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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3583/2022

ATAS/663/2023 du 05.09.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3583/2022 ATAS/663/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 septembre 2023

Chambre 2

 

En la cause

A______

représenté par ASSUAS Association suisse des assurés, soit pour elle Mme G______, mandataire

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 22 décembre 2003, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré, l’intéressé ou le recourant), né en 1963, ressortissant suisse, célibataire, titulaire d’un CFC d’employé de commerce et avec des expériences professionnelles notamment au sein de banques, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité (ci-après : AI), en raison d’une « dépendance aux produits psychotropes » « depuis une dizaine d’années ».

b. Dans le cadre de l’instruction menée par l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l’OAI, l'office ou l’intimé), ont notamment été présentés des rapports des 16 mai et 24 septembre 2003 ainsi que 17 juin 2004 de médecins de l’unité de toxicodépendances du département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG), dont il ressort entre autres qu’après un début de polytoxicomanie à l’âge de 16 ans, l’intéressé avait repris des consommations de cocaïne en 2001 et de manière compulsive en début 2003. Le dernier rapport précité retenait les diagnostics de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation de cocaïne depuis 2001 (CIM-10, F14.24), troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’opiacés, dès l’âge de 21 ans (F11.24), ainsi que trouble dépressif récurrent sans syndrome somatique (F33.10), et relevait plusieurs périodes d’incapacité de travail à 100% entre le 30 décembre 2001 et le 30 septembre 2003.

c. Le service médical régional AI (ci-après : SMR) ayant retenu le 2 novembre 2004 un état dépressif, qualifié de sévère en décembre 2001, justifiant une incapacité de travail totale et durable, bien que temporaire puisqu’il y avait eu un retour de la capacité entière dès le 1er octobre 2003, l’OAI a, par décision du 21 décembre 2004, alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un degré d’invalidité de 100% dès le 27 décembre 2002, « pour une durée limitée jusqu’au 30 septembre 2003 ».

B. a. Le 9 septembre 2020, l’assuré, aidé financièrement par l’Hospice général depuis le 1er décembre 2008, a déposé auprès de l'office une nouvelle demande de prestations AI (mesures professionnelles et/ou rente), en raison d'une incapacité de travail de 100% depuis juillet 2016 causée par plusieurs atteintes à la santé.

b. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'office a reçu divers renseignements médicaux.

Notamment, à teneur de rapports des 5 novembre 2020 et 29 avril 2021 de la doctoresse B______, psychiatre et psychothérapeute FMH au sein de la Fondation PHENIX (ci-après : la fondation) et (depuis 2012) psychiatre traitante de l’intéressé, ce dernier avait une capacité de travail nulle au plan strictement psychiatrique depuis 2016 au minimum.

Un questionnaire AI rempli le 12 février 2021 par le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale auprès de la fondation et médecin généraliste traitant de l’assuré, posait plusieurs diagnostics, parmi lesquels un « syndrome douloureux chronique 2016 » et un « trouble de la personnalité », avec une incapacité totale de travail depuis juillet 2016.

Un rapport du 25 septembre 2017 de la consultation ambulatoire de la douleur des HUG faisait le point sur les douleurs de l’intéressé, ce à quoi s’ajoutaient des rapports des 5/22 novembre 2019 et 6 janvier 2020 de la consultation antalgie (élective) des HUG.

Des rapports des 21 et 27 juin 2017 des Etablissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI) établissaient, à l’intention de l’Hospice général, la synthèse de huit semaines de stage de l’assuré en leur sein entre juin 2016 et janvier 2017.

c. Le SMR ayant demandé le 17 janvier 2022 la réalisation d’une expertise pluridisciplinaire via la plateforme MED@P avec volets rhumatologique, psychiatrique et de médecine interne, un rapport d’expertise a été signé le 24 juin 2022 par des médecins affiliés au Centre d’Expertises Médicales (CEMed) à Nyon, à savoir les docteurs D______, rhumatologue (à la suite d’un entretien le 23 mai 2022 pendant 1h00), E______, psychiatre et psychothérapeute (à la suite d’un examen clinique le 30 mai 2022 pendant 2h00), et F______, spécialiste FMH en médecine interne générale (à la suite d’un examen clinique le 23 mai 2022 pendant 1h35).

Dans l’« évaluation consensuelle » de leur rapport d’expertise, ces experts ont posés plusieurs diagnostics. En l’absence de diagnostic incapacitant, il n’y avait pas de limitations fonctionnelles. La capacité de travail de l’expertisé avait toujours été stable au fil du temps, de 100%, dans toute activité sauf pendant la période entre le 22 juillet 2016 et le 6 février 2017 où elle était « nulle dans les suites de la fracture de l’extrémité proximale du fémur » (après l’accident de juillet 2016).

