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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3024/2022

ATAS/740/2023 du 02.10.2023 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3024/2022 ATAS/740/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 octobre 2023

Chambre 6

 

En la cause

Monsieur A______

Représenté par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate

 

recourant

contre

 

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______, (ci-après : l'assuré), né le ______ 1969, de nationalité française, domicilié en France, et au bénéfice d'un permis G (frontalier), a travaillé en Suisse pour l'entreprise B______ (ci-après : l'employeuse), ayant son siège à Satigny (Genève), en qualité de chauffeur à compter du 7 janvier 2019. À ce titre, il était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA) contre les accidents professionnels et non professionnels.

b. Le 7 mai 2019, l'assuré a été victime d'un accident de la circulation. Selon le rapport de police du 6 juin 2019, l'intéressé circulait au volant de sa moto lorsqu'il a été heurté latéralement par une voiture de livraison venant en sens inverse et qui obliquait à gauche pour rejoindre une autre artère. L'assuré a alors chuté de sa moto et s'est blessé.

c. Après avoir reçu les premiers soins sur place, l'assuré a été amené par ambulance aux urgences des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). L'examen physique réalisé a mis en évidence une fracture scaphoïde gauche (poignet gauche), une plaie à la pommette droite et de multiples contusions (épaule et côtes) (cf. rapport médical du 13 mai 2019 établi par les docteurs C______, médecin chef de clinique, et D______, médecin interne auprès du Département de médecine aiguë des HUG).

d. L'assuré a été mis en arrêt de travail total à partir du 8 mai 2019 et n'a plus travaillé depuis cette date.

e. Au mois de juillet 2019, l'assuré a consulté le docteur E______, médecin généraliste en France. Selon un rapport de ce dernier du 17 juillet 2019, l'intéressé gardait une douleur fonctionnelle au poignet gauche et présentait un examen sensible en palpation de la face latérale du poignet. La douleur était reproduite en serrage et sous toute mobilisation, que ce soit à l'inclinaison radiolunaire, la flexion, l'extension et la rotation. Il n'y avait pas de déficit sensitivomoteur. Dans ces circonstances, le médecin sollicitait une expertise diagnostic et radioclinique.

f. Dans un rapport du 26 juillet 2019, le docteur F______, chirurgien de la main en France, a indiqué que l'arthroscanner subi par l'assuré montrait l'existence d'une rupture complète du ligament scapholunaire sur tous ses vaisseaux, ainsi qu'une lésion partielle du ligament lunotriquétral. Le ligament triangulaire du carpe était intact. À l'examen clinique, le patient restait toujours très douloureux en regard du ligament scapholunaire avec un Watson positif. Selon le spécialiste, il était nécessaire de réaliser une ligamentoplastie afin de redonner la bonne stabilité de la première rangée des os du carpe dès lors qu'il existait un début de DISI (dorsal intercalated scapholunate instability ou, en français, une instabilité dorsale du segment intercalaire). Le but de cette opération était de soulager les douleurs, mais surtout d'éviter la déstabilisation et l'apparition d'arthrose précoce sur ce poignet. Après l'intervention, l'assuré bénéficierait d'une immobilisation par une attelle pendant 45 jours et de soins locaux pendant 15 jours, puis de la rééducation. Le médecin a ainsi prévenu l'assuré qu'il y en aurait pour au moins trois mois après l'intervention pour commencer à avoir une main fonctionnelle.

g. Selon un rapport médical intermédiaire du 6 août 2019, le Dr E______ a mentionné à titre de diagnostic, une lésion des tendons du poignet gauche justifiant une chirurgie prévue le 26 août 2019. La durée prévue du traitement et de l'arrêt de travail seraient de trois mois après cette intervention chirurgicale.

h. Dans un rapport du 14 août 2019, le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et médecin d’arrondissement de la SUVA, a confirmé que l'intervention chirurgicale (ligamentoplastie) prévue le 26 août 2019 faisait partie du traitement de la lésion de l'assuré.

i. L'intervention chirurgicale de ligamentoplastie s'est déroulée le 26 août 2019. Lors de celle-ci, le Dr F______ a découvert une rupture complète du ligament scapholunaire qui était totalement incompétent, une DISI en scopie per-opératoire et une absence de chondropathie. Quant aux soins post-opératoires, le spécialiste a prescrit un antalgique et un anti-inflammatoire, une attelle pour 45 jours et un début de rééducation des doigts immédiat et du poignet six semaines après l'opération.

j. Dans un rapport du 2 septembre 2019, la docteure H______, chirurgienne esthétique du visage en France, a relevé que l'assuré était gêné au nez par la déviation de la pyramide nasale vers la gauche et lui a proposé d'effectuer une rhinoseptoplastie réparatrice en ambulatoire.

k. Selon un rapport du 4 octobre 2019, l'assuré a informé la SUVA que, dans le cadre de son dernier emploi, il devait effectuer la livraison et le déchargement, sur roulettes, de lourdes charges (tables de mixage, par exemple) qui n'étaient pas inférieures à 10 kg.

l. Dans un rapport du 11 octobre 2019, le Dr G______ a indiqué à la SUVA que la rhinoseptoplastie réparatrice suggérée par la Dre H______ ne faisait pas partie des suites du traitement dès lors qu'il n'y avait pas de note dans le rapport initial, ni d'avis d'un médecin spécialiste ORL et que l'assuré lui-même n'en avait pas parlé.

m. Selon un rapport du 20 octobre 2019, le Dr F______ a fait état d'un pronostic bon avec une probable raideur du poignet. L'ablation des broches était prévue pour le 21 octobre 2019, puis une rééducation devait avoir lieu pendant trois mois. Il était toutefois trop tôt pour se prononcer sur la reprise du travail par l'assuré.

n. Le 24 octobre 2019, l'assuré a déposé une demande de rente d'invalidité auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI).

