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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3603/2022

ATAS/445/2023 du 14.06.2023 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3603/2022 ATAS/445/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 juin 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______, soit pour elle ses parents, B______ et C______ représentée par Me Thierry STICHER, avocat

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ai-après : l’intéressée ou la recourante), née le ______ 1995, souffre depuis sa naissance d’une infirmité motrice cérébrale (IMC) qui la rend totalement dépendante de tiers dans tous les actes de la vie courante. De ce fait, elle est depuis 2013 sous curatelle de portée générale, ses parents ayant été désignés en qualité de co-curateurs.

b. Le 20 novembre 2014, les curateurs ont déposé une demande de prestations auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) pour le compte de l’assurée.

c. Le 28 novembre 2014, l’établissement D______ a adressé au SPC un « avis d’intégration/de mutation EPH ». Il y était fait état de ce que l’intéressée fréquenterait ledit établissement à 100% dès le 1er décembre 2014. Sous la rubrique « type de prestation(s) » du formulaire était cochée la rubrique « CdJ ».

d. Par décision du 26 février 2015, le SPC a octroyé à l’intéressée des prestations complémentaires (ci-après : PC) cantonales et fédérales (correspondant au total à CHF 67'936.- pour 2015), ainsi qu’un subside d’assurance-maladie dès le 1er décembre 2014. Le calcul joint à la décision faisait état, sous le poste « dépenses reconnues » d’un prix de pension (CHF 86'140.- pour 2015) et d’un forfait pour dépenses personnelles (CHF 5'400.- pour 2015).

e. Par la suite, l’intéressée a reçu chaque année une décision confirmant le maintien des PC et du subside d’assurance-maladie et comportant en annexe un « plan de calcul des prestations complémentaires » mentionnant, sous le poste « dépenses reconnues » les mêmes rubriques que précédemment, soit un prix de pension et un forfait pour dépenses personnelles.

Chacune de ces décisions invitait l’intéressée à contrôler attentivement les montants indiqués dans le plan de calcul joint pour s’assurer qu’il correspondait bien à la situation en vigueur. Elle rappelait également qu’il appartenait à la bénéficiaire de signaler sans délai les changements intervenant dans la situation personnelle ou financière, toute omission ou retard à cet égard pouvant entraîner une demande de restitution des prestations.

f. Par courrier du 8 février 2021, suite à une demande de divers renseignements et pièces de la part du SPC dans le cadre de la première révision périodique du dossier, les parents de l’intéressée indiquaient que leur fille était entrée au centre de jour de D______ le 1er décembre 2014 à raison de cinq jours par semaine, de 8h00 à 17h00.

g. Suite à ce courrier, le SPC a sollicité, par plis des 15 février, 19 avril et 12 mai 2021, divers documents dont des extraits de comptes bancaires de l’intéressée, la copie du bail de la famille et de ses avenants et les justificatifs de la participation de l’intéressée au loyer depuis 2014, ainsi que le contrat d’accueil avec D______.

h. Le 5 juillet 2021, les parents de l’intéressée ont transmis au SPC son contrat d’accueil au centre de jour de D______. Ils ont indiqué qu’ils n’étaient en revanche pas en mesure de produire des relevés bancaires concernant spécifiquement l’intéressée, dans la mesure où elle vivait avec eux depuis sa naissance et n’avait pas de compte spécifiquement pour elle. Ils prenaient en charge ses frais personnels sans conserver de justificatifs. Ils produisaient néanmoins des relevés bancaires sur lesquels étaient mentionnées les différentes factures réglées pour leur fille.

Les parents indiquaient encore qu’il n’était pas possible de fournir le bail du logement, ni les preuves de participation au loyer de leur fille, dans la mesure où le logement faisait partie d’une exploitation agricole comprenant, sans distinction, un bâtiment d’habitation, des bâtiments agricoles et des terres. Les parents de l’intéressée étaient en outre propriétaires de cette exploitation.

i. Par décision du 10 décembre 2021, le SPC a suspendu le droit aux PC, au subside d’assurance-maladie ainsi qu’au remboursement des frais médicaux dès le 1er décembre 2021, dans le cadre de la révision périodique du dossier.

j. Par courriel du 28 janvier 2022, le SPC a soumis le cas de l’intéressée à l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : l’OFAS) afin d’obtenir son avis quant aux suites à y donner.

Il exposait que lors du traitement de la demande initiale de prestations, il avait été tenu compte, de manière erronée, d’une résidence permanente au foyer D______ et non pas d’une fréquentation quotidienne au centre de jour dudit foyer. Sur la base de cette information erronée, un montant d’environ CHF 397'000.- avait été versé aux parents de l’intéressée entre 2015 et 2020.

