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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2203/2022

ATAS/696/2023 du 19.09.2023 ( LAA ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2203/2022 ATAS/696/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 septembre 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______
représenté par Me Michael ANDERS

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS
représentée par Me Didier ELSIG

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1976, a été engagé le 19 janvier 2011 en qualité de maçon par la société B______. À ce titre, il était assuré auprès de la SUVA – CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS (ci-après : la SUVA, l’assureur ou l’intimée) pour les accidents professionnels ou non professionnels.

b. Alors qu’il effectuait, depuis le 17 mai 2018, une mission intérimaire à plein temps auprès de C______, entreprise cliente de son employeur, l’assuré a été victime d’un accident, le 5 juin 2018. Selon la déclaration de sinistre du 14 juin 2018, il travaillait au coffrage d’un mur. Ce faisant, alors qu’il se déplaçait sur des plateaux en bois recouvrant une trémie, ces derniers s’étaient dérobés sous son poids, l’entraînant dans une chute d’une hauteur de 5.85 m.

c. Par pli du 5 juillet 2018, l’assureur a confirmé qu’il prendrait en charge les suites de cet accident, en octroyant à l’assuré les prestations légales (indemnités journalières et remboursement des frais de traitement).

d. Dans un rapport du 20 juin 2018, intitulé « lettre de sortie des soins aigus »,
les docteurs D______, E______ et F______, respectivement médecin-chef de service, médecin-chef de clinique et médecin interne auprès du département des neurosciences cliniques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), ont fait état d’une chute en arrière d’une hauteur de 5 m, avec réception au niveau occipital et dorsal, traumatisme crânien, perte de connaissance incertaine et arrêt cardio-vasculaire. Ils ont posé les diagnostics suivants :

-          contusion cérébrale au niveau cortical temporal et fronto-operculaire droit ;

-          fracture de l’arcade des zygomatiques gauches, non déplacée ;

-          fracture non déplacée de l’os pariétal à gauche, s’étendant dans l’écaille du temporal du même côté ;

-          fracture du rachis lombaire du coin antéro-supérieur en L1 ;

-          hématome épicrânien pariétal gauche avec emphysème sous-cutané associé avec plaie ouverte.

D’un point de vue neurochirurgical, les deux petites contusions hémorragiques
(2-3 mm) au niveau cortical temporal et fronto-operculaire droit, de même que l’hématome épicrânien pariétal gauche avec emphysème sous-cutané associé avec plaie ouverte (suturée le 5 juin 2018) n’avaient pas nécessité de prise en charge neurochirurgicale. Au niveau lombaire, une fracture du corps de la vertèbre de D9 était objectivée au CT-scan. En raison de la stabilité de la fracture, le port d’un corset avait été prescrit pour une durée de six semaines ;

D’un point de vue maxillo-facial, un CT-scan du massif facial montrait une fracture non-déplacée de l’arcade zygomatique gauche. Les « collègues maxillo-faciaux » n’avaient pas posé d’indication à une prise en charge chirurgicale, mais à une alimentation mixée pendant quatre à six semaines ;

D’un point de vue neuropsychologique, l’examen neuropsychologique avait mis en évidence des difficultés attentionnelles et mnésiques modérées à sévères (nette réduction de la vitesse de traitement et déficit de mémoire immédiate et de travail avec des fluctuations). Il était possible que ces difficultés fussent aggravées par
les aspects thymiques. Compte tenu des difficultés attentionnelles mises en exergue, l’aptitude à la conduite était actuellement réduite d’un point de vue neuropsychologique.

e. Le 26 juillet 2018, l’assureur a reçu un rapport de police du 29 juin 2018, relatant l’audition de l’assuré, effectuée le même jour. Celui-ci ne se souvenait absolument pas de l’accident en tant que tel.

f. Consulté pour avis par l’assureur, le docteur G______, spécialiste FMH en neurologie, a indiqué par avis du 11 janvier 2019 que le cas n’était pas stabilisé
et un séjour à la CRR souhaitable. Il a relevé qu’un examen neuropsychologique ambulatoire, effectué fin juillet 2018, avait mis en évidence un dysfonctionnement exécutif sévère et une atteinte attentionnelle modérée à sévère. L’assuré présentait aussi des facteurs psychosociaux défavorables à une réinsertion professionnelle.

g. Du 2 au 26 avril 2019, l’assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR). Dans un rapport du 3 mai 2019, les docteurs H______, I______ et J______, du service de réadaptation en neurologie de cet établissement, ont indiqué que l’assuré avait été suivi par les ateliers professionnels tout au long de son séjour. Concernant
la reprise d’une activité professionnelle, tant que la situation sur le plan psychologique n’était pas stabilisée, il était difficile de se prononcer. À l’heure actuelle, seule une activité routinière à titre occupationnel et très cadrée dans une structure adaptée et en milieu compréhensif, sans rendement ni adaptation à des situations changeantes, était souhaitable afin de structurer au mieux le quotidien. Le syndrome dépressif, au moins en partie post-traumatique, était actuellement au premier plan et empêchait toute évaluation objective de la capacité de travail future. Avant de pouvoir statuer sur la capacité de travail réelle de l’assuré, il semblait nécessaire au préalable d’effectuer un travail psychothérapeutique par l’intermédiaire d’un suivi régulier afin de stabiliser l’état thymique. Une fois ce travail effectué, une courte hospitalisation de réévaluation des capacités professionnelles apparaissait souhaitable. En l’état, la capacité de travail était nulle depuis l’accident.

h. Le 28 septembre 2019, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI).

i. Dans un rapport du 13 novembre 2019, Madame K______, psychologue et spécialiste en neuropsychologie FSP, qui suivait l’assuré depuis le 30 août 2018 pour les suites de son traumatisme crânio-cérébral (ci-après : TCC) du 5 juin 2018, a indiqué que l’assuré présentait un état dépressif marqué qui créait une cascade de problématiques somatiques, en plus de celles dépressives. Pour cette raison, il était suivi par une psychothérapeute depuis début septembre 2019. Du point de vue neuropsychologique, le suivi était très espacé depuis plusieurs mois, car la prise en charge du TCC était difficile. En effet, elle se retrouvait face à un patient passif, poly-plaintif et qui interprétait les choses à sa façon. Les quelques aides qu’elle avait tenté de mettre en place étaient peu concluantes et rarement adoptées par l’intéressé. Son suivi avait donc plutôt pour objet de faire le point que d’apporter un réel bénéfice par la prise en charge. Compte tenu de cela, il lui était difficile de se prononcer sur les perspectives futures. Aussi partageait-elle les conclusions de la CRR, à savoir que les troubles thymiques étaient actuellement au premier plan et qu’il n’était en aucun cas possible de mesurer les troubles cognitifs en lien avec le TCC.

j. Dans un rapport du 29 novembre 2019, le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatre et psychothérapie, a évoqué une symptomatologie dépressive sévère aggravée par le traumatisme du 5 juin 2018 et ses suites. Pour le moment, il était difficile de savoir s’il s’agissait d’un épisode dépressif (F33.2) ou d’une dépression réactionnelle au traumatisme (F43.21).

k. Invité par l’assureur à se prononcer sur la relation de causalité naturelle entre
les troubles psychiques décrits par le Dr L______ et l’accident du 5 juin 2018, le docteur M______, médecin d’arrondissement de l’assureur et spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a répondu par appréciation du 15 janvier 2020 que cette causalité était donnée vu la gravité de l’accident. Quant aux troubles neurocognitifs, ils allaient aboutir – cela était déjà cité dans le rapport du 11 janvier 2019 du Dr G______ – à une probable incapacité de se réinsérer dans le milieu professionnel initial. Prenant position au sujet du diagnostic posé par le Dr L______, le Dr M______ a indiqué qu’il ne voyait pas la différence entre un état dépressif réactionnel et un état dépressif, tout en soulignant qu’il y avait le plus souvent des facteurs déclencheurs au départ de toute dysphorie et que certains rapports versés au dossier évoquaient des antécédents non seulement de TCC, mais également de troubles thymiques (mais qui n’étaient que peu ou pas décrits).

