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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1311/2023

ATAS/558/2023 du 11.07.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1311/2023 ATAS/558/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 juillet 2023

Chambre 2

 

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 14 octobre 2022, Madame A______ (ci-après : l'assurée, l'intéressée ou la recourante), née en 1987, célibataire, de nationalité portugaise et titulaire d'une autorisation d'établissement (permis C UE/AELE), avec des expériences professionnelles en matière de vente de responsabilité de stocks, et alors domiciliée dans le canton de Neuchâtel, s'est inscrite en tant que demandeuse d'emploi à l'assurance-chômage, auprès du service de l'emploi dudit canton, en vue d'un emploi à plein temps, sollicitant le versement de l'indemnité de chômage à compter du 1er décembre 2022 (lendemain du terme pour lequel son dernier employeur avait résilié son contrat de travail).

b. À teneur du journal « PV de suivi » tenu par l'évaluatrice qui suivait l'assurée au sein du service de l'emploi neuchâtelois, à la date du 25 janvier 2023, celle-ci allait rendre le 27 janvier suivant son appartement occupé jusqu'alors et s'installer dans le canton de Genève. Était mentionnée son intention d'exporter ses prestations au Portugal.

c. Son dossier d'assurance-chômage a été transféré aux autorités genevoises, en particulier l'office régional de placement (ci-après : ORP).

d. Dans le journal « PV – Entretiens de conseil », le 20 février 2023, le conseiller en personnel de l'assurée auprès de l'ORP (ci-après : le conseiller) a noté que celle-ci « [souhaitait] des informations sur l'exportation au Portugal ».

B. a. Le 21 février 2023, l'intéressée a déposé une demande d'exportation des prestations de l'assurance-chômage, la date de départ de Suisse prévue étant le 3 avril 2023.

b. Dans le « questionnaire en vue d'une exportation de prestations à l'étranger », en l'occurrence le Portugal, qu'elle a rempli et signé le 3 mars 2023 puis envoyé par courriel le lendemain, elle a indiqué : sous « but(s) du départ », « séjour en vue de démarrer ou reprendre une activité indépendante » ; sous la question « Quel emploi recherchez-vous ? Quel métier souhaitez-vous exercer ? », « Alors je pense, que mes recherches vont se baser sur celles d'ici et sur mes compétences. Mais le projet est l'ouverture d'un bar » ; sous la question « Avez-vous déjà effectué des démarches en vue d'y trouver un emploi ? », « Non, pas encore », « car je ne sais pas encore à quel moment exact je pourrais partir ».

c. Le 6 mars 2023 (à 10h30), l'assurée a répondu à un courriel du même jour (10h13) d'une coordinatrice « Accords bilatéraux » de l'ORP (ci-après : la coordinatrice) lui demandant des précisions sur son projet d'activité indépendante au Portugal.

d. Par décision du même 6 mars 2023, communiquée par courriel du même jour (à 10h56), l'ORP, par la coordinatrice, a refusé à l'intéressée le droit à l'exportation de ses prestations de chômage, étant donné que son but au Portugal était « la mise à l'indépendance » alors que l'exportation de prestations n'était autorisée que si le séjour à l'étranger visait la prise d'un emploi salarié dans le but de mettre fin au chômage.

e. À la suite d'un échange de courriels dudit 6 mars 2023 avec la coordinatrice, l'intéressée a, le même jour, formé opposition contre cette décision de refus, précisant qu'elle serait une simple salariée de sa belle-sœur dans la gestion du bar au Portugal et qu'elle avait commencé des recherches d'emploi dans ce pays auprès de la plateforme Yobbers (accessible via internet), et produisant en annexe le questionnaire rempli et signé le 3 mars 2023 mais avec des corrections manuscrites.

f. Par décision sur opposition rendue le 13 avril 2023, l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE, l'office ou l'intimé), par sa direction, a rejeté l'opposition de l'intéressée du 6 mars 2023 et a confirmé sa décision – initiale – du même jour, l'exportation de prestations de l'assurance-chômage étant selon lui motivée par le fait que l'assurée avait pour objectif d'ouvrir son propre établissement (bar) en compagnie de sa belle-sœur et non la volonté de rechercher un emploi salarié au Portugal.