o. Le Dr F______ a rempli un nouveau rapport médical le 12 novembre 2019. Le pronostic était bon, il voyait l'assuré en consultation tous les deux mois et la durée prévisible du traitement était de six mois. Quant à la date de reprise du travail, elle devait être déterminée lors de la prochaine consultation prévue le
27 novembre 2019.

p. Suite à la consultation du 27 novembre 2019, le Dr F______ a indiqué que l'assuré devait poursuivre la rééducation et qu'il le reverrait dans deux mois. Le spécialiste ne s'est pas prononcé sur la reprise du travail.

q. Le 15 novembre 2019, le Dr G______ a confirmé à la SUVA que l'intervention de rhinoseptoplastie réparatrice et le scanner y relatif devaient être pris en charge dans les suites de l'événement du 7 mai 2019.

r. Par courriel du 26 mars 2020, l'employeuse a informé la SUVA que l'assuré aurait eu le même salaire mensuel qu'en 2019, à savoir CHF 4'500.- (brut) et une indemnité de CHF 100.- par mois s'il n'avait pas subi d'accident et qu'il travaillait encore pour la société.

s. Dans un rapport du 28 mai 2020, le Dr F______ a indiqué que, neuf mois après la ligamentoplastie scaphoïde-lunaire du poignet gauche, l'assuré présentait une bonne progression des mobilités avec quelques douleurs persistantes et une tendinite de De Quervain d'évolution fluctuante. Le spécialiste a suggéré de procéder à une infiltration et une échographie sans urgence, ainsi que de reprendre la kinésithérapie pour le renforcement musculaire et l'assouplissement.

B. a. Il ressort d'un rapport du Dr F______ du 13 octobre 2020 qu'en sus de sa blessure au poignet gauche, l'assuré présentait une lésion au poignet droit depuis le mois de juillet 2020. Ce dernier s'était blessé suite à une chute à vélo le 6 juillet 2020 (cf. notice téléphonique de la SUVA du 9 novembre 2020). Roulant sur une piste cyclable, l'intéressé avait été contraint d'éviter le vélo qui roulait devant lui et qui avait freiné subitement. Il avait alors chuté violemment sur son flanc droit et s'était réceptionné sur son poignet droit (cf. questionnaire de la SUVA rempli par l'assuré le 2 décembre 2020).

b. L'arthroscanner du poignet droit du 8 octobre 2020 faisait ressortir une rupture complète des trois faisceaux de ligament scapho-lunaire et une rupture du faisceau intermédiaire du ligament luno-triquétral avec intégrité de son faisceau dorsal et palmaire, ainsi qu'une désinsertion subtotale de l'enthèse syloïdienne et fovéolaire du disque articulaire.

c. Le 25 novembre 2020, l'assuré a bénéficié d'une arthroscopie diagnostique médio-carpienne et radio-carpienne droit, d'une synovectomie radiocarpienne du poignet et d'une ligamentoplastie scapho-lunaire arthroscopique avec capsulodèse dorsale.

d. À teneur d'un rapport du Dr F______ du 29 décembre 2020, le poignet gauche présentait une bonne évolution, une stabilité de la ligamentoplastie, ainsi qu'une bonne récupération de la force et de la mobilité. Concernant le poignet droit, il était en cours de convalescence et de rééducation suite à l'opération du
25 novembre 2020. La durée prévisible du traitement était de trois à neuf mois et il était encore trop tôt pour se prononcer sur l'éventuelle persistance d'un problème.

e. Le 4 mars 2021, l'assuré a fait l'objet d'un examen par le médecin d'arrondissement de la SUVA, le Dr I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Lors de cet examen, l'assuré a déclaré des douleurs principalement du côté droit avec une diminution de la force de préhension et de serrage le gênant dans tous les gestes de la vie quotidienne. Concernant le poignet gauche, l'évolution seize mois après la ligamentoplastie à ciel ouvert était lente mais favorable. Le traitement de rééducation était terminé et les douleurs étaient décrites comme supportables, sans nécessité de traitement médicamenteux systématique. L'examen clinique de la fonction du poignet gauche montrait une limitation des amplitudes articulaires en flexion/extension et une diminution significative de la force de serrage. En revanche, le poignet droit était beaucoup plus douloureux, les douleurs étant quotidiennes. Il présentait un œdème, une rougeur et une sensation de chaleur compatible avec un syndrome algodystrophique débutant. Un traitement de TRAMADOL était nécessaire pour soulager partiellement ces douleurs et le chirurgien lui a prescrit un gant de compression. Le traitement de rééducation-kinésithérapie n'avait pas encore débuté. Sur le plan médical, la situation n'était pas stabilisée, en particulier pour le poignet droit. L'incapacité de travail à 100% dans l'activité habituelle de chauffeur poids lourd était justifiée. Du point de vue thérapeutique, la rééducation devait être poursuivie durant les prochains six à neuf mois et, en fonction de l'évolution, une réévaluation devrait être effectuée dans le courant du 4ème trimestre de l'année 2021. Un examen final serait alors effectué afin de déterminer les limitations fonctionnelles, ainsi que l'indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI).

f. Le 2 juin 2021, l'assuré a bénéficié d'une échographie du poignet droit effectuée par le docteur J______, radiologue et spécialiste en pathologie ostéo-articulaire en France. Ce dernier a conclu à une synovite radiocarpienne de grade II associée à un kyste arthrosynovial de 15 mm du recessus radio-scaphoïdien avec épaississement de ses parois et a mentionné « l'intérêt d'une IRM complémentaire ».

