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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3793/2022

ATAS/629/2023 du 23.08.2023 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3793/2022 ATAS/629/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 août 2023

Chambre 8

 

En la cause

A______
représenté par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat

 

 

demandeur

 

contre

BALOISE ASSURANCE SA
représentée par Me Michel D’ALLESSANDRI, avocat

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : le demandeur ou l'assuré) est né le ______1977.

b. La BÂLOISE ASSURANCE SA (ci-après : la défenderesse ou l'assureur) est une société anonyme de droit suisse, ayant son siège à Bâle. Son but est l'assurance directe ou indirecte, ainsi que de toutes activités à l'exception de l'assurance-vie directe.

c. B______ Sàrl (ci-après : l'employeur ou B______) est une société à responsabilité limitée, créée le 18 avril 2017, ayant son siège à Genève, dont le but est le transport de marchandises et la gestion et l'accomplissement des déménagements. M. A______ en est l'associé gérant, avec signature individuelle. Selon les propres déclarations du demandeur, non contestées par la défenderesse, B______ occupait une vingtaine de personnes au début 2021.

d. Les parties sont en désaccord sur l'ampleur des tâches effectuées par M. A______ dans son entreprise, à savoir en particulier s'il se limitait à des activités de gestion ou si, en plus, il effectuait ou non des livraisons.

e. Le demandeur a été en arrêt complet de travail dès le 4 août 2021 (dossier 1______). Selon l'assureur, le demandeur était apte au travail à 100% dès le 9 février 2022 ; selon le demandeur, l'aptitude au travail à 100% reprenait le 1er juin 2022.

B. a. L'employeur est assuré auprès de la défenderesse pour une assurance indemnité journalière maladie, police no 2______.

b. Le contrat prévoit un début au 1er janvier 2021 et une expiration au 31 décembre 2024. Les conditions contractuelles sont celles de l'année 2015.

c. Il prévoit une couverture maladie à 80% du salaire, après un délai d'attente de 14 jours (indemnité dès le 15ème jour).

d. Le contrat se réfère aux conditions générales (ci-après : CGA), édition 2015.

e. Selon l'art. A1, al. 1 CGA, l'assurance couvre le preneur d'assurance et ses collaborateurs contre les conséquences économiques de l'incapacité de travail pour cause de maladie ou de grossesse.

Selon l'art. A1, al. 3 CGA, le contrat est soumis à la LCA.

Selon l'art. A2, al. 1 CGA, on entend par événement assuré l'incapacité de travail calculée en pourcentage de la pleine capacité de travail suite à une maladie. Le degré d'incapacité de travail doit atteindre au moins 25%.

Selon l'art. A2, al. 2 CGA, on entend par maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n'est pas due à un accident, qui nécessite un examen ou un traitement médical ou qui entraîne une incapacité de travail.

Selon l'art. A2, al. 3 CGA, on entend par incapacité de travail l'incapacité totale ou partielle de fournir le travail pouvant être exigé de façon raisonnable dans la profession ou dans le domaine d'activité exercé jusqu'à présent. En cas d'incapacité de travail de longue durée, l'activité raisonnable pouvant être envisagée peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité. En tant que telles sont considérées les activités qui sont effectivement accessibles à la personne assurée du fait de sa formation et des aptitudes physiques et intellectuelles sur le marché du travail concerné.

Selon l'art. A3, al. 1 CGA, l'assureur verse, lors de la survenance de l'événement assuré, après expiration du délai d'attente prenant effet lors de la survenance de l'incapacité de travail due à la maladie, une indemnité journalière durant 730 jours maximum. Le délai d'attente convenu contractuellement est déduit de la durée maximum des prestations.

Selon l'art. B12, al. 1, 1ère phrase CGA, les indemnités journalières sont calculées sur la base du salaire annuel déterminant le calcul de la prime avant la survenance de l'incapacité de travail (allocations pour enfants et familiales comprises).

Selon l'art. C1, al. 1, lettre a CGA, le salaire déterminant à déclarer pour les personnes qui ne sont pas nommément désignées au contrat se calcule de la manière suivante : a) il faut partir de la somme des salaires de ce groupe de personnes soumis à l'AVS.

Selon l'art. G6 CGA, outre le for ordinaire, les assurés ont la possibilité d'intenter une action en justice contre l'assureur sur leur lieu de travail.

