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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4104/2019

ATAS/589/2023 du 08.08.2023 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.10.2023, rendu le 13.03.2024, REJETE, 8C_612/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4104/2019 ATAS/589/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 août 2023

Chambre 15

 

En la cause

A______

représenté par Maître Thomas BÜCHLI

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D’ASSURANCE EN CAS D’ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1971, était employé de chantier auprès de B______ SA (ci-après : l’employeur) depuis 2016. Travaillant en qualité d’aide-peintre en bâtiment depuis le 8 janvier 2018, il était assuré à ce titre auprès de la caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée).

b. Le 17 janvier 2018, l’assuré a été victime d’un accident. Alors qu’il ponçait un plafond en se tenant sur une échelle, il a chuté et est tombé d’une hauteur de 2 m sur le dos. La SUVA a pris le cas en charge.

c. Il a consulté le docteur C______, spécialiste en médecine interne générale, lequel a certifié un arrêt de travail total depuis le 22 janvier 2018, date de la première consultation, et indiqué, le 3 avril 2018, que l’assuré présentait une douleur lombaire basse avec sciatalgie gauche. Selon une radiographie lombaire du 1er février 2018, il présentait une spondylarthrose L5 avec discopathie et, selon une IRM lombaire du 23 mars 2018, une hernie discale L5-S1 avec déchirure de l’anneau fibreux ; la lombosciatalgie était invalidante ; une reprise de travail serait possible à partir du 1er avril 2018.

d. Une IRM lombaire et des articulations sacro-iliaques du 27 mars 2018 a conclu à une dégénérescence discale L4-L5 et L5-S1, un hémangiome vertébral en L1 à composante graisseuse, une protrusion discale L4-L5 de localisation médiane et paramédiane droite sans contrainte radiculaire, une hernie discale L5-S1 avec déchirure de l’anneau fibreux en contact modéré avec la racine S1 gauche, un hémangiome vertébral en L5 atteignant la pédicule droite, une prise de contraste dans les espaces inter-épineux secondaires à des enthésopathies, une sclérose de part et d’autre des articulations sacro-iliaques sans œdème intra-spongieux pour une sacro-illite inflammatoire et un cône médullaire de topographie normale et de signal homogène.

e. Une infiltration épidurale L5-S1 gauche a été pratiquée le 11 avril 2018.

f. Le 20 avril 2018, le Dr C______ a certifié une incapacité de travail totale de l’assuré dès le 1er avril 2018, prolongée au 31 décembre 2018 (hormis le mois d’août 2018).

g. Le 8 juin 2018, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologique et médecin-conseil de la SUVA, a posé le diagnostic de « sciatique par HD Discale exclue en L5-S1 gauche suite à l’évènement sur lésions dégénératives préexistantes » ; un fragment distal par perforation de l’annulus était probablement venu au contact de la racine S1 gauche. Une instruction médicale complémentaire était nécessaire.

h. Le 20 juin 2018, le docteur E______, spécialiste FMH en neurochirurgie,
a fait état d’une lombosciatalgie gauche persistante malgré deux séances d’infiltration épidurale L5-S1 sur petite hernie discale L5-S1 gauche. Il n’y avait pas de déficit neurologique des membres inférieurs ; la petite hernie discale L5-S1 gauche pouvait irriter la racine S1 gauche et causer les symptômes ; il avait proposé à l’assuré, en cas de résistance au traitement conservateur, une chirurgie pour décomprimer la racine S1 gauche ainsi qu’une résection microchirurgicale de la petite hernie discale.

i. Le 25 juin 2018, la SUVA a transcrit dans une note un échange téléphonique qu’elle avait eu le même jour avec le Dr C______. Celui-ci avait revu l’assuré le 28 mai 2018 pour la dernière fois. Il présentait alors toujours une boiterie importante et des douleurs très invalidantes, même après avoir subi une infiltration. Aussi le Dr C______ avait-il conseillé à l’assuré de consulter un neurochirurgien. Il ne savait pas si l’assuré avait déjà fait le nécessaire. À sa connaissance, seule une infiltration avait été effectuée à ce jour.

j. Le même jour, la SUVA a consigné dans une seconde note une conversation téléphonique avec l’assuré. Boitant et présentant des douleurs invalidantes, il avait consulté le docteur F______, spécialiste FMH en neurochirurgie, et prévoyait de revoir le Dr C______ d’ici peu. Seule une infiltration lui avait été administrée à ce jour.

k. Le 27 juin 2018, le Dr D______ a estimé qu’il existait une causalité probable avec l’accident, qu’il ne fallait pas tarder à intervenir, le cas évoluant depuis quatre mois, et qu’il était d’accord avec le Dr E______.

l. Le 28 juin 2018, le Dr F______ a indiqué qu’il n’avait jamais vu l’assuré.

m. Le 3 juillet 2018, la SUVA a écrit à l’assuré pour l’informer qu’elle prenait en charge l’intervention chirurgicale proposée par le Dr E______.

n. Le 16 octobre 2018, le Dr E______ a rendu un rapport opératoire relatant une intervention pratiquée le 12 octobre 2018, consistant en une ouverture du récessus L5-S1 gauche et une résection du kyste de la hernie discale L5-S1 gauche.

o. Le 8 janvier 2019, les docteurs G______, spécialiste FMH en médecine générale, et H______, spécialiste FMH en chirurgie urologique, ont attesté une incapacité de travail totale de l’assuré du 8 au 31 janvier 2019.

p. Le 20 mars 2019, la SUVA a établi un rapport à la suite d’un entretien avec l’assuré, selon lequel l’évolution était lentement favorable depuis l’opération ; il présentait toujours des douleurs.

q. Le 4 avril 2019, le Dr D______ a estimé que la chute avait provoqué
une expulsion discale, survenue certes sur un état antérieur, « mais en aggravation prépondérante de celui-ci » ; un délai de stabilisation de six mois après l’opération était probable pour les seules suites de l’évènement.

r. Une IRM de la colonne lombaire du 11 avril 2019 a conclu à des données lombaires illustrant un status post cure de hernie discale [SSI gauche], sans argument en faveur d’une récidive herniaire, une persistance d’une protrusion discale focale L5-S1 postéro-médiane et paramédiane gauche venant discrètement au contact intime avec la portion récessale de la racine S1 gauche, sans qu’il y ait de franche compression radiculaire objectivable, une oblitération de l’espace épidural gauche à la hauteur de l’espace inter-somatique L5-S1 s’étendant jusqu’à la portion récessale de la racine S1 gauche, et compatible avec une petite touche de fibrose postopératoire. Le reste du bilan sur la colonne lombaire était sans modification majeure par rapport au comparatif datant du 11 juillet 2018.

s. Le Dr D______ a examiné l’assuré le 1er mai 2019. Dans un rapport du 14 mai 2019, consécutif à cet examen, il a posé le diagnostic de discopathie L4-L5, L5-S1 ancienne. S’y ajoutait, suite à la chute du 17 janvier 2018, « l’extrusion d’un fragment déjà quiescent sous-ligamentaire au contact de la racine L5-S1, extrusion du fragment discal et irritation compression de la racine dans un foramen déjà un peu fermé ». La chute de l’assuré avait provoqué, au degré de la vraisemblance prépondérante, une aggravation de son état « avec apparition d’une sciatique et respect des critères de Kramer, sciatique immédiate et invalidante » décompensant ainsi de façon significative l’état antérieur. Cet état antérieur n’était pas d’origine traumatique, mais dégénérative.