C. a. Par acte daté du 15 avril 2023 et posté le 18 avril suivant, l'assurée a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition, persistant dans sa demande d'exportation de prestations.

b. Par réponse du 16 mai 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours, qui n'apportait selon lui aucun élément nouveau permettant de revoir sa position.

c. Par écriture datée du 18 juin 2023 envoyée le lendemain, la recourante a répliqué et notamment produit des pièces relatives à des prises de contact avec Yobbers.


 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai - de trente jours - prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus par l'intimé d'octroyer à la recourante l'exportation de prestations de l'assurance-chômage au Portugal.

4.              

4.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente d'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2).

4.2 Pour avoir droit à l'indemnité, l'assuré doit remplir cette condition du « domicile » en Suisse non seulement à l'ouverture du délai-cadre, mais pendant tout le temps où il touche l'indemnité (Gustavo SCARTAZZINI / Marc HURZELER, Bundessozialversicherungsrecht, 4ème éd., 2012, p. 599, n. 59 et les références citées ; ATAS/1172/2022 du 21 décembre 2022 consid. 3.2 ; ATAS/661/2022 du 15 juillet 2022 consid. 4).

Cette exigence essentielle est l’expression de l’interdiction de l’exportation des indemnités de chômage – sous réserve de conventions internationales contraires –, principe instauré pour prévenir les abus. Ce dernier terme doit être compris en ce sens que la vérification et les conditions du droit aux prestations, en particulier l’existence d’une situation de chômage, est rendue plus difficile lorsque l’assuré réside à l’étranger (arrêts du Tribunal fédéral 8C_855/2015 du 29 février 2016 consid. 4.3 ; C 226/02 du 26 mai 2003 consid. 1.1 ; ATAS/1172/2022 précité consid. 3.2 ; ATAS/661/2022 précité 2022 consid. 4 ; Thomas NUSSBAUMER in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, vol. XIV, 2ème éd., 2007, p. 2233, n. 180).

La nationalité ne joue en principe aucun rôle en ce qui concerne le droit à l'indemnité de chômage, ce dernier étant subordonné à la condition du domicile en Suisse. Pour les étrangers, cette condition est précisée à l'art. 12 LACI. Le droit suisse ne prévoit en principe pas d'exportation des prestations, sauf dans un cas particulier découlant des accords bilatéraux (Boris RUBIN Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 7 ad art. 8 LACI).

4.3 Le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) a établi une directive relative aux conséquences des règlements de l'Union européenne (CE) n° 883/2004 et 987/2009 sur l'assurance-chômage (ci-après : circulaire IC 883).

4.4 Le champ d'action de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et de la Convention AELE s'applique, du point de vue personnel, aux ressortissants des États signataires (circulaire IC 883 G6).

Aux termes de l'art. 64 par. 1 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1 ; modifié par le règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 et adapté selon l’annexe II à l'ALCP), entré en vigueur pour la Suisse le 1er avril 2012 (état le 1er janvier 2015), la personne en chômage complet qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’Etat membre compétent pour avoir droit aux prestations et qui se rend dans un autre Etat membre pour y chercher un emploi conserve le droit aux prestations de chômage en espèces aux conditions et dans les limites indiquées ci-après :

a) avant son départ, le chômeur doit avoir été inscrit comme demandeur d’emploi et être resté à la disposition des services de l’emploi de l’Etat membre compétent pendant au moins quatre semaines après le début du chômage. Toutefois, les services ou institutions compétents peuvent autoriser son départ avant l’expiration de ce délai ;