Etaient annexés à ce rapport d’expertise – qui comprenait aussi les rapports établis séparément par chacun des experts – des rapports de médecins tiers, dont un rapport du 21 février 2018 du service de rhumatologie des HUG, ainsi que des résultats d’analyses médicales de laboratoires.

d. Se fondant sur ce rapport d’expertise, le SMR a, par un rapport du 4 juillet 2022, retenu un état de santé stationnaire depuis la dernière décision sur le fond, l’absence d’atteinte à la santé durablement incapacitante, ainsi qu’une capacité de travail entière dans toute activité, sans limitations fonctionnelles.

e. Par projet de décision du 7 juillet 2022, l’OAI a envisagé de rejeter la demande AI. Selon lui, l’incapacité totale de travail du 22 juillet 2016 au 6 février 2017 ayant duré moins d’une année, les conditions d’octroi de prestations AI n’étaient pas remplies.

f. Par opposition du 19 septembre 2022, soutenue par un rapport du 16 septembre précédent de la Dresse B______ destiné au SMR, l’intéressé a fait part de son désaccord avec ce projet de décision.

g. Par décision du 28 septembre 2022, l’office a maintenu le rejet de la demande AI (rente et mesures professionnelles), ce à la suite d’un rapport du SMR du même jour qui considérait que le rapport de la psychiatre traitante susmentionné, qui contenait des critiques contre les conclusions du rapport d’expertise, n’apportait aucun élément médical objectif nouveau mais constituait simplement une évaluation différente d’un même état de fait.

C. a. Par acte du 28 octobre 2022, l’assuré, représenté par une association de défense des droits des assurés (mandataire professionnellement qualifié), a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans) contre cette décision, concluant à son annulation et cela fait à la reconnaissance du droit aux prestations AI, à savoir une rente et des mesures professionnelles, notamment une orientation professionnelle.

b. Le 13 décembre 2022, il a complété son recours, précisant conclure à l’octroi d’une rente d’invalidité complète.

c. Par réponse du 18 janvier 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

d. Le 20 février 2023, le recourant a répliqué.

e. Le 16 mai 2023 s’est tenue devant la chambre de céans une audience de comparution personnelle des parties et d’audition en qualité de témoins, en confrontation, des Dresses E______ et B______, audience à l’issue de laquelle la cause a été gardée à juger avec l’accord des parties.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AI, à moins que la loi n'y déroge expressément.

La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans la forme et le délai - de trente jours - prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA ainsi que 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             L'objet du litige porte sur le droit éventuel à une rente d’invalidité et à des mesures professionnelles de l'AI du recourant, qui a le statut d’actif à 100%.

De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

5.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l'AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l'occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit serait né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI).

Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1, tel qu'en vigueur dès le 1er janvier 2021, la version antérieure indiquant "dans son domaine d'activité" plutôt que "qui entre en considération"). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2, en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Aux termes de l'art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l'aptitude de l'assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d'activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d'une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité.

Conformément à l'art. 4 LAI, l'invalidité (art. 8 LPGA) peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (al. 1). L'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (al. 2).

6.2 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.3 En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes: sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a); il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) – condition que l’intimé n’a pas considéré comme remplie en admettant une incapacité totale de travail du 22 juillet 2016 au 6 février 2017 –; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

Selon l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins.

Aux termes de l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle l'assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l'art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l'assuré.

6.4 Aux termes de l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une invalidité (art. 8 LPGA) ont droit à des mesures de réadaptation pour autant que ces mesures soient nécessaires et de nature à rétablir, maintenir ou améliorer leur capacité de gain ou leur capacité d'accomplir leurs travaux habituels (let. a) et que les conditions d'octroi des différentes mesures soient remplies (let. b). Le droit aux mesures de réadaptation n'est pas lié à l'exercice d'une activité lucrative préalable. Lors de la fixation de ces mesures, il est tenu compte de la durée probable de la vie professionnelle restante (art. 8 al. 1bis LAI en vigueur dès le 1er janvier 2008). L'art. 8 al. 3 let. b LAI dispose que les mesures de réadaptation comprennent les mesures d'ordre professionnel (orientation professionnelle, formation professionnelle initiale, reclassement, placement, aide en capital).

6.5 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

6.6 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'AI, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

6.6.1 La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique suppose la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant selon les règles de l'art sur les critères d'un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

Dans l'ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'AI, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

6.6.2 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

- Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2)

C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

- Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4)

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2). Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

6.7 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

6.7.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d'investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

6.7.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d'opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

6.8 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.              