L’aggravation était transitoire et avait été parfaitement soulagée par la microchirurgie. Citant des radiographies et IRM de la colonne lombaire de l’année 2005, montrant un état dégénératif (discopathie lombaire dégénérative L5-S1, petite protrusion de L4-L5 sur les coupes sagittales, sur les coupes horizontales protrusion discale L4-L5 très modérée), le Dr D______ a précisé qu’en prenant connaissance des cas d’assurance de 2004 et 2006, il était évident que l’on était en présence d’une colonne lombaire progressivement dégénérative avec, dès cette époque, une morphologie discale sensiblement identique en L5-S1 à celle qui « présidait à la chute ». Au final, le mauvais état discal avait donc été décompensé, « mais étant déjà très quiescent, sans néanmoins créer une sciatique permanente » (sic). On pouvait donc dire que l’accident n’avait pas créé de lésion structurelle supplémentaire. L’intervention avait eu lieu certes un peu au-delà des six mois, mais elle « avait parfaitement joué son rôle sur cette décompensation en vraisemblance prépondérante, mais transitoire ». Compte tenu des constatations faites ce jour, les suites de l’accident du 17 janvier 2018 seraient stabilisées à brève échéance et cet accident ne jouerait bientôt plus aucun rôle dans les symptômes de l’assuré – à savoir des lombalgies qui étaient déjà fort anciennes – et ce dans un délai de deux mois au maximum.

t. Le 16 mai 2019, le Dr E______ a attesté d’une évolution très favorable. Il n’y avait plus de douleur irradiant dans la jambe gauche et les lombalgies étaient d’origine musculaire. Le médecin avait clairement expliqué à l’assuré qu’il pouvait dorénavant recommencer un travail.

u. En réponse à un questionnaire de la SUVA, le docteur I______, spécialiste FMH en rhumatologie, a indiqué, dans un rapport du 27 juin 2019, que l’assuré présentait des lombalgies basses invalidantes sur un début de fibrose après status post cure de hernie discale L5-S1 gauche. Une reprise de travail dans le bâtiment était exclue.

v. Le 3 juillet 2019, le Dr D______ a rendu une appréciation médicale selon laquelle le statu quo sine était atteint le 1er juillet 2019 ; l’allégation d’une fibrose post-opératoire n’était que « l’allégation normale d’une cicatrice postopératoire ». La fibrose n’était plus scientifiquement aujourd’hui considérée comme une entité pathologique à part entière, elle était une entité qui témoignait soit d’une cicatrice post-opératoire normale et naturelle, soit – lorsque cette fibrose se développait –, d’une instabilité segmentaire locale témoignant d’une déstabilisation. Cette déstabilisation possible par la dégénérescence progressive de la colonne lombaire n’avait pour origine ni « l’évènement très ponctuel sur le disque L5-S1 », ni l’intervention ad hoc. L’intervention avait été purement micro-neurochirurgicale, non déstabilisante, et sa trace était cicatrisée comme l’avait montré l’IRM et l’évaluation clinique. Avant l’évènement, et ce depuis une quinzaine d’années, l’assuré était lombalgique avec une dégénérescence progressive, significative et manifeste de sa colonne lombaire. Par ailleurs, dans la mesure où les lombalgies étaient un symptôme, celles-ci étaient également gravement obérées par le tabagisme chronique de l’assuré (un paquet par jour). Depuis le 1er juillet 2019, les suites de l’accident ne jouaient plus aucun rôle.

B. a. Par décision du 4 juillet 2019, la SUVA a mis fin à ses prestations avec effet au 31 juillet 2019 en se référant à l’avis du 3 juillet 2019 du Dr D______. Elle a également privé d’effet suspensif une éventuelle opposition à cette décision.

b. Le 3 septembre 2019, l’assuré, représenté par un avocat, a fait opposition à ladite décision en faisant valoir que le syndrome vertébral lombaire était en lien avec les suites post-opératoires, soit des complications après la chirurgie ; il a conclu à la restitution immédiate de l’effet suspensif et joint un rapport du Dr I______ du 29 août 2019, faisant état d’un syndrome vertébral lombaire après cure de hernie discale L5-S1 gauche pratiquée le 12 octobre 2018. Depuis cette intervention, il avait bénéficié de plusieurs séances de physiothérapie et d’un traitement antalgique (Irfen, Dafalgan). Compte tenu d’une récidive des douleurs radiculaires, il avait également bénéficié d’une infiltration péri-radiculaire. Toutes ces mesures thérapeutiques n’avaient pas apporté d’amélioration. Le syndrome vertébral lombaire et la fibrose lombaire pouvaient faire partie de complications post-chirurgicales. Les récidives postopératoires de lombalgies et de sciatalgies restaient un problème préoccupant. Souvent regroupée sous le vocable failed back surgery syndrome (ci-après : FBSS), cette situation se retrouvait, à titre estimatif, dans au moins 5% des cas chirurgicaux, causant alors un handicap considérable à des patients devenant incapables d’effectuer les tâches de leur vie quotidienne ou professionnelle. Par ailleurs, dans le cas concret, l’assuré n’était pas apte à reprendre son activité antérieure. Aussi le Dr I______ a-t-il proposé un second avis neurochirurgical.

c. Le 9 septembre 2019, le Dr D______ a estimé que l’avis du Dr I______ n’amenait pas d’éléments nouveaux de nature à modifier sa dernière appréciation.

d. Par décision du 4 octobre 2019, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré ; celui-ci présentait un état dégénératif du rachis et l’intervention chirurgicale n’avait fait que lever des fragments en contact avec la racine S1, sans déstabilisation de l’étage, de sorte que l’aggravation de l’état dégénératif préexistant n’était pas durable. En ce qui concernait la fibrose post-opératoire, celle-ci témoignait soit d’une cicatrice postopératoire normale, soit d’une possible instabilité segmentaire locale par la dégénérescence progressive de la colonne lombaire. En revanche, cette possible déstabilisation segmentaire locale n’avait pour origine ni l’événement très ponctuel sur le disque L5-S1, ni l’intervention chirurgicale subséquente, non déstabilisante. Les effets de l’accident avaient cessé dès juillet 2019. Enfin, cette décision mentionnait qu’un recours à son encontre n’aurait aucun effet suspensif.

C. a. Le 4 novembre 2019, l’assuré, représenté par son avocat, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif au recours et, principalement, à son annulation et à la continuation de l’octroi des prestations. Il convenait, au vu des avis divergents des médecins, d’ordonner une expertise pour déterminer l’origine du syndrome vertébral lombaire et de la fibrose lombaire et leur impact sur sa capacité de travail.

b. Le 20 novembre 2019, le recourant a communiqué un rapport du 14 novembre 2019 des docteurs J______, neurochirurgien chef de clinique, et
K______, médecin interne au service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), lesquels ont posé le diagnostic de FBSS. L’assuré se plaignait de la persistance de violentes lombalgies au repos, augmentées à la mobilisation. Une radiographie de la colonne lombaire ne révélait pas de signe d’instabilité et une IRM lombaire du 17 septembre 2019 montrait une fibrose péri-radiculaire L5-S1 gauche compatible avec une fibrose post-opératoire. Les symptômes de l’assuré n’étaient pas expliqués par l’imagerie.

c. Par arrêt incident du 17 décembre 2019 (ATAS/1164/2019), la chambre de céans a rejeté la demande d’effet suspensif au recours.

d. Par mémoire du 17 janvier 2020, l’intimée a répondu et conclu au rejet
du recours. Se fondant sur l’avis des Drs D______ et E______, l’intimée a considéré que l’accident du 17 janvier 2018 avait pu aggraver de manière passagère la pathologie dégénérative à la colonne du recourant, préexistante à cet accident, mais que les effets de celui-ci avaient cessé dès le mois de juillet 2019. Dans la mesure où il indiquait que le syndrome vertébral lombaire et la fibrose lombaire pouvaient faire partie des complications postopératoires, le rapport du Dr I______ du 29 août 2019 n’évoquait qu’un lien causal possible. Par ailleurs, ce rapport passait sous silence les troubles dégénératifs de la colonne lombaire. Quant au rapport des HUG du 14 novembre 2019, il faisait référence à un accident antérieur (2004). Les radiographies d’octobre 2019 ne montraient pas de signe d’instabilité. L’IRM lombaire de septembre 2019 montrait une fibrose péri-articulaire L5-S1 gauche, compatible avec une fibrose post-opératoire déjà relevée par le Dr D______. Les médecins des HUG retenaient que les symptômes du patient n’étaient pas expliqués par l’imagerie médicale. Ainsi, ces avis ne remettaient pas en cause les conclusions de l’intimée. En outre, le diagnostic de FBSS se comprenait comme la persistance de douleurs au niveau lombaire. La fibrose n’était pas scientifiquement considérée comme une entité pathologique à part entière, mais elle était témoin soit d’une cicatrice post-opératoire normale et naturelle, soit d’une instabilité segmentaire locale qui était elle-même témoin d’une déstabilisation. Cette déstabilisation possible par la dégénérescence progressive de la colonne lombaire n’avait pour origine ni l’événement très ponctuel sur le disque L5-S1 ni l’intervention ad hoc non déstabilisante. Du reste, la trace de cette intervention était cicatrisée comme le montraient l’IRM et l’évaluation clinique.