b) le chômeur doit s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès des services de l’emploi de l’Etat membre où il se rend, être assujetti au contrôle qui y est organisé et respecter les conditions fixées par la législation de cet Etat membre. Cette condition est considérée comme remplie pour la période antérieure à l’inscription si le chômeur s’inscrit dans un délai de sept jours à compter de la date à laquelle il a cessé d’être à la disposition des services de l’emploi de l’Etat membre qu’il a quitté. Dans des cas exceptionnels, les services ou institutions compétents peuvent prolonger ce délai ;

c) le droit aux prestations est maintenu pendant une durée de trois mois à compter de la date à laquelle le chômeur a cessé d’être à la disposition des services de l’emploi de l’Etat membre qu’il a quitté, sans que la durée totale pour laquelle des prestations sont servies puisse excéder la durée totale des prestations auxquelles il a droit en vertu de la législation de cet Etat membre ; cette période de trois mois peut être étendue par les services ou institutions compétents jusqu’à un maximum de six mois ;

d) les prestations sont servies par l’institution compétente selon la législation qu’elle applique et à sa charge.

En vertu de l'art. 55 par. 1 du règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.11 ; adapté selon l’annexe II à l'ALCP), entré en vigueur pour la Suisse le 1er avril 2012 (état le 1er janvier 2015), afin de bénéficier de l’art. 64 ou de l’art. 65bis du règlement de base – n° 883/2004 –, le chômeur qui se rend dans un autre Etat membre informe l’institution compétente avant son départ et lui demande un document attestant qu’il continue à avoir droit aux prestations, aux conditions fixées à l’art. 64 par. 1 point b) du règlement de base.

4.5 L'exportation des prestations permet à la personne assurée de faire valoir son droit aux prestations en vue de chercher un emploi dans un autre État membre sans devoir, en même temps, se tenir à la disposition des services de l'emploi (ORP) suisses (circulaire IC 883 G1).

Cette règlementation permet de lever pour une courte période l'exigence de la clause de résidence des art. 8 al. 1 let. c et 12 LACI. Ceci implique que la personne assurée désireuse d'exporter doit disposer d'un domicile en Suisse au sens de l'art. 8 al. 1 let. c LACI, au moins jusqu'à la veille de l'exportation de ses prestations (circulaire IC 883 G2), étant précisé, d'une manière générale, que l'exportation des prestations suppose que la personne remplisse les conditions relatives au droit à l'indemnité mentionnées à l'art. 8 LACI et qu’elle a droit à l'indemnité de chômage (circulaire IC 883 G39).

En vertu de l'art. 64 du règlement n° 883/2004, le droit aux prestations est maintenu pendant une durée de trois mois. La Suisse a renoncé à la possibilité d’étendre l'exportation de prestations jusqu'à six mois (circulaire IC 883 G2a).

L'exportation des prestations est autorisée uniquement si le séjour à l'étranger vise la prise d’un emploi dans le but de mettre fin au chômage. S’agissant des assurés qui prévoient d'entreprendre une activité indépendante, la demande d’exportation des prestations ne peut être validée (circulaire IC 883 G3 ; cf. G41).

La personne assurée fait valoir son droit à l'exportation des prestations au moyen du formulaire « demande de prestations en cas de recherches d'emploi à l'étranger » en principe au moins 14 jours civils avant son départ, afin que les organes d'exécution aient suffisamment de temps pour évaluer la demande et prendre une décision (circulaire IC 883 G37).

Dans le cadre du contrôle des conditions d'application personnelles et matérielles, l'ORP vérifie en particulier que le séjour à l'étranger vise la recherche d’un emploi à l'étranger dans le but de mettre fin au chômage (cf. G3) ; les assurés qui entreprennent une activité indépendante à l'étranger n'ont pas la possibilité d'exporter des prestations (circulaire IC 883 G41).

4.6 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.              

5.1 En l'espèce, la demande d'exportation de prestations de l'assurance-chômage de la recourante ne pourrait qu'être refusée si son séjour au Portugal ne visait pas la prise d’un emploi – salarié – dans le but de mettre fin au chômage, mais l'exercice d'une activité indépendante (cf. circulaire IC 883 G3 et G41).

