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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/467/2022

ATAS/538/2023 du 30.06.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/467/2022 ATAS/538/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2023

Chambre 3

 

En la cause

A______
représentée par l’Association suisse des assurés (ASSUAS)

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. En juin 2012, Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1972, assistante dentaire de profession, a déposé une première demande de prestations auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), qui l’a rejetée par décision du 24 mai 2013. L’OAI a reconnu que la capacité de travail de l’assurée avait été considérablement restreinte depuis novembre 2011, mais estimé qu’elle avait été recouvrée à 100% dans l’activité habituelle à l’issue du délai de carence. Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir, notamment, les éléments suivants :

-          un rapport de la docteure B______, spécialiste en médecine générale, du 28 juin 2012, concluant à un état dépressif apparu en 2011, suite au décès du compagnon de l’assurée, ayant entraîné dans l’activité habituelle une incapacité de 100% du 23 novembre 2011 au 1er janvier 2012, de 50% du 2 janvier au 5 février 2012, de 100% dès le 6 février 2012, puis de 60% dès le 14 avril 2012 ;

-          un rapport de la docteure C______, spécialiste FMH en psychiatrie, du 10 juillet 2012, concluant à un syndrome dépressif réactionnel à un deuil, confirmant une reprise du travail à 50% dès juillet 2012.

b. Une seconde demande de prestations a été déposée en octobre 2014, sur laquelle l’OAI a refusé d’entrer en matière le 11 février 2015 au motif que l’assurée ne lui avait fait parvenir aucun document médical susceptible de rendre vraisemblable une modification des faits essentielle depuis la décision précédente.

c. Une troisième demande de prestations a été déposée en septembre 2015, rejetée par décision du 3 février 2017. L’OAI a estimé que l’assurée avait conservé une pleine capacité de travail, sans diminution de rendement, dans toute activité.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir, notamment :

-          une brève attestation rédigée le 7 décembre 2015 par le docteur D______, psychanalyste et médecin traitant de l’assurée, concluant à un trouble de l’humeur persistant, plus précisément à une dysthymie, dont il précisait qu’elle était chronique ;

-          un avis émis le 21 avril 2016 par le Service médical régional (SMR), rappelant que la première demande déposée en 2012 était motivée par un état dépressif réactionnel à un deuil, que l’assurée avait repris son activité avant l’issue du délai de carence, soulignant qu’une dysthymie n’entraînait pas de restrictions au sens de l’assurance-invalidité habituellement ; le Dr D______ évoquant un trouble d’intensité sévère, l’aggravation était toutefois rendue plausible et il convenait d’examiner s’il y avait eu modification des faits essentielle ;

-          un rapport du Dr D______ du 21 juin 2016 concluant à une totale incapacité de travail dans l’activité habituelle en raison d’une dysthymie ; le médecin décrivait un tableau clinique correspondant à une dépression anxieuse persistante, avec réactions verbales violentes alternant avec des moments de grande tristesse durant lesquels la patiente perdait toute motivation et vivait en recluse ; des symptômes somatiques s’y ajoutaient (troubles du sommeil, très grande fatigue, ménopause précoce) ; l’incapacité était totale en tant que réceptionniste, activité exigeant une attention au public et une bonne entente avec l’équipe soignante ; l’assurée avait d’ailleurs eu des conflits d’autorité avec ses patrons, ce qui avait fait échouer toute tentative de reprendre une activité d’assistante-dentaire ; son état était soumis à de fortes fluctuations ; sa capacité de rendement était nulle ;