Avant de rendre une décision de restitution, le SPC avait sollicité des renseignements complémentaires de la part des parents. Il était notamment ressorti des justificatifs produits que les PC touchées avaient notamment servi à payer les dépenses suivantes de l’intéressée :

-          Frais de foyer de jour (environ CHF 2'500.- par mois) ;

-          Factures liées à l’association « Cérébrale » (environ CHF 2'000 par mois) ;

-          Factures liées aux installations pour les personnes handicapées (siège pour escaliers, axenseur, etc.) ;

-          Frais médicaux et dentaires, étant précisé qu’aucune facture pour frais médicaux n’avait été adressée au SPC ;

-          Frais de transporteurs professionnels (environ CHF 1'200.- par mois) ;

-          Divers.

Le SPC souhaitait savoir s’il convenait de solliciter une restitution, dans la mesure où les curateurs auraient dû se rendre compte que les montants versés dépassaient largement les factures du centre de jour, ou s’il convenait d’octroyer une remise, les curateurs ayant fait confiance à la décision erronée du SPC et ayant possiblement utilisé les prestations perçues pour le bien de leur fille, pensant par ailleurs qu’il s’agissait du montant effectivement dû.

k. Le 10 février 2022, l’OFAS a invité le SPC à rendre une décision de restitution de prestations indûment touchées puis d’examiner dans un second temps, dans le cadre d’une seconde décision, si une remise était justifiée.

L’OFAS a également recommandé que le SPC rencontre les curateurs afin de leur expliquer la situation.

l. Par décision du 1er avril 2022, le SPC a communiqué aux parents de l’intéressée qu’après avoir appris « le retour à domicile » de celle-ci, le versement des prestations calculées selon le barème des personnes en institutions devait être interrompu avec effet au 31 mai 2021.

m. Par décision du 25 avril 2022, le SPC a sollicité la restitution de la somme de CHF 400'799.-.

Pour la période du 1er décembre 2014 au 31 mai 2021, l’intéressée avait touché la somme de CHF 469'837.- calculée sur la prémisse erronée qu’elle logeait en foyer. Dans la mesure où elle avait en réalité été logée et domiciliée chez ses parents durant cette période, se rendant uniquement en foyer de jour pendant la semaine, son droit au PC s’élevait en fait à CHF 69'058.-. Indûment versée, la différence entre les prestations dues et celles reçues devait être restituée.

Le SPC soulignait que les parents auraient dû procéder à un contrôle plus attentif des montants indiqués dans les plans de calculs annuels joints aux décisions. Il leur aurait ainsi été loisible de constater que la prise en compte d’un prix de pension dans chacun des plans de calcul accompagnant les décisions annuelles était erronée tant dans son principe (l’intéressée vivant avec eux) que dans son montant (le prix de la pension ne correspondant pas aux factures du centre de jour).

n. L’intéressée a formé opposition à cette décision par l’intermédiaire de son conseil et conclu à la péremption de la demande de restitution. L’erreur de calcul était entièrement imputable au SPC, qui aurait en outre pu la déceler lors de n’importe quelle révision périodique, ce qu’il n’avait jamais fait entre 2015 et 2021. Pour le surplus, il n’était pas possible pour les parents de l’assurée, des gens simples issus du monde de l’agriculture, de déceler l’erreur du SPC, les décisions d’octroi de prestations ne donnant aucune explication sur les montants. Enfin, le nouveau calcul était de toute manière erroné car il ne prenait pas en compte les frais de transport, les frais du centre de jour et les frais d’hébergement chez les parents. Une demande de remise était également formée dans le cadre de l’opposition.

o. Par décision sur opposition du 7 octobre 2022, le SPC a partiellement admis l’opposition.

Concernant le délai de prescription relatif, il était relevé que ce n’était que le 8 février 2021, suite aux explications fournies par ses parents dans le cadre de la révision périodique que le SPC s’était rendu compte que l’intéressée vivait depuis toujours auprès de ses parents et non pas en pension. S’agissant de l’élément fondant le droit à restitution des prestations indûment perçues, c’était donc au plus tôt à partir du 8 février 2021 que le délai de prescription relatif de trois ans avait commencé à courir. L’expédition des décisions querellées en date du 26 avril 2022 n’était donc pas tardive.

Quant à la péremption absolue, elle était de sept ans et non de cinq ans dans la mesure où les parents de l’intéressée auraient pu et dû se rendre compte que les PC versées en faveur de leur fille étaient largement supérieures à celles auxquelles elle pouvait réellement prétendre. À réception de la décision initiale de prestations complémentaires, ils avaient reçu toutes les informations nécessaires à faire valoir les frais médicaux et autres prestations en nature auxquels leur fille pouvait avoir droit. Par ailleurs, vu les montants importants relatifs au forfait pension, il apparaissait peu vraisemblable que les parents ne se soient pas rendus compte que le SPC prestait trop. Enfin, il semblait qu’une partie des prestations versées avait été manifestement utilisée à d’autres fins que le simple entretien de l’intéressée.