5.2 La procédure de demande d'exportation puis de contentieux s'est déroulée de la manière qui suit.

5.2.1 Dans un premier temps, entre fin janvier et fin février 2023, la recourante a fait part à ses conseillers en personnel des cantons de Neuchâtel puis Genève de son intérêt pour exporter ses prestations de l'assurance-chômage au Portugal.

En particulier, à teneur du journal « PV de suivi » tenu par l'évaluatrice qui la suivait au sein du service de l'emploi neuchâtelois, à la date du 25 janvier 2023, sous « stratégie », était mentionné : « Exportation des prestations d'ici le mois d'avril, la demande devra se faire via son nouveau conseiller sur GE » ; et sous « divers » : « Exportation des prestations au Portugal. Exportation définitive, c'est un projet qui est en cours depuis quelques semaines. Elle va ouvrir un établissement / restauration, bar. L'ouverture se fera en mai 2023 au sud de Lisbonne ».

5.2.2 À la suite de la demande d'exportation des prestations de l'assurance-chômage déposée le 21 février 2023, l'assurée a rempli et signé le 3 mars 2023 le « questionnaire en vue d'une exportation de prestations à l'étranger », en l'occurrence le Portugal, « la date prévisionnelle du départ » étant début avril, pour un « séjour temporaire » (non un « départ définitif »). Étaient indiqués : sous « but(s) du départ », « séjour en vue de démarrer ou reprendre une activité indépendante » ; sous la question « Quel emploi recherchez-vous ? Quel métier souhaitez-vous exercer ? », « Alors je pense, que mes recherches vont se baser sur celles d'ici et sur mes compétences. Mais le projet est l'ouverture d'un bar » ; sous la question « Avez-vous déjà effectué des démarches en vue d'y trouver un emploi ? », « Non, pas encore », « car je ne sais pas encore à quel moment exact je pourrais partir » ; l'adresse qui serait celle de la recourante au Portugal était indiquée ; par ailleurs, l'assurée partait au Portugal avec son amie et elle avait « sur place » quelques amis et de la famille.

Le 6 mars 2023, l'assurée a, au courriel envoyé quelques minutes auparavant par la coordinatrice qui lui demandait des précisions sur son projet de démarrer une activité indépendante au Portugal, répondu ce qui suit : « Bien-sûr, alors ma belle-sœur qui est ici en Suisse aussi a investi dans un établissement. Qui est actuellement en travaux et nécessite les démarches nécessaires avant l'ouverture. Et ce lieu sera un bar, que mon amie et moi allons gérer. Nous ne savons donc pas encore quand ce sera exactement l'ouverture, etc. Si besoin d'autres informations n'hésitez pas ».

5.2.3 Après réception de la décision du même 6 mars 2023 rendue par la coordinatrice et refusant à l'intéressée le droit à l'exportation de ses prestations de chômage, au motif que son but au Portugal était « la mise à l'indépendance » (alors que l'exportation de prestations n'était autorisée que si le séjour à l'étranger visait la prise d'un emploi salarié dans le but de mettre fin au chômage), la recourante a eu un échange de courriels avec la coordinatrice et a formé opposition contre cette décision de refus le même jour.

Dans son courriel était exposé ce qui suit : « Car mon départ, au début justement je vais chercher du boulot le temps de signer mon contrat pour ce nouveau projet ».

À teneur de son opposition, l'intéressée serait une simple salariée de sa belle-sœur dans la gestion du bar au Portugal et travaillerait pour elle sur la base d'un contrat de travail ; elle ne serait donc en aucun cas indépendante ; son but premier en arrivant au Portugal serait de procéder à des recherches d'emploi afin de s'insérer dans le marché du travail portugais et de mettre fin au chômage. Elle ajoutait : « J'ai d'ailleurs commencé mes recherches auprès de la plateforme Yobbers qui ont des offres à l'étranger, mais je me suis aussi renseignée sur les agences de placement ([ ]), les entreprises françaises qui s'installent gentiment au Portugal ainsi que les gros groupes tels que [ ], qui touchent mes compétences de travail. J'ai procédé à ces démarches, car comme stipulé dans l'annexe, je ne sais pas à quelle date exactement j'aurais mon contrat de travail, donc je suis prête à m'insérer dans le marché du travail portugais avant la signature de celui-ci ».

