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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/790/2022

ATAS/469/2023 du 22.06.2023 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.09.2023, rendu le 05.10.2023, IRRECEVABLE, 9C_519/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/790/2022 ATAS/469/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 juin 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1960, a présenté une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) le 1er décembre 2016. En incapacité de travail totale depuis le 4 mai 2015 pour motifs psychiques (troubles dépressifs), il était suivi par la docteure B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

b. Le 9 décembre 2017, le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, agissant sur mandat de l’OAI, a convoqué l’assuré en vue de la réalisation d’une expertise psychiatrique administrative, dont le déroulement était prévu les 8 janvier et 2 février 2018.

c. Le 8 janvier 2018, lors de son premier rendez-vous avec cet expert, l’assuré a demandé que le second rendez-vous fût reporté à une date ultérieure.

d. Par pli du 8 janvier 2018, le Dr C______ a convoqué l’assuré pour le
19 février 2018.

e. Par pli du 6 février 2018 à l’OAI, l’assuré a sollicité l’ajournement de son rendez-vous du 19 février 2018 avec le Dr C______.

f. Par projet de décision du 28 février 2018, l’OAI a refusé l’octroi de mesures professionnelles et d’une rente d’invalidité à l’assuré, motif pris que celui-ci ne s’était pas présenté à l’expertise, le 19 février 2018, malgré l’envoi préalable d’une sommation attirant son attention sur les conséquences d’un refus de collaboration de sa part. Statuant en l’état du dossier, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

g. Par décision du 5 juin 2018, l’OAI a repris les termes du projet précédent.

h. Le 5 juillet 2018, l’assuré a interjeté recours contre cette décision.

i. Par arrêt ATAS/884/2019 du 30 septembre 2019, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a annulé cette décision et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire, cette autorité étant chargée de mettre en œuvre une nouvelle expertise psychiatrique en offrant préalablement à l’assuré la possibilité d’exercer son droit de se prononcer sur le choix de l’expert et de formuler ses propres questions à celui-ci.

B. a. Par courrier du 20 décembre 2019, l’OAI a informé l’assuré, représenté par son conseil, qu’il avait mandaté le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour une expertise psychiatrique.

b. Par courrier du 4 février 2020 à l’OAI, l’assuré s’est prévalu de son droit de participation à l’établissement d’une expertise.

c. Lors d’un entretien téléphonique du 6 février 2020, l’assuré a indiqué à l’OAI qu’il souhaitait se prononcer sur le choix de l’expert et avoir une discussion sur les questions posées.

d. Par courrier du 7 février 2020, l’OAI a accordé à l’assuré un délai au 10 mars 2020 pour lui communiquer les points éventuels qu’il souhaitait que l’expert clarifiât.

e. Par courrier du 28 mai 2020, l’OAI a sommé l’assuré de lui communiquer les noms de trois experts dans un délai échéant le 30 juin 2020.

f. Par courrier du 9 juillet 2020, l’OAI a fait savoir à l’assuré qu’il restait dans l’attente d’une liste de trois experts de son choix. Il a réitéré sa demande le 11 août 2020.

g. Par courrier du 3 septembre 2020, l’assuré a demandé à l’OAI, notamment, l’ouverture d’une enquête objective et impartiale concernant le blocage de son dossier depuis 21 ans concernant les emplois temporaires qu’il avait occupés.

h. Par décision du 18 septembre 2020, l’OAI a maintenu le mandat d’expertise au Dr D______.

i. Le 16 octobre 2020, l’assuré a recouru contre cette décision.

j. Par arrêt ATAS/476/2021 du 19 mai 2021, la chambre de céans a rejeté le recours en considérant que l’OAI avait respecté les droits de participation du recourant en mandatant le Dr D______.