l. Le 3 avril 2020, le Dr G______ a effectué une seconde appréciation sur la base des divers rapports rendus au cours du séjour de l’assuré à la CRR en avril 2019. L’assuré présentait des séquelles structurelles de son traumatisme crânio-cérébral du 5 juin 2018. L’IRM cérébrale effectuée dans cet établissement en avril 2019 avait confirmé la présence de séquelles post-contusionnelles au niveau frontal droit et de lésions axonales diffuses. Sur le plan clinique, l’assuré se plaignait
de céphalées d’apparition très rapide et d’une fatigabilité accrue. En ce qui concernait les performances aux tests neuropsychologiques, des troubles modérés à sévères dans les fonctions exécutive, mnésique (mémoire de travail) et attentionnelle avaient été formellement relevés. Cependant, les résultats n’étaient pas fiables en raison du trouble thymique sévère, de l’effort fluctuant de l’assuré et des incohérences relevées à la CRR (incohérences « intra-tests » et entre les performances mesurées et le fonctionnement de l’assuré au quotidien). Partant, les limitations fonctionnelles de l’assuré ne s’expliquaient que partiellement par
des lésions organiques. L’évolution était stagnante depuis plus d’un an. Aussi le
Dr G______ a-t-il précisé qu’il rejoignait l’avis de Mme K______ en tant qu’elle estimait que la poursuite de la prise en charge neuropsychologique n’apporterait pas d’amélioration notable. Les troubles « affectifs » et cognitifs étant intriqués de manière « insoluble » (NDR : probablement « indissoluble »), il convenait de laisser au psychiatre-conseil le soin d’évaluer la situation, au besoin au moyen d’un examen de l’assuré.

Le cas était stabilisé sur le plan neurologique. Interrogé sur le point de savoir si on pouvait déjà retenir une « exigibilité provisoire », le Dr G______ a répondu qu’en se basant sur les rapports de la CRR, l’assuré ne présentait pas de capacité de travail exigible. Celle-ci était à revoir avec le Dr M______. Également questionné sur l’éventuel octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité (ci-après : IPAI) à l’assuré, le Dr G______ a répondu que les conditions d’une telle indemnité étaient probablement remplies, mais qu’au vu de la symptomatologie psychiatrique qui dominait le tableau, une éventuelle IPAI devrait être estimée par le psychiatre qui prendrait en compte le volet cognitif de la symptomatologie.

m. Le 11 juin 2020, le Dr L______ a répondu à un questionnaire de l’assureur. L’assuré continuait à travailler sur l’acceptation des limitations cognitives, physiques et émotionnelles induites par le TCC dans sa vie professionnelle, familiale et sociale. Depuis le mois de novembre 2019 à ce jour, il avait réalisé des progrès qui se manifestaient notamment par une diminution de sa symptomatologie dépressive. Le diagnostic était celui de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2). Le pronostic était favorable à moyen terme (3-6 mois). Interrogé sur les antécédents, le Dr L______ a fait mention d’un état dépressif antérieur au TCC.

n. Par appréciation du 15 juillet 2020, le Dr M______ a indiqué à l’assureur que le cas n’était pas encore stabilisé sur le plan psychiatrique et qu’il convenait de le lui soumettre à nouveau fin 2020. En l’état, dans la mesure où la causalité naturelle avait été retenue entre les troubles psychiques et l’accident – ce qui ressortait déjà implicitement de l’évaluation de la CRR –, le traitement de ceux-ci était toujours à la charge de l’assureur.

o. Le 10 février 2021, le Dr M______ a effectué un examen psychiatrique de l’assuré et rendu son rapport le 24 février 2021. Alors qu’au début de l’entretien, l’assuré avait frappé le Dr M______ par sa capacité à s’exprimer avec aisance, rapidité et de manière détaillée, sans laisser vraiment apparaître d’atteinte neuropsychologique, il avait changé totalement au bout de 40 minutes, ce moment coïncidant avec une majoration de ses céphalées, qu’il notait à 10 sur 10. Il
s’était bloqué, le regard perdu dans le vide, paraissant clairement ailleurs. Le
Dr M______ avait dû lui répéter plusieurs fois la même question pour qu’il puisse maladroitement y répondre (la vitesse d’élocution changeait du tout au tout et il avait de la peine à trouver ses mots). Dans ces conditions, se posait la question de la problématique en présence. En outre, il était difficile d’évaluer l’intensité de la symptomatologie dépressive. Il n’était par ailleurs pas possible de se prononcer clairement quant à l’existence d’une récurrence de la dysphorie dans le temps dès lors que les informations obtenues, comparées à celles figurant au dossier, ne permettaient pas de trancher de manière précise. Pour ces raisons, les diagnostics retenus étaient ceux d’épisode dépressif sans précision vs trouble dépressif récurrent sans précision également. Il semblait que l’assuré possédait des ressources adaptatives et qu’actuellement, « l’événement bloquant » principal consistait dans la présence de migraines qui perturbaient son fonctionnement cognitif au quotidien. Ces céphalées étaient a priori « à intégrer avec la présence d’une plus grande fatigue et irritabilité, des difficultés de concentration, dans un syndrome post-commotionnel sans atteinte franche de l’estime de soi et avec
une composante hypocondriaque liée à une interprétation catastrophiste des conséquences de son accident ». En conclusion, le Dr M______ a estimé que le cas n’était pas stabilisé. L’assuré bénéficiait d’une thérapie intégrée correspondant globalement aux directives de traitement d’une dépression sévère. Il y avait un continuum dans la présence/persistance de plaintes thymiques depuis la survenance de l’accident. Ce traitement devait donc être continué et la causalité naturelle avec cet événement déclencheur était probable. En ce qui concernait l’évaluation de l’IPAI, il était bien trop tôt pour se prononcer et il fallait attendre trois à quatre ans avant d’estimer que ce cas serait réellement stabilisé.

p. Le 4 mai 2021, le Dr G______ a effectué une appréciation neurologique sur la base des pièces du dossier.

Pendant la durée du suivi de l’assuré par Mme K______, cette praticienne n’avait pas pu mesurer la gravité des troubles cognitifs en lien avec le TCC. En ce qui concernait les céphalées, le Dr G______ a exposé que celles-ci étaient de type tensionnel, de localisation fronto-pariétale et occipitale droite, déclenchées ou majorées par la moindre sollicitation cognitive, associées à une photophobie, mais sans nausées ni vomissements et soulagées par des antalgiques simples. La prise d’un antidépresseur avec un effet antalgique central, le Saroten®, n’avait pas amélioré la situation. L’assuré n’avait pas poursuivi d’autres thérapies, malgré la souffrance majeure alléguée. Il était difficile de différencier la symptomatologie douloureuse du trouble affectif qui prédominait le tableau clinique. La situation semblait stabilisée du point de vue somatique depuis 2019, selon les éléments médicaux à disposition. Compte tenu des difficultés d’interprétation des examens neuropsychologiques effectués, d’une certaine discordance entre les lésions post-traumatiques restreintes et la gravité apparente du déficit neuropsychologique, des incohérences entre les performances aux tests et le fonctionnement au quotidien et, enfin, en faisant abstraction du trouble thymique prédominant, on pouvait, selon le Dr G______, uniquement mener quelques réflexions médico-théoriques. À cet égard, il y avait lieu de rappeler que le TCC avait été qualifié de sévère par les médecins de la CRR. Or, en prenant en compte les éléments contemporains à l’accident, notamment le GCS (NDR : Glasgow Coma Scale ou échelle de coma de Glasgow) initial à 14, la brièveté de l’amnésie, l’absence de perte de connaissance prolongée et la surveillance neurochirugicale sans complications, on retenait plutôt un TCC de gravité moindre, en dépit de la présence de quelques lésions structurelles persistantes au niveau cérébral. Toujours sous un angle médico-théorique, on admettait que l’atteinte fronto-temporale droite était susceptible de perturber des fonctions attentionnelles et exécutives et d’influencer une thymie déjà altérée avant l’accident. Les céphalées, si elles n’étaient pas post-traumatiques proprement dites, pouvaient être intégrées dans le cadre d’une symptomatologie post-commotionnelle marquée. Les mesures habituelles de la gravité d’une atteinte neuropsychologique n’étant pas interprétables, on ne pouvait que recourir aux critères des capacités fonctionnelles dans la vie quotidienne et le travail, établis par l’Association suisse des neuropsychologues (ASNP) :
« La capacité fonctionnelle est significativement limitée au quotidien et pour la plupart des sollicitations professionnelles. Seuls les travaux encore simples peuvent être réalisés. La personne se fait également nettement remarquer dans son environnement social. La capacité fonctionnelle est même fortement limitée dans le travail ou lors des tâches requérant un niveau d’exigence élevé ».

