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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2985/2022

ATAS/783/2023 du 09.10.2023 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2985/2022 ATAS/783/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat

 

 

recourant

contre

 

AXA ASSURANCES SA

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1982, de nationalité norvégienne, travaillait pour le compte de B______ (ci-après : l'employeuse) comme commis administratif. À ce titre, il était assuré auprès d'AXA Assurances SA (ci-après : l'assurance ou l’intimée) contre les accidents professionnels et non professionnels.

b. Le 26 novembre 2019, alors qu'il se trouvait en vacances à Tirana en Albanie, l'assuré a été réveillé par de très fortes secousses provoquées par un tremblement de terre de magnitude 6.4 Mw (Moment Magnitude Scale). Les portes du bâtiment où il se trouvait étant alors impraticables, il a été obligé de sortir par la fenêtre du premier étage et s'est heurté les genoux et les chevilles en chutant (cf. déclaration d'accident du 3 décembre 2019).

B. a. Une incapacité de travail totale a été prescrite et l'assurance a pris en charge le cas par le paiement des soins médicaux et le versement d'indemnités journalières.

b. Dans le cadre de l'instruction de ce dossier, l'assurance a recueilli plusieurs pièces médicales, dont il ressortait en particulier les éléments suivants :

-     Les premiers soins ont été donnés le jour-même de l'accident, à l'hôpital américain de Tirana, où une fracture du plateau tibial gauche, une fracture du processus latéral du talus droit, ainsi que des micro-fractures de la rotule droite ont été diagnostiquées (cf. rapport médical du 26 novembre 2019 [en albanais non traduit] et rapport d'expertise du 31 mars 2021).

-     Le 28 novembre 2019, l'assuré a été rapatrié en Suisse et transporté aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) où il a été hospitalisé au sein du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur.

-     Aux HUG, il a été soumis à plusieurs examens, en particulier :

·      une radiographie de la cheville droite, mettant en évidence une fracture comminutive du processus latéral du talus avec fragment linéaire (cf. rapport du 29 novembre 2019 des docteurs C______, spécialiste FMH en radiologie, et D______, médecin interne) ;

·      une radiographie des genoux, avec : pour le genou gauche, une probable fracture du plateau tibial interne, la présence d'un fragment osseux au niveau de l'échancrure intercondylienne et la suspicion d'atteinte du ligament croisé antérieur (ci-après : LCA) et de lipohémarthrose ; pour le genou droit, pas de fracture décelable, sous réserve de l'absence d'un cliché de face (rapport du 29 novembre 2019 des Drs C______ et D______) ;

·      une radiographie de la main droite, dont il ne ressortait aucune lésion ostéoarticulaire (rapport du 29 novembre 2019 des Drs C______ et D______) ;

·      une IRM du genou gauche, mettant en évidence une fracture impaction du versant postérieur du plateau tibial médial s'étendant jusqu'à l'épine tibiale avec avulsion osseuse de l'insertion tibiale du LCA, une fracture impaction du condyle fémoral interne, ainsi qu'une atteinte du point d'angle postéro-externe avec notamment entorse de grade 3 du ligament latéral interne (ci‑après : LLI) à son insertion distale (cf. rapport du 29 novembre 2019 de la docteure E______ spécialiste FMH en radiologie, et du docteur F______, médecin interne) ;

·      un scanner des membres inférieurs, dont il ressortait une fracture impaction du plateau tibial postéro-nédial et avulsion du LCA, sans dissection artérielle au niveau de l'axe vasculaire poplité, ainsi qu'une fracture comminutive du processus latéral du talus droit ainsi qu'un fragment osseux en regard du rostre du calcanéum évoquant une fracture avulsion (cf. rapport du 29 novembre 2019 de la Dre C______ et des docteurs G______, radiologue, et H______, médecin interne).

c. Le 6 décembre 2019, l'assuré a subi les opérations chirurgicales suivantes : au genou gauche, une plastie LCA par tendon quadricipital, une plastie LLE (ligament collatéral latéral externe du genou) par tendon semi tendineux et une ostéosynthèse du plateau tibial postéro-interne ; au pied droit, une ostéosynthèse du processus latéral du talus et stabilisation du tendon péronier (cf. rapport du 16 décembre 2019 des docteurs I______ et J______, spécialistes FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et du docteur K______, médecin interne).

d. Le même jour, de nouvelles radiographies du genou gauche et de la cheville droite ont été réalisées post-ostéosynthèse (cf. rapports du 28 janvier 2020 des Drs E______, L______et M______).

e. Le 11 décembre 2019, l'assuré a été transféré, pour suite de rééducation, à l'unité de médecine physique et réadaptation orthopédique de Beau-Séjour, où il a séjourné jusqu'au 12 février 2020 (cf. rapports du 16 décembre 2019 des Drs I______, J______ et K______ et du 18 février 2020 des docteurs N______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, et O______, médecin interne).

f. Une nouvelle IRM du pied et de la cheville gauches a été réalisée le 17 décembre 2019 (cf. rapport du 17 décembre 2019 des docteurs Q______, spécialiste FMH en radiologie, et R______, médecin interne).

g. Par questionnaire rempli le 4 août 2020 et adressé à l'assurance, le docteur P______, médecin praticien FMH, a indiqué que l'assuré continuait de se plaindre de douleurs au niveau du genou droit et de la cheville droite et du fait qu'il n'avait plus de force dans les pieds, se déplaçait difficilement sans béquilles et n'arrivait plus à rester debout longtemps. Les diagnostics étaient : une rupture LCA et LLE avec lésion de la corne postérieure du ménisque externe et fracture du plateau tibial postéro-interne gauche ; une fracture du processus latéral du talus de la cheville droite avec instabilité traumatique des tendons péroniers ; une entorse ou une lésion tendineuse de la cheville gauche. L'incapacité de travail était entière depuis le 26 novembre 2019, étant précisé qu'en raison des plaintes de l'assuré aucune activité lucrative ne pouvait être raisonnablement exigible. Le Dr P______ ne s'attendait probablement plus à une évolution favorable notable. L'assuré suivait un traitement conservateur.

h. Dans une note de suite du 14 octobre 2020, le docteur S______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation aux HUG, a indiqué que l'assuré commençait à aller mieux jusqu'à une chute à vélo début septembre 2020. Initialement, il y avait eu une péjoration des gonalgies gauches mais actuellement il y avait une amélioration. Malgré tout, des douleurs en continu subsistaient au genou gauche et à la cheville droite, majorées par la station debout ou la marche (dix minutes).

i. Selon la note de suite du 30 novembre 2020 de la docteure T______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation aux HUG, l'assuré se plaignait de rigidité au niveau de la cheville et de douleurs à la cheville et au genou lors de la marche. La médecin suspectait une tendinopathie du tendon d'Achille, avec des douleurs dans le rétro pied et une image de calcification à l'insertion du tendon à la dernière radiographie, pour laquelle elle suggérait un cycle de trois séances d'ondes de choc et des semelles pour améliorer l'appui. Elle préconisait de débuter la physiothérapie de mobilisation du rétro pied et un travail sur les tendons et prescrivait du Lyrica pour aider contre les douleurs et les troubles de sensibilité.

j. Selon une note de suite du même jour de la « consultation pied et cheville » du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG, à une année post-opération, l'assuré décrivait des douleurs dans l'articulation du pied, exacerbées lors de la marche sur terrain instable et de descente et le matin au réveil avec gonflement du pied, le soir et après une marche de trente minutes. Le traitement actuel consistait en de la physiothérapie et l'utilisation de semelles orthopédiques et il était proposé de réaliser un « SPECT » scanner recherche arthrose, puis un « PC ». La durée prévisible du traitement était de 24 mois.

k. L'assurance a mis en œuvre une expertise, qu'elle a confiée au docteur U______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.