-          un avis émis le 21 novembre 2016 par le SMR constatant que le psychiatre décrivait une symptomatologie pouvant évoquer des traits de personnalité prémorbide de type borderline, mais que, malgré la thymie et le niveau d’énergie fluctuants, l’assurée avait été en mesure d’apporter des changements dans sa vie (elle s’était mise en ménage et avait débuté une activité de promeneuse de chiens libérale à 50%) ; contacté par téléphone, le Dr D______ avait indiqué que sa patiente était capable de travailler comme assistante-dentaire, mais ne souhaitait plus travailler dans un cabinet privé ; dans un tel poste à la polyclinique universitaire ou toute activité adaptée n’impliquant pas trop de pression hiérarchique, le Dr D______ était d’avis que la capacité de travail était entière ; dès lors, le SMR concluait à l’absence d’aggravation durable de l’état de santé depuis 2013, vu l’absence d’atteinte suffisamment grave et incapacitante ; le SMR rappelait que la dysthymie était une affection marquée par une fluctuation de la thymie, qui n’atteignait jamais un degré d’intensité suffisant pour qu’un diagnostic dépressif soit posé ; les informations données par le Dr D______ permettaient de relativiser la gravité de la dysthymie rapportée dans son rapport de décembre 2015 ; le caractère réactionnel aux facteurs extérieurs était prépondérant ; cela n’avait pas empêché l’assurée de s’engager dans une nouvelle activité ; qui plus est, sur le plan médico-théorique, l’activité habituelle d’assistante dentaire dans une structure n’impliquant pas trop de pression hiérarchique restait exigible à 100%, de même que toute autre activité équivalente.

B. a. Une quatrième demande a été déposée en février 2019. Par courrier du 15 mars 2019, l’assurée a fait valoir que de nouveaux diagnostics avaient été posés, soit ceux de personnalité borderline, trouble de déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH) et bipolarité.

Ont été versés au dossier :

-          un rapport rédigé le 25 mars 2019 par la docteure E______, médecin interne au Département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) expliquant que l’assurée était suivie par le programme du groupe de la régulation émotionnelle depuis février 2019 et avait fait l’objet d’une première évaluation psychiatrique en mars 2018, qui avait conclu à un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, à un TDAH de type mixte, à un trouble lié à l’usage de l’alcool, à un trouble lié à l’usage de la cocaïne en rémission précoce et à un possible trouble affectif bipolaire en rémission ; l’état psychique de sa patiente ne semblait pas lui permettre de s’investir dans une activité professionnelle ; si un travail était envisagé, il était suggéré d’opter pour un programme d’accompagnement et de réinsertion sociale avec reprise progressive d’un statut occupationnel ; il était recommandé de le faire lorsque l’assurée serait plus avancée dans sa thérapie, afin d’augmenter les chances de réussite de la reprise fonctionnelle ; en effet, elle paraissait pour l’heure encore fragile, avec des symptômes anxio-dépressifs et des comportements impulsifs nuisant à sa réinsertion sociale ; son état psychique et ses démarches thérapeutiques intensives dans le but de retrouver une stabilité ne lui permettaient pas encore de reprendre une occupation professionnelle ;

-          un questionnaire rempli le 17 avril 2019 par la docteure F______, psychiatre et psychothérapeute FMH auprès du centre PHENIX, reprenant les diagnostics suivants : trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, trouble dépressif récurrent épisode léger avec syndrome somatique, syndrome de dépendance à l’alcool abstinent, syndrome de dépendance à la cocaïne abstinent, TDAH de type mixte depuis l’adolescence ; le rythme de la patiente fluctuait de manière importante en fonction de son humeur, imprévisible ; le trouble de la personnalité avait un impact sur son fonctionnement, entravait sa capacité à se concentrer et à maintenir son attention, mais aussi ses capacités relationnelles et il réduisait passablement son rendement ; l’assurée avait malgré tout conservé un réseau psychosocial médical et social étoffé ; le TDAH ne semblait pas avoir d’impact important au niveau de la capacité de travail, contrairement au trouble de la personnalité ; d’un point de vue psychique, la capacité de travail était nulle vu l’état clinique instable ; les limitations fonctionnelles étaient liées à la sévérité du trouble de la personnalité, instable depuis 2011 ; d’ailleurs, les périodes d’activité professionnelle n’avaient jamais été très longues ; dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, la capacité de travail était réduite et ne pouvait atteindre que 50% au maximum ;