g. Dans un rapport du 14 septembre 2021, le Dr F______ a constaté que les mobilités en flexion et extension des poignets étaient de, respectivement, 50 et 60 degrés à gauche et de 40 degrés à droite. La force du grasp (prise de force) était de 16kg à droite et de 26kg à gauche. L'assuré présentait des douleurs assez importantes en regard d'un kyste synovial développé aux dépens de la gouttière du pouls et en rapport direct avec une réaction inflammatoire de l'interligne radiocarpienne elle-même secondaire à la chirurgie. Le spécialiste a toutefois relevé que les douleurs s'étaient estompées depuis la dernière consultation et que l'assuré avait renoncé à une ponction et à une infiltration pour retirer le kyste susmentionné, préférant que celui-ci disparaisse de façon spontanée. L'assuré présentait par ailleurs une fatigabilité à l'effort sur les deux poignets. En l'état, l'intéressé ne pouvait pas reprendre son activité habituelle de chauffeur poids lourd, de sorte que son arrêt de travail était prolongé. Le Dr F______ a enfin suggéré d'envisager un reclassement professionnel et de reprendre contact avec la médecine du travail et le médecin conseil pour expertiser à nouveau les deux poignets et décider de la marche à suivre.

h. Dans son rapport du 22 novembre 2021, le Dr F______ a fait état d'une flexion/extension de, respectivement, 50 et 60 degrés à gauche et de 50 et 50 degrés à droite. Le traitement actuel était un traitement antalgique avec le port d'une orthèse et de la kinésithérapie. Le spécialiste a précisé que le traitement était considéré comme terminé. Enfin, il a préconisé un reclassement professionnel et a indiqué qu'il fallait s'attendre à des « séquelles poignet ».

i. Le 17 janvier 2022, le Dr I______ a procédé à l'examen final de l'assuré. Il ressort de son rapport établi le 20 janvier 2022 que l'assuré avait déclaré des douleurs aux poignets, principalement à droite, avec une diminution de la force de préhension et de serrage. Les douleurs apparaissaient lors de mouvements des poignets, surtout s'ils étaient répétitifs, ce qui entrainait une gêne dans les gestes de la vie quotidienne, tels que le fait de mettre des chaussettes et des chaussures de ski, de laver la vaisselle et de porter des charges, même légères, principalement en raison des douleurs au poignet droit. À l'examen clinique, la situation était superposable à l'examen du 8 mars 2021 pour le poignet gauche. Concernant le poignet droit, le spécialiste a fait état d'une amélioration des amplitudes articulaires et du développement d'un kyste arthrosynovial au niveau de la gouttière du pouls, qui était douloureux à la mobilisation du poignet et à la palpation du kyste. Pour les deux poignets, il constatait une limitation des amplitudes articulaires, principalement à droite, avec des douleurs en fin de course et une nette diminution de la force de préhension et de la pince pollicidigitale, principalement à droite également. Sur le plan médical, la situation paraissait stabilisée avec peu d'évolution par rapport à l'examen précédent, notamment pour le poignet gauche. Le Dr I______ a relevé que le
Dr F______ avait estimé, dans son dernier rapport, que le traitement était terminé et qu'un reclassement professionnel était impératif. Sur le plan professionnel, l'activité habituelle de chauffeur poids lourd n'était plus exigible. En revanche, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (port de charges même légères de maximum 5kg en bi-manuel, mouvement répétitif et effort de préhension, serrage et vissage pour les deux poignets, effort et mouvement répétés de la pince pollicidigitale), la capacité de travail de l'assuré était entière, sans diminution de rendement. La poursuite du traitement antalgique était en outre indiquée. En revanche, aucun autre traitement, notamment de rééducation, n'était préconisé. Enfin, le Dr I______ avait remis à l'assuré une prescription pour la réalisation de radiographies des deux poignets qui permettraient d'évaluer l'IPAI, laquelle ferait l'objet d'une appréciation complémentaire.

j. Le 17 janvier 2022 également, sur demande du Dr I______, le docteur K______, spécialiste FMH en radiologie, a procédé à une radiographie des deux poignets de l'assuré. Le bilan paraissait normal après une plastie ligamentaire scapho-lunaire bilatérale. Le spécialiste a conclu à un léger diastasis entre les deux os qui était stable au repos et lors des manœuvres de contraction.

k. Par courrier du 25 janvier 2022, la SUVA a informé l'assuré que l'examen médical final pratiqué par son médecin-conseil avait révélé qu'il n'avait plus besoin de traitement, de sorte qu'elle cesserait le versement de l'indemnité journalière à compter du 1er mars 2022.

l. Selon un rapport du 31 janvier 2022, le Dr I______ a retenu une atteinte à l'intégrité de 15%. L'examen clinique du 17 janvier 2022 avait montré une limitation de la fonction des deux poignets, principalement à droite, avec une diminution de la force de préhension et un kyste arthrosynovial secondaire à droite. En outre, le bilan radiologique standard effectué par le Dr K______ le même jour montrait des signes d'instabilité avec un élargissement de l'interligne scapholunaire et une déformation en DISI résiduelle sans signe dégénératif observable à ce jour. Conformément à la Table 6 relative à l'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (atteinte à l'intégrité en cas d'instabilité articulaire), la situation correspondait à une atteinte de 5% pour chaque poignet. Ce type d'atteinte étant potentiellement arthrogène, un complément de 5% pour les deux poignets lui paraissait justifié. Au total, l'atteinte à l'intégrité était de 15% (7,5% pour chaque poignet). En revanche, la plaie à la pommette droite et l'atteinte à la cloison nasale n'atteignaient pas le taux minimal indemnisable.

m. Dans un projet de décision du 17 février 2022, l'OAI a reconnu à l'assuré une incapacité de travail de 100% dans toutes activités dès le 7 mai 2019 (début du délai d'attente d'une année) et a considéré que sa capacité de travail dans une activité adaptée à son état de santé était entière dès le 25 juin 2021. À l'échéance du délai de carence d'une année, soit le 7 mai 2020, l'assuré présentait une incapacité de gain totale et un droit à la rente était ouvert dès cette date. En tenant compte de la capacité de travail résiduelle en juin 2021 et suite au calcul du taux d'invalidité, la perte de gain était nulle, de sorte que le droit à la rente devait s'éteindre au 30 septembre 2021, soit trois mois après l'amélioration constatée.

