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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/130/2023

ATAS/478/2023 du 21.06.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/130/2023 ATAS/478/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juin 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

représenté par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1966, est marié à Madame B______, née le ______ 1976, et père de trois enfants, nés en 1995, 2000 et 2006.

b.   L’épouse de l’assuré a travaillé comme femme de chambre jusqu'au 30 septembre 2014, date à laquelle elle a été licenciée en raison d'une incapacité de travail ayant débuté le 27 janvier 2014.

c.    Elle s'est inscrite au chômage dès le 1er octobre 2014 pour une activité à plein temps, mais a été déclarée inapte au placement, dès lors qu'elle était dans l'incapacité totale de travailler pour une durée indéterminée.

d.   Du 27 janvier 2014 au 13 février 2016, l'épouse de l'assuré a perçu des indemnités journalières, en raison de son arrêt de travail.

e.    Le 10 septembre 2014, elle a déposé une demande de prestations d'invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), en raison d'une fibromyalgie.

f.     Dans ce cadre, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a constaté, par arrêt du 20 mars 2017, que depuis le 27 janvier 2014, l'épouse de l'assuré était incapable d'exercer son ancienne activité de femme de ménage mais qu’elle présentait une capacité de travail entière dans une activité légère, respectant ses limitations fonctionnelles. Son degré d’invalidité ne lui donnait droit ni à une rente d’invalidité, ni à une mesure de reclassement. Toutefois, devant se réorienter dans une nouvelle activité adaptée à son état de santé, il convenait de lui octroyer la mesure d’ordre professionnel la plus appropriée à sa situation (ATAS/211/2017 consid. 14).

g.    D'août 2018 à décembre 2019, l'épouse de l'assuré a effectué des missions temporaires dans un EMS par l'intermédiaire d'une agence de placement.

h.   Le 9 janvier 2019, l'assuré s'est vu octroyer une rente d’invalidité avec un effet rétroactif au 1er février 2014.

B. a. Le 8 février 2019, il a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après: le SPC ou l'intimé).

b.   Le 21 mars 2019, la doctoresse C______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, a attesté que l'épouse de l'assuré souffrait d'affections touchant le système locomoteur. Elle ne pouvait dès lors pas effectuer de manière répétée des travaux lourds, ni rester debout toute la journée. Dans une activité de nettoyage, sa capacité de travail était d'au maximum 50%.

c.    Par décisions du 24 juillet 2019, le SPC a octroyé à l'assuré des prestations complémentaires, dès le 1er février 2014, incluant, dans les plans de calcul, un gain potentiel pour son épouse de juillet 2016 à juillet 2018, puis, dès août 2018, un gain d'activité lucrative, additionné d'un gain potentiel estimé.

d.   Par acte du 16 septembre 2019, complété par courrier de son conseil du 18 décembre 2019, l'assuré a formé opposition à ces décisions, contestant notamment le gain potentiel imputé à son épouse.

e.    Le SPC a procédé, le 25 novembre 2019, au réexamen du droit de l'assuré à des prestations complémentaires pour la période allant du 1er juillet au 31 octobre 2019 et dès le 1er novembre 2019, en prenant en compte un gain d'activité lucrative et un gain potentiel pour son épouse.

f.     Le 3 décembre 2019, le SPC a recalculé le montant des prestations complémentaires de l'assuré dès le 1er janvier 2020 en incluant les mêmes gains d'activité lucrative et potentiel pour son épouse.

g.    Le 4 décembre 2019, le SPC a envoyé un second courrier modifiant le montant du gain potentiel.

h.   Le 10 janvier 2020, l'assuré a fait opposition aux décisions des 25 novembre, 3 et 4 décembre 2019 contestant, notamment, le gain potentiel de son épouse, certificats médicaux à l’appui.

i.      Le 12 octobre 2020, l'épouse de l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI faisant état d’une incapacité de travail totale depuis janvier 2020.

j.     Par décision du 8 mars 2021, l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations, les deux rapports médicaux produits ne permettant pas de retenir une aggravation notable et durable de son état de santé. Cette décision a été confirmée le 28 février 2022 par la chambre de céans (ATAS/173/2022).

k.   Par décision sur opposition du 31 mai 2021, le SPC a supprimé le gain potentiel pris en compte pour l’épouse de l'assuré dès le 1er janvier 2020 et maintenu le gain potentiel pour celle-ci dès le 1er juillet 2016, soit pour la période suivant la fin des indemnités journalières qu’elle avait touchées de l'assurance-chômage. Dès le 1er août 2018, un gain potentiel s'ajoutait aux gains effectifs réalisés par l’épouse de l’assuré.