-          l’avis émis le 13 mai 2019 par le SMR, concluant que les diagnostics retenus par la Dre E______ avaient déjà été retenus auparavant et que le tableau était comparable à celui observé lors de la précédente demande ; la Dre E______ précisait que l’évolution était favorable et le pronostic bon ; quant à la Dre F______, elle retenait les mêmes diagnostics et dressait un tableau similaire ; certes l’état de santé de l’assurée n’était pas bon, mais aucun médecin ne faisait état d’une éventuelle aggravation de son état psychique depuis février 2017.

b. Par décision du 21 juin 2019, l’OAI a refusé d’entrer en matière, au motif que la situation médicale restait inchangée depuis son refus précédent.

c. Saisie d’un recours de l’assurée, la Cour de céans l’a admis. Elle a annulé la décision du 21 juin 2019 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction au fond et décision (cf. arrêt ATAS/990/2020 du 22 octobre 2020).

En effet, la Cour a considéré qu’une aggravation de la dysthymie et du trouble de la personnalité avait été rendue plausible

d. L’OAI a donc repris l’instruction du dossier et recueilli, notamment :

-          un rapport de la docteure G______ du 29 avril 2021, retenant les diagnostics de trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, trouble dépressif récurrent épisode moyen, TDAH de type mixte, syndrome de dépendance à la cocaïne et à l’alcool désormais abstinent ; lors de son évaluation diagnostique, en mars 2018, au service des spécialités psychiatriques, l’existence d’un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline présent depuis l’adolescence a été mise en évidence au premier plan, en lien avec la peur d’être abandonnée, une intolérance à la solitude, des relations de dépendance et manipulation, des relations interpersonnelles très instables, un trouble identitaire, une impossibilité à faire des choix, une impulsivité, des consommations de substances dangereuses, des conduites dangereuses, une tentative de suicide, des comportements auto-dommageables, etc. ; la patiente a intégré le programme de psychothérapie individuelle et de groupe en février 2019 et le diagnostic de TDAH de type mixte depuis l’enfance a été confirmé cliniquement ; selon le médecin, la sévérité du trouble de la personnalité entraîne de grandes difficultés relationnelles et une capacité de travail nulle, même dans une activité adaptée en milieu économique ;

-          le rapport d’expertise rendu par le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en date du 1er octobre 2021, retenant les diagnostics de trouble dépressif récurrent de gravité moyenne depuis octobre 2017, désormais léger, de trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et narcissique non décompensé, de dépendance à plusieurs substances désormais abstinente et de TDAH depuis l’enfance, qualifiés de non incapacitants ;

-          un avis du SMR du 12 octobre 2021 considérant, au vu de la cohérence entre l’anamnèse, le status psychiatrique et les diagnostics retenus, les constatations concernant les indicateurs de sévérité et la discussion claire et étayée, qu’il convient de reconnaître une pleine valeur probante à l’expertise et de nier l’absence de changement significatif depuis la dernière décision de l’OAI.

e. Par décision du 4 janvier 2022, l’OAI a nié à l’assurée le droit à toute prestation.

C. a. Par écriture du 7 février 2022, l’assurée a interjeté recours contre cette décision, en concluant à ce que la Cour, après audition de la docteure I______, lui reconnaisse le droit à une rente d’invalidité d’un degré à déterminer.