7.1 En l’espèce, dans leur rapport d’expertise (du 24 juin 2022), les experts posent les diagnostics de : - dysthymie (F43.1), ancienne, apparue possiblement au décours d’épisodes dépressifs antérieurs, caractérisée par une diminution de l’énergie et de la motivation, une perte de confiance en soi, un pessimisme, un repli social ; - syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4), apparu progressivement dans les suites de l’accident de 2016, « retenu sur l’existence de plaintes douloureuses non expliquées par un processus somatique, à l’origine d’une détresse psychique modérée » ; - troubles liés à l’usage d’opiacés (F11.22), « syndrome de dépendance, abstinent sous traitement de substitution, ancien, en rémission » ; - douleurs inexpliquées du flanc droit ; - diabète de type 2 – mis en évidence en septembre 2021 –, non insulino-requérant ; - obésité modérée (classe I) avec un BMI à 32,3 kg/m2 ; - syndrome des apnées du sommeil appareillé par CPAP ; - status après fracture de l’extrémité proximale du fémur droit « ostéosynthésée » avec des suites favorables ; - sténose carotidienne (uni- ou bilatérale ?) modérée ; - status après thrombose veineuse profonde du membre inférieur droit d’origine orthopédique, d’évolution favorable ; - status après cholécystectomie ; - status après hépatite C déclarée guérie. Au plan psychique, toujours d’après les experts, l’expertisé a de bonnes ressources, en-dehors de pensées dysfonctionnelles rigides, et il présente des traits de personnalité dépendante et borderline. Il est précisé que, d’après l’experte psychiatre sous « évaluation de la cohérence et de la plausibilité » (p. 19 de son rapport d’expertise), « on ne peut formellement éliminer une part de majoration chez cet assuré de 59 ans, sans activité professionnelle depuis une dizaine d’année, très déconditionné et présentant des traits de personnalité passive-dépendante ».

Selon les experts, en l’absence de diagnostic incapacitant, il n’y a pas de limitations fonctionnelles. La capacité de travail de l’expertisé a toujours été stable au fil du temps, de 100% et sans baisse de performance, dans toute activité sauf pendant la période entre le 22 juillet 2016 et le 6 février 2017 où elle a été « nulle dans les suites de la fracture de l’extrémité proximale du fémur » (après l’accident de juillet 2016).

7.2 Ce rapport d’expertise, y compris au plan psychiatrique, répond, sur le plan formel, aux exigences posées par la jurisprudence pour qu'on puisse lui accorder une pleine valeur probante : cette expertise pluridisciplinaire a été conduite par des médecins spécialisés dans chaque domaine concerné, en vue d’établir une synthèse des différentes pathologies de l’expertisé, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier. Les experts ont personnellement examiné le recourant préalablement à l'établissement de leur rapport d’expertise. Ils ont consigné les renseignements anamnestiques pertinents, recueilli les plaintes de l'assuré et résumé leurs propres constatations. Ils ont en outre énoncé les diagnostics retenus et répondu à toutes les questions posées. Enfin, leurs conclusions sont claires et bien motivées, sans que d’éventuels compléments apparaissent utiles ou nécessaires.

Contrairement à ce que soutient le recourant, le rapport d’expertise, y compris au plan psychiatrique, suit la structure uniforme exigée pour les expertises par la circulaire de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) sur la procédure dans l’assurance-invalidité (CPAI ; no 3133 et annexes IV et V CPAI), sans ruptures manifestes dans l’exposé de l’argumentation (no 3135 CPAI).

Dans le cadre de l’opposition de l’assuré au projet de décision de l’OAI, le rapport de la Dresse B______ du 16 septembre 2022 émet des critiques à l’encontre du rapport d’expertise mais ne pose pas de questions complémentaires aux experts, de sorte que la procédure prévue au no 3140 CPAI (avec références aux ATF 137 V 210 consid. 3.4.1 et ATF 141 V 330) ne nécessitait pas d’être appliquée.

7.3 Le recourant conteste la valeur probante de ce rapport d’expertise non au plan somatique mais uniquement psychique, en se fondant essentiellement sur l’avis de sa psychiatre traitante, la Dresse B______.

Il convient de préciser ici qu’à teneur du rapport de cette dernière du 29 avril 2021, l’assuré a une capacité de travail nulle au plan strictement psychiatrique dès 2016 au minimum. En particulier, abstinent (concernant les substances psychoactives) depuis 2016, année du décès de son père suivi d’un deuil douloureux ainsi que d’une chute en juillet avec fracture du fémur droit multi-fragmentaire, il souffre, comme diagnostics ayant un impact sur la capacité de travail, d’un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4), de troubles mixtes de la personnalité (dépendant et impulsif ; F61.0) de même que d’un trouble dépressif récurrent, épisode « actuel » moyen sans syndrome somatique (F33.11), et, comme diagnostics sans un tel impact, de « syndrome de dépendance aux opiacés, suit actuellement un régime de substitution (F11.22) », de syndrome de dépendance à la cocaïne, actuellement abstinent (F14.20), et de syndrome de dépendance aux sédatifs et hypnotiques, actuellement abstinent (F13.20). Au surplus, à la question « Quelles sont les limitations fonctionnelles liées à l’atteinte à la santé que vous retenez comme incapacitante ? », la psychiatre traitante, dans ce même rapport, répond : « Intolérance à la frustration avec réactivité émotionnelle et notamment de la colère, gestion faible du stress, capacité de concentration et d’attention faible, fatigabilité, diminution à maintenir un rythme, ralentissement psychomoteur, dysrégulation relationnelle ».