C. a. L'assuré a interjeté recours le 30 juin 2021 auprès de la chambre de céans contre la décision sur opposition précitée, concluant à ce qu'il soit dit qu'aucun gain potentiel ne devait être retenu pour son épouse dès le 1er février 2014.

b. Par arrêt du 24 août 2022 (ATAS/807/2022), la chambre de céans a considéré que l'état de santé de l'épouse du recourant n’avait pas d’impact sur sa capacité de gain et que c’était à raison que l’intimé avait tenu compte d’un revenu hypothétique de celle-ci dans son calcul des prestations complémentaires.

Elle a constaté que l'état de santé du recourant le rendait très dépendant de son épouse, qui s’occupait seule de leurs enfants et qu’il se justifiait en conséquence de retenir que du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2019, seule une activité lucrative de 80% pouvait être exigée d'elle. Par ailleurs, aucun revenu hypothétique ne devait être retenu pour les mois de novembre 2017 à juin 2018, durant lesquels l'épouse de l'assuré était au bénéfice d'une mesure d'aide au placement.

La chambre a ainsi admis partiellement le recours et renvoyé la cause à l'intimé afin qu'il procède au recalcul des prestations complémentaires.

D. a. Par décision sur opposition du 28 novembre 2022, annulant et remplaçant la décision sur opposition du 31 mai 2022, le SPC a, en exécution de l’arrêt précité, pris en compte :

-          du 1er juillet au 31 décembre 2016, un gain potentiel pour l’épouse de l’assuré de 80% de CHF 48'780.-, sur la base des ESS (Enquête suisse sur la structure des salaires), soit CHF 39'024.56 ;

-          du 1er janvier au 31 octobre 2017, un gain potentiel à 80% de CHF 50'440.10, soit CHF 40'352.08 ;

-          du 1er novembre 2017 au 30 juin 2018, aucun gain potentiel en raison de la mesure d’aide au placement ;

-          du 1er juillet au 31 décembre 2018, un gain d’activité de CHF 9’4035.60 (CHF 3'931.50 x 12/5) et un gain potentiel de CHF 31'255.76, soit 80% de CHF 50'864.20 = CHF 40'691,36 - CHF 9’4035.60 ;

-          du 1er janvier au 31 décembre 2019, un gain d’activité lucrative de CHF 14'854.05 et un revenu hypothétique soit CHF 26'037.23, soit 80% de CHF 51'114.10 = CHF 41'891.28 - CHF 14'854.05.

L’opposition était ainsi partiellement admise. Il résultait des nouvelles rectifications un solde final en faveur de l’assuré de CHF 18'917.-.

b. L’assuré a formé recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre de céans le 16 janvier 2023, concluant à un nouveau calcul de son droit aux prestations prenant en compte des frais de garde hypothétiques à hauteur CHF 9'360.- pour chaque période durant laquelle un gain potentiel avait été pris en compte, avec suite de dépens.

L’intimé avait en effet omis de tenir compte de la présence dans son ménage d’un enfant de moins de 13 ans, pour lequel des frais de garde hypothétiques devaient être déduits en cas de prise en compte d’un revenu hypothétique, conformément aux directives en la matière.

c. Le 14 février 2023, l’intimé a considéré qu’eu égard aux constatations émises par la chambre de céans dans son arrêt, le taux d’activité de 80% raisonnablement exigible tenait déjà compte des charges de familles, notamment de la présence de trois enfants dont le cadet était âgé de 10 ans en 2016. Le recours ayant pour objectif de contester les constatations de la chambre de céans et de réviser le jugement rendu le 24 août 2022, l’intimé concluait à son rejet.