À l’appui de sa position, la recourante produit, notamment :

-          un rapport de la Dre I______ du 26 novembre 2021 indiquant qu’elle suit l’assurée depuis novembre 2021, que les diagnostics retenus sont ceux de trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, TDAH de type mixte et trouble dépressif récurrent, que la patiente présente des difficultés à réguler ses émotions dans le contexte relationnel, qu’une péjoration thymique est apparue depuis septembre 2021, qui s’inscrit dans le contexte d’un trouble dépressif récurrent suite à une série de deuils répétés, que sur le plan clinique, l’assurée présente un ralentissement psychomoteur, de la tristesse, des idées noires, une irritabilité, une anhédonie, une aboulie, des troubles du sommeil, que la présence de ce trouble dépressif au décours peut accentuer les symptômes des autres troubles présentés par la patiente, que le trouble de la personnalité émotionnellement labile et le TDAH ont tous deux un impact important sur le fonctionnement au quotidien, que la capacité de travail de l’assurée dans son ancienne activité, tout comme dans une activité adaptée, est totalement nulle, qu’elle présente une difficulté à fonctionner et à s’adapter aux exigences du monde professionnel sur le plan de la gestion des tâches, du stress, des imprévus et sur le plan relationnel ; selon le médecin, il est difficile d’imaginer dans ce contexte une activité professionnelle avec une exigence de rendement.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 7 mars 2022, a dans un premier temps conclu à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté. En effet, la décision litigieuse avait été notifiée le 6 janvier 2022, de sorte que le délai de trente jours aurait commencé à courir le lendemain pour arriver à échéance le 7 février 2022. Or, le recours était daté du 9 février 2022.

c. Cependant, après investigations, la Cour de céans a constaté que le recours, formellement daté, par erreur, du 7 janvier 2022 et réceptionné le 9 février 2020, avait bel et bien été envoyé sous pli recommandé posté le 7 février 2022.

d. En ayant été informé, l’intimé s’est déterminé quant au fond en date du 4 avril 2022 et a conclu au rejet du recours.

e. Le 30 mai 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions en se référant une fois encore à l’avis de la Dre I______.

f. Une audience d’enquêtes s’est tenue en date du 22 septembre 2022, au cours de laquelle a été entendue cette praticienne, qui suit la recourante depuis novembre 2021 et l’a examinée à trois occasions depuis, la dernière fois en janvier 2022.

Selon le témoin, c’est la personnalité borderline qui est au premier plan. C’est elle qui a le plus gros impact sur le fonctionnement de l'assurée, qui a de grandes difficultés à gérer ses émotions : des frustrations mineures entraînent des crises de colère importantes qui ont des répercussions sur son fonctionnement social, non seulement sur le plan professionnel, mais également au quotidien.

Le TDAH vient en second plan. Il implique, comme le trouble de la personnalité, une impulsivité qui induit des difficultés de gestion et d'organisation donc un stress et, en fin de compte, une perte de flexibilité. S'y ajoutent les problèmes d'attention.

Le trouble de la personnalité borderline n’est pas décompensé, puisque l’assurée est engagée dans son suivi, mais il est certain qu'il entraîne des difficultés persistantes d'adaptation et d'incompréhension potentielle des personnes avec qui elle interagit. Il entraîne donc encore un déficit fonctionnel.

Les soins ont été menés à leur terme. Il y a eu une certaine amélioration, mais pas suffisante pour que disparaissent les difficultés à gérer les émotions. La symptomatologie persiste. S’il a été mis un terme au traitement en janvier 2022, ce n’est pas suite à une amélioration, mais simplement parce que l’unité ne propose un suivi que pour une année seulement. Les patients continuent ensuite leur suivi en ambulatoire chez un médecin privé ou aux HUG (CAPPI [centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées] par exemple).

En novembre 2021, la capacité de travail était de 0%. Entre novembre 2021 et janvier 2022, le témoin dit avoir constaté la péjoration du trouble dépressif récurrent, avec l'apparition d'une tristesse, d'idées noires, de problèmes de concentration et de sommeil. C'est à cette même période que les antidépresseurs ont été réintroduits.

Après qu’il lui a été donné lecture de la journée-type de l’assurée telle que décrite par l’expert, le témoin a fait remarquer qu'une personne peut souffrir d'un trouble de la personnalité borderline extrêmement important, tout en restant capable de sortir son chien.