C. a. En août 2021, B______ a informé des tiers qu'elle avait dû résilier tous les contrats de travail avec effet au 31 août 2021, en raison de la fin de son contrat avec la société C______.

b. Le 15 septembre 2021, l'employeur a informé l'assureur d'une annonce-maladie pour l'assuré. Son salaire mensuel était de CHF 7'800.- et les allocations familiales mensuelles de CHF 600.-. Des certificats médicaux du docteur D______ concernant le travailleur étaient annexés ; ils portaient sur une incapacité totale de travailler depuis le 4 août 2021.

c. Le 22 octobre 2021, l'assureur a demandé à l'assuré une copie de son compte individuel AVS de 2016 à 2021.

d. Le 12 novembre 2021, le Dr D______ a rempli un rapport médical abrégé sur le diagnostic et l'incapacité de travail. Il a indiqué que l'assuré avait un trouble panique F41.0.

e. Le 9 décembre 2021, les bulletins de salaire de janvier 2021 à mars 2021 de l'assuré ont été communiqués à l'assureur : il mentionnait un salaire mensuel brut de CHF 7'800.-.

f. Selon la défenderesse, le salaire mensuel annoncé du demandeur est de CHF 7'800.-, auquel s'ajoutent CHF 600.- d'allocations familiales, soit CHF 8'400.- . Le salaire annuel est ainsi de CHF 100'800.-, le 80% représentant CHF 80'640.-, ce qui donne CHF 220.95 d'indemnités journalières. Le demandeur n'a pas contesté ce montant.

g. L'assuré a reçu les indemnités journalières suivantes :

18 août 2021 au 1er octobre 2021 (45 jours)

CHF 9'942.75

2 octobre 2021 au 1er décembre 2021 (61 jours) :

CHF 13'477.95 – CHF 6'739.- (réduction de 50% d'indemnités journalières et d'hospitalisation)

CHF 6'738.95

Solde du 2 octobre 2021 au 1er décembre 2021 (91 jours), l'impôt à la source de 9.08% ayant été déduit

CHF 11'541.85

1er janvier 2022 au 31 janvier 2022, l'impôt à la source ayant été déduit

CHF 6'227.50

1er février 2022 au 8 février 2022

CHF 1'607.10

Le calcul de ces montants n'est pas contesté.

h. Le 5 janvier 2022, le docteur E______ a procédé à un examen médical de l'assuré, à la demande de l'assureur. Il a retenu les diagnostics suivants avec incidence sur la capacité de travail : a) épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F32.2) : avec les soins de psychiatrie et de psychothérapie, les signes cliniques de la lignée dépressive avaient évolué cliniquement favorablement ; actuellement, les critères diagnostiques d'un épisode dépressif, même d'intensité légère, ne sont plus réunis ; b) trouble panique (F41.0) : avec les soins de psychiatrie et de psychothérapie, et le temps sans activité professionnelle, les signes cliniques de la lignée anxieuse avaient évolué cliniquement favorablement ; les critères diagnostiques de trouble panique n'étaient plus réunis depuis plusieurs mois ; c) troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool, actuellement abstinent (F10.20) ; avec les soins de psychiatrie et de psychothérapie, l'évolution avait été très favorable ; le demandeur ne consommait plus de boissons alcoolisées depuis août 2021.

Le demandeur ne conduisait pas à son travail et n'effectuait pas les livraisons (pièce 20 déf, §V.3 ; allégué 19). En revanche, il organisait les plannings et les tournées des chauffeurs. Dans son écriture ultérieure, le demandeur a contesté – sans cependant fournir d'offres de preuve – les affirmations à ce sujet, expliquant qu'il devait se déplacer quotidiennement avec sa voiture ou un fourgon pour faire des remplacements ou des « ramasses » en fin de journée.

Selon le Dr E______, d'un point de vue psychiatrique, la capacité de travail de l'assuré auprès de l'employeur actuel était de 0% du 4 août 2021 au 11 janvier 2022, de 50% du 12 janvier 2022 au 8 février 2022 et de 100% dès le 9 février 2022.

i. Le 2 février 2022, la docteure F______, médecin-conseil de la défenderesse, a rendu une évaluation selon laquelle l'incapacité de travail n'était pas justifiée et le traitement médical approprié. La capacité de travail pouvait être de 100% dès le 9 février 2022 au plus tard.

j. Par courriel du 4 février 2022, la défenderesse a attiré l'attention du demandeur sur le fait que les prestations prendraient fin le 8 février 2022 le courrier officiel lui étant transmis ultérieurement par courrier postal et le rapport d'examen transmis au médecin traitant.

