été ouvert en faveur de l’assuré, qui avait pour objectif de lui trouver une profession qui fasse surtout appel à ses capacités intellectuelles. Dans ce cadre, un premier entretien s’est tenu en date du 30 avril 2010. L’assuré se trouvait alors en classe préparatoire à l’école de culture générale. Il appréciait le dessin et cherchait un stage dans le secteur de l’architecture. Il lui a été conseillé de prendre des renseignements concernant les positions de travail, car la surveillance des chantiers semblait difficile dans son cas, puisqu’il se déplaçait avec des cannes.

C. a. Le 30 janvier 2018, après avoir suivi, de 2012 à 2016, une formation en dessinateur de génie civil, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestation.

b. Après examen de son dossier, le Service médical régional (ci-après : SMR) a retenu, en date du 30 août 2018 que l’assuré, qui se déplaçait à l’aide de cannes, présentait une perte majeure de force musculaire au niveau des membres inférieurs et signalait également une limitation de mobilité de son épaule gauche. Son médecin traitant attestait d’une capacité de travail de 50% dans le domaine du génie civil en raison des limitations fonctionnelles en lien avec la nécessité d’épargner les membres inférieurs (pas de marche ou de station debout prolongée, pas de marche en terrain instable ou irrégulier, pas de montées ou descentes répétées d’escaliers) et l’épaule gauche. Le docteur B______, du SMR, a confirmé une capacité de travail réduite à 50% dans l’activité d’ingénieur en génie civil, mais de 100% dans toute activité respectant strictement les limitations fonctionnelles énoncées (pièce 66 OAI).

c. Un mandat de réadaptation a été ouvert.

Il a été établi que l’assuré avait effectué un apprentissage de dessinateur en génie civil et obtenu, à la troisième tentative, un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC), en 2018. Son maître d’apprentissage avait émis l’avis que l’activité de dessinateur en génie civil n’était pas adaptée, l’assuré présentant des difficultés de concentration et n’utilisant qu’une main pour le dessin sur ordinateur. D’importantes limitations au niveau de la marche ont été relevées.

d. Une mesure d’orientation professionnelle a été mise en place auprès des Établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI), du 18 février au 19 mai 2019. L’objectif était de définir un projet professionnel adapté aux capacités, intérêts et limitations fonctionnelles de l’assuré.

Le 2 avril 2019, Monsieur C______, des EPI, a indiqué que l’assuré était volontaire et qu’il avait effectué la mesure à plein temps, sans aucune absence, ni retard. Il s’est étonné que l’on ait orienté l’assuré vers le génie civil, profession qui amène à se rendre sur des chantiers, ce qui n’est absolument pas compatible avec la problématique de santé de l’assuré.

L’observation a mis en évidence chez l’assuré une très grande lenteur et des difficultés d’attention, lorsqu’il se trouve face à des tâches trop répétitives. Malgré cela, il s’est montré très persévérant. Il ne peut rester ni debout, ni se déplacer sans cannes ; seule la position assise lui convient. En fin de journée, il est très fatigué. Il lui est également difficile, en raison des problèmes rencontrés au niveau de son épaule gauche, de travailler avec le logiciel, ce qui le ralentit dans son travail.

En conclusion, M. C______ a estimé que le seul travail accessible pour l’assuré était celui s’effectuant sur ordinateur, après adaptation du poste de travail pour lui permettre de poursuivre une activité professionnelle dans le domaine du dessin.

L’assuré a été décrit comme très volontaire. Il a été noté qu’il devait cependant lutter contre sa fatigue et ses trous de mémoire et que, par conséquent, il ne pourrait travailler dans le domaine des chiffres. M. C______ a souligné que l’avantage du dessin était qu’il n’y avait pas d’urgence dans le travail. Dans ce domaine, les trous de mémoire devraient dès lors moins porter préjudice à l’assuré.

Il a été conclu que l’orientation la plus proche et la plus adaptée était celle de dessinateur en architecture, domaine dans lequel il n’y avait pas de problèmes de déplacement. M. C______ a souligné l’importance de valoriser ce que l’assuré avait déjà appris lors de son parcours de formation. Cela consisterait en un complément de formation, sans qu’il soit besoin de reprendre un apprentissage depuis le début.