Le trouble de la personnalité, au premier plan, se traite par la psychothérapie. Si un traitement antidépresseur a été réintroduit, c'est en raison d'une comorbidité dépressive venant accentuer les difficultés. Le traitement antidépresseur pourra améliorer partiellement les symptômes dépressifs, mais n'aura aucun impact sur le trouble de la personnalité qui est chronique, raison pour laquelle le témoin a indiqué ne pouvoir adhérer à cette vision d'un processus de guérison totale tel qu'évoqué par l'expert.

Il est vrai que toute personne atteinte d'un trouble de la personnalité borderline n'est pas forcément incapable de travailler. Il y a tout un spectre d'incapacités fonctionnelles différentes et des degrés d'intensité différents également. Chez l’assurée, cependant, l'intensité est telle que ses capacités fonctionnelles sont durement touchées au point, selon le témoin, d'entraîner une totale incapacité de travail, quelle que soit l'activité. En effet, elle a une incapacité à affronter les situations nouvelles, les situations de stress, mais avant tout à interagir avec autrui de manière adéquate. Le moindre stimuli, la moindre frustration peut dégénérer en colère sans commune mesure avec la cause. Une simple discussion, un échange, sont difficiles à mener avec elle. Il y a une « interprétativité » très importante qui peut mener rapidement à des incompréhensions, à des frustrations et, en définitive, à cette colère. S'y ajoutent, d’une part, les problèmes de concentration dus au TDAH – qui ont eux-mêmes des conséquences en termes de flexibilité, d'anticipation et qui peuvent générer une anxiété –, d’autre part, une impulsivité importante, également génératrice de difficultés. C'est cette inadéquation fondamentale de l’assurée, cette impossibilité de s'ajuster à un milieu et à faire face à des contraintes qui conduisent le témoin à conclure à une incapacité totale de travail, laquelle n’est pas incompatible avec le fait que l’assurée ait pu travailler par le passé. À cet égard, le témoin fait remarquer que l’intéressée n'a guère conservé ses postes plus d'une année. Précisément, ce trouble se traduit par la difficulté à conserver un emploi (des difficultés surviennent avec la hiérarchie ou avec les collègues). Le trouble a également pu évoluer (se compliquer d'une dépression ou se chroniciser dans ses symptômes).

Ce sont les raisons pour lesquelles le témoin s’écarte des conclusions de l'expert quant à l'impact du trouble de la personnalité combiné au TDAH et à l'anxiété générée par les oublis récurrents et par l'obligation de devoir compenser en permanence.

Enfin, le témoin a indiqué partager les avis des Drs F______, E______, D______ et G______ quant à une aggravation.

g. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit – cas échéant – serait potentiellement né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

6.             Le litige porte sur la question de savoir si, depuis la décision du 3 février 2017, l’état de santé de l’assurée s’est dégradé au point de lui ouvrir droit à des prestations de l’assurance-invalidité.

7.             Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation (cf. art. 87 al. 3 RAI), l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références ; 130 V 71 consid. 3.2 et les références ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). 

L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 du 9 mars 2016 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; 112 V 371 consid. 2b ; 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; 130 V 343 consid. 3.5.2).

8.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins (art. 28 al. 2 LAI).

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversi-cherung, 1997, p. 8).

9.              

9.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, telle la classification internationale des maladies (ci-après : CIM) ou le DSM-IV (Diagnostic and Statiscal Manual) (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

9.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

9.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

10.         Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

11.         Selon la jurisprudence, une dysthymie (F34.1) est susceptible d'entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu'elle se présente avec d'autres affections, à l'instar d'un grave trouble de la personnalité. Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée selon l'ATF 141 V 281 (arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 du 24 août 2020 consid. 5.1 et la référence).

12.          

12.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 261 consid. 4). La tâche du médecin dans le cadre d'une révision de la rente selon l'art. 17 LPGA consiste avant tout à établir l'existence ou non d'une amélioration de l'état de santé de l'assuré en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale avec la situation au moment de son examen (ATF 125 V 369 consid. 2).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux

12.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

12.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

12.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).