Il s’agissait-là de la définition d’un trouble neuropsychologique moyen qui caractérisait le mieux la situation actuelle de l’assuré. Or, étant donné que le trouble affectif préexistant influait négativement sur les performances cognitives, le Dr G______ a retenu, du seul point de vue somatique, un trouble léger à moyen en lien avec l’accident du 5 juin 2018, conduisant, toujours selon les critères de l’ASNP, à une baisse de la capacité de travail de 50% même dans une activité adaptée.

En conclusion, pour les seules suites neurologiques (somatiques) de l’accident, il y avait lieu de retenir un trouble neuropsychologique léger à moyen sur la base des considérations médico-théoriques exposées plus haut. La situation était stabilisée d’un point de vue somatique.

Du seul point de vue neurologique, l’assuré était apte à exercer une activité aux exigences cognitives plutôt simples, bien cadrée et prédéfinie, à caractère répétitif. Des « activités moyennes » étaient exigibles. Ne l’étaient pas, en revanche, les horaires très variables, défavorables, voire nocturnes, le contact régulier avec la clientèle, la responsabilité pour autrui et les activités portant un risque d’accident élevé. La conduite automobile restait proscrite. Eu égard aux limitations fonctionnelles, on retenait un taux de travail de 50% sans perte de rendement. Un traitement du fait de l’accident n’était plus nécessaire ; on ne pouvait plus attendre de la poursuite du traitement une amélioration notable de l’état de santé en rapport avec l’accident. Cependant, dans la mesure où les céphalées dont se plaignait l’assuré était en relation de causalité naturelle pour le moins probable avec les suites de l’accident, l’assureur devait en prendre en charge leur traitement à hauteur de deux consultations par an pour les deux ans à venir, avec la médication prescrite par le spécialiste.

q. Dans une seconde appréciation du 4 mai 2021, le Dr G______ a fixé le taux d’IPAI à 35% en précisant que cette indemnité tenait compte des seules suites neurologiques de l’accident et correspondait à une atteinte modérée à moyenne selon les barèmes de la table 8 LAA (atteinte légère à moyenne selon les critères de l’ASNP).

r. Par courrier du 11 mai 2021, l’assureur a informé l’assuré qu’il ressortait
de l’appréciation neurologique du 4 mai 2021 qu’il n’avait plus besoin d’un traitement et qu’en conséquence, il serait mis fin au paiement des soins médicaux et des indemnités journalières avec effet au 31 août 2021. Le traitement des céphalées continuerait cependant à être pris en charge au cours des deux années à venir dans la mesure fixée par le Dr G______.

B. a. Par décision du 22 décembre 2021, l’assureur a octroyé à l’assuré une rente correspondant à un degré d’invalidité de 54% avec effet au 1er septembre 2021, ainsi qu’une IPAI de 35%. Il a constaté qu’en faisant abstraction des troubles psychogènes qui n’étaient pas en relation de causalité adéquate avec l’accident, l’assuré pouvait exercer à 50% une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues par le Dr G______ (activité « moyenne » avec horaires fixes, n’impliquant pas un risque élevé d’accident, sans travaux de nuit ni contact régulier avec la clientèle, ni responsabilité pour autrui, ni conduite automobile). Une telle activité lui permettait de réaliser, selon l’enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS), un revenu résiduel de CHF 34’496.- dans une activité de niveau 1. En comparant ce revenu au gain de CHF 74’287.- qu’il aurait pu réaliser sans l’accident, il en résultait une perte de gain de CHF 53.56%, soit une rente de 54%.

b. Le 27 janvier 2022, l’assuré, représenté par un avocat, a formé opposition à cette décision, concluant à son annulation, à l’octroi non seulement d’une IPAI majorée – intégrant également l’atteinte psychique – mais aussi d’une rente d’invalidité tenant compte d’une incapacité de travail totale et définitive, toutes activités confondues.

À l’appui de sa position, il a produit :

-          une attestation établie le 17 janvier 2022 par le docteur N______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur. Lors de la consultation du jeudi 13 janvier 2022, il avait observé l’assuré. Celui-ci lui était apparu manifestement très fatigué, se plaignant de céphalées à répétition quasiment journalières, invalidantes, de vertiges qui l’obligeaient à se coucher dans la journée, d’un manque de concentration et d’une fatigabilité extrême. L’activité physique qui consistait à promener son chien pendant 30 minutes était également épuisante, à tel point qu’il se couchait quand il rentrait. Une demi-heure d’activité physique l’épuisait mentalement et physiquement. Son impotence fonctionnelle était donc totale. Dans ces conditions, aucune activité professionnelle n’était exigible de sa part ;

-          une attestation du 31 janvier 2022 de la docteure O______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, attestant que l’assuré, qui l’avait consultée le même jour, présentait une incapacité de travail partielle, voire totale dans toute activité.

c. Par projet de décision du 17 mai 2022, l’OAI a proposé d’octroyer à l’assuré une rente entière basée sur un degré d’invalidité de 100%, ce à partir du 5 juin 2019, soit au terme du délai de carence d’un an courant depuis le début de son incapacité de travail. Celle-ci étant totale dans toute activité, la mise en place de mesures professionnelles n’était pas indiquée.

d. Par décision du 31 mai 2022, l’assureur a rejeté l’opposition en faisant valoir que les attestations des Drs N______ et O______ n’expliquaient pas en quoi l’appréciation du Dr G______ – sur laquelle la décision se fondait – était erronée ou incomplète. En ce qui concernait les troubles psychiques de l’assuré, le point de savoir s’ils présentaient un lien de causalité naturelle avec l’accident du 5 juin 2018 pouvait rester indécis, dans la mesure où leur causalité adéquate avec cet événement devait être niée. Compte tenu des seules séquelles somatiques de l’assuré et des explications développées par le Dr G______, l’assureur avait retenu à juste titre un revenu avec invalidité exigible de CHF 34’496.- sur la base des statistiques de l’ESS qui, comparé au revenu sans invalidité que l’assuré aurait pu réaliser sans l’accident en 2021 (CHF 74’287.-) correspondait à une perte de gain de CHF 39’791.- (ou 54%). Enfin, dans la mesure où les rapports médicaux que l’assuré avait produits à l’appui de son opposition n’expliquaient pas les raisons pour lesquelles l’estimation de l’IPAI par le Dr G______ aurait été erronée ou incomplète, il convenait de reconnaître que le taux de cette indemnité avait été correctement fixé à 35%.

C. a. Le 4 juillet 2022, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation, à la condamnation de l’assureur à prendre en charge les frais de son traitement psychiatrique et neurologique, à l’octroi d’une IPAI fondée tant sur l’atteinte somatique que sur l’atteinte psychique, ainsi qu’au versement d’une rente d’invalidité fondée sur ses limitations tant somatiques que psychiques.

À l’appui de sa position, il a fait valoir que l’accident du 5 juin 2018 devait être qualifié de grave et que même si l’on s’en tenait à la qualification de l’intimée, à savoir celle d’un accident à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne, un nombre suffisant de critères de causalité adéquate (quatre sur sept) étaient réalisés. Il s’ensuivait, selon lui, que le lien de causalité adéquate entre l’accident
et ses troubles psychiques était établi. Le recourant a fait également valoir en substance que l’arrêt des prestations provisoires (prise en charge du traitement médical et des indemnités journalières), ainsi que l’examen du droit à une rente, respectivement à une IPAI, était intervenu prématurément, dans la mesure où le traitement combiné (neurologique/psychiatrique), qui était en cours en 2021, n’était pas achevé à ce jour, de sorte qu’il convenait d’apprécier, « en temps voulu et ensemble », ses pathologies, notamment en matière d’IPAI et de rente LAA.