e. Le recourant a répliqué le 15 mai 2020 et produit des rapports complémentaires émanant du docteur L______, spécialiste en médecine interne générale, et du Dr I______, selon lesquels la fibrose, consécutive à l’opération, était bel et bien à l’origine de ses plaintes. Il a réitéré sa demande d’expertise.

f. L’intimée a soumis les nouveaux documents médicaux à la professeure
M______, spécialiste FMH en neurochirurgie. Après analyse de ceux-ci, dont les documents d’imagerie de 2005, 2018 et 2019 qui lui avaient été soumis, elle a relevé une absence de lésion structurelle visible à l’IRM à la suite de l’événement initial. Le recourant présentait un lumbago chronique depuis des années avant l’intervention et une radiculopathie de la racine S1 gauche traités chirurgicalement. La persistance de ce lumbago, déjà connu avant l’intervention, ne pouvait pas être considérée comme une complication opératoire ou liée à la chirurgie. Le kyste articulaire gauche L5-S1 et le petit fragment discal, qui avaient été retirés par le Dr E______, n’étaient pas des lésions structurelles liées à l’événement initial. En conclusion, l’intervention avait « provoqué une lésion structurelle » sans lien de causalité avec l’événement avec vraisemblance prépondérante au vu des IRM de 2005, 2018 et 2019. La SUVA s’est opposée à l’expertise.

g. Le 17 août 2020, le recourant a dupliqué et produit de nouveaux documents médicaux pour appuyer ses allégués, dont un rapport des HUG du 23 juillet 2020 avec un diagnostic de « lumbago persistant dans un contexte de FBSS et discopathie dégénérative lombaire L4-L5, L5-S1 (date inconnue) ».

h. S’en sont suivies une prise de position de l’intimée, qui a persisté dans ses conclusions, et une prise de position du recourant qui en a fait de même en produisant d’autres prises de position du Dr I______ et un rapport signé par
le docteur N______, spécialiste en antalgie, qui a évoqué un état dépressif réactionnel.

i. Aux fins d’instruction de la cause, la chambre de céans a requis de l’intimée, par pli du 29 janvier 2021, l’apport des dossiers relatifs aux deux précédents sinistres dont le recourant avait été victime en 2004, respectivement « 2005 » (recte : « 2006 »).

D. a. Après avoir permis aux parties d’exercer leurs droits de participation, la chambre de céans a rendu, le 15 juin 2021, une ordonnance confiant la réalisation d’une expertise orthopédique et traumatologique au professeur O______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie.

b. L’expert a reçu et examiné le recourant le 22 décembre 2021 et rendu ses conclusions le 24 février 2022.

Les diagnostics étaient les suivants :

-          discopathies L5-S1 ;

-          protrusion discale L5-S1 médiane et gauche ;

-          status post-opératoire d’une chirurgie de microdiscectomie L5-S1 gauche avec fibrose post-opératoire type 1 ;

-          discopathies L4-L5 avec protrusion discale médiane ;

-          arthrose facettaire L4-L5, L5-S1 ;

-          lombalgie chronique ;

-          douleurs au niveau des membres inférieurs non systématisées ;

-          surpoids (BMI 33.2) ;

-          hypertension artérielle traitée ;

-          cyphose thoracique augmentée avec raideur thoracique en D8-D9, D9-D10 ;

-          discrète cervicarthrose en C5-C6 ;

-          angiome graisseux L1.

Les lombalgies avec irradiation du côté du membre inférieur gauche étaient présentes dès décembre 2004. Les discopathies L4-L5 et L5-S1 avaient été visualisées dès novembre 2005. Les traitements conservateurs – dont une hospitalisation à la clinique SUVA de Bellikon, des infiltrations, de la rééducation, des médicaments – n’avaient amené que peu d’améliorations. La situation avait été considérée comme problématique par le recourant puisqu’il avait demandé, en 2005, une rente de l’assurance-invalidité qui lui avait été refusée. Par la suite, il y avait eu une amélioration fonctionnelle jusqu’en 2014, période durant laquelle le recourant avait repris progressivement, au Kosovo, une activité dans le secteur du jardinage et de l’agriculture. En 2014, il était revenu
en Suisse et avait exercé, jusqu’à son accident du 17 janvier 2018, une activité dans le domaine de la rénovation de bâtiments. La chute survenue lors de cet événement avait été à l’origine d’une réapparition des douleurs lombaires avec irradiation au niveau du membre inférieur gauche, résistantes aux traitements conservateurs.

Les bilans d’imagerie effectués après cet accident montraient une hernie discale L5-S1. Après le traitement de celle-ci par chirurgie de microdiscectomie en octobre 2018 (Dr E______), un soulagement s’était initialement fait jour au niveau de la jambe gauche. Les lombalgies avaient toutefois persisté, et progressivement, des douleurs s’étaient étendues au niveau des deux membres inférieurs, accompagnées de brûlures au niveau des pieds et de douleurs thoraciques, menant au tableau actuel. La cyphose thoracique et le surpoids étaient anciens et mentionnés dans l’expertise de 2007.

Invité à dire si l’état antérieur à l’accident du 17 janvier 2018 était d’origine traumatique ou dégénérative, l’expert a répondu qu’en consultant les documents de 2005, on remarquait des troubles dégénératifs de la colonne lombaire, sous forme d’arthrose discale sur les niveaux L4-L5, L5-S1, avec protrusion discale L4-L5 et hernie sous-ligamentaire médiane et gauche L5-S1.

Interrogé sur le point de savoir si l’accident du 17 janvier 2018 avait créé une lésion structurelle supplémentaire, le Prof. O______ a indiqué que l’IRM du 27 mars 2018 montrait un rachis dégénératif avec des discarthroses en L4-L5, L5-S1. Il n’y avait pas de lésion traumatique visible. Au niveau L5-S1 gauche, la petite augmentation de volume de la protrusion discale et de la hernie sous-ligamentaire était compatible avec une évolution sur treize ans entre les clichés de 2005 et ceux de 2018.

Questionné sur l’identité de la morphologie discale en L5-S1 avant la chute sur le dos du 17 janvier 2018, le Prof. O______ a répondu que son seul examen de référence était une IRM de 2005. Par rapport à celle-ci, il y avait une très discrète augmentation millimétrique de la hernie L5-S1 gauche, qui était tout à fait compatible avec l’évolution spontanée de la lésion entre 2005 et 2018.

Invité à fixer le délai de stabilisation postopératoire faisant suite à l’intervention du 12 octobre 2018 (ouverture du récessus L5-S1 gauche et résection du kyste, microchirurgie de la hernie discale L5-S1), l’expert a répondu que chez un patient ayant un travail sédentaire, ce délai était de deux à quatre mois. En revanche, en cas de travail imposant des positions asymétriques et des ports de charges, ce délai de stabilisation était de quatre à six mois. Il était même de neuf mois dans le cas d’une personne présentant un rachis dégénératif, des lombalgies et un travail lourd.

Interrogé sur l’éventuelle présence d’une fibrose postopératoire sur l’IRM de la colonne lombaire du 11 avril 2019, l’expert a indiqué que les clichés montraient un rehaussement compatible avec une cicatrice post-opératoire. Le processus cicatriciel se retrouvait sur la partie dorsale de la racine. Il était également présent sur une seule coupe. On était donc plus dans le processus d’une cicatrice post-opératoire à six mois plutôt qu’en présence d’une réelle fibrose péri-radiculaire qui occasionnerait un effet de masse ou de compression.