n. Par décision du 12 avril 2022, la SUVA a considéré que l'assuré n'avait pas le droit à une rente d'invalidité, faute d'existence d'une incapacité de gain due à l'accident. En revanche, une indemnité pour atteinte à l’intégrité d'un montant de CHF 22'230.- lui était allouée.

o. Par courrier du 24 mai 2022, l'assuré a fait opposition à la décision du
12 avril 2022, concluant à son annulation. Il a requis l'octroi d'une rente d'invalidité de 15%, contestant l'absence de toute perte de rendement en raison des limitations fonctionnelles très importantes qui affectaient ses poignets. Il a en outre fait valoir qu'il n'avait aucune formation scolaire, qu'il avait toujours exercé comme chauffeur et qu'il était limité aux deux mains dans pratiquement tous les mouvements utiles à un métier manuel. Dès lors, une perte de rendement de 20% au moins devait être constatée. Le gain de valide, ainsi que le calcul du gain d'invalide étaient également contestés. S'agissant du gain de valide, le recourant était frontalier et employé en contrat de durée déterminée, de sorte qu'il réalisait un revenu inférieur à celui qu'il aurait pu réaliser. Selon les statistiques de salaire TA1 pour le transport terrestre, le salaire médian s'élevait à CHF 5'295.-, soit le salaire qu'il aurait pu réaliser sans l'accident, de sorte que le gain de valide devait être fixé à CHF 63'540.- à tout le moins. Enfin, concernant le gain d'invalide, il était contesté au niveau du montant de l'abattement qui devait être de 20% à tout le moins au vu des limitations fonctionnelles retenues.

p. Par décision sur opposition du 17 août 2022, la SUVA a rejeté l'opposition de l'assuré.

Se référant à l'avis du Dr I______ du 20 janvier 2022, elle a confirmé une pleine capacité de travail dans une activité adaptée sans aucune perte de rendement. Elle a relevé que l'assuré avait allégué une baisse de rendement de 20% sans toutefois l'expliquer. Ce dernier n'avait par ailleurs invoqué aucun argument médical permettant de contredire les conclusions du Dr I______. La SUVA a en outre exposé la manière dont elle avait établi le degré d'invalidité : pour déterminer le gain d'invalide, elle s'était référée au salaire versé à un homme dans le secteur privé, au niveau de compétence 1, chargé de tâches physiques ou manuelles simples et ne nécessitant aucune formation particulière. En application de la Table 1, la valeur moyenne de la rémunération pour les hommes chargés de tâches physiques ou manuelles simples était, en 2018, avec un horaire hebdomadaire de 41,7 heures, de CHF 67'766,67 (CHF 5'417.- : 40 heures x 41,7 heures x 12 mois). En prenant en compte l'évolution nominale des salaires pour les années suivantes, il en ressortait un gain annuel de CHF 69'061,50. Compte tenu des limitations fonctionnelles existantes, un abattement de 10% avait été opéré, arrêtant le gain d'invalide à CHF 62'155.-. Aucun élément au dossier ne justifiait un abattement supérieur à 10%. Pour déterminer le revenu de l'assuré sans l'accident, la SUVA avait tenu compte des données statistiques pour le canton de Genève disponibles sur le site internet www.jobs.ch relatives à un chauffeur poids lourd, ce qui correspondait à un gain annuel de CHF 60'000.-. Ce montant pouvait ainsi être retenu à titre de revenu sans invalidité, la SUVA ne retenant pas les projections salariales fournies par l'ancien employeur impliquant un revenu de valide sensiblement plus bas. Le montant invoqué par l'assuré de CHF 63'540.-, fondé sur la table TA1 pour le transport terrestre, ne pouvait être suivi. Rappelant que l'assurance-invalidité avait prévu de retenir un revenu sans invalidité de CHF 58'988.- dans son projet de décision du 17 février 2022, la SUVA a indiqué que le montant de CHF 60'000.- paraissait équitable.

C. a. Par acte du 19 septembre 2022, l'assuré, représenté par son avocate, a interjeté recours contre la décision sur opposition du 17 août 2022 et a conclu, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi d'un délai pour compléter son recours et, principalement, à l'annulation de la décision litigieuse, à la constatation de son droit à une rente d'invalidité de 15%, à ce que le gain de valide soit fixé à
CHF 63'540.- à tout le moins et à ce que le gain d'invalide fasse l'objet d'un abattement de 20% à tout le moins. Il a précisé avoir sollicité des documents médicaux complémentaires qui ne lui étaient pas encore parvenus. À l’appui de sa position, il a réitéré, en substance, les arguments développés dans son opposition à la décision du 12 avril 2022.

b. Le 16 novembre 2022, le recourant a complété son recours. Il a précisé que le salaire sans invalidité de CHF 63'540.-, fondé sur les statistiques au niveau suisse et non pas sur les statistiques genevoises retenues par l'intimée, devait être adapté à l'horaire hebdomadaire déterminant de 41,7 heures, ce qui correspondait au montant de CHF 66'240,45 selon les statistiques ESS 2018. Ce montant devait encore être indexé selon l'évolution nominale des salaires et ainsi être fixé à
CHF 67'499.-. Il était certain que le recourant aurait à tout le moins pu obtenir un tel salaire sans invalidité au vu de son diplôme complémentaire de mécanicien et de sa longue expérience lui permettant de conduire tout type de poids lourd, y compris des super poids lourds. Le recourant a persisté dans ses conclusions pour le surplus.

c. Dans sa réponse du 12 décembre 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours. Elle avait reconnu l'exigibilité de l'exercice d'une activité adaptée de niveau de compétence 1 qui tenait déjà compte des nombreuses limitations fonctionnelles. Compte tenu de ces limitations, un abattement salarial de 10% n'était pas abusif ni arbitraire au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Par ailleurs, sa position n'était pas critiquable dès lors qu'elle avait retenu un gain de valide de
CHF 60'000.- fondé sur les données statistiques pour le canton de Genève qui était supérieur aux projections de l'ex-employeur du recourant.