Celui-ci a examiné l'assuré le 23 mars 2021 et réalisé des radiographies de la cheville droite face, profil et axial calcanéum, ainsi que des membres inférieurs totaux, schuss et profil du genou gauche. Il a également fait faire, le jour même, un scanner de la cheville droite (cf. rapport du 23 mars 2021 du docteur V______, radiologue). L'expert a rendu son rapport le 31 mars 2021.

Dans son rapport d'expertise, il retenait les diagnostics suivants : un status seize mois après déchirure du LCA et du LLE, fracture postéro-interne du plateau tibial et lésion bi-méniscale du genou gauche ; un status seize mois après fracture du processus latéral de l'astragale droit (sur probable distorsion sous-astragalienne) avec instabilité des tendons péroniers et probable déchirure/arrachement du ligament deltoïde de la cheville droite ; un status seize mois après entorse grade I-II du ligament deltoïde de la cheville gauche ; un status après ancienne déchirure du LLE (faisceau antérieur) de la cheville gauche ; un status seize mois après ostéosynthèse du plateau tibial interne gauche, plastie du ligament croisé antérieur et du ligament latéral externe au genou gauche ; un status seize mois après ostéosynthèse du processus latéral de l'astragale (talus) droit et stabilisation des tendons péroniers ; de l'arthropathie dégénérative astragalo-calcanéenne droite et tibio-astragalienne droite, probablement secondaire ; une possible/probable dysplasie de la hanche gauche.

En raison des troubles de la cheville droite, la capacité de travail dans l'ancienne activité était définitivement nulle. L'assuré avait en revanche une pleine capacité de travail dans un métier qui privilégiait la station assise (par exemple en bureautique), avec alternance, de temps à autre, des stations debout/assis et une limitation à de courts déplacements à plat. L'assuré devrait éviter les longs déplacements à l'extérieur, la marche sur terrain inégal, la montée sur échelles, l'accroupissement/agenouillement itératif, et probablement aussi le port de charges lourdes (limite fixée à 10 kg portés sur quelques dizaines de mètres).

Le lien de causalité naturelle entre l'événement du 26 novembre 2019 et les plaintes/troubles constatés le jour de l'examen (cheville droite et genou gauche/quadriceps gauche) était probable. Le status quo ante/sine ne serait jamais atteint.

S'agissant de l'indemnisation pour atteinte à l'intégrité, elle pouvait d'ores et déjà être octroyée à hauteur de 15% en raison de l'atteinte à la cheville, un éventuel solde étant réservé en cas de dégradation majeure.

l. Par décision du 20 mai 2021, l'assurance, en se fondant sur le rapport d'expertise du Dr U______, a mis un terme à la prise en charge des frais, sous réserve du renforcement du quadriceps gauche jusqu'au 30 juin 2021, de la physiothérapie de mobilisation et de drainage pour la cheville droite jusqu'au 30 septembre 2021, de l'antalgie, d'une éventuelle deuxième infiltration et de l'adaptation du chaussage (déjà réalisée). Elle a mis un terme au versement des indemnités journalières dès le 1er septembre 2021 et, après comparaison des revenus de valide et d'invalide, a estimé qu'il n'y avait pas de perte de gain et donc pas de droit à une rente d'invalidité. Enfin, elle a fixé le montant de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité à CHF 22'230.-, soit 15% de CHF 148'200.- (montant maximum légal du salaire annuel assurable au moment du sinistre).

m. Le 14 juin 2021, l'assuré a fait opposition à cette décision. Il gardait des séquelles sous-estimées par l'assurance, que ce soit au genou gauche ou à la cheville droite, qui nécessitaient de nouveaux examens cliniques et radiologiques, et des traitements ultérieurs seraient nécessaires.

n. Par courrier du 24 juin 2021, l'assurance a demandé à l'assuré de compléter et préciser son opposition.

o. Le 11 août 2021, l'assuré a informé l'assurance que son médecin, le docteur W______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, se chargerait de compléter son opposition.

p. Par pli du 16 août 2021 adressé à l'assurance, le Dr W______ a rappelé que l'assuré l'avait chargé de répondre au courrier du 24 juin 2021.

Il a établi une anamnèse et le status de l'assuré, indiquant qu'actuellement celui-ci présentait des douleurs de la cheville droite diurnes et nocturnes, aux changements de position. Cette douleur irradiait également dans la jambe et le genou droit. La pose du pas et de l'appui au sol était instable et l'assuré évoquait également une douleur interne du genou gauche à la marche et signalait des pseudo-blocages des deux genoux, de type sidération musculaire. Le périmètre de marche était de zéro. Il présentait également des lombalgies étagées au niveau dorsal et lombaire et ces douleurs lombaires étaient aggravées par la position assise. Le passage de la position assise à la position debout était ralenti par le manque d'équilibre, de proprioceptivité et des sidérations musculaires des membres inférieurs. Il éprouvait, depuis l'accident, des difficultés de concentration et ne pouvait plus gérer seul les activités simples de la vie quotidienne. S'agissant du genou gauche, l'expert évoquait un état actuel satisfaisant, confirmant cependant, à raison, la possibilité d'une aggravation ultérieure, sans toutefois accorder d'atteinte à l'intégrité. Or, il y avait une fracture du plateau tibial postéro-interne, une rupture du LCA et du LLE, connue pour être très délétère pour le genou. Une radiographie du genou gauche du 10 juin 2021 révélait un pincement de l'espace articulaire tibio-fémoral médial, évoquant déjà une arthrose modérée. Il était par ailleurs rappelé que l'assuré avait, constitutionnellement, des genua vara, facteur d'aggravation indubitable d'une gonarthrose interne post-traumatique.