À l’issue de ce bilan, la division de réadaptation professionnelle a décidé de se renseigner sur les possibilités de formation dans ce domaine. Il a été proposé à l’assuré de poursuivre son activité de dessin à l’atelier à raison de trois jours par semaine (pièce 82 OAI).

Dans le rapport formel de réadaptation du 21 mai 2019, les EPI ont indiqué que l’assuré, bien que fortement diminué sur le plan moteur, n’était pas plaintif et qu’il envisageait sa vie de manière positive. Pour ce détenteur d’un CFC de dessinateur en génie civil, il avait été convenu de chercher à valoriser son bagage technique dans l’exploration de pistes professionnelles correspondant à ses limitations, notamment ses difficultés à se déplacer sur les chantiers. Dès lors, les EPI ont envisagé – à titre de formations mieux adaptées que celle en génie civil –, celles de dessinateur constructeur en mécanique, dessinateur en architecture d’intérieur et dessinateur en bâtiment. Le métier le plus proche des acquis techniques de l’assuré, lui permettant d’avoir un poste plus sédentaire qu’en génie civil, était celui de dessinateur en bâtiment. Ce dernier métier est apparu comme étant réaliste et réalisable, car ne nécessitant que des compléments de formation pour sa mise en place ; il permettrait à l’assuré une activité sédentaire, en valorisant ses acquis.

Après plusieurs démarches visant à trouver la solution de formation la plus optimale, il a été convenu que l’assuré se formerait chez D______, où il pourrait suivre un cours de « revit bim », niveaux 1 et 2, puis d’autres, utiles dans le dessin. Afin de faciliter son utilisation du logiciel, une souris spéciale avait été commandée.

e. Le 22 mai 2019, l’OAI a accepté de prendre en charge les coûts supplémentaires d’une formation professionnelle initiale sous la forme d’un cours « autodesk revit bim niveaux ».

f. Par décision du 4 juin 2019, l’OAI a pris en charge une formation professionnelle initiale en qualité de dessinateur en bâtiment.

g. Par décision du 31 juillet 2019, il a également pris en charge les frais d’un stage pratique auprès des EPI, de juillet à septembre 2019.

À l’issue dudit stage, il a été estimé que la piste du génie civil était malgré tout la plus adaptée. Certes, à l’issue de la mesure d’orientation, le projet de dessinateur en bâtiment avait été retenu et l’assuré avait pu commencer une formation sur les logiciels « revit bim ». Cependant, le stage alors mis sur pied avait conduit les EPI à constater que l’assuré aurait dû reprendre une formation quasiment en entier pour être opérationnel, vu les méthodes de travail radicalement différentes ; qui plus est, il s’était avéré qu’il y avait autant, voire plus de déplacements dans le domaine de l’architecture.

C’est la raison pour laquelle une place de stage comme dessinateur en génie civil – domaine dans lequel l’intéressé pourrait mettre à profit ses connaissances et serait ainsi beaucoup plus rapide et performant – a été trouvée à l’assuré auprès des E______ (ci-après : E______), du 6 janvier au 5 avril 2019 (cf. rapport des EPI du 20 janvier 2020, pièce OAI 113), à 50%, durant les deux premiers mois.

h. Il a été décidé de prolonger ce stage aux E______ afin de permettre à l’assuré d’acquérir de l’expérience pratique et d’évaluer sa résistance sur le moyen terme, c'est-à-dire sa capacité de travail et son rendement (pièces OAI 95 et 96 ; cf. décision du 10 octobre 2019, puis décision de prolongation du 22 janvier 2020). Pour le surplus, par décision du 6 février 2020, l’OAI a octroyé à l’assuré la prise en charge des coûts supplémentaire du logiciel « autodesk revit bim niveaux » (cf. décision du 6 février 2020).

i. Le 12 mars 2020, il a été communiqué à l’OAI que le stage pratique de l’assuré au sein des E______ se passait particulièrement bien. Le jeune homme mettait en application ce qu’il avait appris aux cours. Les E______ étaient prêts à prolonger le stage (pièce OAI 119).

Les EPI, dans leur rapport du 6 avril 2020, ont rappelé que cette mesure avait été décidée afin de confirmer le taux d’activité et le rendement de l’assuré dans le métier de dessinateur en génie civil.