Au vu de ces éléments, seules étaient donc prescrites les prestations versées entre le 1er décembre 2014 et le 31 mars 2015, qui étaient donc déduites de la demande de restitution, ramenée à CHF 380'214.-.

Concernant ensuite les frais de logement, le SPC a rappelé que l’intéressée vivait dans une maison dont ses parents étaient propriétaires. En outre, jusqu’à fin décembre 2018, aucune valeur locative n’était retenue par l’administration fiscale, de sorte que, conformément aux directives de l’OFAS concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : les DPC), il convenait de prendre en compte, pour cette période, uniquement les frais de chauffage. Ceux-ci correspondaient à un montant annuel de CHF 1'680.-. L’intéressée partageant le logement avec ses parents et son frère, il lui incombait de participer à hauteur d’un quart de ce forfait annuel, soit CHF 420.- par an. Dès janvier 2018, l’avis de taxation immobilier faisant état d’une valeur mobilière de CHF 6'099.-, celle-ci devait être ajoutée au forfait de chauffage, aboutissant à une quote-part annuelle totale de CHF 1'944.75 (soit forfait chauffage + valeur locative / 4 personnes). Enfin, suite au départ du domicile familial du frère de l’intéressée, ce montant annuel était porté à CHF 2'593.- (soit forfait chauffage + valeur locative / 3 personnes). Au total, un montant de CHF 8'229.- de rétroactif de prestations était dû à l’intéressée pour ses frais de logement relatifs à la période du 1er avril 2015 au 31 mai 2021. Ce montant était retenu en compensation par le SPC.

Enfin, concernant les frais médicaux dont les parents de l’intéressée n’avaient jamais sollicité le remboursement au SPC, ceux-ci s’élevaient à CHF 150’178.- pour la période du 1er avril 2015 au 31 mai 2021. Cette somme devait également être déduite du montant dont la restitution était demandée.

Au final, le solde dont la restitution était demandée par le SPC s’élevait donc à CHF 221'807.-. Pour le surplus, la décision sur opposition précisait que la demande de remise de l’obligation de restituer ce solde serait tranchée ultérieurement.

B. a. L’intéressée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision du SPC le 1er novembre 2022. Elle a conclu, à titre principal, à son annulation et à la constatation que la demande de restitution était prescrite, respectivement périmée pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2022. Le litige résultait d’une erreur du gestionnaire de l’intimé qui avait retranscrit que l’intéressée séjournait de manière permanente à D______, alors que le formulaire indiquait explicitement qu’elle fréquentait uniquement le « CdJ », soit le centre de jour. L’intimé n’avait jamais sollicité d’informations complémentaires à cet égard et il ne ressortait du dossier aucun élément permettant d’inférer que la recourante séjournait de manière permanente à D______. À teneur de son courriel du 28 janvier 2022 à l’attention de l’OFAS, l’intimé avait par ailleurs reconnu que l’erreur pouvait être décelée déjà en 2016. Partant, dans la mesure où, jusqu’au 31 décembre 2020, le délai de péremption relatif était d’un an, la demande de restitution était prescrite dès 2017. La décision du 1er avril 2022 était donc tardive.

Subsidiairement, la recourante a conclu à la constatation de la péremption, respectivement la prescription de toutes les prétentions en restitution de prestations antérieures au 26 avril 2017. En effet, au vu des circonstances, aucune infraction pénale ne pouvait être reprochée à la recourante, de sorte que le délai de péremption absolu était de cinq ans et non sept, comme retenu par l’intimé.

Il était relevé qu’aucune facture ni aucune information n’avait été sollicitée par l’intimé avant le 15 janvier 2021 concernant le séjour à D______ et il n’apparaissait aucune raison objective de les fournir spontanément. Pour le surplus, les parents avaient toujours répondu aux demandes de l’intimé et aucun manquement ne pouvait leur être reproché à cet égard. Pour ce qui était du montant octroyé mensuellement, il ne semblait pas manifestement déraisonnable au vu de la situation. Les parents de l’intéressée avaient légitimement pensé qu’il couvrait l’intégralité des dépenses, soit non seulement la moyenne de CHF 2'000.- de frais de séjour auprès du centre de jour, mais également les frais médicaux, frais de transport, l’hébergement à domicile, etc. Dans cette logique, ils n’avaient d’ailleurs jamais sollicité le remboursement de frais médicaux.