En conclusion, les conséquences de l'accident étaient que l'assuré souffrait d'impotence importante des membres inférieurs. Son périmètre de marche indolore était de zéro, la position assise lui provoquait des lombalgies et l'alternance des positions était difficile, douloureuse et causait de l'instabilité. Le cas de l'assuré allait s'aggraver et n'était pas stabilisé. L'évaluation de l'atteinte à l'intégrité devait être très nettement réévaluée à une hausse significative. La reprise de toute activité physique et professionnelle n'était pas d'actualité.

Il précisait que l'opposition de l'assuré était maintenue et joignait plusieurs rapports médicaux établis par le docteur X______, spécialiste FMH en radiologie, à la suite des examens récents suivants :

·         des radiographies du genou gauche du pied droit et de la cheville droite du 9 juin 2021, sans particularités (cf. rapport du 10 juin 2021) ;

·         une IRM de la cheville droite du 10 juin 2021 (cf. rapport du 11 juin 2021) ;

·         une IRM du genou gauche du 30 juin 2021, présentant un status post plastie du LCA sans signe de complication mais un complément d'examen par arthro-CT du genou était préconisé en raison d'une analyse non optimale du cartilage et du ménisque médial, en raison des artéfacts de susceptibilité magnétique (cf. rapport du 30 juin 2021) ;

·         une radiographie de la colonne lombaire du 9 juillet 2021, dans le cadre de lombalgies, ne mettant en évidence aucune anomalie (cf. rapport du 9 juillet 2021) ;

·         une IRM lombaire du 9 juillet 2021, mettant en évidence une discopathie lombaire débutante multi-étagée mais pas de hernie discale significative, ni de signe de conflit disco-radiculaire ; aspect inchangé de la minime hernie discale médiane L1-L2 sans retentissement canalaire ou foraminal significatif (cf. rapport du 9 juillet 2021) ;

·         une arthrographie avant scanner et arthroscanner du genou gauche du 9 juillet 2021 (cf. rapport du 12 juillet 2021).

q. Ces éléments ont été transmis au Dr U______, lequel a rendu un complément d'expertise le 21 avril 2022. L'expert a estimé que le médecin traitant rejoignait à peu de choses près les conclusions de son rapport du 31 mars 2021, en motivant sa position. Il a ainsi maintenu ses précédentes conclusions.

r. Par décision du 13 juillet 2022, l'assurance a, sur la base de l'expertise du Dr U______ et de son complément, rejeté l'opposition et confirmé sa décision du 20 mai 2021.

C. a. Par acte du 14 septembre 2022, complété le 14 octobre 2022, l'assuré, représenté par un avocat, a interjeté recours contre la décision sur opposition du 13 juillet 2022, concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision entreprise, à l'octroi d'une rente d'invalidité entière dès le 1er septembre 2021 avec 5% d'intérêt par an depuis cette date, à la condamnation de l'intimé à lui verser une indemnité pour atteinte à l'intégrité de CHF 74'100.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2021.

À l'appui de son recours, il a notamment produit :

·         un rapport du 22 août 2022 de Madame Y______, psychologue, attestant que le recourant souffrait de très nombreuses complications à la suite de son accident du 26 novembre 2019, à savoir : des insomnies, de la confusion et difficulté à se concentrer, des troubles mnésiques, des douleurs chroniques à l'ensemble du corps et un stress post-traumatique. Cet accident avait provoqué des séquelles physiques et psychiques qui allaient nécessiter des traitements pour le reste de sa vie et handicapait très fortement le recourant dans ses possibilités à pouvoir un jour espérer retravailler ;

·         un rapport du 26 août 2022 du docteur Z______, spécialiste FMH en radiologie, relatif à des radiographies et échographie du pied gauche réalisées le 24 août 2022 ;

·         un rapport d'IRM de la cheville gauche du 29 août 2022 de la docteure AA______, radiologue, mettant en évidence une potentielle aponévropathie aiguë (fasciite plantaire), sans neuropathie de Baxter associée.

b. Par mémoire-réponse du 7 décembre 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours.

c. Par ordonnance du 17 janvier 2023, la chambre de céans a ordonné l'apport du dossier d'assurance-invalidité du recourant.

d. Le 6 février 2023, les parties ont été entendues par la chambre de céans.

Le recourant a déclaré avoir des douleurs à la cheville droite et aux deux genoux, ainsi que de l'arthrose. S'était également ajouté à cela, de l'arthrose de la voute plantaire, qu'il n'avait pas auparavant. Il était suivi par le Dr P______, qui lui prescrivait des médicaments, et se rendait deux fois par semaine à des séances de physiothérapie. Dans le cadre de son accident, il s'était blessé aux deux pieds mais, contrairement au pied droit, le gauche n'était pas cassé et aucun ligament n'avait été déchiré. Actuellement, il ne consultait plus le Dr W______. En revanche, depuis environ quatre ou cinq mois, il était suivi une fois toutes les trois semaines au centre médical du Grand-Lancy par une psychiatre, la docteure AB______. Il voyait également, environ à la même fréquence, une psychologue, Mme Y______, qui exerçait dans le même centre médical. En plus des antidouleurs (Dafalgan et Irfen) qu'il prenait déjà, sa psychiatre lui avait prescrit un autre médicament pour calmer les douleurs, le Duloxétine-Mepha. Dans son souvenir, il avait tenté déjà l'été dernier de prendre un rendez-vous auprès du docteur AC______ mais celui-ci était malade. Il a expliqué que lors de ses vacances en Albanie, il avait été réveillé par un tremblement de terre à 3h00 du matin. Il était seul dans l'appartement et, la porte d'accès étant fermée, il avait dû sortir de l'immeuble où il se trouvait par le balcon du 1er étage à environ six ou sept mètres de hauteur. Il s'était alors tenu à la barrière et s'était laissé tomber à terre. Il avait chuté partiellement sur des escaliers et le terrain et roulé sur lui-même, puis tenté de se relever, mais sa jambe droite s'était retournée et il était tombé à plat ventre. Les doigts de sa main droite s'étaient également retournés et il avait le muscle de l'épaule gauche déchiré du fait qu'il s'était agrippé au balcon. En outre, sa cheville n'était pas reliée au reste de sa jambe. Ses souvenirs étaient vagues car sa tête tournait mais il se rappelait qu'une ambulance était venue le chercher et que la ville était bloquée. Il existait une vidéo de sa chute que le médecin qui l'avait opéré, le Dr I______ avait visionnée. Toute la ville était sous le choc et il y avait beaucoup de victimes, des gens sortaient des immeubles par peur qu'ils ne s'écroulent. Le recourant avait dû aller dans un établissement privé car les hôpitaux étatiques étaient pleins. À l'hôpital, sa famille et des connaissances étaient venues le voir. Il avait décidé de rentrer à Genève pour se faire opérer et en arrivant, on l'avait directement amené aux HUG. Durant dix jours, il avait été soumis à des examens mais on ne lui avait pas proposé de voir un psychologue ou un psychiatre. Il était tellement mal qu'il ne pouvait bouger que sa tête. Il avait séjourné deux/trois mois à Beau-Séjour et le médecin lui avait indiqué qu'il allait faire en sorte qu'il remarche dans environ six mois mais qu'il n'allait pas être comme avant. Il était sous le choc mais n'avait pas été pris en charge sur le plan psychique, alors même que juste après l'accident, il présentait des troubles psychiques.