C. a. Par courrier du 18 octobre 2021, l’OAI a informé l’assuré qu’afin de clarifier son droit aux prestations, une expertise psychiatrique était nécessaire. Dans cette optique, un mandat d’expertise avait été confié au docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Tout en joignant à son envoi
la liste des questions destinées à cet expert, l’OAI a rendu l’assuré attentif au
fait qu’il pouvait faire parvenir par écrit les questions complémentaires qu’il souhaitait poser, ainsi que ses éventuels motifs pertinents de récusation à l’encontre du Dr E______.

b. Dans une note téléphonique du 1er novembre 2021, le gestionnaire du dossier de l’assuré auprès de l’OAI a fait référence à un appel téléphonique qu’il avait reçu le jour même, du secrétariat du cabinet du Dr E______. Ledit secrétariat avait tenté de fixer un rendez-vous avec l’assuré par téléphone, mais celui-ci avait répété à plusieurs reprises ne pas être concerné et avait fini par raccrocher au nez de son interlocutrice/interlocuteur. Le cabinet du Dr E______ comptait tout de même envoyer à l’assuré une convocation par courrier.

c. Par courrier du 1er novembre 2021, le secrétariat du cabinet du Dr E______ a invité l’assuré à se présenter le 29 novembre 2021 pour un premier rendez-vous avec l’expert, l’objectif étant de mener, à cette date, un entretien d’une durée d’environ trois heures.

d. Le 30 novembre 2021, l’OAI a adressé à l’assuré une sommation. Étant donné qu’il ne s’était pas présenté au cabinet du Dr E______ à la date fixée, et ce sans excuse valable, il était invité à convenir d’une nouvelle date avec l’expert pour un second rendez-vous. Si toutefois, il n’obtempérait pas à cette sommation, l’OAI ferait « application des dispositions légales figurant au verso de ce courrier » et pourrait statuer en l’état du dossier. Enfin, l’OAI a rendu l’assuré attentif au fait que cela pourrait impliquer un refus de toutes prestations.

e. Le 30 novembre 2021, l’OAI a adressé à l’assuré un deuxième courrier, intitulé « Sommation : frais d’expertise », lui impartissant un délai au 14 décembre 2021 pour fournir une explication au sujet de son absence à l’entretien du 29 novembre 2021 avec l’expert. En l’absence de motif valable, les frais inhérents à l’expertise prévue seraient mis à sa charge.

f. Par courrier du 11 décembre 2021, l’assuré s’est référé aux deux sommations
de l’OAI du 30 novembre 2021. Depuis 1999, les services de l’administration cantonale genevoise avaient failli plusieurs fois, à son égard, « aux principes généraux du droit et aux droits fondamentaux de l’individu [ ] ». Depuis son occupation temporaire auprès du service informatique de la caisse cantonale genevoise de compensation et jusqu’à ce jour, il subissait « la discrimination de
la part de l’administration cantonale genevoise [ ] ». Il y avait deux thèses opposées, celles de l’administration et la sienne. Aussi fallait-il qu’un tiers statuât sur le différend qui l’opposait à l’administration. Le centre médical de « Coppet » l’avait contacté par téléphone le 29 octobre 2021 à 15h17 au sujet de l’expertise.
Il avait alors répondu qu’il n’était « pas concerné par ce rendez-vous. Pourquoi ? Vu ce qui précède, vous faites partie intégrante de ce différend depuis 1999 jusqu’à ce jour ».

g. Par avis du 8 février 2022, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a observé qu’aucune pièce médicale n’avait été versée au dossier permettant de poser formellement un diagnostic éventuellement incapacitant. Aussi le SMR était-il d’avis que la réalisation de l’expertise psychiatrique prévue restait incontournable et qu’en l’état, il n’était pas en mesure de se prononcer sur les conditions médicales du droit aux prestations.

h. Par décision du 9 février 2022, l’OAI, statuant en l’état du dossier, a refusé toute prestation à l’assuré en raison de son défaut de collaboration. En effet, après ne pas s’être rendu auprès de l’expert le 29 novembre 2021, l’assuré s’était vu adresser une sommation lui enjoignant de convenir d’un nouveau rendez-vous avec l’expert d’ici au 14 décembre 2021. Dans sa correspondance du 11 décembre 2021, l’assuré avait maintenu son refus de se présenter à l’expertise. Depuis lors, l’OAI était sans nouvelles de sa part.