k. Le 18/24 février 2022, l'assureur a fait suivre le rapport du Dr E______ au Dr D______. Les indemnités journalières étaient admises jusqu'au 8 février 2022. L'assuré avait été informé par téléphone et courriel le 4 février 2022. Le certificat médical délivré par la docteure G______ pour la période du 1er février 2022 au 1er mars 2022 n'était pas retenu.

l. Le 8 mars 2022, le Dr D______ a écrit à l'assureur que l'assuré avait présenté, depuis l'examen de janvier 2022 du Dr E______, plusieurs attaques paniques diurnes ayant nécessité la prise de médicaments, sa capacité de travail comme chauffeur restant à 0%. Cela était complètement incompatible avec la conduite d'automobiles, raison pour laquelle la capacité de travail comme chauffeur professionnel était nulle.

m. Par courrier daté du « 25 février 2022 » (sic), l'assureur a répondu que, selon son médecin-consultant, il n'y avait pas eu d'aggravation de l'état de santé de l'assuré, qui était apte à reprendre son activité professionnelle. L'assureur persistait donc dans la fin des prestations intervenue le 8 février 2022.

n. Le 4 mai 2022, la Dre F______, médecin-conseil de la défenderesse, a établi un nouveau rapport : l'incapacité de travail n'était pas justifié. L'assuré avait travaillé avant son arrêt de travail malgré la consommation d'alcool, de Xanax et de Stilnox ; son activité ne consistait pas à conduire, mais à organiser le travail. Le rapport du Dr D______ du 8 mars 2022 n'apportait rien de nouveau.

o. A la suite de ce rapport, la défenderesse a écrit au Dr D______ pour indiquer maintenir sa position du 24 février 2022 et confirmer la fin des prestations avec effet au 8 février 2022.

p. Le 26 mai 2022, le docteur H______ a effectué un examen de l'assuré, à la demande de ce dernier. Les troubles avaient évolué vers un épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques, en février 2022, lors de la rupture sentimentale. Il y avait eu une aggravation symptomatique en février 2022, tenant compte des idées noires et de l'augmentation du traitement antidépresseur.

q. Le 1er juin 2022, l'assuré, par courrier de son Conseil, a informé l'assureur que sa capacité de travail était de nouveau entière dès le 1er juin 2022 ; en revanche, elle avait été nulle de février à fin mai 2022.

r. Le 2 juin 2022, l'assuré a demandé une copie complète du rapport du Dr E______.

s. Le 30 juin 2022, la Dre F______, médecin-conseil de la défenderesse, a établi un nouveau rapport : l'incapacité de travail n'était pas justifiée et le traitement médical était approprié. Le diagnostic d'épisode dépressif léger relevé par le Dr H______ était sans influence sur la capacité de travail ; il était en outre en contradiction avec le rapport médical du Dr D______ qui mentionnait uniquement l'apparition d'attaques de panique empêchant la conduite automobile. Aucun symptôme de la ligne dépressive n'était mentionné dans le rapport du Dr D______ du 8 mars 2022.

t. Le 26 juillet 2022, l'assuré a relancé l'assureur et l'a mis en demeure de verser CHF 24'747.40 à titre d'indemnités journalières pour la période du 9 février 2022 au 31 mai 2022. Il attendait toujours le rapport complet de l'examen du Dr E______.

u. Le 22 août 2022, l'assuré a encore une fois relancé l'assureur.

D. a. Le 14 novembre 2022, le demandeur a déposé devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) une demande en paiement contre la défenderesse, concluant au paiement de CHF 24'746.40 avec intérêts à 5% dès le 26 juillet 2022, avec suite de frais et dépens. Ce montant correspondait aux indemnités journalières dues pour la période du 9 février 2022 au 31 mai 2022. L'incapacité de travailler du demandeur était attestée par certificats médicaux et confirmée par l'examen du Dr H______ du 26 mai 2022.

b. Interpellé par la chambre de céans, le demandeur a écrit le 25 novembre 2022 qu'il ne sollicitait pas la tenue d'une audience de débats.

c. Le 20 janvier 2023, la défenderesse a répondu à la demande et conclu au déboutement du demandeur.

d. Le 9 mars 2023, le demandeur a répliqué et persisté dans ses conclusions.