Après deux mois de stage, il avait été confirmé que l’assuré avait les aptitudes pour rester dans le domaine dans lequel il avait été formé. En effet, selon le responsable, l’assuré s’était montré agréable, engagé et s’était rapidement adapté à son environnement et à l’équipe. Il avait réussi à rendre des travaux, à chaque fois dans les délais. Le responsable a confirmé que le métier de dessinateur en génie civil était parfaitement adapté aux limitations de l’assuré.

Après une période d’adaptation et pour suivre les recommandations de son employeur, l’assuré avait repris les cours pour compléter sa formation en logiciels, ce qui avait augmenté son taux d’occupation de 50% à 90%.

Selon l’assuré, un taux d’activité de 80% était possible, avec une journée de congé durant la semaine. Mais cela n’avait pu être évalué sur la durée, à cause du confinement imposé dès le 16 mars 2020. De même, l’évaluation du rendement n’avait pas été possible, en raison de la mise en place du télétravail. Le stage se poursuivrait aux E______ jusqu’à la fin de l’année 2020 (pièce OAI 122).

j. Une note a été établie le 1er mars 2021, pour faire le bilan de la formation aux E______. Il a alors été question d’éventuellement engager l’assuré pour une année. Les E______ ont indiqué qu’ils ne pouvaient encore donner de conclusions sur le rendement de l’intéressé.

k. Une nouvelle note de travail a été établie le 27 avril 2021 (pièce OAI 134), à l’issue du stage pratique en qualité de dessinateur s’étant déroulé auprès des E______ du 1er janvier 2020 au 30 avril 2021.

Il a été rappelé que le stage, débuté à un taux de 50% dans un premier temps, avait été augmenté à 80% à partir d’avril 2020, taux qui convenait bien à l’assuré, qui pouvait ainsi se reposer en milieu de semaine.

Il s’occupait de dessins pour les fouilles de gaz, d’eau et d’électricité et de demandes d’autorisation. Cette activité était totalement adaptée, aux dires mêmes de l’assuré, sur le plan physique. En revanche, il se plaignait de difficultés de concentration et de fatigue à certains moments de la journée.

L’assuré avait émis l’avis qu’il pourrait travailler à 80% dans le milieu du dessin. Le responsable de formation avait mentionné une très bonne intégration au groupe de dessinateurs. L’assuré s’était montré loyal et engagé dans les différents projets qui lui avaient été confiés, il avait fait preuve de bonne volonté et respecté les temps impartis. Il n’avait pas encore le rendement d’un dessinateur confirmé, cependant, une nette progression avait été observée depuis le début du stage. Il restait encore à l’assuré une marge de progression sur le plan de l’efficacité et de l’efficience des dessins. Son rendement était difficile à évaluer.

Le responsable RH avait indiqué qu’il n’y avait alors pas de poste disponible au sein des E______, mais qu’il pouvait proposer un contrat de durée déterminée d’une année dans le cadre du programme « inclusion » ; cette opportunité permettrait à l’assuré de continuer à travailler au sein de l’équipe des dessinateurs et de se former à la 3D.

l. Le 7 octobre 2021, une allocation d’initiation au travail a été accordée à l’assuré pour ce poste au sein des E______.

m. Le degré d’invalidité a dès lors été évalué en comparant le salaire avant invalidité, soit CHF 75'150.- (l’assuré étant âgé de 28 ans en 2021), à celui qu’il aurait pu obtenir malgré celle-ci la même année, soit CHF 80'265 (l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) 2018 TA1, lignes 69-75, activité de niveau 2 = 6'310.- CHF/mois pour 40 h./sem. = 6'578.- CHF/mois pour 41.7 h./sem. = CHF 78'938.- en 2018 = CHF 80'265.- en 2021), ce qui a conduit l’OAI à un degré d’invalidité inférieur à zéro.

n. Par décision du 24 février 2022, l’OAI a nié à l’assuré le droit à d’autres mesures professionnelles et à une rente d’invalidité.

En effet, à l’issue de l’instruction médicale, l’OAI, s’il a admis l’existence d’une atteinte la santé ayant des répercussions sur la capacité de travail de l’assuré depuis l’enfance, a estimé que l’intéressé était apte à exercer une activité adaptée à son état de santé à 100%.