Questionné sur le lien éventuel entre la fibrose et les lombalgies, plus précisément entre les suites opératoires (complications après la chirurgie) et le syndrome vertébral lombaire, l’expert a répondu que le syndrome vertébral lombaire actuel n’était pas en lien avec les suites de l’intervention.

S’agissant d’un éventuel FBSS, ce n’était pas un diagnostic comme tel, mais une constatation clinique visant des situations dans lesquelles un patient n’avait pas tiré de sa chirurgie le bénéfice escompté. On était donc dans une situation de FBSS, mais sans diagnostic précis. En effet, le FBSS s’appliquait également aux cas où il y aurait eu des pathologies qui seraient apparues après une intervention comme une récidive de hernie opérée au mauvais endroit, une résection large menant à une instabilité, une infection, une fibrose péri-radiculaire massive ou une épidurite, ce qui n’était pas le cas chez le recourant.

La cicatrisation post-opératoire était un phénomène physiologique que l’on retrouvait après chaque chirurgie. La classification des fibroses péri-radiculaires ne se basait pas sur les symptômes – puisqu’il n’y avait que peu de corrélation entre les images et l’expression clinique – mais sur le volume de la cicatrice. Les fibroses péri-radiculaires étaient gradées de 0 à 4. Au grade zéro, aucune cicatrice n’était visible. Le grade 1 correspondait à un remplacement de la graisse épidurale sans affecter le tissu thécal. Le grade 2 reflétait une compression minime de moins de 25%. Quant aux grades 3 et 4, ils correspondaient à une compression plus importante de 25 à 50%, respectivement au-delà de 50%. En application de cette classification, l’intéressé présentait une fibrose péri-radiculaire L5-S1 gauche de grade 1, représentant principalement une cicatrice post-opératoire physiologique.

Prenant position au sujet du rapport des HUG du 14 novembre 2019, l’expert a indiqué qu’en tant que ses auteurs se référaient à la radiographie de la colonne lombaire et à l’IRM lombaire du 17 septembre 2019, montrant selon eux une colonne lombaire sans signe d’instabilité, respectivement une fibrose péri-radiculaire L5-S1 gauche compatible avec une fibrose post-opératoire, cela signifiait, selon l’expert, qu’il y avait une image post-opératoire qui représentait un processus de cicatrisation fibrotique sans compression radiculaire ou effet de masse. Par ailleurs, en tant que les auteurs du rapport précité du 14 novembre 2019 estimaient que les symptômes de l’assuré n’étaient pas expliqués par l’imagerie, l’expert indiquait qu’il comprenait cette affirmation en ce sens que la fibrose ou cicatrice post-opératoire n’expliquait pas les symptômes évoqués par le recourant, de même que les « clichés fonctionnels » ne mettaient pas en évidence d’instabilité.

Entre décembre 2004 et fin 2011, le recourant s’était plaint de lombalgies avec irradiation dans le membre inférieur gauche et dans le cadre de l’instruction de son dossier auprès de l’office AI, ces plaintes avaient fait l’objet d’investigations et les images radiologiques avaient révélé des discopathies avec protrusion et hernie discale L4-L5.

Interrogé sur le point de savoir si les plaintes du recourant depuis l’accident
du 17 janvier 2018, respectivement l’intervention du 12 octobre 2018, étaient objectivées du point de vue somatique, l’expert a répondu que le recourant avait principalement un rachis dégénératif avec des discopathies L4-L5, L5-S1 qui pouvaient créer des gênes douloureuses en elles-mêmes, mais qui n’étaient expliquées ni par l’accident du 17 janvier 2018, ni par l’intervention du 12 octobre 2018.

Pour le surplus, l’expert a expliqué que le lien de causalité entre l’incapacité de travail, d’une part, l’accident du 17 janvier 2018 ou l’intervention du 12 octobre 2018, d’autre part, s’étendait du 17 janvier 2018 au 12 juillet 2019, c’est-à-dire neuf mois après l’intervention. Pour la période subséquente, l’exigibilité d’une activité adaptée aux limitations fonctionnelles – qui s’expliquaient par les atteintes dégénératives (hypercyphose thoracique, spondylarthrose L4-L5, L5-S1) limitant notamment le port de charges, les positions de travail, etc. – excluait, même après le 12 juillet 2019, la reprise de l’activité antérieure dans le secteur du bâtiment. Celle-ci n’était pas adaptée et l’incapacité de travail restait totale. En revanche, en tenant compte uniquement des atteintes dégénératives, une activité adaptée à celles-ci (port de charges limité à 5kg, pas d’échelle ni d’échafaudage, pas de position debout de plus d’une heure, pas de position assise de plus d’une heure
et demi, etc.) était possible à 80% à l’issue d’une période de reprise progressive s’étendant sur trois mois. En raison d’une fatigabilité augmentée, la diminution de rendement à prendre en compte se chiffrait à 10%, ce qui correspondait à une capacité de travail globale de 72% à cause des atteintes dégénératives.

Invité à commenter et discuter les avis des médecins consultés par l’intimée et ceux des médecins traitants, le Prof. O______ a indiqué qu’il était difficile de se livrer à cet exercice, car l’évaluation de la situation dépendait principalement de l’aspect clinique du recourant au moment de son évaluation. En revanche, si on évaluait l’aspect purement radiologique, on pouvait considérer que les avis évoquant un rachis dégénératif préexistant avec, au degré de la vraisemblance prépondérante, une aggravation ponctuelle, étaient justifiés. En revanche, l’expert ne retenait ni la fibrose péri-radiculaire ni la micro-instabilité comme un élément « péjorant les douleurs et la situation fonctionnelle » du recourant.  

c. Par pli du 1er mars 2022, la chambre de céans a transmis un exemplaire du rapport d’expertise du 24 février 2022 aux parties et les a invitées à se déterminer.

d. Par écriture du 14 mars 2022, l’intimée a indiqué qu’en l’état, il n’existait pas de motifs valables de s’écarter de l’expertise orthopédique du Prof. O______, laquelle confirmait, chez le recourant, un état dégénératif antérieur à l’événement du 17 janvier 2018, l’aggravation transitoire de cet état dégénératif, ainsi que le statu quo sine fixé par le Dr D______ en juillet 2019. Il s’ensuivait que l’intimée était fondée à mettre fin aux prestations d’assurance avec effet au 31 juillet 2019, soit à plus d’une année et demi de l’accident et à quelques neuf mois de l’intervention microchirurgicale du 12 octobre 2018. Pour le surplus, l’intimée a renvoyé à une appréciation du 8 mars 2022 du Dr D______, produite en annexe, dans laquelle ce médecin indiquait que même s’il était d’accord avec l’expert, il n’en restait pas moins qu’en tant que celui-ci se prononçait sur les conséquences de chaque diagnostic sur la capacité de travail, l’exigibilité d’une activité adaptée, ainsi que la diminution de rendement dans une activité adaptée, l’appréciation de l’expert ne concernait pas électivement les suites de l’événement accidentel du 17 janvier 2018, mais la situation clinique dans son ensemble, englobant les atteintes dégénératives.

e. Dans le délai prolongé à cet effet, le recourant s’est déterminé sur le rapport d’expertise par courrier du 13 avril 2022 en soutenant que ce rapport présentait des inconsistances. Aussi le recourant a-t-il assorti ses remarques d’une liste de questions destinées à l’expert. En outre, il a demandé à ce que la chambre de céans procède à l’audition du Dr E______ – qui avait pratiqué l’intervention du 12 octobre 2018 – pour que celui-ci se détermine sur les questions nos 1 à 4 de l’expertise. Enfin, comme l’expert O______ l’avait recommandé, le recourant a sollicité un complément d’expertise par un centre de réadaptation professionnelle.