12.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

13.         En l’espèce, l’intimé, se ralliant aux conclusions de l’expertise administrative, considère que les nouveaux diagnostics retenus (trouble de la personnalité borderline et TDAH) ne sont pas invalidants, ce que conteste la recourante.

Effectivement, suite au dépôt de la quatrième demande de prestations, deux rapports médicaux ont été versés au dossier, qui font état de diagnostics nouveaux, au nombre desquels un TDAH – dont la Dre F______ indique cependant qu’il ne semble pas avoir d’impact important sur la capacité de travail – et un possible trouble affectif bipolaire – dont la Dre E______ précise qu’il est en rémission.

Le seul élément véritablement nouveau consiste donc dans le trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, dont il est cependant indiqué qu’il est présent depuis l’adolescence et qui transparaissait déjà de la description donnée par le Dr D______ (réactions verbales violentes alternant avec des moments d’apathie et de repli sur soi, conflits d’autorité avec l’employeur). Cela avait d’ailleurs été relevé par le SMR à l’époque, dans son avis du 21 novembre 2016. La gravité du trouble était toutefois alors pondérée par le fait que l’assurée avait réussi à s’investir dans une nouvelle activité.

En 2019, cela ne semble plus être le cas, puisque deux spécialistes concluent désormais à une incapacité de travail de 50% au moins, au motif que l’assurée n’est précisément plus en mesure de s’investir dans une activité professionnelle. De l’avis unanime de tous les médecins traitants, c’est le trouble de la personnalité qui est au premier plan et qui, combiné à l’état dépressif et au TDAH, conduit à une incapacité de travail.

L’expertise administrative remplit à la forme les principes jurisprudentiels développés par le Tribunal fédéral pour que lui soit reconnue une valeur probante (cf. ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). En effet, elle a été rendue en pleine connaissance du dossier médical, prend en considération les plaintes de l’assurée, repose sur un examen clinique approfondi et contient des conclusions motivées et convaincantes.

L’expert explique que le trouble dépressif ne présente désormais pas d’indice de gravité. Le trouble mixte n’a pas empêché l’assurée de se former, de gérer son quotidien, ni de travailler par le passé. La consommation de substances n’est désormais plus d’actualité. Quant au TDAH, il n’a pas non plus empêché l’assurée de se former, de travailler et de gérer son quotidien, malgré l’absence d’un traitement spécifique. Les limitations fonctionnelles ne sont pas cliniquement significatives et objectivables au moment de l’expertise et n’ont pas évolué significativement au cours des dernières années : labilité émotionnelle, impulsivité, absence de ralentissement psychomoteur significatif, absence d’aboulie, intolérance à la frustration, absence de rumination dépressive quotidienne, absence de trouble de la concentration objectivable, absence d’anhédonie, isolement social partiel. Aucun trouble de la concentration ou de l’attention n’ont été objectivés. Le trouble mixte de la personnalité est fréquemment associé à la dépendance de plusieurs substances et à un TDAH, de la même manière que ce dernier est associé aux abus de substances. Toutefois, compte tenu de l’absence de limitation fonctionnelle objectivable, aucune interaction objectivable ayant un impact clinique significatif n’a été retenu.

L’expert a nié tout degré de gravité fonctionnelle des épisodes dépressifs, au motif que les limitations fonctionnelles psychiatriques sont subjectives et sans impact sur le quotidien de l’assurée qui le gère sans difficultés, en dehors de l’administratif complexe, malgré une labilité émotionnelle et une impulsivité. Il y a absence de limitation fonctionnelle objectivable, indice important d’un point de vue psychiatrique. De plus, l’assurée a refusé de continuer le traitement antidépresseur, suite à une amélioration thymique partielle, ce qui constitue un autre indice de l’absence de gravité.

L’isolement social est partiel, mais pas total.