L’OAI a rappelé qu’il avait octroyé à l’assuré plusieurs mesures professionnelles (orientation et formation professionnelle initiale) et qu’il avait été réadapté en tant que dessinateur en génie civil, activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

L’OAI a procédé à une comparaison des revenus avant (CHF 75'150.-) et après invalidité (CHF 80'260.-) et constaté l’absence de perte de gain.

Cette décision a été avisée pour retrait le 28 février 2022, date du début du délai de garde, lequel est venu à échéance le lundi 7 mars 2022. L’assuré étant alors en détention provisoire, a pris connaissance de la décision le 29 mars 2022, par l’intermédiaire de son conseil.

D. a. Le 6 avril 2022, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans.

En substance, il fait valoir que travailler à plein temps en tant que dessinateur en génie civil implique des déplacements réguliers, notamment pour se rendre sur des chantiers ou à des rendez-vous professionnels. Compte tenu de ses difficultés à se déplacer, il estime qu’il convient de lui reconnaître une incapacité de travail de 40% au moins, exiger de lui la reprise d’une activité à plein temps n’étant pas réaliste eu égard à son état de santé. Cas échéant, il sollicite la mise sur pied d’une expertise ayant pour objectif de déterminer quelle est sa capacité de travail.

Certes, du 1er mai au 6 décembre 2021 (date à laquelle il a été mis en détention provisoire pour plusieurs mois), il a travaillé à 80% en qualité de dessinateur au sein de l’unité « ingénierie projets réseaux » des E______. Cependant, il rencontre ainsi d’importantes difficultés quotidiennes, y compris pour effectuer sa toilette, se déplacer sur de courts trajets à l’intérieur de son domicile ou prendre sa douche. Sa liberté de mouvement est fortement entravée. Il en tire la conclusion qu’il n’est plus en mesure d’effectuer un travail à plein temps nécessitant des déplacements, des efforts, une mobilisation des jambes ou une concentration soutenue.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 17 mai 2022, a conclu au rejet du recours.

Il soutient qu’il ressort de l’instruction médicale que l’assuré dispose d’une capacité de travail de 50% dans l’activité d’ingénieur en génie civil et de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, c’est-à-dire respectant les limitations de l’épaule gauche et n’impliquant ni marche, ni station debout prolongée, ni marche en terrain instable ou irrégulier, ni montées et descentes d’escaliers répétées.

c. Par écriture du 12 juin 2022, l’assuré a argué que, s’il ne s’agissait que de l’atteinte touchant son bras gauche, il admettrait disposer d’une capacité de travail de 100%, mais que tel n’est pas le cas, dès lors qu’il rencontre d’autres problèmes au niveau de ses membres inférieurs, des difficultés mnésiques et des douleurs.

Il allègue qu’il a eu du mal à se tenir au taux d’occupation de 80% de son poste aux E______ et qu’il n’y est parvenu qu’en travaillant le week-end pour rattraper son retard.

Il considère que les efforts qu’il a déployés tout au long de l’instruction de son dossier démontrent sa volonté de s’en sortir et de travailler.

d. Le 20 juin 2022, par le biais de son conseil, le recourant a rappelé une nouvelle fois que sa jambe droite est appareillée d’une orthèse fémorale. Il souligne que le docteur F______ a constaté une perte importante de masse musculaire au niveau de ses membres inférieurs, ainsi qu’une limitation de mobilité de son épaule gauche.

Il ajoute que le poste qui lui a été proposé par les E______ est un poste social. Selon lui, une capacité de travail de 50% au maximum peut tout au plus être retenue dans toute activité, y compris celle de dessinateur en génie civil, conformément aux avis exprimés non seulement par le Dr F______ mais également par le SMR.

e. Par écriture du 30 août 2022, l’intimé a indiqué avoir modifié son calcul du degré d’invalidité et avoir constaté que cela ne permettait pas de modifier la décision litigieuse quant à son résultat.

Son service de réadaptation confirme qu’une activité dans le domaine pour lequel le recourant a été formé est adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Il propose néanmoins de tenir compte, dans le calcul du degré d’invalidité, d’une baisse de rendement de 20% en raison des limitations fonctionnelles. Cette modification conduit à un degré d’invalidité de 15%, lequel reste insuffisant pour ouvrir droit à des prestations.