f. Par envoi spontané du 23 septembre 2022, le recourant a rappelé la teneur de son courrier du 13 avril 2022, singulièrement les mesures d’instruction sollicitées. En outre, il a annexé à son envoi une attestation établie le 22 septembre 2022 par la docteure P______, directrice médicale de la Fondation R______ et spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

Dans cette attestation, la Dre P______ a tenu d’emblée à préciser que même si la Fondation R______ était spécialisée dans les soins ambulatoires des addictions et que le recourant ne présentait aucune pathologie addictive, celui-ci avait souhaité un suivi psychiatrique auprès de cette fondation pour des raisons linguistiques. Le recourant lui avait été adressé par le Prof. O______, car elle parlait croate, une des langues que le recourant connaissait. Il souffrait d’une problématique anxio-dépressive en réaction à ses troubles algiques (douleurs persistantes au niveau du dos et des membres inférieurs). Il présentait, sur le plan psychique, un état de détresse et de perturbations émotionnelles entravant son fonctionnement et ses « performances sociales ». Ses difficultés comprenaient une humeur dépressive, une diminution de l’intérêt et du plaisir, un sentiment de désespoir, une inquiétude et une nervosité permanente, un sentiment d’incapacité à faire face à un quelconque projet, une fatigabilité accrue, ainsi que des troubles importants du sommeil.

g. Par pli du 20 octobre 2022, la chambre de céans a transmis au Prof. O______ les questions supplémentaires du conseil du recourant (courrier du 13 avril 2022) en l’invitant à y répondre, dans la mesure du possible. Elle lui a également transmis l’attestation du 22 septembre 2022 de la Dre P______ pour détermination, en précisant que la demande qui lui était adressée valait complément d’expertise.

h. Le 21 décembre 2022, le Prof. O______ a complété ses précédentes explications en indiquant que le but de l’opération du 12 octobre 2018 était de redonner à la racine S1 gauche un espace anatomique ; l’intervention de décompression de cette racine était une intervention palliative et mécanique qui n’avait pas pour but de traiter la pathologie de base, qui était une pathologie dégénérative qui pouvait continuer à progresser pour elle-même. Par ailleurs, les récidives de lésions discales après une intervention chirurgicale étaient des évolutions, voire des complications connues. Aussi ne pouvait-on pas affirmer que la persistance, après l’opération, du contact de la racine S1 gauche avec le bombement du disque était synonyme d’une absence de succès de l’opération.

Interrogé sur le point de savoir si le contact avec la racine S1 gauche et le bombement objectivé par l’imagerie actuelle avaient été causés par l’intervention du Dr E______ ou s’ils en étaient la conséquence, le Prof. O______ a répondu : « ni l’un ni l’autre » ; il s’agissait de l’évolution naturelle d’une affection rachidienne dégénérative.

Invité à dire si compte tenu de la méconnaissance, de la part du Dr E______, de l’atteinte dégénérative ancienne (cf. les antécédents de 2004 et 2006), la proposition d’opération par le Dr E______, validée par l’intimée, pouvait-elle être remise en question, le Prof. O______ a répondu que l’IRM de mars 2018 montrait des signes dégénératifs que le Dr D______ avait reconnus dans son appréciation du 8 juin 2018. Quant à l’opération en tant que telle, il était légitime que le Dr I______ se demande s’il fallait opérer malgré une hernie L5-S1 préexistante. En effet, une intervention de décompression sur un rachis dégénératif avait effectivement moins de chances d’apporter des résultats en termes de suppression/diminution des douleurs, car la pathologie de base subsistait. Cependant, en cas de résistance au traitement conservateur, la chirurgie de décompression pouvait être proposée. C’était l’information qui avait été donnée au recourant le 18 juin 2018 par le Dr E______. Cette proposition devait être discutée entre le recourant et son médecin traitant, le Dr C______, en pesant le pour et le contre. À la suite de cette réflexion, le choix du recourant s’était porté sur l’option chirurgicale. Par ailleurs, dans le formulaire d’information et d’acquiescement pour la chirurgie, signé le 27 juillet 2018 par le recourant, il était mentionné :

-          Résultat escompté de l’intervention : amélioration de la sciatique ;

-          Suites habituelles : douleurs lombaires ;

-          Conséquences, risques, complications : récidives, douleurs chroniques.

En outre, l’expert a précisé que son appréciation de la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée se basait sur la situation clinique, anamnestique et les imageries actuelles du recourant, en tenant compte des limitations physiques dues aux atteintes dégénératives disséminées sur le rachis et non aux conséquences du traumatisme de 2018. Quant à la diminution de rendement de 10%, elle était due à la fatigabilité qui était elle-même la conséquence du surpoids et du diabète.

Enfin, le Prof. O______ a indiqué avoir lu l’attestation du 22 septembre 2022 de la Dre P______. Il a toutefois tenu à préciser qu’il n’avait pas adressé le recourant à cette psychiatre, mais simplement conforté le recourant à poursuivre ses consultations psychiatriques.

i. Par écriture du 2 février 2023, le recourant a relevé que dans son complément d’expertise, l’expert confirmait que c’était seulement dans le rapport du 3 juillet 2019 du Dr D______, soit après l’opération, que l’on retrouvait pour la première fois une trace de la prise de connaissance des dossiers de 2004 et 2006 par l’intimée. Il s’ensuivait que l’intimée et le Dr E______ étaient partis, dès le début du traitement de l’accident de 2018, de la mauvaise prémisse d’une « petite hernie discale résistante au traitement conservateur depuis quelques mois ».

Aussi le recourant a-t-il soutenu que les diagnostics et le choix du traitement étaient incorrects ab ovo. Ainsi, l’opération effectuée par le Dr E______ sur un rachis prétendument dégénératif – alors que le Dr E______ ignorait cet état – n’apparaissait pas indiquée. En tout état, une opération suite à laquelle la pathologie de base subsistait (cf. le complément d’expertise du 21 décembre 2022) et qui présentait des chances amoindries de résultats – même partiels – sur le plan antalgique était même contre-indiquée. Sachant que selon le régime légal, l’assureur-accidents allouait également ses prestations pour les lésions causées à un assuré victime d’un accident lors du traitement médical, le contexte opératoire décrit amenait à retenir que l’atteinte du recourant avait été causée par le traitement médical fourni par l’intimée – laquelle répondait des éventuelles omissions du Dr E______.

j. Par écriture du 3 février 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions. À l’appui de sa position, elle a observé que l’expert, dans son complément du 21 décembre 2022, confirmait la pathologie dégénérative, bien visible sur les IRM de 2018, et qu’il précisait, en outre, que la capacité de travail avait été appréciée en tenant compte des limitations physiques dues aux atteintes dégénératives, et non des conséquences du traumatisme de 2018.

k. Le 8 février 2023, une copie de ce courrier a été transmise, pour information, au recourant.

l. Les autres faits seront exposés, si nécessaire, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA – RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

2.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10).

2.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le point de savoir si dans les suites de l’accident du 17 janvier 2018, l’intimée était fondée à supprimer, avec effet au 31 juillet 2019, le droit du recourant à des prestations d’assurance pour les troubles persistant au-delà de cette date.

4.              

4.1 L’art. 6 al. 1 LAA dispose que les prestations d’assurance sont allouées en
cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

4.2  

4.2.1 L’exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans l’événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire, en revanche, que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé ; il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; 119 V 335 consid. 1 ; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident. Il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc » ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b).

4.2.2 Une fois que le lien de causalité naturelle a été établi au degré de la vraisemblance prépondérante, l’obligation de prester de l’assureur cesse lorsque l’accident ne constitue pas (plus) la cause naturelle et adéquate du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) (RAMA 1994 n° U 206 p. 328 consid. 3b; RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) selon le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 ; RAMA 2000 n° U 363 p. 46).

4.2.3 Sous la note marginale « concours de diverses causes du dommage »,
l’art. 36 al. 1 LAA dispose que les prestations pour soins, les remboursements de frais, ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident.

Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il s’est manifesté à l’occasion de l’accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

4.3 Le droit à des prestations suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

En présence d’une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l’assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références). En revanche, il en va autrement lorsque des symptômes, bien qu’apparaissant en relation de causalité naturelle avec un événement accidentel, ne sont pas objectivables du point de vue organique. Dans ce cas, il y a lieu d’examiner le caractère adéquat du lien de causalité en se fondant sur le déroulement de l’événement accidentel, compte tenu, selon les circonstances, de certains critères en relation avec cet événement (ATF 117 V 359 consid. 6 ; ATF 117 V 369 consid. 4b ; ATF 115 V 133 consid. 6 ; ATF 115 V 403 consid. 5). En présence de troubles psychiques apparus après un accident, on examine les critères de la causalité adéquate en excluant les aspects psychiques (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa), tandis qu’en présence d’un traumatisme
de type « coup du lapin » à la colonne cervicale (ATF 117 V 359 consid. 6a), d’un traumatisme analogue à la colonne cervicale (SVR 1995 UV n° 23 consid. 2) ou d’un traumatisme cranio-cérébral (ATF 117 V 369 consid. 4b), on peut renoncer à distinguer les éléments physiques des éléments psychiques (sur l’ensemble de la question, ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et SVR 2007 UV n° 8 p. 27 consid. 2 et les références).

En application de la pratique sur les conséquences psychiques des accidents
(ATF 115 V 133), l’examen de ces critères doit se faire au moment où l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical en rapport avec l’atteinte physique une amélioration de l’état de santé de l’assuré, ce qui correspond à la clôture du cas selon l’art. 19 al. 1 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_683/2017 du 24 juillet 2018 consid. 5).

4.3.1 Dans le cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité suppose que l’accident ait eu une importance déterminante dans leur déclenchement. La jurisprudence a tout d’abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale) ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un
point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 140 V 356
consid. 5.3 ; 115 V 133 consid. 6 ; 115 V 403 consid. 5). Sont déterminantes
les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent
ou d’autres circonstances concomitantes qui n’ont pas directement trait au déroulement de l’accident, comme les lésions subies par l’assuré ou le fait que l’événement accidentel a eu lieu dans l’obscurité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 du 23 août 2016 consid. 3 et les références). La gravité des lésions subies – qui constitue l’un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l’examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l’accident (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2012 du 6 novembre 2012
consid. 5.2 in SVR 2013 UV n° 3 p. 8 et 8C_435/2011 du 13 février 2012
consid. 4.2 in SVR 2012 UV n° 23 p. 84 ; 8C_622/2015 du 25 août 2016
consid. 3.3).

Selon la jurisprudence (ATF 115 V 403 consid. 5), lorsque l’accident est insignifiant (l’assuré s’est par exemple cogné la tête ou s’est fait marcher sur le pied) ou de peu de gravité (il a été victime d’une chute banale), l’existence d’un lien de causalité adéquate entre cet événement et d’éventuels troubles psychiques peut, en règle générale, être d’emblée niée. Selon l’expérience de la vie et compte tenu des connaissances actuelles en matière de médecine des accidents, on peut en effet partir de l’idée, sans procéder à un examen approfondi sur le plan psychique, qu’un accident insignifiant ou de peu de gravité n’est pas de nature à provoquer une incapacité de travail (ou de gain) d’origine psychique. L’événement accidentel n’est ici manifestement pas propre à entraîner une atteinte à la santé mentale sous la forme, par exemple, d’une dépression réactionnelle. On sait par expérience que de tels accidents, en raison de leur importance minime, ne peuvent porter atteinte à la santé psychique de la victime. Dans l’hypothèse où, malgré tout, des troubles notables apparaîtraient, on devrait les attribuer avec certitude à des facteurs étrangers à l’accident, tels qu’une prédisposition constitutionnelle. Dans ce cas, l’événement accidentel ne constituerait en réalité que l’occasion pour l’affection mentale de se manifester.

Lorsque l’assuré est victime d’un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l’existence d’une relation de causalité entre cet événement et l’incapacité de travail (ou de gain) d’origine psychique. D’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, un accident grave est propre, en effet, à entraîner une telle incapacité. Dans ces cas, la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique se révélera la plupart du temps superflue.

Sont réputés accidents de gravité moyenne les accidents qui ne peuvent être classés dans l’une ou l’autre des catégories décrites ci-dessus. Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre de tels accidents et l’incapacité de travail (ou de gain) d’origine psychique, il ne faut pas se référer uniquement à l’accident lui-même. Il sied bien plutôt de prendre en considération, du point de vue objectif, l’ensemble des circonstances qui sont en connexité étroite avec l’accident ou qui apparaissent comme des effets directs ou indirects de l’événement assuré. Ces circonstances constituent des critères déterminants dans la mesure où, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, elles sont de nature, en liaison avec l’accident, à entraîner ou aggraver une incapacité de travail (ou de gain) d’origine psychique.

Pour admettre l’existence du lien de causalité en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut donc prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa ; ATF 115 V 403 consid. 5c/aa) :

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;

- la durée anormalement longue du traitement médical ;

- les douleurs physiques persistantes ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ;

- le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d’entre eux peut être suffisant, notamment si l’on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d’un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit admis (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références ; ATF 115 V 133 consid. 6c/bb ; ATF 115 V 403 consid. 5c/bb). Dans un tel cas, la jurisprudence considère que quatre des critères précités doivent être réunis (arrêt du Tribunal fédéral 8C_897/2009 du 29 janvier 2010 consid. 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_487/2009 du 7 décembre 2009 consid. 5). Dans le cas d’un accident de gravité moyenne proprement dit, la réalisation de trois des critères est suffisante (arrêt du Tribunal fédéral BGE 134 V 109 du 3 mai 2012 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_897/2009 du 29 janvier 2010 consid. 4.5).

4.3.2 D’après la casuistique, les chutes d’une hauteur comprise entre 2 (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 410/00 du 14 février 2002 consid. 2c) et environ 4 mètres (arrêt du Tribunal fédéral 8C_316/2009) font partie
des accidents de gravité moyenne stricto sensu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_496/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.2.3). En revanche, les chutes qui se sont produites d’une hauteur entre 5 et 8 m et qui ont entraîné des lésions osseuses relativement sévères ont été considérées comme faisant partie de la limite supérieure de la catégorie des accidents de gravité moyenne (voir arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2013 du 3 juillet 2014 consid. 4.1 et les référence).

Ont ainsi été considérés comme étant à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne : une chute de quelque 8 m dans un conduit de cheminée avec une fracture ouverte du pied limite grave ; une chute de 5 m entraînant de nombreuses fractures dont une commotion cérébrale (pour un rappel de la casuistique en matière de chutes, RAMA 1998 n° U 307 p. 448, consid. 3a). En revanche, une chute d’un échafaudage de 2 m a été considérée comme étant à la limite inférieure des accidents de gravité moyenne (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 97/04 du 30 décembre 2004). Enfin, le Tribunal fédéral a qualifié de gravité moyenne stricto sensu une chute d’ascenseur sur deux étages (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 204/00 du 30 avril 2001), la chute d’un bloc
de pierre d’un immeuble en construction sur un ouvrier lui percutant le dos, la jambe et causant un traumatisme crânien (arrêt du Tribunal fédéral U 338/05 du
1er septembre 2006).