7.4 Tout d’abord, dans son rapport du 16 septembre 2022, la Dresse B______ critique, au plan formel, l’absence dans le rapport de l’experte psychiatre (du 24 juin 2022) d’une anamnèse psychopathologique détaillée (date du début des troubles, évolution, réponses au traitements) ainsi que l’absence d’une anamnèse relationnelle, sentimentale, professionnelle ou sociale de même que d’une « synthèse clinique de la psychopathologie et du fonctionnement de l’assuré », de sorte qu’il serait difficile de saisir les arguments sur lesquels la Dresse E______ s’est appuyée pour écarter les diagnostics de trouble dépressif récurrent et de trouble de personnalité mixte.

7.4.1 Ces reproches ne sont pas établis.

En effet, le rapport d’expertise de la Dresse E______ contient une synthèse du dossier, avec un résumé des documents pertinents, y compris les rapports médicaux, à partir du 2002 (p. 4 à 9), résumé qui est à nouveau effectué plus bas avec les éléments considérés par l’experte psychiatre comme les plus pertinents (« résumé de l’évolution personnelle et professionnelle et de la santé de l’assuré, y compris de sa situation psychique, sociale et médicale actuelle » ; p. 18 et 19), ce à quoi s’ajoutent une « anamnèse systématique » indiquant ce que l’experte psychiatre « retrouve » dans les documents à sa disposition aux plans de l’humeur, de l’anxiété, de la personnalité, des perceptions et des fonctions supérieures (p. 10 et 11), ensuite des paragraphes relatifs notamment aux habitudes de l’expertisé, son syndrome de dépendance, son « anamnèse familiale / hérédité », des événements particuliers puis marquants de sa vie, ses activités professionnelles passées, son « anamnèse sociale » ainsi que le « déroulement détaillé et représentatif d’une journée type, organisation des loisirs, hobbies, aides nécessaires pour le ménage et dans la vie quotidienne, moyens de transport utilisés, types de déplacement, vacances, etc. », et ses traitements (p. 11 à 15).

L’absence de mention du fait que le mandat adressé le 6 octobre 2004 par l’OAI au SMR et l’avis de ce dernier du 2 novembre 2004 relèvent l’existence d’hospitalisations et de suivis à la Clinique de Belle-Idée entre décembre 2001 et septembre 2003, ne saurait d’une quelconque façon porter à conséquence, s’agissant d’une période ancienne et (au demeurant) d’un contexte différent où jouaient un grand rôle les diagnostics liés à la toxicomanie alors que l’intéressé est abstinent depuis 2016.

7.4.2 Sous l’axe " atteinte à la santé " (A) – de la catégorie « degré de gravité fonctionnel – des indicateurs développés par le Tribunal fédéral, en particulier le « caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic », les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

L'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'AI (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

7.4.3 Au plan addictologique, il n’apparaît en tout état de cause pas déterminant dans le cas présent que l’experte psychiatre n’ait pas retenu, contrairement à la psychiatre traitante, un syndrome de dépendance à la cocaïne (troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de cocaïne ; F14.-) ni un syndrome de dépendance aux benzodiazépines (troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de sédatifs ou d’hypnotiques ; F13.-).

En effet, concernant ces points, l’assuré est abstinent depuis 2016, et ni le recourant ni la Dresse B______ ne déduisent de tels diagnostics des conséquences en matière de capacité de travail. Au demeurant, la Dresse E______ a, dans son rapport d’expertise, pris en considération les syndromes de dépendance de l’intéressé auxdites substances et a expliqué en audience ne pas avoir retenu ces diagnostics vu l’abstinence depuis six ans, tout en précisant avoir maintenu celui de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation d’opiacés (F11.24) car l’expertisé est encore sous traitement de substitution. On peut enfin relever que la psychiatre traitante (procès-verbal d’enquêtes, p. 4) et l’experte psychiatre (rapport d’expertise, p. 20) s’accordent quant au fait qu’une rechute n’est pas exclue en cas de survenance de certaines circonstances négatives.

7.4.4 Par ailleurs, contrairement aux griefs la Dresse B______ et du recourant, la Dresse E______ s’est déterminée de manière cohérente et circonstanciée concernant le diagnostic de troubles mixtes de la personnalité (dépendant et impulsif ; F61.0).