Ce calcul conduit à comparer le revenu sans invalidité (CHF 75'150.-) à celui de CHF 63'737.-, après réduction de 20%, exigible après invalidité (ESS 2018 TA1, lignes 69-75, niveau 2 = 6'310.- CHF/mois pour 40 h./sem. = 6'578.- CHF/mois pour 41.7 h./sem. = 78'938.- CHF/an en 2018 = CHF 79'672.- en 2021 = après réduction de 20% CHF 63'737.-), ce qui s’est traduit par un degré d’invalidité de 15.19%.

f. Par écriture du 18 septembre 2022, l’assuré a déploré que l’on résume son cas à des statistiques et a fait valoir qu’il n’avait jamais rencontré un médecin conseil de l’OAI.

g. Par écriture du 21 septembre 2022, son conseil a argué que si le cahier des charges d’un dessinateur technique est effectivement varié et comporte des activités sédentaires, il implique également des contraintes physiques (déplacements sur terrains instables ou position statique debout prolongée).

Pour le surplus, le recourant a consulté les Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG) en date du 17 août 2022, en raison de douleurs au pied gauche. Les médecins ont alors constaté une péjoration de 50% à ce niveau : le docteur G______ a conclu à une insuffisance du tibia supérieur et à un conflit de la gouttière médiale, dans un contexte de pied plat valgus sévère dégénératif secondaire à la poliomyélite.

Le recourant reproche à l’OAI de ne pas tenir compte de son état de santé tel que décrit dans ce rapport de consultation du 17 août 2022.

Il maintient que c’est une capacité de travail de 50% tout au plus qui peut lui être reconnue.

h. Par écriture du 13 octobre 2022, l’OAI a persisté dans ses conclusions.

Le SMR constate que l’assuré présentait déjà une symptomatologie algique du côté gauche en 2012, que les HUG ne se prononcent pas sur la capacité de travail résiduelle de leur patient et qu’en 2018, le SMR a déjà admis que seule une activité de type sédentaire assise était envisageable.

Il est donc justifié de conclure à une capacité de travail de 100%, avec une baisse de rendement de 20%, dans une activité adaptée, telle que celle pratiquée lors du dernier stage que l’assuré a effectué, de mai à octobre 2021, en l’absence de tout nouvel élément objectif permettant de s’écarter de ces conclusions.

i. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance‑vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20) (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

5.             Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaires s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. b al. 1, les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, ont certes 30 ans révolus, mais pas encore 55 ans, conservent la quotité de la rente tant que leur taux d'invalidité ne subit pas de modification au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C _499/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.1).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, la demande de prestations ayant été déposée en janvier 2018, l’éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait antérieurement au 1er janvier 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

6.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

7.             Le litige porte sur le droit du recourant à d’autres prestations que celles qui lui ont déjà été allouées, sous forme de rente ou de mesures professionnelles, étant rappelé qu’il a déjà bénéficié d’une mesure d’orientation professionnelle, d’une formation professionnelle initiale et de divers cours pris en charge par l’assurance‑invalidité et qu’il conclut pour sa part à ce que lui soit reconnue une incapacité de travail de 40% au moins et donc, implicitement à une rente d’invalidité.

8.              

8.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

8.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

9.              

9.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

9.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

9.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_486/2022 du 17 août 2023 consid. 6.5 et la référence). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_87/2022 du 8 juillet 2022 consid. 6.2.1 et les références). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge – conformément au principe de la libre appréciation des preuves – de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (arrêts du Tribunal fédéral 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17 ; 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

10.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

11.         Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

12.         Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et 128 V 174).