D. a. Le 11 mars 2022, l’assuré a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision et a contesté, en substance, le défaut de collaboration reproché, en tirant argument de l’arrêt ATAS/884/2019 précité et de l’insistance manifestée par la gestionnaire de son dossier auprès de l’OAI pour qu’il se rende au deuxième rendez-vous prévu avec le Dr C______ – malgré le « regard agressif » que lui avait lancé cet expert lors de leur premier rendez-vous en janvier 2018. Le recourant a également souligné l’agressivité des services administratifs à son égard, celle-ci prenant la forme « [d’]opérations comptables incompréhensibles » de la part de la « Caisse genevoise de compensation [ ] en accord avec l’Hospice général », sans qu’il n’ait jamais reçu les explications auxquelles il estimait avoir droit, notamment de la part de son ex-assistante sociale.

b. Par réponse du 5 avril 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours en faisant valoir qu’il était en droit, après avoir dûment imparti un délai au recourant pour respecter son obligation de renseigner et l’avoir averti des conséquences de son attitude, de statuer en l’état du dossier.

c. Par réplique du 28 avril 2022, déposée au greffe le lendemain, le recourant a annoncé que dans son écriture du jour et celle qui allait suivre, il entendait d’abord se concentrer sur les faits avant de se concentrer sur les aspects juridiques du cas dans une troisième écriture. S’agissant des aspects factuels, il a reproché à la Dre B______, sa psychiatre d’alors, d’avoir adressé, le 24 mars 2017, un rapport au SMR contenant des « erreurs flagrantes » susceptibles de conduire à une erreur d’évaluation. En effet, contrairement à ce qu’indiquait la Dre B______, il était inexact d’affirmer, en 2017, qu’il était sans activité professionnelle depuis trois à quatre ans. En vérité, il était au chômage depuis 1997. Il se demandait également pourquoi son ex-assistante sociale, de l’Hospice général (ci-après : l'hospice), et la Dre B______ avaient décidé, de concert, de transmettre son dossier à l’assurance-invalidité alors que de son côté, il avait « toujours plaidé pour une enquête objective et impartiale ». Toutefois, l’administration s’y était toujours opposée. Enfin, le recourant a indiqué s’être senti « lynché psychiquement et moralement » en 1999 par le directeur d’un service de l’administration dans le cadre d’un contrat d’emploi temporaire passé entre l’État de Genève – représenté par le service d’insertion professionnelle (SIP) de l’office cantonal de l’emploi – et lui-même.

d. Le 18 mai 2022, le recourant a poursuivi le récit de ses activités passées en
qualité de chômeur en fin de droit (contrats d’emploi temporaire en 1999), de bénéficiaire du minimum cantonal d’aide sociale (contrat relatif à l’exercice
d’une activité compensatoire en 2003) puis de bénéficiaire de prestations d’aide financière de l’hospice (contrats relatifs à l’exercice d’une activité compensatoire en 2003, contrats « de contre-prestation/activité de réinsertion »
en 2011 et 2014) et fait part des mauvaises expériences qu’il avait vécues dans
le cadre de ses tentatives de réinsertion successives, le traitement lui ayant été réservé par ses collègues de travail et/ou les services administratifs concernés étant, de son point de vue, contraire à ses droits fondamentaux. Ceux-ci étaient à nouveau bafoués dans le cadre de la mise en œuvre d’une expertise par l’intimé.

e. Par duplique du 7 juin 2022, l’intimé a estimé que les écritures du recourant des 28 avril et 18 mai 2022 n’apportaient aucun élément lui permettant de faire une appréciation différente de la situation.

f. Le 30 juin 2022, le recourant a complété ses précédentes écritures en évoquant d’autres sources de mécontentement (son contrat d’aide sociale individuel du 1er septembre 2017, la « pression sans relâche » subie de la part de la gestionnaire de son dossier auprès de l’OAI pour qu’il se rende au deuxième rendez-vous auprès du Dr C______) qui illustraient, selon lui, « l’abus de pouvoir par l’administration [ ] ». Cet excès de pouvoir avait détruit sa vie « comme être humain normal depuis 1999 ».

g. Entendu le 13 octobre 2022 par la chambre de céans, le recourant a indiqué,
en synthèse, qu’il était discriminé par l’administration depuis 1999 et déçu des certificats de travail établis par certains services de l’État, ces documents étant de nature à empêcher toute réinsertion. Par ailleurs, il avait perdu toute confiance dans les psychiatres, y compris la Dre B______, qu’il ne voyait plus. Il se méfiait en outre de l’OAI, dont il avait senti la mauvaise foi à travers le regard du Dr C______. Il était finalement d’accord de se rendre à un rendez-vous avec un expert, mais pas chez un expert mandaté par l’OAI. Cependant, si c’était la Cour qui délivrait un mandat d’expertise, il acceptait volontiers de se rendre auprès d’un expert désigné par ce biais.