Le médecin lui avait conseillé de faire du vélo mais, quelques mois après sa sortie d'hôpital, il avait chuté en bloquant sa roue dans les rails du tram et s'était blessé au genou gauche, qui était plus faible. Il se trouvait déjà en traitements de manière continue et avait signalé à son médecin cet accident. Après cet accident de vélo, il avait eu un autre évènement : alors qu'il se trouvait dans la voiture d'une connaissance à l'arrêt, la voiture qui se trouvait derrière eux n'avait pas freiné et était venue heurter leur véhicule. Heureusement, cette voiture n'allait pas très vite mais en raison du choc, il avait eu des douleurs dorsales. Il était allé alors se faire examiner et il avait été constaté que quelques vertèbres avaient bougé et que le ligament tenant l'épine dorsale était déplacé. Il n'avait pas de douleur aussi forte que dans la partie inférieure du corps mais s'il restait longtemps assis, des douleurs aux épaules et au bas du dos se déclenchaient.

Il avait rencontré le Dr U______ dans le cadre de l'expertise et il a eu l'impression que ce qu'il avait écrit était différent de ce qu'il lui avait dit, par exemple, il lui avait dit qu'il pourrait peut-être travailler à mi-temps, alors qu'il a écrit qu'il pouvait travailler sans problème et quand le recourant essayait d'expliquer, il ne l'écoutait pas et était concentré sur ce qu'il voulait. Il ne se souvenait pas combien de temps avait duré l'examen mais l'expert l'avait un peu examiné et avait réalisé un test minime, lui posant beaucoup de questions sur son ancien travail.

Le recourant a déclaré avoir déposé une demande AI, qui était en cours d'instruction. Il a expliqué qu'il vivait seul, dormait mal, évitait de sortir en raison des douleurs et lorsque c'était nécessaire, essayait de faire une seule sortie en groupant tout ce qu'il devait faire. Il n'arrivait pas à marcher sans les béquilles en raison de son arthrose aux jambes et de sa voute plantaire gauche. Il ne pouvait plus faire tous les travaux physiques qu'il avait l'habitude de faire, ni rester assis longtemps en raison de blocages et ne savait pas quel travail il pouvait encore exercer. Il souffrait beaucoup. Avant son accident, il travaillait à plein temps, 40 heures par semaine pour un salaire CHF 3'000.- comme aide-assistant dans un bureau de comptabilité, il était coursier, allait à la poste et ramenait des dossiers.

Il a admis que son état de santé était stabilisé dès le 1er septembre 2021 mais estimait être totalement incapable de travailler, ses limitations fonctionnelles étant très importantes, et a maintenu ses conclusions en matière de rente et d'indemnité pour atteinte à l'intégrité.

Interpellée sur la question de l'opportunité d'une éventuelle instruction médicale psychiatrique, ainsi que sur la couverture d'assurance des accidents de vélo et de voiture survenus après l'accident du tremblement de terre, l'intimée a requis un délai pour se déterminer par écrit.

e. Par écriture du 28 février 2023, l'intimée a transmis sa position.

Elle a expliqué que le recourant ne l'avait jamais informée de l'existence de troubles psychiatriques et qu'aucune pièce au dossier ne laissait présumer l'existence de tels troubles, raison pour laquelle elle avait procédé à une instruction orthopédique et que sa décision portait exclusivement sur ce point. La question des troubles psychiatriques avait été abordée seulement au stade de la procédure judiciaire, de sorte que celle-ci devrait faire l'objet d'une annonce de séquelle tardive et non pas amener à un renvoi du dossier pour complément d'instruction. Quoi qu'il en soit, l'OAI avait confirmé dans son projet de décision du 2 mars 2023 [recte 2022] que le recourant n'était plus apte à reprendre son ancienne activité de commis de bureau mais pouvait reprendre une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, qui étaient seulement physiques. Au demeurant, l'intimée avait retenu une date d'exigibilité d'une activité adaptée et un salaire plus favorable au recourant que l'OAI. Par anticipation, elle soulignait que l'existence éventuelle de troubles psychiques devrait de toute façon faire l'objet d'un examen de la causalité adéquate. Or, l'accident du 26 novembre 2019 du recourant, qui devait être considéré comme un accident à la limite inférieure de la gravité moyenne, ne remplissait pas tous les critères objectifs jurisprudentiels nécessaires pour reconnaitre l'existence d'une relation de causalité adéquate entre celui-ci et les éventuels troubles psychiques du recourant.

Quant à la question des deux accidents de vélo et de voiture mentionnés par le recourant, elle avait été soumise à son médecin-conseil, le docteur AD______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, lequel avait estimé que les séquelles en lien avec ces évènements – intervenus le 6 juillet 2020, respectivement 31 août 2020 – avaient atteint le statu quo sine avant l'expertise du Dr U______. Ce dernier n'avait d'ailleurs plus retenu de séquelles en lien avec ces deux accidents. En outre, il convenait de souligner que l'intimée avait pris en charge l'intégralité des frais liés tant aux traitements médicaux qu'à l'incapacité de travail jusqu'au 31 août 2021 et que le recourant avait expressément admis que le 1er septembre 2021 correspondait à la stabilisation de son état de santé.

f. Le 10 mars 2023, le recourant a informé la chambre de céans qu'il avait été hospitalisé à la Clinique de Crans-Montana et a joint le formulaire du 1er février 2023 de demande d'admission en réadaptation psychosomatique y afférent.