Pour étayer ces allégations, il a produit notamment :

-          un rapport du 9 juillet 2021 de la docteure P______, spécialiste FMH en neurologie, relatif à une consultation du 15 juin 2021, évoquant un tableau parlant en faveur de céphalées post-traumatiques et de troubles cognitifs à prédominance exécutive. Ceci était compatible avec les séquelles du TCC, en particulier avec la séquelle fronto-operculaire. La Dre P______ conseillait l’introduction de Venlafaxine®, au cas où celle-ci n’aurait pas encore été essayée. Cette substance serait utile comme traitement de fond des céphalées et pourrait avoir un positif sur les symptômes neuropsychologiques ;

-          un rapport du 4 juillet 2022 de la Dre P______, indiquant que la dernière consultation avec le recourant avait eu lieu en novembre 2021. Il présentait au premier plan une aggravation de son état psychologique, avec une thymie très abaissée en lien avec sa situation sociale et économique et, du point de vue neurologique, des céphalées chroniques, « des caractéristiques similaires aux antérieures ». Sur le plan neuropsychologique, il présentait, malgré une évolution lentement favorable depuis son accident, des fluctuations cliniques et restait spécialement gêné par ses troubles exécutifs, avec des difficultés pour s’organiser. D’entente avec le psychiatre du recourant, la Dre P______ avait proposé l’introduction de Valproate®, qui aurait un effet favorable sur les deux plans, neurologique et psychologique. En réponse à la question du mandataire du recourant, elle se disait d’accord avec les conclusions de la SUVA. Du point de vue strictement neurologique, au dernier contrôle, on pouvait retenir une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée. Il fallait néanmoins tenir compte de l’évolution psychiatrique du cas ;

-          un échange de courriels du 4 juillet 2022 entre le conseil du recourant et la Dre P______, ayant pour objet trois questions en lien avec l’appréciation du Dr G______ du 4 mai 2021. Interrogée sur le point de savoir si on pouvait considérer le cas comme stabilisé du point de vue somatique depuis 2019 et
si une activité adaptée à 50% s’effectuerait sans perte de rendement, la
Dre P______ a répondu deux fois par l’affirmative. En ce qui concernait la question de savoir si un traitement des céphalées via « deux consultations spécialisées pour les deux ans à venir, avec la médiation prescrite par le spécialiste » s’avérerait suffisant, la Dre P______ a répondu qu’il était impossible de répondre de façon catégorique à ces questions puisque la fréquence des consultations devait s’adapter à l’évolution clinique ;

-          le procès-verbal d’une audience s’étant tenue le 22 mars 2022 au Ministère public, dans les suites de l’accident du 5 juin 2018 ;

-          des photos de la trémie à travers laquelle le recourant avait chuté au moment de cet accident.

b. Par réponse du 18 juillet 2022, l’intimée, représentée par un avocat, a conclu au rejet du recours. À l’appui de sa position, elle a soutenu en substance que c’était à bon droit que le cas avait été traité en fonction des seules séquelles somatiques
de l’accident du 5 juin 2018 et qu’en l’absence de lien de causalité adéquate entre
les troubles psychiques et cet événement, le recourant ne pouvait pas prétendre à ce que ces derniers fussent pris en considération. Partant, c’était à juste titre qu’au vu de la stabilisation du cas d’un point de vue somatique, elle avait mis fin au paiement de l’indemnité journalière et des soins médicaux avec effet au 31 août 2021 et déterminé le droit du recourant à une rente d’invalidité de 54%, ainsi qu’à une IPAI de 35% à la lumière de l’appréciation neurologique du 4 mai 2021 du
Dr G______.

c. Par réplique du 30 septembre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions en faisant valoir qu’il avait été victime d’un accident grave par sa nature et ses conséquences qui étaient invalidantes non seulement sur le plan somatique, mais aussi psychique.

Il a versé à la procédure notamment :

-          un avis médical du 20 janvier 2022 du Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), retenant, en accord par ailleurs avec les médecins réadaptateurs de la CRR, un TCC de degré sévère. Constatant qu’une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle de maçon était attestée par l’ensemble des intervenants, mais que leurs avis – en particulier ceux émis par les médecins de la CRR, d’une part, et le Dr G______, d’autre
part – divergeaient quant à la capacité de travail dans une activité adaptée,
le SMR a estimé qu’il n’était pas en mesure de se prononcer à ce sujet, pas plus que le début de la date de l’aptitude à la réadaptation. Aussi proposait-il, à cette fin, d’interroger la docteure Q______, médecine interne générale FMH, et la psychiatre traitante ;

-          un rapport du 22 février 2022 de la Dre Q______ à l’OAI, relatif à une consultation du même jour et évoquant, depuis le début de la prise en charge (2018), une absence d’amélioration au niveau des fonctions cognitives, mais une amélioration de la thymie. Invitée à dire si d’un point de vue strictement médical, le recourant était capable d’exercer une activité strictement adaptée à son état de santé, cette praticienne a répondu qu’elle ne le pensait pas, en précisant que les troubles neurocognitifs étaient au premier plan et que les limitations étaient liées aux problèmes attentionnels et aux troubles exécutifs. En effet, il semblait difficile d’envisager un travail avec des horaires et des tâches à effectuer au vu du tableau clinique actuel peu amélioré. Par ailleurs, en raison de problèmes au dos (lombalgies chroniques déjà évoquées en 2018) et, plus récemment (après la consultation du 17 juin 2021), au pied droit et à la cheville droite (maladie de Freiberg du 3ème métatarsien du pied droit et arthrose sous-talienne avec poussées d’arthrite), un travail en position debout ou statique prolongée ou impliquant le port de charges semblait compliqué ;

-          un rapport du 11 avril 2022, adressé à l’OAI par la Dre O______
et cosigné par Madame R______, psychologue, posant
le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2). Le recourant continuait à présenter des maux de tête, la même symptomatologie dépressive, ainsi que des difficultés d’attention et de mémoire. Interrogée sur la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée et sur le point de savoir depuis quand une telle activité était/aurait-elle été possible, la Dre O______ a répondu qu’actuellement, cette capacité de travail était nulle. Elle a précisé que le recourant n’avait pas de ressources émotionnelles ou psychologiques pour faire face à ses difficultés ;

-          un rapport du 27 juillet 2022 de la Dre P______, relatant une consultation neurologique remontant au 18 juillet 2022, dont il ressortait en résumé que le recourant présentait toujours des céphalées post-traumatiques quatre ans après le TCC, de même que des troubles neuropsychologiques séquellaires à prédominance attentionnelle et exécutive, étant précisé qu’il était probable, d’un point de vue neuropsychologique, qu’il les conservât sur le long terme. Sa capacité de travail restait de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Sur le plan thérapeutique, la Dre P______ proposait l’introduction progressive de Depakine® comme traitement de fond des céphalées. La poursuite de la prise en charge psychiatrique lui semblait importante ;

-          la décision du 13 juillet 2022 de l’OAI octroyant à l’assuré une rente d’invalidité entière avec effet au 1er juin 2019 ;

d. Le 11 octobre 2022, l’intimée a dupliqué en faisant valoir pour l’essentiel que l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’avait pas de force contraignante pour l’assureur-accidents.

e. Par ordonnance du 15 novembre 2022, la chambre de céans a requis la production, par l’OAI, du dossier AI du recourant.

f. Par pli du 21 décembre 2022, la chambre de céans a informé les parties que le dossier AI était à leur disposition, pour consultation, jusqu’au 20 janvier 2023 et qu’il leur était loisible, dans ce même délai, de fait part de leurs éventuelles observations.

g. Par courrier du 20 janvier 2023, le recourant a relevé qu’après consultation de son dossier AI, il ne pouvait que se référer au rapport SMR du 5 mai 2022.

Il ressort de ce dernier qu’après avoir pris connaissance des rapports du 22 février 2022 de la Dre Q______, respectivement du 11 avril 2022 de
la Dre O______, cosigné par Mme R______, et après l’étude de l’intégralité du dossier, le SMR rejoignait l’avis de ces médecins quant à l’existence d’une atteinte à la santé incapacitante sur séquelles de TCC sévère et trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, ainsi que l’appréciation d’une capacité de travail de 0% dans l’activité habituelle comme dans une activité adaptée impliquant des exigences de rendement. Les limitations fonctionnelles concernaient la nécessité d’un cadre avec exécution de tâches simples, sans exigence de planification ni de rendement, la prise de pauses en cas de nécessité et chaque demi-heure, une endurance limitée à 2h/j le matin, pas de travail en hauteur ni de nuit, pas d’environnement bruyant, pas de front office, ainsi qu’une épargne du rachis dorso-lombaire. Étant donné qu’une évolution ultérieure de la condition psychique de l’assuré, avec possiblement une amélioration thymique et une acquisition de ressources suffisantes pour compenser une partie de ses limitations fonctionnelles n’était pas exclue, le SMR recommandait une révision d’office du dossier d’ici deux ans.

h. Le 31 janvier 2023, une copie de ce courrier a été transmise, pour information, à l’intimée.

i. Les autres faits seront exposés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

2.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

2.3 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA). Lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit (art. 38 al. 3 LPGA et 17 al. 3 LPA).