Également entendue par la chambre de céans, la représentante de l’intimé a indiqué que, vu la situation, elle était d’accord avec cette solution, ce d’autant plus qu’elle l’avait elle-même proposée à la chambre de céans.

h. Le 21 octobre 2022, la chambre de céans a informé les parties de son intention de confier une mission d’expertise au docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

i. Par courrier du 18 novembre 2022, l’office intimé a fait savoir à la chambre de céans, sous la plume de son responsable du service juridique, que même si la mise en place d’une expertise judiciaire représentait certainement une opportunité, il n’en restait pas moins que le tribunal ne pouvait instruire et statuer à la place de l’administration sur les conditions matérielles du droit aux prestations, ceci étant contraire au principe du double degré de juridiction. En outre, les collaborateurs de l’OAI avaient pour instruction de ne pas transiger sur un point du litige lors des audiences de comparution personnelle, une modification des conclusions devant intervenir par écrit. Les propos tenus le 13 octobre 2022 par la collaboratrice du service juridique de l’OAI, tels qu’ils avaient été transcrits au procès-verbal d’audience, ne pouvaient pas être considérés comme une détermination valable dans le cas particulier.

j. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA – RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la décision attaquée étant une décision relative à des prestations prévues par la LAI.

1.2 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89I) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAI contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAI).

Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable
(art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 ([RAI – RS 831.201] ; RO 2021 706). Dans le sillage de cette modification, la LPGA a aussi connu plusieurs modifications, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022.

Sur le plan de la procédure, les nouvelles dispositions sont applicables, sauf dispositions transitoires contraires, à tous les cas en cours, dès l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 129 V 113 consid. 2.2). Ceci concerne en particulier les dispositions du chapitre 4 de la LPGA (« Dispositions générales de procédure »), soit les art. 27-62 LPGA (cf. ATF 130 V 1 consid. 3.2).

La décision litigieuse ayant été rendue le 9 février 2022, les dispositions de procédure en vigueur depuis le 1er janvier 2022 sont applicables.

3.             Le litige porte sur le point de savoir si l’intimé était fondé à rejeter la demande de prestations du recourant du fait d’un défaut de collaboration de celui-ci.

4.              

4.1 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir de la personne assurée de collaborer à l’instruction de l’affaire (cf. art. 28 al. 1 LPGA).

Selon l’art. 28 al. 2 LPGA, applicable par le renvoi de l’art. 1 al. 1 LAI, quiconque fait valoir son droit à des prestations doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir ce droit, fixer les prestations dues et faire valoir les prétentions récursoires.

À teneur de l’art. 43 LPGA, l’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit
(al. 1). L’assureur détermine la nature et l’étendue de l’instruction nécessaire
(al. 1bis). L’assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l’appréciation du cas et qu’ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).

4.2 Selon les circonstances, l’assureur social qui se heurte à un refus de collaborer d’une partie peut, après lui avoir imparti un délai pour respecter ses obligations et l’avoir avertie des conséquences de son attitude, se prononcer en l’état du dossier. Le cas échéant, il peut rejeter la demande présentée par cette partie en considérant que les faits dont elle entendait tirer un droit ne sont pas démontrés (arrêt du Tribunal fédéral U 316/06 du 6 juillet 2007 consid. 3.1.1). Au lieu de se prononcer sur le fond, en l’état du dossier, l’assureur peut également clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. La variante principale est donc qu’une décision matérielle doit être prise sur la base du dossier, une décision de non-entrée en matière ne devant être prise qu’à titre alternatif, si une décision matérielle n’est pas possible (arrêt du Tribunal fédéral 9C_28/2010 du 12 mars 2010 consid. 5 et les arrêts cités). Mais l’assureur ne peut se prononcer en l’état du dossier ou refuser d’entrer en matière que s’il ne lui est pas possible d’élucider les faits sans difficultés ni complications spéciales, malgré l’absence de collaboration de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral U 316/06 du 6 juillet 2007 consid. 3.1.1 et les références).