d. Le 13 mars 2022, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions. Il a précisé qu'il n'avait pas d'éléments médicaux complémentaires à produire. Au sujet des données statistiques tirées du site internet www.jobs.ch et sur lesquelles l'intimée s'était fondée, il a relevé qu'il s'agissait d'un site privé et fondé sur moins de 25'000 données au total pour le canton de Genève, de sorte que l'on ignorait comment ces données étaient collectées et quelle était la représentativité qui devait leur être accordée. Il convenait plutôt de se fonder sur le salaire ressortant des statistiques fédérales, fondées sur un plus large panel de données, récoltées auprès d'entreprises par l'administration et selon des méthodes statistiques fiables. Le recourant en outre a relevé que les statistiques genevoises de l'OCSTAT
(T 03.04.1.01-2020) indiquaient un salaire médian de CHF 6'016.- pour les
« conducteurs de véhicules » à Genève et de CHF 6'674.- pour la branche économique « Transport et entreposage », ce qui démontrait que le montant retenu par l'intimée n'était pas représentatif. En outre, il s'agissait d'apprécier les répercussions des limitations fonctionnelles au stade de l'abattement, ce qui n'était pas du ressort du médecin mais du juge, de sorte que l'appréciation du médecin conseil de l'intimée quant au rendement du recourant n'était pas pertinente sur ce point.

e. Le 23 mars 2022, l'intimée a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

f. Le 27 mars 2023, cette écriture a été transmise au recourant pour information.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

1.2 En vertu de l’art. 58 al. 2 LPGA, si l'assuré ou une autre partie sont domiciliés à l'étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse.

1.3 En l’espèce, le recourant, domicilié en France, a travaillé en dernier lieu pour un employeur situé à Genève.

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au
1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur à compter du
1er janvier 2017.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité de l'assurance-accidents et, en particulier, sur le calcul du revenu sans invalidité et la réduction statistique appliquée au revenu après invalidité. En revanche, le recourant ne conteste pas l’indemnité pour atteinte à l'intégrité qui lui a été accordée par la SUVA, de sorte que le litige ne porte pas sur ce point.

6.              

6.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraine la mort
(art. 4 LPGA ; ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 et les références).

6.2 L'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA). S'il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA) à la suite d’un accident, il a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Le droit à l'indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l'accident. Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède
(art. 16 al. 2 LAA).

6.3 Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10 % au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d'invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite (art. 18 al. 1 LAA, dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2017). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).

6.4 Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1) ; seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain ; de plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2).

6.5 Selon l'art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de l'assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente.

Ce qu’il faut comprendre par sensible amélioration de l’état de santé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA se détermine en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à attendre pour autant qu’elle ait été diminuée par l’accident, auquel cas l’amélioration escomptée par un autre traitement doit être importante. Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas (ATF 134 V 109 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_402/2007 du
23 avril 2008 consid. 5.1.2.1). L'amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Ni la possibilité lointaine d'un résultat positif de la poursuite d'un traitement médical ni un progrès thérapeutique mineur à attendre de nouvelles mesures - comme une cure thermale - ne donnent droit à sa mise en œuvre. Il ne suffit pas non plus qu'un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée. Dans ce contexte, l'état de santé doit être évalué de manière prospective (arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.2 et les références).

Dès qu'il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l'assuré et qu'aucune mesure de réadaptation de l'assurance-invalidité n'entre en considération, il appartient à l'assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu'aux indemnités journalières et en examinant le droit à une rente d'invalidité et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ATF 134 V 109 consid. 4.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2020 du 19 juin 2020 consid. 3.2 et les références).

7.              

7.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 132 V 93 consid. 4 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

7.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales
(cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450
consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux
(ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Lorsqu'un cas d'assurance est réglé sans avoir recours à une expertise dans une procédure au sens de l'art. 44 LPGA, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations d'un médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 145 V 97 consid. 8.5 et les références ;
142 V 58 consid. 5.1 et les références ; 139 V 225 consid. 5.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon
l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.4).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6. 1 et la référence).

9.             En l'espèce, dans sa décision litigieuse du 17 août 2022, l'intimée a considéré, sur la base du rapport d'examen final du 17 janvier 2022 et de l'appréciation médicale du 31 janvier 2022 du Dr I______, médecin d'arrondissement, que le recourant disposait d'une capacité de travail résiduelle de 100%, sans diminution de rendement, dans une activité adaptée, à savoir une activité n'exigeant pas le port de charges supérieures à 5 kg en bi-manuel, de mouvements répétitifs, d'efforts de préhension, de serrage ou de vissage pour les deux poignets, ni d'efforts et de mouvements répétés de pince pollicidigitale. Il ressort en revanche du dossier que le recourant est incapable de reprendre son activité précédente de chauffeur poids lourd depuis son accident en raison de son atteinte aux deux poignets.

La chambre de céans constate que les conclusions du Dr I______ se fondent à la fois sur les pièces du dossier médical du recourant, ainsi que sur ses propres constatations cliniques, ayant lui-même examiné l'intéressé à deux reprises. Pour les deux poignets, il a constaté une limitation des amplitudes articulaires, principalement à droite, avec des douleurs en fin de course et une nette diminution de la force de préhension et de la pince pollicidigitale, principalement à droite également. En outre, le bilan radiologique standard effectué par le Dr K______ le 17 janvier 2022 a montré des signes d'instabilité avec un élargissement de l'interligne scapholunaire et une déformation en DISI résiduelle sans signe dégénératif observable à ce jour. Sur le plan médical, le médecin-conseil a indiqué que la situation paraissait stabilisée, avec peu d'évolution par rapport à l'examen précédent, notamment pour le poignet gauche. Son appréciation médicale étant motivée et exempte de contradictions, elle doit ainsi se voir reconnaitre une pleine valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Cela est d'autant plus vrai qu'aucun élément médical au dossier ne permet de douter de la fiabilité des conclusions du Dr I______. En effet, aucun rapport médical ne critique son appréciation ou fait simplement état de ce que la capacité de travail du recourant ne serait pas entière dans une activité adaptée. Il ressort par ailleurs des rapports du Dr F______ des 14 septembre et
22 novembre 2021 que ce dernier était favorable à une reprise professionnelle adaptée, sans indication d'une éventuelle baisse de rendement. Il sera au surplus relevé que le recourant n'apporte pas d'élément médical qui permette de remettre en cause l'appréciation faite par le Dr I______ en ce qui concerne ses limitations fonctionnelles et sa capacité de travail dans une activité adaptée.