En annexe de l'opposition était produit le questionnaire rempli et signé le 3 mars 2023 mais avec des corrections manuscrites : sous « but(s) du départ », elle avait « mal coché » la case « séjour en vue de démarrer ou reprendre une activité indépendante » ; « j'aurais dû cocher » la case « recherche d'emploi (pays) » ; après la partie de réponse « Mais le projet est l'ouverture d'un bar » était ajouté « dans lequel je travaillerais en tant que salariée ».

5.2.4 Dans sa décision sur opposition attaquée, l'intimé a considéré que l'exportation de prestations de l'assurance-chômage demandée par l'assurée était motivée par le fait que celle-ci avait pour objectif d'ouvrir son propre établissement (bar) en compagnie de sa belle-sœur et non la volonté de rechercher un emploi salarié au Portugal.

Dans son recours, l'intéressée a fait état en particulier de ce qui suit. L'envie de quitter la Suisse avait fait suite à une année difficile, en termes de bail à loyer et d'emplois concernant elle-même et son amie. Le choix de toutes deux s'était porté sur le Portugal, où elle avait leurs racines ainsi que de la famille et des amis. À partir de cette idée, la recourante avait commencé à effectuer des recherches d'emploi, s'inscrivant sur la plateforme Yobbers et répondant à trois offres d'emploi. Ce n'était qu'après leur première intention de s'installer et chercher du travail au Portugal que sa belle-sœur leur avait fait part de son envie d'investir dans un établissement avec son mari et d'offrir à l'intéressée et à son amie un emploi par la suite. Mais ce projet n'était pour le moment pas abouti. C'était « à la suite de cela » qu'elle avait effectué sa demande d'exportation de prestations. Par ailleurs, dans le questionnaire susmentionné, elle aurait dû cocher la case « départ définitif » (et non celle « séjour temporaire »).

Selon les pièces produites avec le recours, en particulier un courriel de Yobbers du 21 décembre 2022, l'assurée avait effectué le 13 novembre 2022 trois postulations pour des postes au Portugal (auprès de plateformes internationales de services et réseaux sociaux).

En annexe à sa réplique (du 18 juin 2023), la recourante a produit une « annonce de départ » adressée le 1er mai 2023 aux autorités genevoises et demandant une autorisation d'absence de quatre ans au maximum, à savoir du 1er juin 2023 (date du départ) au 1er juin 2027 (date du retour), cette demande étant motivée par le souhait d'avoir « un nouveau départ » au Portugal puis de revenir en Suisse, « [son] pays de cœur » où sa mère et son petit-frère vivaient. S'y ajoutait un courriel du 14 juin 2023 de la recourante répondant à un courriel du 9 juin précédent d'un employé de Yobbers lui demandant des nouvelles, auquel elle répondait qu'elle était toujours intéressée par des postes de travail au Portugal et qu'elle ne serait pas disponible avant la semaine suivante pour un appel, à la suite de quoi l'employé de Yobbers a proposé un entretien téléphonique le 19 – ou 26 juin – 2023.

5.3  

5.3.1 Cela étant, initialement, la recourante, qui avait reçu la brochure du SECO « Prestations en cas de recherche d'emploi à l'étranger », a, de façon claire et cohérente, fait état de son intention d'exercer au Portugal une activité lucrative indépendante, plus précisément ouvrir et gérer, avec son amie, un bar, dans lequel sa belle-sœur avait également investi de l'argent et qui serait ouvert, à une date encore inconnue, lorsque les travaux actuellement en cours auraient été terminés.