2.4 Après réception de la décision sur opposition le 2 juin 2022, le délai de recours a commencé à courir le lendemain et est arrivé à échéance le 4 juillet 2022, le dernier jour du délai tombant un samedi (2 juillet 2022). Posté le 4 juillet 2022, le recours a été interjeté en temps utile. Respectant également les exigences de forme prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi l’art. 89B LPA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était fondée, par sa décision sur opposition du 31 mai 2022, à fixer l’incapacité de gain ouvrant droit à la rente d’invalidité, ainsi que l’IPAI en faisant abstraction des éventuelles conséquences psychiques de l’accident du 5 juin 2018.

4.              

4.1 Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, l’assureur-accidents verse des prestations à l’assuré en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

4.2 L’exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans l’événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire, en revanche, que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé ; il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

4.3 En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit fonctionnel organique, l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d’un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). L’absence de douleurs dans la nuque et les épaules dans un délai de 72 heures après l’accident assuré permet en principe d’exclure un traumatisme de type « coup du lapin » justifiant d’admettre un rapport de causalité naturelle entre cet accident et d’autres symptômes apparaissant parfois après une période de latence (par ex., vertiges, troubles de la mémoire et de la concentration, fatigabilité), malgré l’absence de substrat objectivable; il n’est pas nécessaire que ces derniers symptômes – qui appartiennent, avec les cervicalgies, au tableau clinique typique d’un traumatisme de type « coup du lapin » – apparaissent eux-mêmes dans le délai de 72 heures après l’accident assuré (SVR 2007 UV n. 23
p. 75 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 580/06 du 30 novembre 2007 consid. 4.1).

4.4 Le droit à des prestations suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références). En revanche, lorsque des symptômes consécutifs à un accident ne sont pas objectivables d’un point de vue organique, il y a lieu d’examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l’événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 2.3 et les arrêts cités) ; en cas d’atteinte à la santé psychique, les règles applicables en matière de causalité adéquate sont différentes selon qu’il s’agit d’un événement accidentel ayant entraîné une affection psychique additionnelle
à une atteinte à la santé physique (ATF 115 V 133 consid. 6; ATF 115 V 403 consid. 5) ou d’un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d’un traumatisme analogue à la colonne cervicale et d’un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit organique objectivable (cf. ATF 134 V 109
consid. 7 à 9 ; ATF 117 V 369 consid. 4b ; ATF 117 V 359 consid. 6a ; SVR 1995 UV n° 23 p. 67 consid. 2 ; sur l’ensemble de la question : cf. ATF 127 V 102 consid. 5b/bb).

4.4.1 En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa, 403 consid. 5c/aa) et ce, au moment où il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical des troubles somatiques une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré (ATF 134 V 109 consid. 6.1).

4.4.2 En cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de TCC sans preuve d’un déficit fonctionnel organique, l’examen se fait en revanche sur la base de critères particuliers n’opérant pas de distinction entre les éléments physiques et psychiques des atteintes, lorsque les symptômes attribuables de manière crédible au tableau clinique typique (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.) se trouvent au premier plan (ATF 134 V 109 consid. 10.3; 117 V 359
consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 3.2.3).

Selon la pratique du coup du lapin, l’examen de la causalité adéquate doit se faire au moment où aucune amélioration significative de l’état de santé de l’assuré ne peut être attendue de la poursuite du traitement médical relatif aux troubles typiques du coup du lapin – dont les composantes psychologique et physique
ne sont pas facilement différenciées – (ATF 134 V 109 consid. 4.3 et 6.2; arrêt
du Tribunal fédéral 8C_303/2017 consid. 6.1) ou, autrement dit, du traitement médical en général (« ärztlichen Behandlung insgesamt » ; Alexandra RUMO-JUNGO, Pierre-André HOLZER, Bundesgestz über die Unfallversicherung,
4ème éd. 2012, ad art. 6, p. 60). On précisera que la question de savoir si la problématique psychique fait passer les autres troubles au second plan ne peut pas être tranchée sur la base d’un « instantané » (« Momentaufnahme »). Ainsi, il n’est pas admissible, longtemps après un accident de type « coup du lapin », lorsque les troubles physiques faisant partie du tableau clinique typique ont en grande partie disparu, mais que la problématique psychique persiste, d’évaluer désormais cette dernière selon la jurisprudence relative aux conséquences psychiques de l’accident, alors qu’à un stade antérieur, lorsque le tableau clinique typique était encore marqué, elle aurait été évaluée selon la pratique relative au « coup du lapin » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_12/2016 du 1er juin 2016 consid. 7.1 ;
Irene HOFER, in FRÉSARD-FELLAY, LEUZINGER, PÄRLI [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 105 ad art. 6 LAA).

5.              

5.1 Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre les plaintes et un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit organique objectivable, il y a lieu d’abord d’opérer une classification des accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement; les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale), les accidents de gravité moyenne et les accidents graves (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; ATF 115 V 133 consid. 6). Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 117 V 359 consid. 6a). Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_890/2012 du 15 novembre 2013 consid. 5.2 et les références).

Le Tribunal fédéral a toutefois précisé qu’en cas de TCC, un certain degré de sévérité de l’atteinte sous forme d’une contusio cerebri était nécessaire pour justifier l’application de la jurisprudence en cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de TCC. En revanche, en présence d’un TCC léger, l’examen d’un lien de causalité adéquate s’effectue en application de la jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_565/2022 du 23 mai 2023 et les arrêts cités; sur la distinction médicale entre TCC léger et contusio cerebri, cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_44/2017 du 19 avril 2017 consid. 4.1).

Lorsque l’assuré est victime d’un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l’existence d’une relation de causalité adéquate entre cet événement et l’incapacité de travail (ou de gain) (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; par analogie ATF 115 V 403 consid. 5b).

Sont réputés accidents de gravité moyenne, les accidents qui ne peuvent être classés dans l’une ou l’autre des catégories décrites ci-dessus. Pour admettre le caractère adéquat du lien de causalité entre un tel accident et des atteintes à la santé sans preuve de déficit organique consécutives à un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue ou un traumatisme crânio-cérébral, il faut que soient réunis certains critères objectifs, désormais formulés de la manière suivante (ATF 134 V 109 consid. 10.2) :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions ;

- l’administration prolongée d’un traitement médical spécifique et pénible ;

- l’intensité des douleurs ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes;

- et, enfin, l’importance de l’incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l’assuré.

L’examen de ces critères est effectué sans faire de distinction entre les composantes physiques ou psychiques: ainsi, les critères relatifs à la gravité ou à la nature particulière des lésions subies, aux douleurs persistantes ou à l’incapacité de travail sont déterminants, de manière générale, sans référence aux seules lésions ou douleurs physiques (ATF 117 V 359 consid. 6a ; ATF 117 V 369 consid. 4b).

5.2 Nonobstant ce qui précède (consid. 5.1), même en présence d’un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d’un traumatisme analogue
ou d’un TCC – si les symptômes (non psychiques) du tableau clinique sont réellement à l’arrière-plan par rapport à l’importance des symptômes psychiques, ou si ces troubles psychiques apparaissent très tôt de manière prédominante, soit dans un délai maximum de six mois, ou si l’accident n’a fait que renforcer des troubles psychiques qui étaient déjà présents avant cet événement, ou encore lorsque les troubles psychiques apparus après l’accident n’appartiennent pas au tableau typique d’un traumatisme de type « coup du lapin », d’un traumatisme analogue ou d’un TCC (y compris un état dépressif), mais constituent plutôt une atteinte à la santé indépendante (ATF 123 V 98 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral U 101/05 du 12 avril 2006 consid. 5.2.2), il convient d’appliquer, dans les cas d’accidents de gravité moyenne, les critères objectifs tels que définis à
l’ATF 115 V 133 consid. 6c/aa et à l’ATF 115 V 403 consid. 5c/aa, au regard des seules atteintes somatiques, soit :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques ;

- la durée anormalement longue du traitement médical ;

- les douleurs physiques persistantes ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ;

- le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

6.              

6.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b).

6.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

6.2.1 Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

6.2.2 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI ; RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou
la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à
la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR
(ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

6.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3, ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.2 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire. Celui-ci comprend en particulier l’obligation de ces dernières d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences, sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

7.3 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985
p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.              