g. Interrogé par la chambre de céans, le Dr W______ a déclaré, par courrier du 18 mars 2023, suivre le recourant depuis le 8 juillet 2020 dans le cadre de l'évènement du 26 novembre 2019. Sur la base des examens cliniques et radiologiques, il avait diagnostiqué une fracture du plateau tibial gauche, une déchirure complète du LCA et une déchirure du LLE du genou gauche, une fracture du processus latéral de l'astragale droit, une entorse LLI de la cheville gauche. Ces atteintes, qui étaient des séquelles post-traumatiques et post-opératoires, avec douleurs et impotence fonctionnelles, se trouvaient en lien de causalité avec l'évènement du 26 novembre 2019 et s'accompagnaient, dans leurs suites, d'un déconditionnement général. Le recourant avait subi des interventions chirurgicales du genou gauche et de la cheville droite aux HUG et suivait un traitement conservateur par médicaments et surtout physiothérapie intensive. Le 28 mars 2022, date de la dernière consultation du recourant, il estimait que la poursuite d'un traitement de rééducation était opportune. Le recourant évoquait alors des lombalgies qui pouvaient être en lien avec le traumatisme et ses conséquences diagnostiques et thérapeutiques. S'agissant de l'évolution, ce médecin mentionnait des probables douleurs et impotences fonctionnelles du genou gauche et de la cheville droite, étant précisé que les lésions étaient de facto arthrogènes. En 2022, une évolution vers une arthrose du genou gauche et de la cheville droite était possible. Les limitations fonctionnelles consistaient en des douleurs chroniques et mécaniques avec réduction de la mobilité du genou gauche et de la cheville droite. Le recourant était en incapacité de travail totale dans son activité habituelle de commis de bureau, en raison de la station debout prolongée. En revanche, la capacité de travail était de 100%, sans réduction de rendement, dans une activité adaptée du type sédentaire, avec alternance des positions assises et debout, marche limitée, pas sur terrain inégal, un port de charge réduit, des activités répétitives, pas de montée et descente d'escaliers, pas de travail de nuit, ni accroupi ou sur des échelles. Il estimait que, le 28 mars 2022, le recourant présentait une atteinte à l'intégrité de 20%, qui pourrait s'aggraver mais qu'il ne pouvait pas quantifier une aggravation sans nouvel examen de l'état de santé.

h. Le 6 avril 2023, le recourant a maintenu ses conclusions et sa position, ajoutant notamment qu'il estimait que, contrairement à ce qu'indiquait l'intimée, il existait bel et bien un lien de causalité adéquate entre son accident et ses troubles psychiques.

Il a produit une attestation du 14 mars 2023 du Dr P______, dont il ressortait qu'il présentait des troubles de la mémoire et de la concentration à la suite de l'accident du 26 novembre 2019 et qu'un état de stress post-traumatique avait été diagnostiqué tardivement, les plaintes psychiques ayant été mieux objectivées et prises en compte dès le mois de mai 2021.

Il a également produit un rapport de sortie des soins de réadaptation psychosomatique du 17 mars 2023, suite à son séjour du 15 février au 7 mars 2023 à la Clinique de Cran-Montana. Il ressortait de ce rapport que le diagnostic d'épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques, en 2022, avait été posé.

i. Le 18 avril 2023, l'intimée a maintenu sa position à propos de la capacité de travail, estimant que les dernières conclusions du Dr W______ étaient superposables à celles du Dr U______.

j. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

1.3 Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur dès le 1er janvier 2017.

1.4 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus d'une rente d'invalidité, ainsi que sur le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité.

3.              

3.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraine la mort (art. 4 LPGA ; ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; 122 V 230 consid. 1 et les références).

3.2 La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

3.3 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l'accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.1 et les références). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (arrêt du Tribunal fédéral 8C_650/2019 du 7 septembre 2020 consid. 3 et les références). La simple possibilité que l'accident n'ait plus d'effet causal ne suffit pas (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2).

4.              

4.1 L'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA). S'il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident, il a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Le droit à l'indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l'accident. Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (art. 16 al. 2 LAA).

4.2 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d'invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1) ; seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain ; de plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).  

4.3 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

Ce qu’il faut comprendre par sensible amélioration de l’état de santé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA se détermine en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à attendre pour autant qu’elle ait été diminuée par l’accident, auquel cas l’amélioration escomptée par un autre traitement doit être importante. Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas (ATF 134 V 109 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_402/2007 du 23 avril 2008 consid. 5.1.2.1). L'amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Ni la possibilité lointaine d'un résultat positif de la poursuite d'un traitement médical ni un progrès thérapeutique mineur à attendre de nouvelles mesures - comme une cure thermale - ne donnent droit à sa mise en œuvre. Il ne suffit pas non plus qu'un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée. Dans ce contexte, l'état de santé doit être évalué de manière prospective (arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.2 et les références).

Dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l'assuré et qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité n'entre en considération, il appartient à l'assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu'aux indemnités journalières et en examinant le droit à une rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ATF 134 V 109 consid. 4.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2020 du 19 juin 2020 consid. 3.2 et les références).

4.4 La clôture séparée d'un cas d'assurance-accidents pour les troubles psychiques d'une part et les troubles somatiques d'autre part n'entre pas en ligne de compte. En outre, l'examen de la causalité adéquate à la lumière de la pratique de l'ATF 115 V 133 et de l’ATF 115 V 403 doit se faire au moment où il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré. Cela signifie également que l'assureur-accidents doit être au clair s'agissant des troubles somatiques. Ces principes valent en particulier pour l'examen de la causalité adéquate des troubles psychiques avec l'accident, notamment lorsque le critère de la durée et du degré de l'incapacité de travail pour les troubles physiques devait être examiné, ce qui suppose que l'assureur-accidents se fonde sur une documentation médicale probante et complète pour les atteintes accidentelles somatiques (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3 et les références).

4.5 La notion d'incapacité de travail, à laquelle renvoie l'art. 16 al. 1 LAA comme condition du droit à l'indemnité journalière, est définie à l'art. 6 LPGA. Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique (art. 6, 1ère phrase, LPGA). En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (art. 6, 2ème phrase, LPGA).

4.6 Lorsque le droit à l'indemnité journalière cesse du fait que les conditions du droit à la rente sont remplies (art. 19 al. 1, 2ème phrase, LAA), l'assureur-accidents n'est pas tenu d'impartir à l'assuré un délai pour s'adapter aux nouvelles circonstances et de lui verser les indemnités journalières pendant cette période. Il doit clore le cas et la rente fixée est versée à la date où a pris fin le droit à l'indemnité journalière (qui correspond également à celle de la fin du droit à la prise en charge du traitement médical selon l'art. 10 al. 1 LAA). L'art. 19 al. 1 LAA délimite ainsi du point de vue temporel le droit à ces deux prestations - qui sont temporaires - et le droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_310/2019 du 14 avril 2020 consid. 6.1.2 et les références).

4.7 Conformément à l'art. 24 al. 1 LAA, l’assuré qui, par suite de l’accident, souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité. L’indemnité est fixée en même temps que la rente d’invalidité ou, si l’assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2). L'indemnité pour atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital. Elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l'indemnité (art. 25 al. 1 et 2 LAA).

5.              

5.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.2.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.2.2 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

5.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, les autorités administratives et les juges des assurances sociales doivent procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raison pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Ils ne peuvent ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a).

6.              

6.1 En l'espèce, l'intimée a mis un terme au versement des indemnités journalières dès le 1er septembre 2021 et nié le droit à une rente, en se fondant sur l'appréciation du Dr U______, lequel a estimé que le recourant présentait une capacité de travail entière dans une activité adaptée.