4.3 Conformément au principe inquisitoire, il appartient en premier chef à l’administration de déterminer, en fonction de l’état de fait à élucider, quelles
sont les mesures d’instruction qu’il convient de mettre en œuvre dans un cas d’espèce. Elle dispose à cet égard d’une grande liberté d’appréciation. Si elle estime que l’état de fait déterminant n’est pas suffisamment établi, ou qu’il existe des doutes sérieux quant à la valeur probante des éléments recueillis, l’administration doit mettre en œuvre les mesures nécessaires au complément de l’instruction. En tout état de cause, l’assuré n’est pas habilité à requérir une décision formelle afin de faire examiner l’opportunité d’une mesure d’instruction (ATF 132 V 93 consid. 6.5). S’il se soustrait à une telle mesure alors que celle-ci est objectivement et subjectivement exigible (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 214/01 du 25 octobre 2001 consid. 2b et ci-après : consid. 4.4), il prend délibérément le risque que sa demande soit rejetée par l’administration, motif pris que les conditions du droit à la prestation ne sont pas, en l’état du dossier, établies au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt U 316/06 précité consid. 3.1.1).

4.4 La condition cumulative de l’exigibilité doit être comprise de manière objective et subjective, les principes développés pour l’art. 21 al. 4 LPGA étant applicables par analogie. On précisera que la question de l’exigibilité subjective doit également être examinée de manière objective. En d’autres termes, il ne s’agit pas de savoir si la personne assurée considère, sur la base de sa propre perception (subjective), que la mesure d’instruction à laquelle elle est invitée à se soumettre est raisonnablement exigible ou non, mais d’évaluer objectivement si les circonstances subjectives (telles que son âge, son état de santé ou ses expériences antérieures en matière d’examens médicaux) permettent ou non la mesure requise (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4e éd. 2020, p. 778, n. 92 ad art. 43 LPGA et la référence à l’ATF 134 V 64 consid. 4.2.1). Les examens auxquels la personne assurée est tenue de se soumettre dans le cadre d’une expertise médicale doivent en règle générale être considérés comme exigibles (arrêt du Tribunal fédéral 9C_732/2012 du 26 novembre 2012 consid. 4.2), sauf s’ils présentent un risque trop important pour la santé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_528/2009 du 3 novembre 2009 consid. 7.2 ; Jacques-Olivier PIGUET, in DUPONT/MOSER-SZELESS [éd.], Commentaire romand de la LPGA, n. 11 ad art. 43).

4.5 Les conséquences procédurales prévues en cas de violation de l’obligation de renseigner ou de collaborer n’entrent en considération que si le comportement de la personne assurée peut être qualifié d’inexcusable (art. 43 al. 3 LPGA). Tel est le cas lorsqu’aucun motif légitime n’est perceptible ou lorsque le comportement de la personne assurée apparaît comme totalement incompréhensible (arrêt du Tribunal fédéral I 166/06 du 30 janvier 2007 consid. 5 ; Jacques-Olivier PIGUET, op. cit., n. 51 ad art. 43 LPGA). En tant que l’art. 43 al. 1 et 2 LPGA prévoit que les mesures d’instruction ordonnées doivent être nécessaires et pouvoir être raisonnablement exigées, la non réalisation de l’une de ces deux conditions rend en principe excusable le refus de la personne assurée se soumettre à une expertise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_283/2020 du 4 août 2020 consid. 3.1 et l’arrêt cité). Ainsi, un défaut de collaboration est en particulier excusable lorsqu’il s’explique pour des raisons des raisons de santé – notamment psychiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_994/2009 du 22 mars 2010 consid. 5.2).