12.1 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêts du Tribunal fédéral I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

12.2 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique – médiane – s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

Toutefois, lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l'assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières. Tel est notamment le cas lorsqu’avant l'atteinte à la santé, l'assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pas en ligne de compte. En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s'écarter de la table TA1 (secteur privé) pour se référer à la table TA7 (secteur privé et secteur public [Confédération] ensemble), respectivement T17 (à partir de 2012) si cela permet de fixer plus précisément le revenu d'invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (ATF 133 V 545 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_124/2021 du 2 août 2021 consid. 4.4.1 et 8C_111/2021 du 30 avril 2021 consid. 4.2.1 et les références).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3. et les références). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Cette évaluation ressortit en premier lieu à l'administration, qui dispose pour cela d'un large pouvoir d'appréciation. Le juge doit faire preuve de retenue lorsqu'il est amené à vérifier le bien-fondé d'une telle appréciation. L'examen porte alors sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans le cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Pour autant, le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l'administration ; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 ; 123 V 150 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

13.          

13.1 L’intimé, considérant que l’assuré est apte à exercer à 100% toute activité adaptée, c'est-à-dire se pratiquant essentiellement en position assise et respectant les limitations de son épaule gauche, a nié à l’assuré le droit à une rente, au motif que la comparaison des revenus conduisait à un degré d’invalidité de 15.19% au maximum, après déduction d’un taux supplémentaire de 20% sur le revenu d’invalide, pour tenir compte des limitations fonctionnelles. Ayant permis à l’assuré d’acquérir une formation dans une profession qu’il estime correspondre aux limitations fonctionnelles énoncées, l’intimé a pour le surplus refusé toute autre mesure professionnelle.

13.2 Le recourant soutient quant à lui que l’activité dans laquelle il a été réadapté n’est exigible qu’à 50%, ainsi que l’admettait d’ailleurs le SMR, par la voix du Dr B______, en 2018. Il rappelle qu’il ne peut fournir d’effort physique, ni se rendre sur des chantiers. M. C______, des EPI, a d’ailleurs souligné que seul un travail sur ordinateur lui est accessible, car il n’impliquait pas de déplacements. Les EPI, en janvier 2020, ont également convenu que l’activité de dessinateur en génie civil n’était pas adaptée. Il fait remarquer que le stage auprès des E______ avait pour objectif de vérifier sa capacité de travail et de rendement, ce qui n’a pu être fait, en raison des conditions particulières (confinement, puis télétravail). Il argue que l’activité principale, dans le métier de dessinateur en génie civil, consiste à procéder à des relevés sur le terrain et sur les ouvrages, à effectuer des piquetages et des mensurations, à coordonner les travaux sur les chantiers, à contrôler leur exécution par rapport aux plans et à appliquer des mesures de protection contre les accidents. Or, les déplacements sur les chantiers sont la contrainte la plus handicapante pour lui compte tenu des terrains instables ou irréguliers et de son impossibilité à se déplacer sans ses béquilles. Le fait qu’il ait été engagé pour une durée déterminée à 80% en qualité de dessinateur ne saurait démontrer une capacité de travail exigible de 100%. Ce taux lui paraît impossible à tenir sur le long terme. Qui plus est, lui confier un tel poste impliquerait pour l’employeur des concessions irréalistes et semble de ce fait exclu.

Il en conclut qu’une capacité de travail de 50% au maximum peut tout au plus être retenue dans toute activité, y compris celle de dessinateur en génie civil, conformément aux avis exprimés non seulement par son médecin-traitant, mais également par le Dr B______.

13.3 En l’espèce, les atteintes à la santé dont souffre le recourant sont clairement établies et non contestées, ainsi que les limitations fonctionnelles qui en découlent. À cet égard, on relèvera que l’aggravation alléguée par l’assuré au niveau de son pied gauche ne les modifie pas de manière conséquente. Quoi qu’il en soit, le recourant est atteint au niveau de ses membres inférieurs, de telle sorte que seule une activité s’exerçant en position assise et respectant les limitations fonctionnelles relatives à son épaule gauche est envisageable. Cela a été établi à satisfaction de droit et n’est pas contesté par les parties, de sorte que la mise sur pied d’une expertise telle que sollicitée par le recourant ne se justifie pas.

Il n’est pas non plus contesté que le recourant a d’ores et déjà bénéficié de plusieurs mesures de réadaptation. Il n’en réclame d’ailleurs pas vraiment de supplémentaires, mais conteste implicitement le calcul de son degré d’invalidité, plus particulièrement le montant qui a été retenu à titre de revenu d’invalide, arguant qu’il n’a pas été démontré qu’il pourrait exercer la profession de dessinateur en génie civil à plus de 50%, comme l’ont retenu tant son médecin traitant, que le Dr B______, en 2018.