Le recourant conteste cette appréciation, considérant être totalement incapable de travailler dans toute activité, se fondant, sur le plan somatique, sur l'avis du Dr W______ du 16 août 2021. Par ailleurs, il fait valoir des atteintes psychiques qui seraient en lien de causalité avec l'évènement du 26 novembre 2019 et a produit, à l'appui de ce grief, des documents médicaux.

6.2 En l'occurrence, il convient d'abord d'étudier la question des troubles somatiques du recourant, en examinant, en particulier, la valeur probante du rapport d'expertise du 31 mars 2021 du Dr U______, ainsi que de son complément du 21 avril 2021.

6.3 Sur le plan formel, cette expertise remplit toutes les exigences jurisprudentielles pour qu'il lui soit reconnue une pleine valeur probante.

En effet, l'expert se fonde sur un entretien – en partie en anglais et en partie à l'aide d'une traductrice français-albanais –, un examen clinique du recourant et l'étude du dossier complet, auquel il a ajouté des radiographies et un scanner supplémentaire qu'il a fait réaliser en plus. Il a procédé à un rappel anamnestique et recueilli les déclarations du recourant. Il a posé des diagnostics en évaluant leur impact sur la capacité de travail du recourant de façon claire et explicite. Enfin, il répond de manière précise et complète aux questions qui lui ont été soumises dans le cadre de son mandat d'expertise.

Sur le fond, l'expert relève notamment que le recourant lui a expliqué suivre depuis quelque temps des séances d'ostéopathie une fois par semaine, de la physiothérapie également une fois par semaine pour de la mobilisation et du renforcement. Il lui a également signalé qu'il marche sans cannes, avec un périmètre de marche limité à 10-15 minutes, qu'il souffre de fatigue du membre inférieur gauche, qu'il a des difficultés à la descente d'escaliers et l'impression que sa jambe gauche est « détachée », et que sa cheville droite reste raide et enflée, avec une mise en route matinale difficile.

Après avoir réalisé un examen circonstancié du recourant, l'expert pose les diagnostics suivants :

·         un status 16 mois après déchirure du LCA et du LLE, fracture postéro-interne du plateau tibial et lésion bi-méniscale du genou gauche ;

·         un status 16 mois après fracture du processus latéral de l'astragale droit (sur probable distorsion sous-astragalienne) avec instabilité des tendons péroniers et probable déchirure/arrachement du ligament deltoïde de la cheville droite ;

·         un status 16 mois après entorse grade I-II du ligament deltoïde de la cheville gauche ;

·         un status après ancienne déchirure du LLE (faisceau antérieur) de la cheville gauche ;

·         un status 16 mois après ostéosynthèse du plateau tibial interne gauche, plastie du ligament croisé antérieur et du ligament latéral externe au genou gauche ;

·         un status 16 mois après ostéosynthèse du processus latéral de l'astragale (talus) droit et stabilisation des tendons péroniers ;

·         de l'arthropathie dégénérative astragalo-calcanéenne droite et tibio-astragalienne droite, probablement secondaire ;

·         une possible/probable dysplasie de la hanche gauche.

L'expert souligne que l'évènement en cause a provoqué un grave traumatisme de la cheville et de l'articulation sous-astragalienne, à droite, une entorse sévère du genou gauche, touchant tout particulièrement le pivot central, le LLE, associant une fracture marginale du bord postérieur du plateau tibial interne. Accessoirement, il note une entorse du ligament deltoïde de la cheville gauche, traitée conservativement, avec une bonne évolution, et relève que l'ancienne lésion du LLE, de la cheville gauche, ne semble plus générer de troubles fonctionnels.

Il estime que les lésions du genou gauche ont été correctement traitées, la fracture ayant consolidé sans déplacement secondaire ni signe de souffrance articulaire résiduelle, et que le bilan radiologique actuel montre un plateau tibial interne « à niveau ». Il relève que la plastie du LCA est fonctionnelle (Lachmann négatif, pas de signe de conflit), de même que la plastie ligamentaire externe, que les amplitudes du genou sont complètes et que persiste, tout au plus, une modeste amyotrophie du quadriceps, probablement en lien avec le traumatisme, qui pourrait justifier un complément de rééducation/renforcement, sur une période de trois mois. Selon l'expert, l'évolution du genou gauche devrait rester « favorable » mais il persiste tout de même le risque de développement, tardif, d'une arthropathie dégénérative, le devenir à long terme de la plastie LCA étant impossible à prédire à ce stade, étant précisé qu'une éventuelle détente future de la plastie n'est pas exclue, éventualité qui pourrait générer ou pénaliser durablement une arthropathie dégénérative. Néanmoins, pour cette seule problématique du genou, l'expert ne retient pas d'incapacité de gain dans le dernier métier exercé, ou un métier équivalent.

S'agissant de la cheville droite, l'expert relève que le traitement chirurgical visait, avec un certain succès, la stabilisation des tendons péroniers, que la lésion de la cheville/articulation sous-astragalienne droite semble cependant être plus sévère que celle initialement évoquée, le mécanisme lésionnel, complexe, paraissant déjà responsable de troubles dégénératifs sous-astragaliens et s'y associant des troubles dégénératifs secondaires à une entorse sévère probablement en valgus, moins importants. Il note que ces troubles dégénératifs font encore appel à un traitement par physiothérapie, antalgie et infiltration, traitement qui pourrait, selon l'expert, s'étendre encore sur un semestre. L'expert estime que l'évolution vers une arthropathie sévère (compte tenu du potentiel évolutif déjà appréciable 16 mois après le traumatisme) parait probable et que, dans l'intervalle, le recourant pourrait être équipé de chaussures montantes qui permettraient une meilleure stabilité de l'arrière-pied et, partant, une meilleure tolérance des contraintes à la marche, ainsi que d'une barre de déroulement. Selon l'expert, ces troubles de la cheville droite pénalisent (et pénaliseraient) une reprise du travail dans l'activité exercée en dernier lieu (commis de bureau, activité exercée essentiellement debout avec des fréquents déplacements à l'extérieur), dans la mesure où ils limitent la station debout prolongée (station quasi unique dans ce cas), voire les longs déplacements à pied. Il considère ainsi que la capacité de travail dans l'ancienne activité est définitivement nulle. En revanche, il retient une pleine capacité de travail dans un métier qui privilégie la station assise (par exemple en bureautique), précisant que l'alternance de temps à autre des stations debout/assis est permise, voire utile afin de permettre un dérouillement articulaire et que les courts déplacements au sein d'une entreprise, de préférence à plat (avec pratique occasionnelle d'escaliers) sont admissibles, mais que le recourant devrait éviter les longs déplacements à l'extérieur, la marche sur terrain inégal, la montée sur échelles, l'accroupissement/agenouillement itératif, et probablement aussi le port de charges lourdes (limite fixée à 10 kg portés sur quelques dizaines de mètres).