e. Le 31 mars 2023, la défenderesse a déposé sa duplique et une demande reconventionnelle, visant au paiement de CHF 15'032.50, avec intérêts à 5% dès le 12 novembre 2021, par le demandeur à la défenderesse. Le revenu 2021 du demandeur selon son compte individuel AVS était de CHF 54'425.-, ce qui donnait une indemnité journalière de CHF 135.05 seulement ; un montant de CHF 23'633.75 seulement aurait dû être versé (au lieu du versement de CHF 38'866.25), de sorte que le remboursement de CHF 15'032.50 était demandé.

f. Le 20 avril 2023, le demandeur a déposé des observations spontanées. Son salaire mensuel brut était effectivement de CHF 7'800.-, auquel s'ajoutait CHF 600.- d'allocations familiales. Aucune cotisation AVS n'avait été payée par B______ de septembre à décembre 2021, la société n'ayant plus de ressources après la résiliation du contrat par C______ avec effet à fin août 2021 ; une note manuscrite de la fiduciaire le confirmait. Le demandeur a conclu au rejet de la demande reconventionnelle, si elle devait être recevable.

g. Le 4 mai 2023, la défenderesse a déposé des observations spontanées. La note manuscrite de la fiduciaire ne saurait revêtir une quelconque force probante. Même en retenant les chiffres du demandeur, le montant de l'indemnité journalière ne dépasserait pas CHF 194.70 (au lieu de CHF 220.95).


 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une personne morale, le for est celui de son siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. G6 des CGA 2015 pour les assurances-maladie complémentaires prévoit que, outre le for ordinaire, les assurés ont la possibilité d'intenter une action en justice contre l'assureur sur leur lieu de travail.

Le lieu de travail de l'assuré étant situé dans le canton de Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

3.             Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

4.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

Selon la volonté du législateur, le tribunal n'est soumis qu'à une obligation d'interpellation accrue. Comme sous l'empire de la maxime des débats, applicable en procédure ordinaire, les parties doivent recueillir elles-mêmes les éléments du procès. Le tribunal ne leur vient en aide que par des questions adéquates afin que les allégations nécessaires et les moyens de preuve correspondants soient précisément énumérés. Mais il ne se livre à aucune investigation de sa propre initiative. Lorsque les parties sont représentées par un avocat, le tribunal peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire (ATF 141 III 569, 575 consid. 2.3 et les références citées).

La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC ; RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié ; ATF 130 III 321 consid. 3.1 ; ATF 129 III 18 consid. 2.6 ; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c ; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c ; ATF 119 III 60 consid. 2c ; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

5.             En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; ATF 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 ; ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; ATF 130 III 321 consid. 3.3).

Selon la jurisprudence la plus récente, le principe général de l'art. 8 CC s'applique aussi dans le domaine du contrat d'assurance : l'ayant droit est tenu de prouver les faits relatifs à la justification de ses prétentions (cf art. 39 LCA), à savoir l'existence d'un contrat d'assurance, la survenance du cas d'assurance et l'étendue de ses prétentions. Il incombe à l'assureur de prouver les faits qui l'autorisent à réduire ou à refuser la prestation contractuelle convenue ou qui rendent le contrat d'assurance non contraignant à l'égard de l'ayant droit. Le degré de preuve ordinaire s'applique à l'incapacité de travail alléguée en lien avec la survenance du cas d'assurance (ATF 148 III 105, 107-108 consid. 3.3.1).

6.             En vertu de l'art. 8 CC, la partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

7.             Dans la situation d'espèce, le fardeau de la preuve incombe en premier lieu au demandeur. Même en maxime inquisitoire sociale, le tribunal ne doit pas aller au-delà des allégués des parties, lorsque celles-ci sont représentées par un avocat. La jurisprudence est désormais stricte (ATF 148 III 105 et ATF 141 III 569 précités).

7.1 Le demandeur n'apporte pas la preuve de son incapacité de travail au-delà du 8 février 2022. Selon ses allégués et les pièces produites, son médecin D______ a fait valoir, le 8 mars 2022, des accès de panique diurnes qui empêchaient la conduite d'un véhicule automobile.