À cet égard, on relèvera que la question de savoir si l’activité de dessinateur en génie civile est totalement adaptée à l’état de santé de l’assuré est effectivement sujette à controverse.

Sur la base du dossier médical de l’assuré, le SMR, en 2018, a admis d’emblée une capacité de travail réduite à 50% dans ce poste – tout en concluant à une capacité de travail pleine et entière dans toute activité strictement adaptée, admettant par-là que celle exercée dans le domaine du génie civil ne l’était pas.

À la suite du SMR, les EPI, soit pour eux M. C______, s’est également étonné de cette orientation, dont il a souligné qu’elle lui semblait totalement incompatible avec la problématique de santé de l’assuré, dans la mesure où elle impliquait de se rendre régulièrement sur des chantiers, ce qui était exclu pour lui.

Ce n’est que dans un second temps, après avoir constaté que la profession de dessinateur en architecture impliquait – contre toute attente – encore plus de déplacements et une formation à reprendre quasiment du début, que les réadaptateurs se sont à nouveau intéressés à celle de dessinateur en génie civil, pour laquelle l’assuré disposait déjà des connaissances théoriques.

Néanmoins, un stage a été mis en place auprès des E______, dont l’objectif, comme le rappelle le recourant, était de vérifier sa capacité de travail et son rendement. À cet égard, force est de constater que, ainsi que cela ressort clairement du rapport de stage final, les vérifications n’ont pu être menées à bien, en raison du confinement et du télétravail et qui en a suivi. Ainsi, s’il est vrai que l’assuré a pu assumer ce stage à un taux de 50%, augmenté par la suite à 80%, on ne saurait en tirer de résultats concluants sur sa capacité de travail et son rendement.

S’il doit effectivement exister quelques postes se limitant – comme celui offert par les E______ dans le cadre de leur programme « inclusion » – à des activités de dessins pour les fouilles de gaz, d’eau et d’électricité et des demandes d’autorisation, qui pourraient permettre à l’assuré d’éviter tout déplacement, telle n’est pas la norme en matière de génie civil. La majorité des postes offerts dans ce domaine, comme l’a relevé M. C______, impliquent des déplacements fréquents, qui plus est sur terrain accidenté, ce qui ne répond à l’évidence pas à la définition d’une activité adaptée telle que décrite par tous les intervenants, y compris le SMR.

Dans ces conditions, il apparaît à la Cour de céans que c’est à tort que l’intimé, s’est référé, pour le revenu d’invalide, aux lignes 69-75 du TA1 de l’ESS, correspondant aux activités spécialisées, scientifiques et techniques. Même en appliquant – a posteriori – une réduction supplémentaire de 20%, cela ne saurait refléter une situation réaliste et réalisable. L’intimé, devant l’impossibilité avérée de confirmer, au terme du stage pratique de plusieurs mois mis en place auprès des E______, la capacité de travail et le rendement de l’intéressé, aurait dû se fonder, pour établir le revenu d’invalide, sur les statistiques générales.

En d’autres termes, le revenu avant invalidité – non contesté – de CHF 75'150.- aurait dû être comparé à celui de CHF 68'397.- (ESS 2018 TA1_skill_level, niveau 1 = 5'417.- CHF/mois pour 40 h./sem. = 6'647.- CHF/mois pour 41.7 h./sem. = 67'767.- CHF/an en 2018 = CHF 68'397.- en 2021). On constatera que, même en appliquant la réduction maximale de 25% à ce revenu (pour tenir compte des difficultés mnésiques alléguées, par exemple) – le réduisant ainsi à CHF 51'298.-, on obtient un degré d’invalidité de 31.74%, insuffisant pour ouvrir droit à une rente. En effet, s’il est contesté de savoir à quel taux l’assuré pourrait finalement exercer l’activité de dessinateur en génie civil, il est établi que, dans toute activité sédentaire, sa capacité de travail est de 100%.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la décision de l’intimé de nier à l’assuré le droit à une rente d’invalidité ou à des mesures professionnelles supplémentaires s’avère bien fondée.

Le recours est donc rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Renonce à percevoir l’émolument.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le