Pour terminer, on relèvera que l’exigibilité à 100 % d’une activité adaptée a été confirmée dans diverses causes ressortant de la jurisprudence, impliquant des atteintes et des limitations fonctionnelles similaires à celles du recourant (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 6.2.2 [assuré ayant subi des fractures des deux poignets entrainant des limitations fonctionnelles liées aux travaux exigeant de la force et à l'utilisation répétitive de ces deux articulations] et 8C_971/2008 du 23 mai 2009 consid. 4.2.6.2 [assurée ayant subi une fracture du radius distal du poignet droit et une fissure de la tête radiale du poignet gauche, présentant des séquelles sous la forme de douleurs persistantes au niveau du poignet droit en raison d’un mauvais positionnement] ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 8C_129/2022 du 25 novembre 2022 consid. 3 ss [assuré ayant subi des fractures des poignets entrainant des limitations fonctionnelles liées au port de charges supérieures à 2 kg]).

Dans ces circonstances, il apparait que l'intimée a retenu de manière fondée que le recourant dispose d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, sans baisse de rendement.

10.         À ce stade, il convient de se prononcer sur le degré d'invalidité du recourant. Ce dernier conteste le calcul opéré par l'intimée, en particulier le revenu sans invalidité retenu par celle-ci, et sollicite en outre un abattement de 20% sur le revenu avec invalidité.

10.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et
art. 16 LPGA). En règle ordinaire, il s'agit de chiffrer aussi exactement que possible ces deux revenus et de les confronter l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité. Dans la mesure où ils ne peuvent être chiffrés exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 137 V 334
consid. 3.3.1).

10.2 Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4.1 et les références).

10.3 Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d'établir ce que l'assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l'assuré aurait continué d'exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en prenant en compte également l'évolution des salaires jusqu'au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et les références ; 135 V 297 consid. 5.1 et les références ; 134 V 322 consid. 4.1 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l'emploi est due à des motifs étrangers à l'invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes. Autrement dit, dans un tel cas, n'est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu'elle réaliserait si elle n'était pas devenue invalide (arrêt du Tribunal fédéral 8C_50/2022 du 11 août 2022 consid. 5.1.1 et la référence).

On évaluera le revenu que l'assuré pourrait encore réaliser dans une activité adaptée avant tout en fonction de la situation concrète dans laquelle il se trouve. Lorsqu'il a repris l'exercice d'une activité lucrative après la survenance de l'atteinte à la santé, il faut d'abord examiner si cette activité est stable, met pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle et lui procure un gain correspondant au travail effectivement fourni, sans contenir d'élément de salaire social. Si ces conditions sont réunies, on prendra en compte le revenu effectivement réalisé pour fixer le revenu d'invalide (ATF 139 V 592 consid. 2.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 et les références).

10.3.1 En l'absence d'un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l'ESS (ATF 148 V 174 consid. 6.2 et les références ; 143 V 295 consid. 2.2 et les références).

Il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1), étant précisé que, depuis l'ESS 2012, il y a lieu d'appliquer le tableau TA1_skill_level et non pas le tableau TA1_b (ATF 142 V 178).

Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a récemment estimé qu’il n'y a pas de motif sérieux et objectif de modifier la jurisprudence selon laquelle la détermination du revenu d'invalide sur la base des valeurs statistiques se fonde en principe sur la valeur centrale, respectivement médiane, de l'ESS (ATF 148 V 174 consid. 9.2.3 et 9.2.4).

10.3.2 Le salaire fondé sur l’ESS doit encore être adapté à l’horaire de travail usuel de la branche, et indexé à l’année déterminante en tenant compte des valeurs spécifiques au sexe (ATF 129 V 408).

10.3.3 Le cas échéant, il y a lieu d'adapter le salaire statistique à l'évolution des salaires nominaux en appliquant soit le chiffre définitif de l'indice suisse des salaires nominaux publié au moment déterminant de la décision litigieuse, soit la plus récente estimation trimestrielle (cf. ATF 143 V 295 consid. 4.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2022 du 2 mai 2023 consid. 7.2).

10.4 En l'espèce, s'agissant de la détermination du revenu sans invalidité, le recourant était employé comme chauffeur poids lourd par la société B______ par le biais d'un contrat de durée déterminée (du 7 janvier au 30 septembre 2019) et n'avait ainsi commencé cette activité que depuis quatre mois lorsqu'il a été mis en arrêt de travail le 7 mai 2019. Dans ces circonstances, la réponse de l'employeur à la question de savoir quel aurait été le salaire mensuel du recourant en 2020 s'il n'avait pas subi d'accident et qu'il travaillait encore pour l'entreprise n'apparait pas pertinente, étant relevé que l'intimée a précisément expliqué s'être fondée sur les données statistiques disponibles sur le site internet www.jobs.ch pour un chauffeur poids lourd dans le canton de Genève pour calculer le revenu de valide au motif que le contrat de travail du recourant était un contrat de durée déterminée (cf. mémoire de réponse du 12 décembre 2022, p. 4).

Par conséquent, la chambre de céans retiendra qu'il n'est pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'intéressé aurait continué à travailler pour cette entreprise s'il n'avait pas subi d'atteinte à sa santé. C'est donc à bon droit que le revenu sans invalidité n'a pas été déterminé par l'intimée en fonction du salaire réalisé en dernier lieu par le recourant.