4.4 L’art. 6 al. 3 LAA prévoit, par ailleurs, que l’assurance-accidents alloue ses prestations à l’assuré victime d’un accident pour les lésions causées lors du traitement médical pris en charge au titre de l’art. 10 LAA. L’ordonnance sur l’assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA – RS 832.202) dispose en outre, sous la note marginale « autres lésions corporelles », que l’assuré a également droit aux prestations d’assurance pour les lésions corporelles qu’il subit lors d’un examen médical ordonné par l’assureur ou rendu nécessaire par d’autres circonstances (cf. art. 10 OLAA). Par ce biais, il a été institué une catégorie de prestations obligeant l’assureur-accidents à fournir ses prestations pour des lésions causées lors d’un traitement (Irene HOFER, in Frésard-Fellay, Leuzinger, Pärli [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n. 108 ad art. 6 LAA). En effet, les prestations pour soins sont des prestations en nature fournies par l’assurance-accidents, qui exerce un contrôle sur le traitement (cf. l’art. 48 LAA). Le corollaire en est que l’assurance-accidents supporte les conséquences d’une lésion survenue lors du traitement en question, indépendamment du point de savoir si cette lésion constitue elle-même un accident ou résulte d’une violation des règles de l’art par le médecin traitant. L’ouverture du droit aux prestations implique toutefois un rapport de causalité naturelle et adéquate entre la lésion constatée et le traitement médical des suites de l’accident. Une atteinte à la santé résultant d’un acte médical ou d’une omission de poser un tel acte, dans le cadre du traitement d’une maladie sans rapport avec les prestations pour soins allouées conformément à l’art. 10 LAA, n’entre pas dans le champ d’application de l’art. 6 al. 3 LAA. L’assurance-accidents ne répond donc pas, par exemple, d’un décès ensuite d’un cancer sans rapport de causalité avec l’accident assuré et qui n’a pas été découvert (à temps) à l’occasion de soins médicaux pris en charge au titre de l’art. 10 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_433/2008 du 11 mars 2009 consid. 2.2 et les références).

4.5 En cas de lésions consécutives à un traitement médical, les prestations que doit allouer l’assureur-accidents correspondent à celles qui sont prévues au titre 3 de la LAA (Jean-Maurice FRÉSARD, Margit MOSER-SZELESS in Meyer [éd.], Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XIV, Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, p. 948, n. 149).

5.              

5.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l’accident, l’incapacité de travail, l’invalidité, l’atteinte à l’intégrité physique ou mentale) supposent l’instruction de faits d’ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l’assuré à des prestations, l’administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b).

5.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

5.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne
la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux
(ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.3.1 Le juge ne s’écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d’une expertise médicale judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

5.3.2 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d’un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu’aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité d’une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l’impartialité de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

5.3.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l’objectivité ou l’impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

5.3.4 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2010 du 20 juin 2011 consid. 2.2).

6.              

6.1 La procédure est régie par le principe inquisitoire, d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par le juge. Mais ce principe n’est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l’obligation de ces dernières d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves
(ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l’adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

6.2 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46), entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative, qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 du 6 juin 2018 consid. 3.3).

7.              

7.1 Le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

7.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).

8.              

8.1 En l’espèce, il ressort des dossiers antérieurs à l’accident du 17 janvier 2018, transmis le 9 février 2021 par l’intimée (dossier 04.55252.05.9, relatif à un événement du 22 décembre 2004 [ci-après : dossier 2004] et 04.52943.06.9, relatif à un événement du 26 octobre 2006 [ci-après : dossier 2006]), que l’assuré avait été victime d’un premier accident de travail, survenu le 22 décembre 2004 dans le canton de Bâle-Ville ; il avait glissé en soulevant une plaque de plâtre et ressenti soudainement des douleurs avec irradiation dans la jambe gauche. Le 26 octobre 2006, il avait ressenti de vives douleurs dorsales après avoir soulevé une lourde charge. Pour ce second événement, l’intimée lui avait fait savoir, par courrier
du 15 janvier 2007, resté sans suite, qu’en l’absence d’accident ou de lésion corporelle assimilée, elle ne prendrait pas en charge ce cas qui était du ressort de l’assureur-maladie de l’intéressé.

Par appréciation du 6 septembre 2007, le docteur M. Q______, spécialiste FMH en chirurgie et médecin d’arrondissement de la SUVA-Bâle, avait indiqué que l’assuré avait bénéficié d’un traitement conservateur après l’accident du 22 décembre 2004. L’IRM de la colonne lombaire, effectuée le 1er septembre 2005, montrait un segment de disque dégénéré L5/S1 avec hernie discale médiane et latérale sans compression de la racine nerveuse S1. S’y ajoutait une protrusion discale à large base L4-L5 et arthrose des facettes articulaires L3-L4 et L4-L5 des deux côtés. Sur la base de ces examens d’imagerie, on pouvait constater que l’assuré n’avait pas subi de modifications structurelles objectivables de la colonne lombaire lors de l’accident du 22 décembre 2004. D’un point de vue biomécanique, l’événement lui-même n’était pas susceptible de provoquer une hernie discale ; seule une hernie discale, d’origine dégénérative, était devenue douloureuse. Par la suite, le 26 octobre 2006, après avoir soulevé une lourde charge, une nouvelle lombalgie aiguë était apparue. Cet événement ne pouvait plus être imputé à l’accident du 22 décembre 2004, mais aux modifications dégénératives préexistantes de la colonne lombaire. Par la suite, le 17 avril 2007, une expertise rhumatologique avait été réalisée à la clinique universitaire de rhumatologie de Bâle. Selon les conclusions de cette expertise, il existait au premier plan une non-organicité des plaintes et, au second plan, une explication mécanique à celles-ci ; il existait des modifications dégénératives importantes. Se fondant sur les conclusions de cette expertise, le Dr Q______ avait estimé que le lien de causalité entre l’incapacité de travail, le traitement médical, d’une part, et l’accident du 22 décembre 2004, d’autre part, avait cessé au plus tard au moment de l’expertise rhumatologique (cf. dossier 2004, pièce 99).

8.2 Par décision du 8 septembre 2007, entrée en force faute d’opposition, la SUVA-Bâle a mis fin aux prestations provisoires (prestations pour soins et indemnités journalières) avec effet au 30 septembre 2007, motif pris qu’en l’absence de substrat organique suffisamment objectivable entre les plaintes résiduelles, le lien de causalité adéquate de celles-ci avec l’accident du 22 décembre 2004 devait être nié. Pour les mêmes raisons, l’assuré ne pouvait pas non plus prétendre à d’autres prestations pécuniaires (rente d’invalidité et/ou indemnité pour atteinte à l’intégrité corporelle ; cf. dossier 2004, pièce 100).

8.3 Dans son rapport d’expertise du 24 février 2022, le Prof. O______ a exposé
en synthèse que le syndrome vertébral lombaire actuel n’était pas en lien avec
les suites de l’intervention du 12 octobre 2018. Le recourant présentait déjà, avant l’accident du 17 janvier 2018, et selon les documents d’imagerie de 2005, des troubles dégénératifs de la colonne lombaire, sous forme d’arthrose discale en
L4-L5, L5-S1, protrusion discale L4-L5 et hernie sous-ligamentaire médiane et gauche L5-S1 et qu’au vu de l’IRM du 27 mars 2018, qui ne montrait pas
de lésion traumatique visible, mais les mêmes lésions déjà constatées en 2005
– hormis une très discrète augmentation de la hernie L5-S1 gauche, tout à fait compatible avec l’évolution spontanée de la lésion entre 2005 et 2018 –, le lien de causalité entre l’incapacité de travail, d’une part, l’accident du 17 janvier 2018 ou l’intervention du 12 octobre 2018, d’autre part, avait cessé le 12 juillet 2019, soit neuf mois après cette intervention et qu’ainsi, les plaintes du recourant depuis l’accident du 17 janvier 2018, respectivement l’intervention du 12 octobre 2018
– sur fond de rachis dégénératif déjà constaté en 2005, pouvant créer des gênes douloureuses –, ne s’expliquaient plus ni par l’accident du 17 janvier 2018, ni par l’intervention du 12 octobre 2018.

Dans son complément d’expertise du 21 décembre 2022, le Prof. O______ a précisé en outre que le bombement du disque L4-L5 – d’origine dégénérative et déjà présent sur l’IRM du 1er septembre 2005 – et son contact avec la racine S1 n’avait pas été causé par l’intervention du Dr E______ et qu’il n’en était pas non plus la conséquence, celle-ci trouvant son explication dans l’évolution naturelle d’une affection rachidienne dégénérative.