En effet, dans son rapport d’expertise, elle expose clairement et de manière suffisante que « l’anamnèse documentaire retrouve la notion de trouble mixte de la personnalité (dépendante et impulsive) au sens de classifications internationales » et que « ce diagnostic sera discuté ci-après » (p. 11), ce qu’elle fait effectivement plus loin, sous « constatations lors de l’examen » (p. 16 et 17) et « évaluation de la cohérence et de la plausibilité » (p. 19) : « L’examen clinique ne met pas en évidence de troubles de la personnalité au sens des classifications internationales, mais relève des traits passifs dépendants et borderline, en particulier une sensation chronique de vide, des difficultés à faire des choix » (point « personnalité », p. 17).

Certes, à la suite de ses rapports, en audience, après avoir expliqué qu’« un trouble de la personnalité est un fonctionnement rigide qui touche différents aspects du fonctionnement de la personne au plan interpersonnel, au niveau social et au niveau de la stabilité psychique et qui évolue depuis l'adolescence ou le début de l'âge adulte de manière rigide (qui est le même sur des décennies) », la psychiatre traitante fait état, s’agissant du parcours de l’intéressé, d’« un sentiment de tristesse et de vide dès l'enfance ainsi que des dépressions à répétition depuis l'enfance et l'instabilité au niveau professionnel, sentimental, relationnel et social. Ce fonctionnement est présent jusqu'à ce jour en permanence. Concernant l'examen clinique par la Dresse E______, [elle] relève que souvent les personnes atteintes d'un trouble de la personnalité ont de la peine à reconnaitre leurs difficultés et sont anosognosiques. A [son] sens, il est difficile d'exclure un trouble de la personnalité sur la base d'un seul entretien et sans avoir tous les documents » (procès-verbal d’enquêtes, p. 3). Elle précise : « Selon moi, le trouble de la personnalité de mon patient est invalidant car il impacte ses relations interpersonnelles, sa gestion du stress, sa gestion de la colère, de la tristesse, sa capacité de concentration, sa confiance en lui-même, etc. Par exemple, si un traitement médicamenteux ne lui convient pas ou ne fonctionne pas rapidement ou ne lui est pas prescrit malgré sa demande et qu'il ne comprend pas notre position, le fait qu'il soit interprétatif, réagit fortement avec de la colère, se dit lui-même comme pas pris au sérieux dans sa souffrance, l'amène à réagir de manière forte et non adaptée. Après que nous lui ayons expliqué les choses, il culpabilise et donc il est mal et triste. Il vit cela non seulement avec nous ses thérapeutes (alors que nous avons une bonne alliance thérapeutique avec lui) mais aussi avec sa famille et ses éventuels collègues. Selon moi, son trouble de la personnalité est sévère et axial et entretient les autres comorbidités. C'est un trouble mixte de la personnalité dépendant et impulsif » (procès-verbal d’enquêtes, p. 3 et 4).

Sur de telles critiques, l’experte psychiatre, également en audience, se détermine notamment ainsi : « Je relève que concernant l'état psychique de [l’intéressé], il n'y a rien dans le dossier entre 2004 et 2016, et on reprend en 2016 par des rapports somatiques. Le premier rapport sur le plan psychique date de novembre 2020 par la Dresse B______, ce qui me fait dire que je n'ai aucun moyen documentaire certifié pour évaluer l'évolution de l'état psychique de [l’expertisé] entre 2004 et 2020. Je ne peux donc pas me prononcer sur l'état psychique de l'assuré entre 2004 et 2020. Lors de l'entretien, je ne relève d'éléments suffisants pour retenir l'existence d'un trouble de la personnalité. Sur le plan de la personnalité, il me répond qu'il est assez droit et honnête (p. 11). Dans le regard qu'il porte sur lui-même, il ne verbalise aucun élément évocateur d'une impulsivité ou d'une dépendance. Dans mon examen clinique, le patient a un comportement totalement adapté, sans agitation, sans impulsivité, sans signe d'intolérance à la frustration, ni d'une irritabilité. Néanmoins, je conserve d'un point de vue anamnestique en m'appuyant en particulier sur les documents de la Dresse B______ l'existence de traits passifs dépendants et borderline (p. 17). Je tiens donc compte des documents médicaux que j'ai à disposition et je ne les réfute pas complètement mais au moment où je vois [le recourant] en mai 2022, ces traits ne sont pas d'une intensité ou d'une sévérité suffisante pour retenir un trouble de la personnalité constitué. J'aurais pu dire trouble de la personnalité de sévérité très légère au moment où j'ai rencontré l'expertisé, ce qui n'aurait rien changé au raisonnement par la suite » (procès-verbal d’enquêtes, p. 2).

Apparaît admissible cette façon de procéder de la part de la Dresse E______, selon laquelle les traits de personnalité passifs dépendants et borderline ne sont au moment de l’entretien pas d'une intensité ou d'une sévérité suffisante pour retenir un trouble de la personnalité constitué, diagnostic qui ne peut donc pas en tant que tel être retenu.