L'intimée a utilisé les données publiées sur le site internet www.jobs.ch pour retenir le revenu sans invalidité d'un montant de CHF 60'000.-, 13ème salaire compris. Or, ces statistiques privées ne peuvent être retenues dans la mesure où elles sont fondées sur des données non vérifiables provenant des utilisateurs du site. Il ressort en effet de ce site internet que « la rémunération médiane est calculée grâce aux données salariales de milliers de membres enregistrés sur jobs.ch » (cf. https://www.jobs.ch/fr/salaire/start/, page internet consultée pour la dernière fois le 14 septembre 2023). Dès lors, conformément à la jurisprudence applicable (cf. consid. 10.3.1 ci-dessus), il se justifie d'utiliser les données salariales tirées de l'enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après: ESS) pour établir le revenu sans invalidité, étant rappelé que celui-ci doit être évalué de la manière la plus concrète possible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2019 du 28 février 2020 consid. 3 et les références).

En l'occurrence, le recourant fait valoir un revenu sans invalidité de CHF 67'499.-, calculé comme suit : CHF 5'295.- (tableau TA1_tirage_sill_level de l'ESS 2018, niveau 1, secteur 3 – transport terrestre, homme, part au 13ème salaire compris) x 12 = CHF 63'540.- par année, ajusté à la durée hebdomadaire normale de travail en 2018 (41,7 heures), soit un salaire annuel de CHF 66'240,45 (CHF 63'540.- x 41,7 / 40) adapté à l'évolution des salaires nominaux.

Il apparait toutefois que le choix de se référer au niveau de compétence 1 du tableau TA1_tirage_sill_level de l'ESS 2018 ne permet pas d'évaluer le revenu sans invalidité de la manière la plus concrète possible. En effet, le recourant était au bénéfice d'une expérience professionnelle de quinze années en qualité de chauffeur poids lourd (de 2004 à 2019) lors de la survenance de l'accident et qu'il possédait à cette date déjà différentes certifications tel que cela ressort de son curriculum vitae produit par l'intimée (diplômes de « Conducteur Grand Routier marchandises » obtenus en 2003 et 2004, licence ADR en 2013 et permis M1GO Suisse en 2017). Par conséquent, conformément à la jurisprudence applicable, il se justifie de déterminer le revenu sans invalidité selon le niveau de compétence 2, en lieu et place du niveau de compétence 1, étant au demeurant rappelé que, depuis sa version de 2012, le tableau TA1 de l'ESS ne fait plus référence à un niveau de qualifications mais à la Classification internationale type des professions (CITP) prévoyant qu'un conducteur de poids lourd et d'autobus figure dans le sous-groupe 833, lequel est inclus dans le niveau de compétences 2 (cf. OFS, résultats commentés de l'ESS 2012, Neuchâtel 2015, p. 11 et 12, disponible sur : https://www.bfs.admin.ch/asset/fr/349379, consulté pour la dernière fois le 15 septembre 2023).

Au surplus, il est relevé que le fait que l'office de l'assurance-invalidité ait retenu un revenu sans invalidité inférieur à celui fixé par l'intimée dans son projet de décision du 22 avril 2022 (CHF 58'988.-) n'apparait pas pertinent dès lors que, selon la jurisprudence, l’évaluation de l’invalidité par l’assurance-accident n’a pas d’effets contraignants pour l’assurance-invalidité, et réciproquement
(ATF 133 V 549 ; 131 V 362 ; Pratique VSI 2004, p. 186).

Au vu de ce qui précède, il convient de déterminer le revenu sans invalidité selon le tableau TA1_tirage_sill_level de l'ESS 2018, niveau 2, secteur 3 – transport terrestre, homme, part au 13ème salaire compris, ce qui correspond au calcul suivant : CHF 5'421.- x 12 = CHF 65'052.- par année, ajusté à la durée hebdomadaire normale de travail en 2018 (41.7 heures), soit un salaire annuel de CHF 67'816.71 (CHF 65'052.- x 41.7 / 40).

Conformément à la jurisprudence, il y a lieu d'adapter ce montant à l'évolution des salaires nominaux jusqu'au moment de la naissance du droit (éventuel) à la rente (consid. 10.3.3 ci-dessus ; ATF 143 V 295 consid. 4.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2022 du 2 mai 2023 consid. 7.2). Ainsi, le montant de CHF 67'816.71 doit être indexé à 2022, année déterminante pour la comparaison des revenus.

Selon le tableau T1.93 publié par l'OFS, les salaires nominaux des hommes ont évolué comme suit : + 0.9% en 2019, + 0.8% en 2020, - 0.7% en 2021, et + 1.1% en 2022 (disponible sur: https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/salaires-revenus-cout-travail/indice-salaires/par-sexe.assetdetail.24745533.html). Ainsi, le revenu sans invalidité s'élève à CHF 69'245.05.- pour un plein temps (67'816.70 + 610.35 en 2019 = 68'427.06 + 547.41 en 2020 = 68'974.47 - 482.82 en 2021
= 68'491.65 + 753.40 en 2022 = 69'245.05).

10.5 Pour ce qui est du revenu avec invalidité, le recourant ne conteste pas le montant de CHF 69'061.50 retenu par l'intimée, mais critique l'abattement de
10% retenu par celle-ci.

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 135 V 297 consid. 5.2 ; 134 V 322 consid. 5.2 et les références). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu'il existe des indices qu'en raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu'avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 146 V 16 consid. 4.1 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/aa). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération ; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3 et les références ; 126 V 75 consid. 5b/bb et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_608/2021 du 26 avril 2022
consid. 3.3 et les références).

A cet égard, le pouvoir d'examen de l’autorité judiciaire cantonale n'est pas limité à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. À cet égard, le tribunal des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaitre sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 et la référence).