Selon l'expert, le lien de causalité naturelle entre l'événement du 26 novembre 2019 et les plaintes/troubles constatés le jour de l'examen (cheville droite et genou gauche/quadriceps gauche) est pour le moins probable et le statu quo ante/sine ne sera jamais atteint.

S'agissant de la question de l'atteinte à l'intégrité, il considère que la situation actuelle, en ce qui concerne le genou gauche, ne donne pas droit à une indemnisation selon les tables SUVA mais que ce contexte pourrait cependant se modifier à moyen/long terme, par exemple en cas de détente de la plastie LCA, précisant qu'il s'agit d'un élément qui pourrait mieux s'apprécier d'ici deux-trois ans. Pour ce qui est de la cheville droite, il estime que la situation actuelle correspond à une arthrose moyenne, soit une atteinte ouvrant le droit à une indemnité de 5 à 15% selon la table SUVA, et propose de prendre en compte la fourchette supérieure admise, en raison de l'atteinte aux deux étages – cheville et sous-astragalienne. Il note qu'une dégradation future parait possible/probable, au vu du potentiel évolutif déjà constaté et du relatif jeune âge du recourant, susceptible d'aller jusqu'à une arthrose sévère. L'expert retient ainsi qu'une indemnisation de 15% peut d'ores et déjà être octroyée et qu'un éventuel solde peut être réservé en cas de dégradation majeure (arthrose sévère ou arthroplastie de cheville).

Dans son complément du 21 avril 2022, l'expert se prononce sur l'avis du 16 août 2021 du Dr W______ et sur les examens complémentaires qui ont été réalisés dans l'intervalle, relevant que le médecin traitant rejoint à peu de choses près les conclusions de son expertise et que les examens complémentaires montrent essentiellement des lésions connues et déjà appréciées lors d'examens antérieurs. L'expert relève notamment quelques petites incohérences entre les explications du Dr W______ et ses propres constatations lors de l'examen clinique du recourant et explique de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles il maintient les conclusions de son rapport d'expertise.

6.4 Au demeurant, la chambre de céans constate que le rapport d'expertise du 31 mars 2021 du Dr U______, ainsi que son complément du 21 avril 2021, sont bien motivés et convaincants.

Par ailleurs, si le Dr W______ a initialement indiqué, dans son courrier du 16 août 2021, que la reprise de toute activité physique et professionnelle n'était pas d'actualité, ce médecin a finalement indiqué à la chambre de céans, par courrier du 18 mars 2023, qu'il estimait que la capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle de commis de bureau, en raison de la station debout prolongée, mais qu'elle était en revanche entière, sans diminution de rendement, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. Il a ainsi confirmé l'avis de l'expert à ce propos. Quant à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité, le Dr W______ se contente de l'évaluer à un pourcentage cinq points supérieurs à celui retenu par l'expert, sans motiver sa position.

6.5 En conséquence, il convient de reconnaitre une pleine valeur probante aux conclusions de l'expertise, sur le plan somatique, concernant l'état de santé du recourant et sa capacité de travail, soit une incapacité de travail définitive dans l'activité habituelle de commis administratif mais une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, privilégiant la station assise, avec alternance de temps à autre des stations debout/assis, limitée à des courts déplacements au sein d'une entreprise, de préférence à plat, évitant les longs déplacements à l'extérieur, la marche sur terrain inégal, la montée sur échelles, l'accroupissement/ agenouillement itératif et le port de charges lourdes. S'agissant de l'évaluation de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité, il convient également, en ce qui concerne toujours les atteintes somatiques, de se référer aux conclusions de l'expertise, soit de confirmer un taux de 15%.

7.             Cela étant, le recourant allègue également des troubles psychiques. Aussi, avant de trancher définitivement les questions de capacité de travail et d'indemnité pour atteinte à l'intégrité, faut-il encore examiner le volet psychique.

7.1 En l'espèce, il ressort des pièces produites par le recourant, que celui-ci souffre de divers troubles psychiques, attestés notamment par sa psychologue, laquelle estime qu'il s'agit de séquelles de l'accident du 26 novembre 2019 (cf. rapport du 22 août 2022). Le Dr P______ indique également qu'il présente des troubles de la mémoire et de la concentration à la suite de cet accident et qu'un état de stress post-traumatique a été diagnostiqué tardivement et mieux objectivé et pris en compte dès le mois de mai 2021 (cf. rapport du 14 mars 2023). En outre, le recourant a été hospitalisé du 15 février au 7 mars 2023 au service de soins de réadaptation psychosomatique des HUG, à la clinique de Crans-Montana, en raison d'un épisode dépressif sévère, dont l'élément déclencheur serait, selon ce service, l'accident de 2019 (cf. rapport de sortie du 17 mars 2023).

Ainsi, sur la base des documents versés à la procédure, la chambre de céans constate l'existence de troubles psychiques, lesquels auraient été diagnostiqués déjà en 2021 – soit avant la reddition de la décision litigieuse – et pourraient être liés à son accident de novembre 2019.

Il apparait toutefois que ce volet n'a jamais été investigué par l'intimée, dès lors qu’elle n’en a eu connaissance que dans le cadre du recours.

Aussi, se pose la question d'un renvoi de la cause à celle-ci, afin qu'elle puisse instruire les questions de faits relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité avec l'évènement accidentel.

7.2 L'intimée estime que ces éléments ne doivent pas mener au renvoi du dossier pour complément d'instruction mais auraient plutôt dû faire l'objet d'une annonce de séquelle tardive.

Il sied cependant de souligner que, selon la jurisprudence, on parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a ; 118 V 293 consid. 2c et les références).

Or, comme déjà relevé précédemment, les troubles psychiques du recourant auraient, selon le P______, simplement été diagnostiqués tardivement et mieux objectivés et pris en compte dès le mois de mai 2021. Dès lors, on ne saurait parler de séquelles tardives.

7.3 Par ailleurs, l'intimée fait valoir que l'accident du 26 novembre 2019 devrait, quoi qu'il en soit, être considéré comme un accident à la limite inférieur de la gravité moyenne et qu'il ne remplirait pas tous les critères objectifs jurisprudentiels nécessaires pour reconnaitre l'existence d'une relation de causalité adéquate entre celui-ci et les éventuels troubles psychiques du recourant.

7.3.1 Dans le cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité suppose que l'accident ait eu une importance déterminante dans leur déclenchement. La jurisprudence a tout d'abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale) ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 140 V 356 consid. 5.3 ; ATF 115 V 133 consid. 6 ; ATF 115 V 403 consid. 5). Sont déterminantes les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent ou d'autres circonstances concomitantes qui n'ont pas directement trait au déroulement de l'accident, comme les lésions subies par l'assuré ou le fait que l'événement accidentel a eu lieu dans l'obscurité (cf. ATF 148 V 301 consid. 4.3.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 du 23 août 2016 consid. 3 et les références). La gravité des lésions subies - qui constitue l'un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité - ne doit être prise en considération à ce stade de l'examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l'accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2 in SVR 2013 UV n° 3 p. 8 et 8C_435/2011 du 13 février 2012 consid. 4.2 in SVR 2012 UV n° 23 p. 84 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_622/2015 du 25 août 2016 consid.3.3).