Au demeurant, à teneur de la CIM-10, « les troubles spécifiques de la personnalité (F60.-), les troubles mixtes et autres troubles de la personnalité (F61.-) et les modifications durables de la personnalité (F62.-) représentent des modalités de comportement profondément enracinées et durables, consistant en des réactions inflexibles à des situations personnelles et sociales de nature très variée. Ces troubles représentent des déviations soit extrêmes soit significatives des perceptions, des pensées, des sensations et particulièrement des relations avec autrui par rapport à celles d’un individu moyen d’une culture donnée. De tels types de comportement sont généralement stables et englobent de multiples domaines du comportement et du fonctionnement psychologique. Ils sont souvent, mais pas toujours, associés à une souffrance subjective et à une altération du fonctionnement social d’intensité variable » (sous l’introduction aux « Troubles de la personnalité et du comportement chez l’adulte [F60-F69], cf. « CIM-10-GM 2022 » téléchargeable depuis « https://www.bfs.admin.ch/asset/fr/20665872 »). Or, s’il est vrai qu’il arrive parfois au recourant de se comporter avec ses thérapeutes, avec les membres de sa famille (mère et frère et sœurs), voire éventuellement (sans que ce soit ici démontré) avec un éventuel employeur, de manière irritable, voire éventuellement colérique, et intolérante à la frustration, il parvient néanmoins à s’en rendre ultérieurement compte et à demander pardon aux personnes à l’égard desquelles il s’est comporté ainsi. Par exemple, selon les déclarations de l’intéressé : « Sur question du Président, je suis tellement négatif ces temps-ci, depuis après l'accident, quand je vois ma mère et mes frères et sœurs, je souffre tellement de mes douleurs et je deviens limite agressif que je me braque. Ensuite, je culpabilise et j'arrive à m'excuser auprès d'eux » (procès-verbal de comparution personnelle des parties, p. 2). Dans leur rapport du 21 juin 2017, les EPI notent au sujet des « relations (duelles ou en groupe) » : « Le stagiaire se montre ouvert et communicatif (les discussions sont franches et directes). Il ne cherche pas à cacher ou masquer ses points faibles. Doté d’une forte personnalité et d’un caractère affirmé, il se montre très humain et bienveillant dans tous les contacts. Il pourrait assumer avec aise un rôle d’encadrant et/ou de moniteur » (p. 7). Il découle de ce qui précède que l’assuré a des capacités lui permettant de mettre fin à ses comportements inadaptés qui surviennent parfois et que ses réactions ne sont donc pas « inflexibles », ce qui rend encore moins problématique l’appréciation sur ce point de l’experte psychiatre.

7.4.5 C’est également en vain que la Dresse B______ et l’assuré font valoir que le rapport d’expertise n’est pas suffisamment motivé concernant l’exclusion du diagnostic de trouble dépressif récurrent au profit de celui de dysthymie.

En particulier, dans son rapport d’expertise, la Dresse E______ « ne retient pas de diagnostic de trouble dépressif récurrent, en l’absence d’éléments formels, notamment pas d’épisodes dépressifs identifiés circonscrits séparés par des intervalles libres, mais un trouble chronicisé de l’humeur » (sous « évaluation de la cohérence et de la plausibilité », p. 19), et, plus bas, une « dysthymie (F43.1), ancienne, apparue possiblement au décours d’épisodes dépressifs antérieurs, caractérisée par une diminution de l’énergie et de la motivation, une perte de confiance en soi, un pessimisme, un repli social » (sous « diagnostics », p. 19). Entendue en qualité de témoin, l’experte psychiatre complète cette motivation (procès-verbal d’enquêtes, p. 5).

Certes, en audience, elle indique que « si l'on reprend l'hypothèse d'un trouble dépressif récurrent, celui-ci devrait faire l'objet d'un traitement adapté, à savoir bien entendu des antidépresseurs pour traiter les épisodes et des traitements préventifs de la rechute qu'on appelle les thymo-régulateurs, ce [qu’elle n'a] pas constaté dans le dossier à [sa] connaissance », alors que la psychiatre traitante a prescrit depuis 2020 du « Saroten à forte dose » (procès-verbal d’enquêtes, p. 5). Les avis de ces deux spécialistes en psychiatrie divergent légèrement en ce sens que, pour la Dresse B______, ce médicament est prescrit, à tout le moins en partie, au titre d’antidépresseur, alors que selon la Dresse E______, « à [sa] connaissance, le Saroten était utilisé au départ à des fins antalgiques ce qui n'exclut pas l'action antidépressive de la molécule » (procès-verbal d’enquêtes, p. 5). Ni cette légère divergence, ni la question du dosage de cette molécule au moment de la venue de l’expertisé au centre d’expertises ne sont suffisamment importantes pour mettre en doute l’appréciation de l’experte psychiatre.