5.3.2 Ces réponses – initiales – de la part de l'assurée ne font suite à aucune éventuelle information erronée de la part de l'ORP et/ou OCE.

Sont en outre sans portée ni crédibilité ses explications formulées dans son opposition puis son recours visant à justifier pour quels motifs ces réponses initiales étaient selon elle erronées, à savoir qu'elle aurait été surprise et rendue confuse par le fait que, dans le canton de Genève contrairement à ce qui aurait été prévu dans celui de Neuchâtel, elle n'avait pas été convoquée à un entretien avec le conseiller ou la coordinatrice afin d'expliquer sa motivation pour l'exportation de prestations de l'assurance-chômage.

Sont également sans pertinence les informations que lui auraient fournies une amie puis la conseillère en personnel – ou évaluatrice – dans le canton de Neuchâtel, dont l'échange de courriels avec elle du 14 décembre 2022 a été joint à la réplique, de même que l'allégation selon laquelle son amie aurait vu sa demande d'exportation accepté par le service de l'emploi neuchâtelois.

Les difficultés que l'intéressée et son amie auraient eues aux plans du bail à loyer, de l'emploi et de la santé (burn-out suivi d'une dépression alléguée pour la recourante) ne sont pas non plus susceptibles d'avoir une influence sur la question – centrale – de savoir quel est – objectivement – le projet professionnel de l'assurée dès son arrivée au Portugal.

5.3.3 En réponse à une question de la coordinatrice qui lui demandait des précisions sur son projet de démarrer une activité indépendante au Portugal, l'assurée n'a aucunement démenti l'intention d'entreprendre une telle activité dans ce pays, sous forme de gestion d'un bar, pour laquelle les préparatifs (en particulier travaux) étaient concrètement en cours.

Or, comme rappelé par l'office dans sa décision sur opposition querellée, en droit des assurances sociales, on applique de manière générale la règle dite des « premières déclarations ou des déclarations de la première heure », selon laquelle, en présence de deux versions différentes et contradictoires d'un fait, la préférence doit être accordée à celle que l'assurée a donnée alors qu'elle en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a ; ATF 115 V 133 consid. 8c ; notamment ATAS/327/2023 du 12 mai 2023 consid. 7.3).

Les réponses fournies initialement par l'intéressée dans le questionnaire (rempli et signé le 3 mars 2023) précité et ladite précision par courriel du 6 mars 2023 ont été formulées de manière spontanée.

Au contraire, les explications fournies ultérieurement, c'est-à-dire après réception de la décision de refus, par l'assurée apparaissent avoir été exprimées dans le seul but de contrecarrer les motifs de refus contenus dans cette décision. En particulier, Ses explications, vagues, ne reposent pas sur des faits ou des projets précis : aucune précision n'est présentée quant au prétendu contrat de travail que l'intéressée conclurait avec sa belle-sœur ; en outre, concernant les emplois recherchés avant la conclusion d'un tel contrat de travail, la recourante n'a effectué que trois postulations via la plateforme Yobbers, et ce au demeurant en novembre 2022, donc un peu plus de trois mois avant sa demande d'exportation de prestations, sans renouveler ensuite de telles candidatures alors qu'elle a annoncé son départ de Suisse au 1er juin 2023 ; pour le reste, aucune intention concrète et précise de rechercher immédiatement des emplois dès son arrivée au Portugal, avec par exemple des préparatifs à cette fin ou des idées et adresses précises d'employeurs potentiels dans sa région de domiciliation, ne ressort du dossier.

5.4 Vu ce qui précède, il convient de retenir, au degré de preuve de la vraisemblance prépondérante, que le séjour de la recourante au Portugal dès la fin du printemps 2023 ne vise pas la prise d’un emploi – salarié – dans le but de mettre fin au chômage, mais l'exercice d'une activité indépendante, ce qui exclut le droit à l'exportation de prestations de l'assurance-chômage comme considéré par l'OCE.

6.             La décision sur opposition querellée étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

7.             La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le