8.1 En l’espèce, l’intimée a estimé sur la base de l’appréciation neurologique
du 4 mai 2021 du Dr G______ que la situation était stabilisée du point de vue somatique et que les seules suites neurologiques (somatiques) de l’accident, consistant en un trouble neuropsychologique léger à moyen, à l’origine d’une incapacité de travail de 50% dans une activité adaptée, justifiaient l’octroi d’une rente d’invalidité de 54% dès le 1er septembre 2021, ainsi qu’une IPAI de 35%. Appliquant la jurisprudence relative aux conséquences psychiques d’un accident (ci-dessus : consid. 4.4.1), sans toutefois motiver ce choix, l’intimée a également retenu, dans la décision querellée, que même si l’événement du 5 juin 2018, consistant en une chute d’une hauteur de 5 à 6 m environ, pouvait être qualifié d’accident se situant à la limite supérieure de la catégorie des accidents de gravité moyenne, elle n’avait pas à répondre des troubles psychiques du recourant, dans la mesure où le lien de causalité adéquate entre ceux-ci et l’accident devait être nié faute de réalisation ne serait-ce que d’un seul critère de causalité adéquate. Dans sa réponse du 18 juillet 2022 (p. 5, avant-dernier §), l’intimée a encore précisé qu’en l’absence de causalité adéquate entre les troubles psychiques du recourant et l’accident du 5 juin 2018, la causalité naturelle de ceux-ci avec l’événement en question pouvait demeurer ouverte. En raisonnant de la sorte, l’intimée n’a toutefois pas examiné si, compte tenu du tableau clinique, le recourant avait subi, lors de l’accident du 5 juin 2018, un traumatisme de type « coup du lapin » au niveau de la colonne cervicale, un traumatisme analogue ou un TCC, étant relevé qu’un tel examen doit être effectué au préalable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_12/2016 du 1er juin 2016 consid. 7.1). Aussi convient-il de remédier à cette omission ci-après (consid. 8.2), le but étant de déterminer si l’intimée aurait dû, au moment de la clôture du cas, statuer sur le rapport de causalité adéquate sans faire de distinction entre les composantes physiques et psychiques des atteintes à la santé du recourant, ce qui dépend à son tour de la présence d’un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de tête diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, fatigabilité, dépression, etc.) permettant de présumer l’existence d’un lien de causalité naturelle avec l’accident (cf. arrêt du Tribunal fédéral U 138/02 du 6 juin 2003 consid. 3.1 ; cf. également ci-dessus : consid. 4.4.2).

8.2 En l’occurrence, il ressort du rapport du 20 juin 2018 des HUG (« lettre de sortie des soins aigus ») et de la synthèse des rapports médicaux effectuée le 20 janvier 2022 par le SMR (pièce 8 recourant) qu’après son accident du 5 juin 2018, ayant causé un TCC avec contusion cérébrale au niveau cortical temporal et fronto-operculaire droit, perte de connaissance d’une durée inconnue et amnésie circonstancielle, le recourant avait présenté un score de 14/15 à l’échelle de coma de Glasgow et subi, malgré le port d’un casque, une fracture non déplacée de
l’os pariétal à gauche, s’étendant dans l’écaille du temporal du même côté. Les fonctions cognitives étaient apparues altérées dès le départ avec une atteinte « multidomaine notamment dysexécutive » et attentionnelle sévère impactant la mémoire, avec des troubles du comportement conséquents (irritabilité, fatigabilité mentale accrue, ralentissement, manque d’auto-activation, de planification de flexibilité et de capacité d’apprentissage) et une multitude de symptômes corrélés (céphalées, troubles du sommeil, fatigue, sensibilité à la lumière). La lettre de sortie du 20 juin 2018 précisait toutefois qu’il était possible que les difficultés attentionnelles et mnésiques modérées à sévères (nette réduction de la vitesse de traitement et déficit de mémoire immédiate et de travail avec des fluctuation) fussent aggravées par les aspects thymiques.

En ce qui concerne ces derniers, le Dr M______, a admis de manière constante l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques du recourant et l’accident du 5 juin 2018 en motivant ce point de vue par la gravité de cet événement (cf. appréciation du 15 janvier 2020) et l’existence d’un continuum dans la présence/persistance de plaintes thymiques depuis le 5 juin 2018 (cf. appréciation du 24 février 2021). Tout en faisant part des raisons qui le faisaient hésiter entre un épisode dépressif sans précision et un trouble dépressif récurrent, sans précision également, le Dr M______ n’en a pas moins précisé qu’il retenait aussi un syndrome post-commotionnel (F07.02) (cf. l’appréciation du 10 février 2021 de ce médecin), à l’instar du docteur S______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie auprès de la CRR (cf. dossier intimée, doc. 188).

Le Dr L______ a fait état, quant à lui, d’un état dépressif antérieur au TCC (rapport du 11 juin 2020), aggravé par ce traumatisme (rapport du 29 novembre 2019). Il ne ressort toutefois pas des explications de ce médecin ni des pièces des dossiers LAA/AI que cet état antérieur – prenant la forme d’une symptomatologie dépressive « dans un contexte de conflit de voisinage peu clair » (dossier intimée, doc. 188 p. 31) – aurait eu une quelconque répercussion sur la capacité de travail du recourant.

Prenant également position sur les aspects thymiques du cas – pour expliquer
leur répercussion partielle sous la forme d’une majoration des troubles cognitifs dus au TCC –, le Dr G______ a précisé que lesdits aspects étaient intriqués de manière indissoluble avec les troubles cognitifs (cf. appréciation du 3 avril 2020) et que sous l’angle médico-théorique et purement somatique (sous lequel il se prononçait pour retenir un TCC correspondant à un trouble neuropsychologique léger à moyen en lien avec l’accident), l’atteinte front-temporale droite était susceptible de perturber les fonctions attentionnelles et exécutives et d’influencer une thymie déjà altérée avant l’accident. Il a également précisé que les céphalées pouvaient être intégrées à une symptomatologie post-commotionnelle marquée (cf. son appréciation du 4 mai 2021).

Il ressort de ces constatations médicales que le 5 juin 2018, le recourant a subi un TCC suffisamment sévère (c’est-à-dire atteignant le niveau d’une contusion cérébrale/ contusio cerebri [cf. ci-dessus : consid. 5.1]), associé, dès le départ, au tableau clinique typique pour ce genre de traumatisme. Quand bien même les médecins de la CRR évoquaient, dans leur rapport du 3 mai 2019, soit près d’un an après l’accident, un syndrome dépressif « au premier plan », au moins en partie post-traumatique, on ne saurait considérer, au regard des critères évoqués (ci-dessus : consid. 5.2) et de l’importance accordée par le Dr G______ aux seuls troubles neurologiques post-traumatiques (cf. son appréciation de la capacité de travail du 4 mai 2021), que les symptômes autres que dépressifs liés au TCC seraient relégués au second plan, que ce soit à compter de la période ayant immédiatement suivi l’accident ou parce que le TCC n’aurait joué qu’un rôle tout à fait secondaire durant toute la phase de l’évolution, depuis l’accident jusqu’au moment de la décision litigieuse.

Attendu par ailleurs que l’état dépressif antérieur au TCC, mentionné notamment par le Dr L______, n’avait pas de répercussion sur la capacité de travail et qu’il n’était pas accompagné, à cette époque, d’un syndrome post-commotionnel (F07.02), que les médecins interrogés par l’intimée s’accordent à reconnaître non pas une simple aggravation de l’état psychique antérieur, mais une intrication
de celui-ci avec les troubles cognitifs post-traumatiques (cf. en particulier l’appréciation du Dr G______ du 3 avril 2020), on ne saurait pas davantage considérer que l’événement du 5 juin 2018 n’aurait fait que renforcer les symptômes de troubles psychiques déjà présents, ou que les troubles psychiques en question constitueraient une atteinte à la santé indépendante (cf. arrêt du Tribunal fédéral U 101/05 du 12 avril 2006 pour un cas et une appréciation similaire).

Dans la mesure où le lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l’accident apparaît ainsi établi au degré de la vraisemblance prépondérante, il convient d’examiner le lien de causalité adéquate sans faire de distinction entre les éléments physiques et psychiques des atteintes. Plus précisément, il est nécessaire d’apprécier si l’intimée était fondée à nier la causalité adéquate desdits troubles psychiques au moment où il n’y avait plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical des troubles somatiques une sensible amélioration de l’état de santé du recourant (cf. ci-après : consid. 8.3).