7.4.6 Enfin, en audience également, l’experte psychiatre précise ne « pas [avoir] retenu un caractère incapacitant du trouble somatoforme douloureux persistant parce que la détresse psychique qui est liée n'est que légère », ce qui n’est pas clairement contesté par le recourant et la psychiatre traitante.

7.5 Ensuite, comme une sorte de synthèse afférente à la question – centrale – de la capacité de travail se fondant sur les indicateurs tels que développés par le Tribunal fédéral pour les troubles psychiques, la Dresse B______ expose dans son rapport du 16 septembre 2022 ; « Sur le plan de la jurisprudence, [le patient] remplit bien les indicateurs en faveur de l’invalidité. En effet, il souffre de troubles psychiques clairs (trouble dépressif, trouble somatoforme, troubles addictifs) avec une réponse limitée et insatisfaisante aux traitements prescrits bien conduits et investis par le patient. Cette atteinte à la santé psychique est comorbide avec une personnalité avec un impact net sur le fonctionnement social et relationnel de l’assuré. Les ressources (personnelles, relationnelles et psychiques) faibles et le contexte social précaire. Enfin, les limitations sont cohérentes et uniformes dans les différents domaines de vie ».

7.5.1 La présence de comorbidités ou troubles concomitants – sous le complexe « atteinte à la santé » (A) des indicateurs développés par le Tribunal fédéral –, est un indicateur à prendre en considération en relation avec le degré de gravité fonctionnel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_650/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3 et la référence). On ne saurait toutefois inférer la réalisation concrète de l'indicateur "comorbidité" et, partant, un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l'atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes. Encore faut-il examiner si l'interaction de ces troubles ayant valeur de maladie prive l'assuré de certaines ressources (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3 et le référence). Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Une atteinte qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidante en tant que telle (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être prise en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

Selon la jurisprudence, une dysthymie (F34.1) est susceptible d'entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu'elle se présente avec d'autres affections, à l'instar d'un grave trouble de la personnalité. Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée selon l'ATF 141 V 281 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1 et la référence).

Des traits de personnalité signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

Dans le cas présent, l’état de santé psychique du recourant n’a, depuis le deuxième semestre 2020 à tout le moins, pas fait l’objet d’une péjoration ou d’une amélioration significatives, et, d’après la Dresse B______, « [sa] symptomatologie dépressive est [en mai 2023] entre moyenne et légère. Ce qui était aussi le cas en 2022 mais [elle] insiste sur la nécessité de prendre en considération l'interaction et l'ensemble des diagnostics par rapport à l'incapacité de travail » (procès-verbal d’enquêtes, p. 6).

Cela étant, au regard des considérants qui précèdent, compte tenu notamment de l’absence de trouble spécifique de la personnalité et de caractère incapacitant du syndrome douloureux somatoforme persistant, aucune comorbidité pertinente au sens de la jurisprudence ne peut être retenue.

Partant, vu le diagnostic de dysthymie, et même si l’on retenait celui de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger ou moyen, posé par la psychiatre traitante, il n’y a pas d’atteinte à la santé psychique incapacitante sous l’angle des indicateurs développés par le Tribunal fédéral.

7.5.2 Par surabondance, sous l’angle du « succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard » – dans le complexe « atteinte à la santé » (A) –, il n’y a pas ici d'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation – malgré une coopération optimale de l'assuré – (cf. a contrario arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3 et la référence), étant précisé que l’intéressé apparaît compliant dans son suivi du traitement psychothérapeutique et médicamenteux.

7.5.3 Concernant l’axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles), le " complexe personnalité " englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu'on appelle les " fonctions complexes du moi " qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l'atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d'autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation; cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Etant donné que l'évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l'analyse d'autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). En particulier, le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré présentait des ressources personnelles et adaptatives suffisantes, au vu notamment de la description positive qu’il avait donnée de sa personnalité, sans diminution de l'estime ou de la confiance en soi et sans peur de l'avenir (arrêt du Tribunal fédéral 8C_584/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2).

À teneur du rapport d’expertise psychiatrique, qui analyse de manière suffisante les éléments objets des indicateurs selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’assuré possède « d’assez bonnes ressources personnelles », assertion qui est ensuite développée, avec entre autres la mention de « bonnes capacités d’organisation, adaptation et flexibilité mentale ».

Aucun élément un tant soit peu probant ne permet de remettre en cause cette appréciation.

7.5.4 Sous l’axe « contexte social » (C), si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3). Lors de l'examen des ressources que peut procurer le contexte social et familial pour surmonter l'atteinte à la santé ou ses effets, il y a lieu de tenir compte notamment de l'existence d'une structure quotidienne et d'un cercle de proches […]. Le contexte familial est susceptible de fournir des ressources à la personne assurée pour surmonter son atteinte à la santé ou les effets de cette dernière sur sa capacité de travail, nonobstant le fait que son attitude peut rendre plus difficile les relations interfamiliales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). Toutefois, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

En l’occurrence, comme retenu dans le rapport de l’experte psychiatre, « l’assuré bénéficie de l’étayage de sa famille, qui apparaît présente et soutenante auprès de lui » (p. 21).