d. Le recourant a encore fait valoir que la chambre de céans n’avait pas eu à se pencher sur la question des frais d’obtention du revenu dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’arrêt du 24 août 2022. La chambre de céans avait tranché le principe de la prise en compte d’un gain potentiel et le pourcentage d’activité raisonnablement exigible, mais pas le montant du gain potentiel, ni les dépenses reconnues en découlant. L’intimé devait donc en exécution de l’arrêt, définir le montant du gain potentiel et les éventuels frais légitimes d’obtention du revenu. Les frais de garde hypothétiques étaient des frais d’obtention du revenu liés au fait que l’exercice d’une activité professionnelle conforme au gain potentiel défini par l’intimé exigeait de faire garder ses enfants pour le réaliser. La prise en compte de ces frais de garde hypothétique était prévue par les directives applicables en la matière. Il était établi que le recourant peinait déjà à s’occuper de lui-même et qu’il ne pouvait en aucun cas s’occuper des enfants. Leur garde par un tiers à midi et après l’école était donc nécessaire pour que son épouse puisse travailler.

e. Il ne s’agissait donc pas de réviser l’arrêt de la chambre de céans dans la procédure, puisqu’elle ne s’était pas prononcée sur cette question qui ne lui avait pas été soumise. Le recourant ne pouvait en effet anticiper au stade de la première procédure qu’il devait d’ores et déjà se prémunir et plaider sur une éventuelle mauvaise application des directives par l’intimé s’agissant des dépenses reconnues.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable.

3.              

3.1 La décision querellée est une décision d’exécution de l’arrêt de la chambre de céans du 24 août 2022. Dans cet arrêt, la chambre a réformé partiellement la décision sur opposition rendue par l’intimé le 31 mai 2021, qui retenait des gains potentiels à 100% pour l’épouse du recourant du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2019, et considéré, notamment, que seule une activité lucrative de 80% pouvait être exigée de celle-ci et par conséquent que c’était un gain potentiel de 80% et non 100%, qui devait être pris en compte.

Il convient de déterminer en premier lieu si le recourant peut à ce stade de la procédure faire valoir que des frais de garde hypothétiques soient pris en compte dans les nouveaux calculs de l’intimé.

3.2 L'autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure entre les mêmes parties, une prétention identique à celle qui a été définitivement jugée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.1.2). L'autorité de chose jugée signifie que l’arrêt est obligatoire et ne peut plus être remis en question ni par les parties, ni par les autorités judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2007 du 23 janvier 2008 consid. 4.2). En règle générale, seul le dispositif d'un jugement est revêtu de l'autorité de chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_20/2020 du 5 mai 2020 consid. 1.4). Toutefois, lorsque le dispositif se réfère expressément aux considérants, ceux-ci acquièrent eux-mêmes la force matérielle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_58/2012 du 8 juin 2012 consid. 4.2 et les références citées). De plus, la portée du dispositif ne peut souvent se déterminer qu’en fonction des motifs (ATF 123 III 16 consid. 2a ; ATF 116 II 738 consid. 2a).

Il y a identité de l'objet du litige quand, dans l’un et l'autre procès, les parties soumettent au tribunal la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3 p. 1 30; 1 1 6 II 738 consid. 2a p. 743). L’identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (ATF 142 III 210 consid. 2.1 p. 213, 128 III 284 consid. 3b p. 286; 123 III 1 6 consid. 2a p. 1 8; 1 21 III 474 consid, 4a p. 477).

L'identité de l'objet s'étend en outre à tous les faits qui font partie du complexe de faits, y compris les faits dont le juge n'a pas pu tenir compte parce qu'ils n'ont pas été allégués, qu’ils ne l'ont pas été selon les formes et à temps ou qu’ils n'ont pas été suffisamment motivés (ATF 1 39 III 1 26 consid. 3.1 ; 1 1 6 Il 738 consid. 2b).

3.3 En l’occurrence, il convient de constater que lors de son premier recours contre la décision sur opposition du 31 mai 2021, qui a fait l’objet de l’arrêt de la chambre de céans du 24 août 2022 et qui retenait des gains potentiels pour son épouse, le recourant n’a pas fait valoir que l’intimé aurait dû retenir des frais de garde hypothétiques. Certes, il concluait à ce qu’aucun gain potentiel ne soit retenu pour son épouse, de sorte que s’il avait eu gain de cause, la question des frais de garde ne se posait pas. Cela étant, il aurait pu et dû l’alléguer à titre subsidiaire, ne pouvant exclure que les gains potentiels soient confirmés par la chambre de céans. Il en résulte que le recourant ne peut plus le demander dans le cadre de son recours contre la nouvelle décision sur opposition rendue par l’intimé, en exécution de l’arrêt de la chambre de céans, en raison du principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, il remet ainsi en cause, dans une nouvelle procédure entre les mêmes parties, la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits.

4.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le