Concernant l'abattement pour les limitations fonctionnelles, on rappellera qu'une réduction au titre du handicap dépend de la nature des limitations fonctionnelles présentées et n'entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n'y a plus un éventail suffisamment large d'activités accessibles à l'assuré
(ATF 148 V 419 consid. 6 et les références).

Un abattement de 10 à 15% n'est généralement considéré comme approprié que dans l'hypothèse de la perte de fonctionnalité totale d'un bras (arrêt du Tribunal fédéral 9C_783/2015 du 7 avril 2016 consid 4.6 in fine et la référence).

Dans l'arrêt 8C_444/2021, le Tribunal fédéral a confirmé un abattement de 10% sur le revenu avec invalidité dans le cas d'un assuré qui ne pouvait être employé que pour des travaux légers exécutés principalement en position assise, pour lesquels il ne pouvait ni soulever ni porter des poids de plus de 10 kg, et ce seulement ponctuellement, en tenant compte du fait qu'il avait désormais uniquement accès au marché du travail des personnes qui débutaient dans une entreprise et qui n'avaient pas encore d'expérience professionnelle dans la nouvelle activité, ainsi que du fait qu'il lui restait 5 ou 6 années de service avant d'atteindre la limite d'âge AVS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_444/2021 du
29 avril 2022 consid. 4.3).

Dans son arrêt 8C_88/2014 du 10 septembre 2014, le Tribunal fédéral a confirmé un abattement de 10% dans le cas d'une assurée ayant eu la main droite écrasée par une presse et qui était apte à exercer une activité légère n'exigeant ni dextérité ni rendement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_88/2014 du 10 septembre 2014
consid. 3.4).

Dans le cas d'un peintre en bâtiment s'étant cassé les deux poignets, ne pouvant reprendre une activité manuelle nécessitant l'usage en force et répétitif des deux poignets mais à même de travailler à plein temps dans toute activité légère, de service administratif, de vente au détail sans manipulation répétitive ou dans une activité de type transport de personnes avec un véhicule automatique, âgé de 54 ans, le Tribunal fédéral a confirmé l'abattement de 15% appliqué par l'assurance-invalidité pour tenir compte à la fois de l'âge et des limitations fonctionnelles (arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 6.2.2). Il a également confirmé la réduction de 15 % sur le revenu d'invalide par l'OAI dans le cas d'un assuré âgé de 59 ans, qui disposait d'une pleine capacité de travail dans une activité sans mouvement répétitif ou d'effort du membre supérieur droit
(arrêt du Tribunal fédéral 9C_839/2017 du 24 avril 2018 consid. 6.3).

Notre Haute Cour a toutefois confirmé un abattement de 5% dans le cas d'un assuré, ancien monteur-électricien, qui ne pouvait plus travailler dans son activité habituelle de monteur-électricien en raison des douleurs à ses deux poignets, mais qui pouvait en revanche exercer une activité professionnelle adaptée exercée indifféremment en position assise ou debout, avec un port de charges ponctuel limité à 2 kg sur les deux poignets et avec la possibilité de conserver un bracelet de soutien pour les deux poignets, à la journée entière et sans baisse de rendement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_129/2022 du 25 novembre 2022
consid. 4.4.3).

10.6 En l'occurrence, le recourant conteste l’abattement de 10% retenu par l'intimée. Il considère que celui-ci ne saurait être inférieur à 20% compte tenu de ses limitations fonctionnelles dans l'usage de ses deux mains et pas uniquement pour le port de charges, mais pour tous les mouvements (mouvements répétitifs, préhension, vissage, pince et rotation).

S'il est indéniable que les limitations dont souffre le recourant aux poignets ne sont pas négligeables, on doit rappeler que le port de charges légères demeure encore possible (maximum 5kg en bi-manuel) et qu'il ne saurait être considéré comme un monomanuel dès lors que ses deux mains sont fonctionnelles. Il ne ressort par ailleurs aucunement du dossier du recourant qu’un élément médical aurait été ignoré et justifierait un abattement plus important que 10%. En outre, dans la mesure où les limitations fonctionnelles retenues n’empêcheraient pas le recourant d’exercer une activité adaptée à plein temps sans baisse de rendement, le fait de retenir un abattement de 10% n’apparait pas contestable, ce d'autant plus en application de la jurisprudence fédérale rendue dans des cas similaires (cf. consid. 10.5 ci-dessus).

En définitive, la chambre de céans ne relève aucun motif pertinent lui permettant de substituer sa propre estimation à celle de l'intimée, étant rappelé son obligation de retenue et le large pouvoir d'appréciation de l'intimée pour déterminer l'étendue de l'abattement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_129/2022 du 25 novembre 2022 consid. 4.2 et 4.3 ; ATF 126 V 75 consid. 6).

10.7 Compte tenu d’un taux d’abattement de 10%, le revenu d’invalide s’élève à CHF 62'155.35.-. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 69'245.05.-, il s’ensuit une perte de gain de CHF 7'089.70 (CHF 69'245.05 – CHF 62'155.35) et un taux d’invalidité de 10.23% (7'089.70 x 100 / 69'245.05), qui doit être arrondi à 10% (ATF 130 V 121 consid. 3.2). Par conséquent, c’est un degré d’invalidité de 10% que l’intimée aurait dû prendre en considération, ce qui ouvre le droit au versement d’une rente au taux de 10 %.

11.         Il convient ainsi d'admettre partiellement le recours, d'annuler la décision sur opposition du 17 août 2022 et de constater que le recourant a droit à une rente d'invalidité de 10% à compter du 1er mars 2022.

12.         Assisté par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, le recourant a droit à des dépens, qui seront fixé à CHF 2'000.-
(art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

13.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let.fbis LPGA a contrario)

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 17 août 2022.

4.        Dit que le recourant a droit à une rente d'invalidité de 10% dès le 1er mars 2022.

5.        Alloue une indemnité de CHF 2'000.- au recourant à charge de l'intimée.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le