8.3 Au regard des lésions osseuses relativement sévères constatées (cf. lettre de sortie du 20 juin 2018) et de la casuistique en matière de chutes d’une hauteur comprise entre 5 et 8 m (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2013 du 3 juillet 2014 consid. 4.1 et les arrêts cités in RUMO-JUNGO/ HOLZER, op. cit., p. 67), c’est à bon droit que la décision attaquée retient que l’événement du 5 juin 2018 se situe à la limite supérieure de la catégorie des accidents de gravité moyenne. En pareil cas, il est nécessaire mais il suffit qu’un seul critère de causalité adéquate soit rempli (ATF 117 V 367 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2013 précité, consid. 5.1).

Selon les précisions de jurisprudence apportées dans l’arrêt ATF 134 V 109, l’intensité des douleurs doit être examinée au regard de leur crédibilité, ainsi que de l’empêchement qu’elles entraînent dans la vie quotidienne (ATF 134 V 109 consid. 10.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_710/2008 du 28 avril 2009
consid. 4.2.3).

En l’occurrence, les premier bilans neuropsychologiques, effectués dès 2018,
font mention de céphalées post-traumatiques, « d’apparition très rapide », qui
se manifestent dès que l’intéressé « essaie de se concentrer » (cf. l’évaluation neuropsychologique du 7 décembre 2018 ; doc. 79 intimée). Les éléments postérieurement versés au dossier font état d’une situation inchangée en 2019 et 2020, le recourant se disant toujours « très limité par les douleurs et céphalées
dès qu’il doit fournir un effort mental (doc. 130 intimée, p. 4 ; doc. 188 intimée,
p. 4 ; doc 229 intimée, p. 1). Ces douleurs, qui deviennent plus intenses « s’il ne prend pas de médicaments » (doc. 144 intimée), l’amènent à « s’allonger sur le canapé pour fermer les yeux […] après un effort mental » (doc. 165 intimée, p. 1). Elles apparaissent rapidement après le « moindre effort mental » et ont représenté la principale limitation durant le séjour de l’intéressé à la CRR (doc. 241 intimée, p. 3). Elles se manifestaient encore en 2021 – soit dans l’année de la clôture du cas – dans la moindre activité cognitive, le fait de « lire, regarder la télévision ou s’entretenir avec un tiers, [déclenchant] ou [majorant] des migraines par ailleurs quasiment constamment présentes » (doc. 241 intimée, p. 8), le Dr G______ allant jusqu’à reconnaître, le 4 mai 2021, la nécessité d’un traitement des céphalées durant deux ans après la clôture du cas. On constate enfin que malgré le suivi médical depuis l’accident et plusieurs traitements essayés, dont l’administration de Saroten®, les céphalées étaient toujours d’actualité au moment de la décision querellée (cf. rapport du 11 avril 2022 de la Dre O______ et rapport du 27 juillet 2022 de la Dre P______).

Au regard de ces éléments bien documentés, les céphalées post-traumatiques apparaissent à la fois crédibles et particulièrement handicapantes dans la vie quotidienne du recourant. Partant, le critère de l’intensité des douleurs apparaît rempli. Celui-ci étant suffisant pour retenir un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques – et/ou non objectivables d’un point de vue organique – et l’accident, la chambre de céans pourrait en soi se dispenser d’examiner si d’autres critères de causalité adéquate s’avèrent réalisés.

On relèvera néanmoins que le critère de l’importance de l’incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l’intéressé apparaît également rempli. Selon le rapport du SMR du 5 mai 2022, ce sont les séquelles post-TCC, associées au trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F32.2), qui entraînent une incapacité de travail totale et durable dans toute activité depuis l’accident. Les spécialistes de la CRR ont par ailleurs mentionné qu’ils avaient pu constater, chez le recourant « une volonté de trouver des solutions à ses limitations » (doc. 130 intimée, p. 4 in fine), son souhait de « retrouver un travail » (doc. 188 intimée,
p. 27), de préférence un emploi moins contraignant physiquement, par exemple dans « l’horlogerie ou l’informatique » mais qu’ils jugeaient ces projets « peu réalistes en l’état » (cf. doc. 188 intimée, p. 16). Dans ces circonstances, qui
sont également marquées par la sévérité du trouble dépressif et la privation
« des ressources qui […] permettraient […] de compenser [le] déficit cognitivo-comportemental post-traumatique » (cf. rapport du SMR du 5 mai 2022), on ne saurait reprocher au recourant de n’avoir effectué ne serait-ce qu’une tentative de reprise d’une activité professionnelle. Au contraire, la volonté de l’intéressé de trouver des solutions à ses limitations apparaît suffisante compte tenu de l’absence de ressources constatée, laquelle se reflète également dans le caractère jugé « peu réaliste en l’état » de ses projets professionnels. En conséquence, un deuxième critère de causalité adéquate apparaît également réalisé.

Partant, c’est à tort que l’intimée a nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident du 5 juin 2018 et les troubles psychiques du recourant au moment de la clôture du cas au 31 août 2021, ce qui entraîne son obligation de les prendre à sa charge au-delà de cette date. Il reste toutefois à déterminer jusqu’à quand
des prestations provisoires (paiement des soins médicaux et des indemnités journalières) sont dues, étant précisé que la clôture séparée d’un cas d’assurance-accidents pour les troubles psychiques, d’une part, et les troubles somatiques, d’autre part, n’entre pas en ligne de compte (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3 et les références).

8.4 Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à une rente d’invalidité prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et qu’aucune mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité n’entre en considération; il appartient alors à l’assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu’aux indemnités journalières, en examinant le droit à une rente d’invalidité et
à une indemnité pour atteinte à l’intégrité. L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident (ATF 134 V 109
consid. 4.1). L’utilisation du terme « sensible » par le législateur montre que l’amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Ni la possibilité lointaine d’un résultat positif de la poursuite d’un traitement médical ni un progrès thérapeutique mineur à attendre de nouvelles mesures – comme une cure thermale – ne donnent droit à sa mise en œuvre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_142/2017 du 7 septembre 2017 consid. 4 et la référence citée). Il ne suffit pas non plus qu’un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_736/2017 du 20 août 2018 consid. 4.1 et la référence citée). Dans ce contexte, l’état de santé doit être évalué de manière prospective (arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.2).

8.4.1 En l’occurrence, au moment où l’intimée a mis fin au paiement des soins médicaux et des indemnités journalières, soit au 31 août 2021, il ressortait des pièces médicales versées au dossier, en particulier de l’appréciation neurologique du Dr G______ du 4 mai 2021, qu’il n’y avait plus lieu d’attendre de la poursuite du traitement une amélioration notable de l’état de santé en rapport avec l’accident, la situation étant stabilisée d’un point de vue somatique, avec un trouble neuropsychologique léger à moyen justifiant une incapacité de travail
de 50%, même dans une activité adaptée, ainsi que l’octroi d’une IPAI de 35%.
Sur le plan psychique, le Dr M______ considérait en revanche, dans son appréciation du 24 février 2021, que le cas ne pouvait pas être considéré comme étant stabilisé.

Sachant qu’en présence d’une même atteinte à la santé assurée sous l’angle de la LAA et de la LAI, l’évaluation du degré d’invalidité devrait en soi aboutir au même degré d’invalidité (Ulrich MEYER/ Marco REICHMUTH, in STAUFFER/ CARDINAUX [éd.], Rechtsprechung des Bundesgesgerichts zum IVG, 4ème éd., 2022, n. 134 ad art. 4 LAI et les arrêts cités) et qu’en l’espèce, c’est à tort que l’intimée a nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident du 5 juin 2018 et les troubles psychiques du recourant au moment de la clôture du cas (ci-dessus : consid. 8.3), ce qui l’a amenée à apprécier l’invalidité uniquement au regard de l’incapacité de travail induite par les seuls troubles somatiques, il se pose la question de savoir si la décision de rente de l’OAI, fondée sur un degré d’invalidité de 100% en intégrant les aspects psychiques du cas, lie l’intimée. Alors que le recourant soutient en substance que tel serait le cas, l’intimée considère que ce serait précisément le contraire. Aussi convient-il de déterminer ci-après les principes applicables.