7.2 Le demandeur n'a cependant pas prouvé que son activité de gérant de B______ impliquait nécessairement la conduite d'un véhicule automobile. Il a déclaré au Dr E______ – même s'il le conteste désormais – qu'il ne conduisait plus pour son entreprise, mais préparait les plannings de ses employés et organisait les tournées. Alors même que la défenderesse a expressément (allégué 19) fait valoir dans sa réponse que le demandeur ne conduisait plus, le demandeur n'a proposé aucun moyen de preuve dans sa réplique pour prouver quelles étaient ses activités concrètes au sein de B______, et en particulier qu'il aurait continué à conduire. De plus, le demandeur n'explique pas qui – si ce n'est lui – dirigeait la société, dès lors qu'il a expliqué qu'elle occupait en 2021 une vingtaine de collaborateurs et qu'il n'y avait personne d'autre que le demandeur inscrit comme organe au Registre du commerce ; si la fin du contrat avec C______ avait pris fin en automne 2021, alors le demandeur n'explique pas non plus quelles livraisons il aurait effectuées – ou dû effectuer – au printemps 2022 pour son entreprise. De deux choses l'une, soit B______ avait encore en 2022 des activités de transport confiées par des tiers et alors le demandeur aurait éventuellement dû être apte à la conduite pour travailler, mais aurait aussi pu organiser le travail d'éventuels collaborateurs sans conduire lui-même ; soit B______ n'avait plus d'activités de transport et alors l'aptitude ou non à la conduite du demandeur est irrelevante pour son aptitude au travail. La chambre de céans retient, dans son appréciation des preuves (art. 157 CPC), que le demandeur n'a pas prouvé que son activité de gérant de B______ nécessitait la conduite d'un véhicule automobile, ce qui implique que le rapport du Dr D______ ne prouve pas une incapacité de travail.

7.3 De plus, le rapport du Dr D______ du 8 mars 2022, médecin traitant du demandeur, a été démenti par le rapport du Dr H______ du 26 mai 2022, également mandaté par le demandeur. En effet, comme le relève à juste titre la défenderesse, le Dr H______ ne mentionne pas les attaques de panique, mais invoque un état dépressif résultant d'une rupture sentimentale. Ces contradictions entre les déterminations, à moins de trois mois d'intervalle, de médecins mandatés par le même demandeur ne sont pas expliquées par ce dernier. Elles ne prouvent donc pas non plus une incapacité de travail du demandeur pour la période litigieuse.

7.4 Faute d'allégués plus détaillés et vu l'absence de preuves pertinentes, éléments nécessaires même en procédure simplifiée, lorsque les parties sont représentées par un avocat, l'incapacité de travailler et la prétention en indemnité journalière pour la période du 9 février 2022 au 31 mai 2022 n'est pas prouvée. Par conséquent, les prétentions en paiement du demandeur doivent être rejetées.

8.             Il faut encore traiter de la demande reconventionnelle, formulée par l'assureur dans sa duplique du 31 mars 2023.

8.1 Selon la jurisprudence, la demande reconventionnelle n'est plus possible après le dépôt de la réponse (ATF 146 III 413, 414 consid. 4.2), de sorte qu'elle est irrecevable lorsqu'elle est déposée dans la duplique.

8.2 En l'espèce, l'assureur (partie défenderesse) réclame – dans la duplique du 31 mars 2023 – le remboursement de CHF 15'032.50 qui auraient été versés en trop à l'assuré, car le montant calculé de l'indemnité journalière aurait été calculé de manière trop élevée. En l'état, la demande reconventionnelle est irrecevable, car tardive, même si elle se fonde sur des faits qui n'ont été allégués et des pièces qui n'ont été produites que lors de la réplique par le demandeur.

8.3 La demande reconventionnelle est donc irrecevable.

9.             Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (art. 96 CPC en relation avec l’art. 95 al. 3 let. b). À Genève, le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10) détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 RTFMC).

9.1 En l'espèce, le demandeur succombe sur demande principale. Il n'est pas alloué de dépens à la charge du demandeur (art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]), ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).

9.2 S'agissant de l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle formée tardivement par l'assureur, elle ressort clairement de la jurisprudence. L'assuré s'est déterminé spontanément, sans avoir été interpellé à ce sujet par la chambre de céans. L'irrecevabilité aurait été constatée même sans détermination du demandeur, de sorte que ce dernier n'a pas droit à des dépens. Aucune indemnité de dépens ne lui sera donc allouée pour l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle déposée par l'assureur.

9.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

SUR DEMANDE PRINCIPALE

À la forme :

1.        Déclare recevable la demande formée le 14 novembre 2022 par Monsieur A______ contre BÂLOISE ASSURANCE SA.

Au fond :

2.        La rejette.

SUR DEMANDE RECONVENTIONNELLE

3.        Déclare irrecevable la demande reconventionnelle formée le 31 mars 2023 par BÂLOISE ASSURANCE SA contre Monsieur A______.

SUR LES FRAIS

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

Le président suppléant

 

 

 

 

David HOFMANN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le