4.6 Lorsqu’il est saisi d’un recours de la personne assurée, interjeté contre la décision rejetant sa demande au motif que les conditions du droit à la prestation ne sont pas, en l’état du dossier, établies au degré de la vraisemblance prépondérante, le juge ne doit alors examiner que si la décision, rendue conformément à l’art. 43 al. 3 LPGA sur la base de l’état de fait existant (incomplet), est correcte (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 906/05 du 23 janvier 2007 consid. 6, U 489/00 du 31 août 2001 consid. 2b et I 214/01 du 25 octobre 2001 consid. 3 et les références). Il ne se justifie pas – et cela n’a d’ailleurs aucun sens sous l’angle de l’économie de la procédure – d’examiner uniquement le caractère nécessaire ou non de la mesure requise. Soit les preuves recueillies jusqu’alors sont suffisantes pour trancher directement le litige, faisant apparaître comme inutile toute mesure complémentaire d’instruction. Soit le dossier n’est pas suffisamment instruit pour pouvoir statuer en connaissance de cause, justifiant par voie de conséquence le complément d’instruction requis par l’administration. Dans cette hypothèse, le juge ne peut que confirmer le rejet de la demande de prestations prononcé par l’administration, puisque le dossier ne permet pas d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’existence des conditions du droit à la prestation (arrêt du Tribunal fédéral U 316/06 du 6 juillet 2007 consid. 3.1.1). Cela étant, si l’assuré se montre par la suite – soit après le prononcé de la décision fondée sur l’art. 43 al. 3 LPGA – disposé à collaborer à l’instruction et à se soumettre aux mesures nécessaires à l’appréciation du cas, il lui est loisible de saisir à nouveau l’administration d’une demande de prestations. Si, lors de ce nouvel examen du droit aux prestations – qui n’a lieu que pour l’avenir et ne s’étend donc pas à la période durant laquelle la collaboration a été refusée de manière inexcusable –, les nouveaux éléments recueillis sont de nature à justifier une appréciation différente de la situation, l’assureur devra alors rendre une nouvelle décision avec effet ex nunc et pro futuro à compter du dépôt de la nouvelle demande (arrêt du Tribunal fédéral 8C_733/2010 du 10 décembre 2010 consid. 5.6 ; arrêt du Tribunal fédéral U 316/06 du 6 juillet 2007 consid. 3.1.1 ; Jacques-Olivier PIGUET, op. cit., n. 56 ad art. 43 LPGA).

4.7 Lorsqu’une mesure d’instruction ordonnée par l’administration – qui est en soi propre à établir l’état de fait déterminant – est refusée sans motif valable par l’assuré, il n’appartient pas au juge cantonal d’ordonner une expertise. À défaut, l’assuré se verrait reconnaître un droit à une évaluation externe à l’assureur alors qu’un tel droit n’existe pas dans la pratique (arrêt du Tribunal fédéral U 489/00 du 31 août 2001 consid. 2b). Le juge est uniquement tenu d’ordonner une expertise ou de renvoyer le dossier à l’assureur pour instruction complémentaire lorsque c’est pour une raison indépendante du refus de collaboration de l’assuré que l’état de fait déterminant n’est pas suffisamment élucidé (arrêt U 489/00 précité consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 214/01 du 25 octobre 2001 consid. 3a ; cf. ég. Michel VALTERIO, Commentaire LAI, 2018, n. 49 ad art. 55 LAI et la référence à ces deux arrêts).

 

 

5.              

5.1 En l’espèce, il ressort de l’avis du SMR du 8 février 2022 (dossier AI, doc. 98) qu’une expertise psychiatrique est « incontournable » et qu’à défaut, le SMR n’est pas en mesure de se prononcer sur les conditions médicales du droit aux prestations. Ce point n’est pas contesté.

5.2 Est en revanche litigieuse la question de savoir si le recourant a violé son devoir de collaboration en ne déférant pas à la convocation à un entretien qui était initialement censé avoir lieu le 29 novembre 2021 auprès du Dr E______, et en
ne donnant pas suite non plus à la sommation de l’intimé du 30 novembre 2021. Comportant un renvoi notamment à l’art. 43 LPGA, celle-ci avertissait l’intéressé qu’à défaut de convenir d’un nouveau rendez-vous avec le Dr E______ d’ici au
14 décembre 2021, l’intimé pourrait statuer en l’état du dossier, l’intéressé étant par ailleurs rendu attentif au fait que ceci pouvait impliquer le refus de toute prestation.