D’un point de vue formel, les organes de l’assurance-invalidité ne sont pas liés par l’évaluation de l’invalidité effectuée par l’assureur-accidents (et réciproquement). Partant, l’office AI, respectivement l’assureur-accidents, n’a pas la qualité pour contester (que ce soit par la voie de l’opposition ou du recours) la décision de l’autre assureur concernant le droit à la rente en tant que tel ou le taux d’invalidité
(cf. ATF 133 V 549 ; 131 V 362). La maxime inquisitoire plaide toutefois régulièrement en faveur d’un apport des pièces du dossier AI (ATF 133 V 549 consid. 6.4). Il est également possible et admissible de reprendre les résultats de l’instruction menée par l’office AI s’il s’avère que les rapports médicaux recueillis par cette autorité sont probants et fournissent une base suffisante pour l’évaluation du droit aux prestations LAA (cf. arrêt du Tribunal fédéral U 211/06 du 30 janvier 2007 consid. 5.2 ; Thomas FLÜCKIGER, in FRÉSARD-FELLAY, LEUZINGER, PÄRLI [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 14 ad
art. 18 LAA). On précisera à ce sujet que le changement de jurisprudence opéré dans le domaine de l’assurance-invalidité en matière de troubles psychiques
(ATF 143 V 409 et 418; 141 V 281) vaut par analogie lorsqu’il y a lieu d’examiner le droit à une rente de l’assurance-accidents obligatoire en cas de syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 4.4). Dans l’ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu’une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci ; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d’un point de vue objectif, la personne assurée d’effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l’objet d’une procédure probatoire structurée au sens de l’ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

8.4.2 En l’occurrence, l’instruction menée par l’intimée permet de constater que le seul document appréciant la capacité de travail exigible du recourant à la lumière des conséquences à la fois somatiques et psychiques de l’accident est le rapport
du 3 mai 2019 de la CRR, évaluant l’incapacité de travail du recourant à 100% depuis l’accident au terme d’une évaluation pluridisciplinaire (notamment neurologique, neuropsychologique, psychiatrique et professionnelle). Ce rapport précisait que le syndrome dépressif, au moins en partie post-traumatique, empêchait toute évaluation objective de la capacité de travail future avant la réalisation d’un travail psychothérapeutique régulier ayant pour but de stabiliser l’état thymique. À cet égard, on rappellera que dans son appréciation du 24 février 2021, le Dr M______ a estimé que le cas n’était toujours pas stabilisé sur le plan psychiatrique, tout en se demandant si le traitement – qu’il jugeait par ailleurs conforme aux directives applicables pour le traitement d’une dépression
sévère – aurait une quelconque efficacité à l’avenir, l’impression étant celle d’une claire chronicisation des symptômes et d’un positionnement de plus en plus marqué de l’assuré comme un malade victime d’un accident qui l’avait handicapé à vie. Par cette précision, le Dr M______ envisageait donc, déjà le 24 février 2021, que la poursuite de la psychothérapie pourrait ne pas déboucher pas sur une amélioration thymique. Cependant, dans la mesure où l’intimée n’a plus instruit le cas d’un point de vue psychiatrique une fois qu’elle a nié – à tort (cf. ci-dessus :
consid. 8.3) – la causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident, le seul document postérieur (mais néanmoins antérieur à la décision sur opposition attaquée), tenant compte à la fois des aspects somatiques et psychiques du cas est le rapport du SMR du 5 mai 2022, lequel retient une incapacité de travail de travail totale depuis le 5 mai 2018 dans l’activité habituelle de maçon comme dans toute activité adaptée, sans retenir une date qui marquerait le début d’une aptitude à la réadaptation, celle-ci n’étant en effet pas donnée. En d’autres termes,
et pour autant que le rapport du 5 mai 2022 du SMR puisse se voir reconnaître valeur probante, les conclusions qu’il comporte confirment, quatre ans après l’accident, l’hypothèse d’une absence d’amélioration de l’état dépressif déjà émise le 24 février 2021 par le Dr M______, l’incapacité de travail sur le plan psychiatrique étant durable dans toute activité, même adaptée. Aussi convient-il d’examiner la valeur probante du rapport du SMR du 5 mai 2022 (ci-après : consid. 8.4.3).

8.4.3 Au titre des atteintes à la santé conduisant à une incapacité de travail
totale dans toute activité depuis le 5 juin 2018, ce rapport mentionne les « séquelles post-TCC sévère » et le trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F32.2), malgré un traitement se déroulant de façon adéquate sur un double axe pharmacologique et psychothérapeutique. Se fondant sur le rapport du 22 février 2022 de la Dre Q______ et celui du 11 avril 2022 de la Dre O______, le SMR retient que les troubles cognitifs et thymiques restent d’actualité avec un impact sur la performance au quotidien et la gestion
de celui-ci (tâches administratives prises en charge par une assistante sociale, oublis récurrents, céphalées quotidiennes, fatigabilité accrue non maîtrisée), le recourant n’étant apte qu’à l’exécution de tâches ménagères simples et dépourvu des ressources qui lui permettraient de compenser son déficit cognitivo-comportemental post-traumatique.

La chambre de céans constate que cette motivation s’avère trop succincte pour satisfaire aux réquisits d’une procédure probatoire structurée au sens de
l’ATF 141 V 281 (cf. ci-dessus : consid. 8.4.1) et qu’en outre, des divergences subsistent entre les divers intervenants, tant d’un point de vue psychiatrique que somatique, sans qu’il soit possible, en l’état, de les départager. On constate
en effet que le SMR retient un TCC de gravité sévère – à l’instar des neuropsychologues de la CRR (cf. dossier intimée, doc. 188, p. 29) – alors que le Dr G______ évoque, pour sa part, dans son rapport du 4 mai 2021, un TCC qu’il qualifie « de gravité moindre, en dépit de la présence de quelques lésions structurelles persistantes au niveau cérébral ». On relève ensuite que dans son rapport du 22 février 2022, la Dre Q______ évoque une « amélioration de la thymie » qui, à première vue, ne se reflète guère dans l’épisode actuel sévère du trouble dépressif attesté le 11 avril 2022 par la
Dre O______. Dans ces circonstances, la chambre de céans ne saurait faire siennes les conclusions du rapport du 5 mai 2022 du SMR, étant relevé, par ailleurs, que celles-ci ne fournissent d’indications utiles ni sur le moment précis de la stabilisation du cas ni sur d’éventuelles séquelles psychiques qu’il y aurait lieu d’inclure dans l’IPAI déjà allouée le 22 décembre 2021.

L’intimée ayant prononcé la clôture du cas et examiné le droit à une rente ainsi qu’à une IPAI sans intégrer à son appréciation les troubles psychiques, malgré la persistance de leur causalité naturelle et adéquate avec l’accident au 31 août 2021, la cause sera renvoyée à l’intimée pour qu’elle mette en œuvre, en application de l’art. 44 LPGA, une expertise pluridisciplinaire dans les domaines neurologique, psychiatrique et, au besoin, neuropsychologique par des médecins spécialisés particulièrement au fait du genre de traumatisme subi (TCC), leur mission étant d’apprécier l’évolution de la causalité naturelle des troubles psychiques au-delà
du 31 août 2021, de déterminer à quel moment il n’y a plus lieu d’attendre
de la continuation du traitement médical « dans son ensemble » (incluant, s’il y a lieu, les troubles psychiques ; ci-dessus : consid. 4.4.2) une sensible amélioration de l’état de santé du recourant. Cela fait, et si tant est que les troubles psychiques en lien avec l’accident déploient toujours leurs effets sur la capacité de travail
de l’intéressé en application de la procédure probatoire structurée au sens de
l’ATF 141 V 281, qui sera à mettre en œuvre par l’expert psychiatre désigné (cf. ci-dessus : consid. 8.4.1), il incombera aux experts de déterminer de manière consensuelle la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée et, cas échéant, de compléter l’IPAI (déjà allouée) à la lumière de leurs observations pluridisciplinaires, notamment en fonction d’une éventuelle atteinte importante et durable à l’intégrité mentale et/ou psychique, conformément à l’art. 24 LAA.

9.             Le recours est donc partiellement admis, la décision sur opposition du 31 mai 2022 annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

10.         Étant donné que le recourant obtient partiellement gain de cause dans la procédure de recours, une indemnité de CHF 2’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimée (art. 61 let. g LPGA ;
art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

*****

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 31 mai 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l’intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 2’500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le