S’il y a bonne cohérence entre la plupart des plaintes subjectives et le constat objectif, le décalage existant entre la demande de prestations et les limitations fonctionnelles subjectives et non objectivables apparaît, avec des bénéfices primaires et secondaires, mais sans toutefois d’exagération volontaire des plaintes.

Selon l’expert, il n’y a pas de limitation fonctionnelle psychiatrique significative et uniforme dans des domaines de la vie courante.

Les ressources sont qualifiées de bonnes.

L’évolution des troubles est globalement stationnaire, avec une évolution du trouble dépressif récurrent moyen vers un trouble dépressif léger, sans traitement antidépresseur, et avec un sevrage pour l’alcool et la cocaïne.

L’expert conclut à une capacité de travail de 100% sans baisse de rendement depuis octobre 2017, vu l’absence de limitation fonctionnelle significative.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, l’expert n’a pas fondé tout son raisonnement sur la seule description de sa journée-type et le fait qu’elle puisse promener son chien.

Certes, tant la Dre I______ que la Dre F______ concluent à une incapacité de travail en raison du trouble de la personnalité, évaluée à 100% par la première, 50% par la seconde.

Ces médecins ont donc une autre appréciation que celle de l’expert de la capacité de travail de leur patiente, sans toutefois amener d’élément objectif à l’appui de leur position, qui aurait été ignoré par l’expert. Selon ce dernier, après analyse des critères diagnostiques de la CIM-10, l’assurée ne présente qu’un trouble dépressif récurrent léger, ainsi qu’un trouble mixte de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et narcissique non décompensé, une dépendance à plusieurs substances depuis le début de l’âge adulte (désormais abstinente) et un TDAH depuis l’enfance.

La Dre I______ elle-même a convenu qu’on ne pouvait qualifier le trouble de la personnalité de décompensé, dans la mesure où l’assurée s’est engagée dans son suivi. La qualification du trouble dépressif par l’expert rejoint celle de la Dre F______. Quant au TDAH, la Dre F______ a indiqué qu’il ne semblait pas avoir d’impact important au niveau de la capacité de travail. Ce même médecin a par ailleurs corroboré le fait que l’assurée conservait un réseau psychosocial médical et social étoffé.

Certes, on peut concevoir que le TDAH et l’état dépressif léger, venant s’ajouter au trouble de la personnalité, en augmentent les symptômes. Cela étant, ils ne peuvent être pris en considération qu’en fonction de leur importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple s’ils privent l’assurée de ressources, ce que l’expert a exclu. Il a estimé que les limitations fonctionnelles psychiatriques étaient sans impact sur le quotidien de l’assurée. Certes, elle fait preuve d’impulsivité et rencontre des difficultés relationnelles, mais elle dispose de ressources et est capable de gérer son quotidien, ce qui implique, non seulement de promener son chien, mais aussi d’assumer des tâches administratives, de se rendre à ses rendez-vous médicaux, de faire ses courses, le ménage, les repas, de passer de bons moments avec ses amis, de faire parfois des activités créatives, d’écouter de la musique, de partir en vacances lorsqu’elle en a l’occasion, etc. Il n’y a donc pas non plus de limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie.

Ainsi, l’examen des axes jurisprudentiels consacrés à l’atteinte à la santé et à la personnalité permet de conclure à l’absence de gravité fonctionnelle des troubles présentés, étant par ailleurs rappelé que l’assurée a décrit spontanément des bénéfices secondaires, expliquant qu’elle rencontrait des difficultés à trouver un emploi à son âge après une longue pause professionnelle.

De ce qui précède, la Cour de céans tire la conclusion qu’aucun élément médical objectivement vérifiable n’a été apporté qui permette de s’écarter des conclusions de l’expert, qui, contrairement aux médecins traitants, a évalué la situation à l’aune des indicateurs jurisprudentiels. C’est dès lors à juste titre que l’intimé, suivant les conclusions de l’expert, a conclu à l’absence d’aggravation significative en termes de droit aux prestations de l’assurance-invalidité.

14.         Le recours est rejeté.

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le