Il sied de relever que le Prof. O______ a rendu un rapport et un complément d’expertise basé sur une documentation complète, une anamnèse médicale, familiale et socioprofessionnelle, que ce rapport relate les plaintes du recourant et qu’il comporte un status orthopédique fouillé et une analyse approfondie du dossier radiologique. En outre, les diagnostics sont précis et les réponses aux questions cohérentes et bien motivées. Ce rapport et son complément d’expertise doivent dès lors se voir reconnaître valeur probante.

8.3.1 Le recourant ne conteste pas que l’accident du 17 janvier 2018 ait causé une atteinte passagère. Il soutient que le caractère durable de celle-ci – i.e. s’étendant au-delà du 12 juillet 2019 – serait la conséquence du traitement médical fourni par l’intimée, plus précisément de l’intervention pratiquée le 12 octobre 2018 par le Dr E______.

C’est le lieu d’observer que si la persistance des troubles constatés au niveau lombo-sacré ne s’explique plus, au-delà du 12 juillet 2019, par l’accident du 17 janvier 2018, faute de causalité naturelle et adéquate avec cet événement (statu quo sine atteint), il reste néanmoins à examiner s’il incombe à l’intimée d’allouer, le cas échéant, des prestations d’assurance au recourant du fait d’un lien de causalité naturelle et adéquate entre les troubles précités et le traitement médical (art. 6 al. 3 LAA).

On rappellera et précisera que pour que l’art. 6 al. 3 LAA s’applique, une causalité partielle avec le traitement médical suffit (ci-dessus : consid. 4.4 et HOFER, op. cit., n. 112 ad art. 6 LAA), qu’il n’est pas nécessaire que les lésions résultant du traitement médical, pour autant qu’elles soient avérées, soient elle-même d’origine accidentelle ou le fruit d’une erreur médicale (ci-dessus : consid. 4.4).

En l’espèce, il ressort des explications claires de l’expert orthopédiste que le « syndrome vertébral lombaire actuel n’est pas en lien avec les suites de l’intervention (cf. réponses du Prof. O______ aux questions de la chambre de céans, p. 4) et que le contact de la racine S1 avec le bombement du disque L4-L5 n’a pas été causé par l’intervention du Dr E______, qu’il n’en est pas non plus la conséquence mais s’explique par l’évolution naturelle d’une affection rachidienne dégénérative » (cf. complément d’expertise, p. 2). Au vu de ces éléments, il importe peu qu’aux dires du recourant, le Dr E______ soit parti de la « mauvaise prémisse d’une petite hernie discale résistante au traitement conservateur depuis quelques mois ».

Par ailleurs, l’expert prend clairement position en défaveur des thèses soutenues par les Drs L______ et I______ – selon lesquels la fibrose, consécutive à l’opération, était bel et bien à l’origine des plaintes du recourant – en précisant qu’il ne retient ni la fibrose péri-radiculaire ni la micro-instabilité comme un élément péjorant les douleurs et la situation fonctionnelle du recourant (cf. réponses du Prof. O______ aux questions de la chambre de céans, p. 4 et 7).

8.3.2 Dans ces circonstances, la survenance d’une lésion qui aurait été causée
lors du traitement médical n’est pas établie au degré requis de la vraisemblance prépondérante. Aussi la chambre de céans se dispensera-t-elle, par appréciation anticipée des preuves (ci-dessus : consid. 7.2), de donner suite à la demande d’audition du Dr E______ et d’instruire plus avant les points mis en exergue par le recourant en lien avec l’intervention pratiquée le 12 octobre 2018 par ce médecin (cf. écriture du 2 février 2023, p. 3).

8.4 Les objections du recourant n’étant pas de nature à mettre en doute les conclusions claires et bien motivées de l’expert O______, il reste à examiner les éventuelles conséquences psychiques de l’événement du 17 janvier 2018.

8.4.1 Par attestation du 22 septembre 2022, la Dre P______ a indiqué que le recourant présentait une problématique anxio-dépressive en réaction à ses troubles algiques. Ce médecin ne précise toutefois pas dans quelle mesure il en résulterait une éventuelle incapacité de travail de nature psychique.
Il n’est toutefois pas nécessaire d’instruire ce point sachant que dans le cas de troubles psychiques additionnels à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité suppose que l’accident ait eu une importance déterminante dans leur déclenchement (cf. ci-dessus : consid. 4.3.1), et qu’en cas de chute d’une hauteur de 2 m comme dans le cas particulier, on se situe à la limite inférieure des accidents de gravité moyenne ou, tout au plus, en présence d’un accident de gravité moyenne stricto sensu (ci-dessus : consid. 4.3.2). Or, même dans cette dernière hypothèse – qui nécessite que le recourant remplisse au moins trois critères de causalité adéquate ou un seul d’entre eux s’il revêt une intensité particulière –, on ne saurait considérer, à la lumière des développements qui suivent, que la causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’événement du 17 juillet 2018 serait remplie.

Parmi les critères précités (ci-dessus : consid. 4.3.1), ceux qui font référence
aux circonstances particulièrement dramatiques ou au caractère particulièrement impressionnant de l’accident, à la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, ou encore à une erreur dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident, ne sont manifestement pas remplis. La durée du traitement – de même que celle de l’incapacité de travail
due aux lésions physiques – ne s’est pas révélée particulièrement longue, si l’on considère que le statu quo sine vel ante était atteint le 12 juillet 2019 et que
les plaintes subséquentes du recourant étaient sans rapport avec l’aggravation transitoire (du 17 janvier 2018 au 12 juillet 2019) d’un état maladif préexistant, étant rappelé que l’intervention du 12 octobre 2018 était destinée à traiter troubles dégénératifs antérieurs à l’accident (cf. l’arrêt du Tribunal fédéral U 24/00 du
26 juillet 2000 consid. 3d pour un cas et une appréciation similaire). Quant au critère des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes, il n’apparaît pas réalisé non plus dès lors qu’il suppose que la guérison ait été entravée pour des raisons particulières ; à cet égard, le fait de devoir se soumettre à divers traitements, de même que le fait que ceux-ci n’aient pas mis fin aux plaintes ni permis le recouvrement d’une capacité de travail entière dans l’activité antérieure ne saurait suffire (cf. arrêts du Tribunal fédéral 8C_196/2016 du 9 février 2017 consid. 5.4 ; 8C_252/2007 du 16 mai 2008
consid. 7.6 et les références). En définitive, seul le critère des douleurs physiques persistantes pourrait éventuellement entrer en considération pour retenir un lien de causalité adéquate entre l’atteinte psychique et l’accident du 17 janvier 2018. On précisera toutefois que ce critère ne suffit pas à lui seul, au regard de la nature et de l’intensité des douleurs en cause. Partant, l’intimée ne répond pas des troubles psychiques attestés par la Dre P______.

8.4.2 En conclusion, il convient de considérer qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’accident du 17 janvier 2018 a révélé des troubles dégénératifs de la colonne lombaire qui n’ont pas été aggravés par l’intervention du 12 octobre 2018 et dont la persistance au-delà du 12 juillet 2019, sous forme de syndrome vertébral lombaire, ne s’explique plus ni par l’événement du 17 janvier 2018 ni par l’intervention du 12 octobre 2018. Il s’ensuit que c’est à bon droit que l’intimée a mis fin aux prestations avec effet au 31 juillet 2019.

9.             Reste encore à se prononcer sur les frais d’expertise.

9.1 Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l’instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n’ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu’en soi un renvoi est envisageable en vue d’administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu’un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l’égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d’une expertise judiciaire à la charge de l’autorité administrative. Encore faut-il que l’autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l’expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d’instruction administrative. En d’autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l’instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l’autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l’appréciation de la situation médicale ou lorsqu’elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l’autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d’une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d’une expertise judiciaire ordonnée par l’autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d’une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

9.2 En l’espèce, les frais de l’expertise judiciaire du Prof. O______ seront laissés à la charge de l’État.

10.         Mal fondé, le recours doit être rejeté.

Le recourant, qui n’obtient pas gain de cause, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 

*****

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le