7.3.2 Selon la jurisprudence (ATF 115 V 403 consid. 5), lorsque l'accident est insignifiant (l'assuré s'est par exemple cogné la tête ou s'est fait marcher sur le pied) ou de peu de gravité (il a été victime d'une chute banale), l'existence d'un lien de causalité adéquate entre cet événement et d'éventuels troubles psychiques peut, en règle générale, être d'emblée niée.

7.3.3 Lorsque l'assuré est victime d'un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l'existence d'une relation de causalité entre cet événement et l'incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique. D'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, un accident grave est propre, en effet, à entraîner une telle incapacité. Dans ces cas, la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique se révélera la plupart du temps superflue.

7.3.4 Sont réputés accidents de gravité moyenne les accidents qui ne peuvent être classés dans l'une ou l'autre des catégories décrites ci-dessus. Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre de tels accidents et l'incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique, il ne faut pas se référer uniquement à l'accident lui-même. Il sied bien plutôt de prendre en considération, du point de vue objectif, l'ensemble des circonstances qui sont en connexité étroite avec l'accident ou qui apparaissent comme des effets directs ou indirects de l'événement assuré. Ces circonstances constituent des critères déterminants dans la mesure où, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, elles sont de nature, en liaison avec l'accident, à entraîner ou aggraver une incapacité de travail (ou de gain) d'origine psychique.

Pour admettre l’existence du lien de causalité en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut donc prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ;
115 V 403 consid. 5c/aa) :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu'elles sont propres, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques ;

- la durée anormalement longue du traitement médical ;

- les douleurs physiques persistantes ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ;

- le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsqu'il s'agit d'un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l'un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2021 du 2 mai 2022 consid. 3.3 et la référence). Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d’un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit admis (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références ; 115 V 133 consid. 6c/bb ; 115 V 403 consid. 5c/bb).

7.3.5 Dans l’arrêt 8C_657/2013 du 3 juillet 2014 (consid. 5.4), le Tribunal fédéral a développé sa casuistique en cas de chute.

Il a rappelé que le caractère particulièrement impressionnant ou dramatique avait été nié dans le cas d'un travailleur victime d'un accident dans les circonstances suivantes : une lourde pierre s'était détachée d'un mur haut de 2,7 m d'un immeuble en démolition et lui a percuté le dos, puis la cheville gauche, alors qu'il s'apprêtait à franchir une fenêtre ; le choc l'a projeté en avant et il s'est trouvé face contre terre, à cheval sur la base de l'encadrement de la fenêtre. Il l'a encore nié dans le cas d'un travailleur qui était tombé d'un échafaudage d'une hauteur d'environ 3 à 4 m ou d'un travailleur qui avait chuté d'une échelle d'une hauteur d'environ 4,5 m dans une fouille. Il l'avait en revanche admis dans le cas d'un assuré qui, lors de travaux de démolition de boxes de garages, s'était trouvé pressé contre une benne de déchets par un pan de mur en plâtre s'écroulant sur lui tandis que le toit menaçait également de s'effondrer, et qui avait subi plusieurs fractures à la suite de cet événement nécessitant une hospitalisation de plusieurs jours (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 603/2006 du 7 mars 2007 et les références).

Dans un arrêt récent 8C_427/2022 du 28 février 2023, le Tribunal fédéral a relevé que, dans la pratique, les chutes d'une hauteur comprise entre 2 et 4 mètres dans le vide sont encore qualifiées d'accidents de gravité moyenne au sens strict et que la hauteur de la chute se mesure alors à la distance entre les pieds de la personne assurée ou la surface qui la supporte et le sol sur lequel elle tombe. Il a rappelé qu'il n'a pas classé parmi les accidents de gravité moyenne au sens strict la chute d'un échafaudage sur une hauteur de 5,4 à 8 mètres, ainsi que la chute d'une hauteur de 5 mètres sur un sol goudronné, et qu'il a même qualifié d'accident grave la chute d'une échelle d'une hauteur de 4 à 5 mètres sur le trottoir. Il a ainsi considéré, à la lumière de cette casuistique, que l'accident à juger, à savoir une chute d'une hauteur de 4,81 mètres dans un puits, devait être classé parmi les accidents de gravité moyenne à la limite des évènements graves (arrêt du Tribunal fédéral 8C_427/2022 du 28 février 2023, consid. 6.2.3 et les références).

7.3.6 Il convient encore de souligner que, selon la jurisprudence, avant de statuer de manière définitive sur la causalité adéquate, il y a lieu de clarifier la causalité naturelle (ATF 148 V 301 consid. 4.5.1).

7.4 En l'occurrence, le recourant a déclaré que la nuit du 26 novembre 2019, alors qu'il se trouvait en vacances en Albanie, il a été réveillé par un tremblement de terre à 3h00 du matin, qu'il était seul dans un appartement dont la porte d'accès était fermée, et a dû sortir en s'agrippant par le balcon, à environ six ou sept mètres de hauteur, et se laisser tomber à terre, en bas de l'immeuble. Ainsi, il semble que le recourant ait subi une chute d'une hauteur considérable, possiblement supérieure à cinq mètres – en tenant compte de la taille du recourant puisque celui-ci allègue s'être suspendu avant de chuter – et ce, dans des circonstances particulièrement impressionnantes en raison du tremblement de terre.

Ainsi, étant donné la jurisprudence récente du Tribunal fédéral précitée en matière de chute, il n'est pas exclu que l'accident du 26 novembre 2019 constitue un accident de gravité moyenne à la limite des évènements graves, de sorte que la présence d'un seul critère suffirait, en présence d'un lien de causalité naturelle, pour admettre l'adéquation, sans que celui-ci doive être rempli de manière particulièrement marquée (cf. ATF 148 V 301 consid. 4.4.1 et les références). Cela étant, avant une éventuelle affirmation du lien de causalité adéquate avec l'évènement accidentel, des investigations médicales supplémentaires concernant les troubles psychiques paraissent nécessaires pour que le lien de causalité naturelle puisse être examiné.

Au vu de la nécessité de clarifier davantage la situation, la chambre de céans n'est pas en mesure de statuer sur l'octroi, d’une part, d'une rente d'invalidité et, d’autre part, d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité plus élevée que le taux de 15%, auxquels conclut le recourant. La cause doit être renvoyée à l'intimée afin qu'elle instruise le volet psychique et prenne ensuite une nouvelle décision.

8.             En conséquence, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour instruction dans le sens des considérants et nouvelle décision.

Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimée du 13 juillet 2022.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 3'000.- à charge de l’intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le