Il convient de rappeler, en premier lieu, que les examens auxquels la personne assurée est tenue de se soumettre dans le cadre d’une expertise médicale doivent en règle générale être considérés comme exigibles, sauf s’ils présentent un risque trop important pour la santé (cf. ci-dessus : consid. 4.4). On soulignera en outre que la personne qui demande une prestation d’assurance doit s’accommoder du fait que les examens nécessaires à l’appréciation de son cas représentent pour elle une certaine charge (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_283/2020 du 4 août 2020 consid. 4.3.2.2 et l’arrêt cité).

En l’occurrence, le recourant n’explique pas, en rapport avec la décision attaquée, ce qu’il reproche à l’intimé dans la mise en œuvre du mandat d’expertise confié au Dr E______. Ses griefs se réfèrent à des événements ne relevant pas, pour la plupart, de la sphère d’influence de l’intimé (désaccords de longue date avec d’autres services de l’administration, la Dre B______, son assistante sociale, etc.). Par ailleurs, en tant qu’il tente de tirer argument d’un précédent mandat d’expertise confié au Dr C______, sur lequel la chambre de céans s’est déjà prononcée dans l’arrêt ATAS/884/2019 du 30 septembre 2019, le recourant semble ne pas tenir compte du fait que l’objet de la contestation est déterminé
par la décision litigieuse, soit celle du 9 février 2022 – et elle seule (ci-dessus : consid. 3). Or, sachant qu’en amont de cette décision, le recourant s’est vu offrir la possibilité, par courrier du 18 octobre 2021 de l’intimé, de faire parvenir d’éventuelles questions complémentaires qu’il souhaitait poser à l’expert psychiatre récemment désigné, le Dr E______, et de faire connaître ses éventuels motifs de récusation à l’encontre de ce dernier, ce dont il s’est abstenu, le fait de ne pas s’être rendu auprès de cet expert et de n’avoir pas cherché non plus à obtenir un second rendez-vous avec lui – après avoir été sommé de le faire – ne saurait être justifié par un sentiment de défiance envers l’ensemble des services de l’administration et/ou tout tiers agissant sur mandat d’une autorité. Cette conclusion s’impose à plus forte raison que le recourant n’a produit aucun rapport médical aux termes duquel son absence de collaboration avec l’OAI et le secrétariat du Dr E______ s’expliquerait pour des raisons de santé – par exemple psychiques.

5.3 Il s’ensuit que le défaut de collaboration du recourant n’apparaît pas excusable et que c’est en raison de ce comportement que l’intimé n’est pas en mesure de se prononcer sur le droit aux prestations. En tant qu’elle rejette la demande de prestations, la décision litigieuse apparaît donc fondée, les faits dont le recourant entendait tirer un droit auxdites prestations n’étant pas démontrés.

5.4 Il reste à déterminer si malgré le défaut de collaboration constaté, la chambre de céans peut se substituer à l’intimé pour la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique initiale. Indépendamment de la question de savoir si le point de
vue de la collaboratrice de l’intimé, exprimé à l’audience du 13 octobre 2022 (et favorable à cette solution), est de nature à lier l’intimé, ce que ce dernier dément dans son écriture subséquente du 18 novembre 2022, il sied de rappeler que le juge ne procède qu’aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision, en recourant « s’il y a lieu » à une expertise (cf. art. 20 LPA) et n’est donc pas lié par les déterminations des parties. Sachant toutefois que, dans la présente situation (cf. ci-dessus : consid. 5.3), un droit à une évaluation médicale externe à l’administration n’est pas prévu par la jurisprudence fédérale (cf. ci-dessus : consid. 4.6 et 4.7), une expertise judiciaire n’a pas lieu d’être et la chambre de céans n’a d’autre choix que de confirmer le rejet de la demande de prestations prononcé par l’intimé.

6.             Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté.

7.             Compte tenu des circonstances, il sera renoncé à la perception d’un émolument.

 

*****

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le