L’existence d’un réseau social, certes restreint et avec parfois des difficultés relationnelles, mais soutenant, est confirmée par les déclarations de l’intéressé lui-même en audience, puisqu’il indique avoir « de bonnes relations » avec sa mère et son frère et ses deux sœurs, voyant ses frère et sœurs en moyenne quatre à cinq fois par année et sa mère un peu plus souvent, une fois par mois environ. Le recourant a peu d’amis et en voit surtout un.

7.5.5 Il convient ensuite, dans la catégorie « cohérence » (II), d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré (ATF 141 V 281 consid. 4.4). A ce titre, il convient notamment d’examiner si les limitations fonctionnelles se manifestent de la même manière dans la vie professionnelle et dans la vie privée, de comparer les niveaux d’activité sociale avant et après l’atteinte à la santé ou d’analyser la mesure dans laquelle les traitements et les mesures de réadaptation sont mis à profit ou négligés. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3). En particulier, sous l’axe « limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie » (A), il s’agit de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

En l’espèce, il ressort des déclarations du recourant en audience ainsi que des chapitres « déroulement détaillé et représentatif d’une journée type, organisation des loisirs, hobbies, aides nécessaires pour le ménage et dans la vie quotidienne, moyens de transport utilisés, types de déplacement, vacances, etc. » des rapports d’expertise rhumatologique (p. 12 et 13) et psychiatrique (p. 13 et 14), qui sont sur la plupart des points superposables, que l’assuré se réveille entre 7h00 et 8h00, prend un café, regarde à la télévision des séries, des chaînes d’information françaises, des émissions, du sport, regarde s’il a reçu des courriels, navigue un peu sur internet, y compris sur les réseaux sociaux, fait des jeux en ligne, ne prend en général pas le repas de midi, essaye de sortir une fois par jour (l’après-midi) durant 15 à 20 minutes en allant faire ses courses, regarde à son retour à nouveau la télévision avant et après le souper de 19h00 et se couche entre 21h00 et 22h00, sans réveil nocturne durant la nuit. Concernant ses tâches ménagères, l’intéressé, d’une manière générale, cuisine très peu et a tendance à acheter des plats cuisinés ; il effectue les tâches ménagères minimales, secoue sa couette, passe l’aspirateur une à deux fois par semaine, fait sa vaisselle. Il gère lui-même ses affaires administratives. Il lit « peu, par périodes » ; il n’a pas de hobbies excepté « le sport en général, le théâtre ».

Cette description des activités quotidiennes du recourant est compatible avec les conclusions des experts, en particulier psychiatre, y compris le diagnostic de dysthymie.

7.5.6 En définitive, un examen du cas à la lumière des indicateurs développés par le Tribunal fédéral confirme le caractère fondé des conclusions de l’experte psychiatre, dont la pleine valeur probante est ainsi entièrement confirmée et rend d’emblée inutile une éventuelle expertise judiciaire.

7.6 En conséquence, en l’absence de diagnostic incapacitant, il n’y a pas de limitations fonctionnelles, et la capacité de travail de l’assuré est, de manière stable, entière et sans baisse de rendement, dans toute activité depuis 2016, sauf pendant la période entre le 22 juillet 2016 et le 6 février 2017 où elle a été « nulle dans les suites de la fracture de l’extrémité proximale du fémur », période d’incapacité de travail toutefois inférieure à un an (cf. art. art. 28 al. 1 let. b LAI a contrario) et au surplus bien antérieure au dépôt de la demande AI (cf. art. 29 al. 1 LAI a contrario) de sorte qu’elle ne peut pas ouvrir le droit à une rente.

Le recourant présente certes réellement des souffrances et difficultés au plan psychique, mais celles-ci ne sont pas suffisamment graves pour la reconnaissance d’une invalidité (cf. notamment art. 4 al. 2 LAI) et sont au surplus objectivement surmontables (cf. art. 7 al. 2 LPGA).

7.7 Faute d’incapacité de travail et de limitations fonctionnelles, il n’y a ni incapacité de gain ni invalidité, ce qui exclut d’emblée un droit à une rente d’invalidité et rend inutile et sans objet une éventuelle comparaison des revenus sans et avec invalidité (cf. art. 28 al. 1 et 2 LAI). N’étant ni invalide ni menacé de l’être, l’assuré n’a pas non plus droit à des mesures professionnelles (cf. art. 8 al. 1 LAI).

8.             La décision querellée étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

9.             Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d'assurance-invalidité (art. 69 al. 1bis LAI), il convient de renoncer à la perception d'un émolument, le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

 

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit qu’il n’est pas perçu d’émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le