Concernant enfin le calcul des PC dues durant la période litigieuse, la recourante contestait exclusivement le calcul des frais d’hébergement pour la période de 2015 à 2017, lesquels tenaient uniquement compte des frais de chauffage. Or, durant cette période, les parents de la recourante n’étaient pas encore propriétaires de la demeure familiale et s’acquittaient annuellement, selon leur déclaration fiscale 2013, d’un fermage de CHF 13'704.- et de frais d’entretien de CHF 972.- en lien avec la parcelle agricole et l’habitation dont il était question. Ces montants devaient être pris en compte dans le calcul des frais d’hébergement.

b. L’intimé a répondu au recours le 14 décembre 2022, concluant à son rejet.

Admise, l’erreur de la décision initiale du 26 février 2015 ne pouvait être décelée avant la révision périodique entreprise en octobre 2020, plus spécifiquement avant les explications fournies par les curateurs de la recourante le 8 février 2021. Les décisions rendues les années précédentes ne permettaient pas de s’en rendre compte, s’agissant de simples adaptations des droits aux nouveaux prix et barèmes déterminants. Partant, le délai de péremption relatif avait bien commencé à courir le 8 février 2021 au plut tôt.

Quant au délai de péremption absolu, depuis le versement de chaque prestation, il était de sept ans et non de cinq ans, le comportement des parents de l’intéressée étant constitutif d’escroquerie et d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale au sens du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP -RS 311.0), subsidiairement, d’une violation des dispositions pénales de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30). Ils n’avaient en effet jamais attiré l’attention du SPC, avant la révision périodique, sur le fait que leur fille ne se trouvait pas en pension, alors qu’ils bénéficiaient du calcul home effectué à tort. En outre, vu les montants en jeu et dans la mesure où des dépenses des curateurs avaient été faites en partie en leur propre nom et en se servant de leurs propres comptes bancaires, il paraissait peu crédible qu’ils n’aient pas eu conscience du fait que l’intimé versait des prestations largement supérieures à celles auxquelles leur fille pouvait prétendre.

Enfin, concernant les frais de logement pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2017, c’était à juste titre et en conformité avec les DPC qu’à défaut de valeur locative, l’intimé les avait calculés uniquement sur la base des frais de chauffage.

c. Le 21 décembre 2022, la recourante a souligné que le dies a quo du délai de péremption relative se situait au plus tard quatre ans après le début du versement des PC, l’intimé ayant l’obligation légale de vérifier chaque dossier de manière approfondie dans ce délai. Le délai de péremption d’un an était ainsi échu au plus tard en 2018, soit avant la décision de restitution, mais également avant l’entrée en vigueur de la modification législative prolongeant dit délai de péremption d’un à trois ans.

Concernant le délai absolu de sept ans, il était contesté qu’il s’applique, faute d’infraction pénale des parents de la recourante qui avaient fourni d’emblée l’ensemble des éléments demandés, n’avaient jamais fait de fausse déclaration, induit en erreur l’administration ni eu l’intention de le faire. Il s’agissait de personnes authentiques et foncièrement honnêtes, mais sans connaissances particulières en matière administrative. Ils avaient été confrontés à des décisions relativement complexes de l’intimé, ne mentionnant nullement qu’il avait été tenu compte, pour leur fille, d’un domicile en home plutôt que d’un domicile privé. Afin de confirmer ces éléments, leur audition par la chambre de céans était sollicitée.

d. Sur ce la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LPC . Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La novelle du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dans la mesure où les présents recours n’étaient pas pendants à cette date, ils sont soumis au nouveau droit (art. 82a LPGA a contrario).

La législation sur les prestations complémentaires a également connu des modifications, entrées en vigueur le 1er janvier 2021.

Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1). Le droit aux prestations complémentaires doit ainsi être analysé selon la législation en force durant la période qu’elles concernent.

3.             Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

4.             Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de restitution de prestations complémentaires que l’intimé a adressée à la recourante pour la période du 1er décembre 2014 au 31 mai 2021.

5.              

5.1 En vertu de l'art. 25 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2). Depuis le 1er janvier 2021, le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 2 1ère phr. LPGA dans sa nouvelle teneur dès cette date).

L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 134 V 353 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_540/2014 du 5 janvier 2015, consid. 3.1). Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le délai de péremption relative ou absolue en vertu de l’ancien art. 25 al. 2 LPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée.

Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références).

5.2 Le délai de péremption relatif commence à courir dès le moment où l'administration aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et les références; ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références; ATF 139 V 6 consid. 4.1 et les références). Cette jurisprudence vise un double but, à savoir obliger l'administration à faire preuve de diligence, d'une part, et protéger l'assuré au cas où celle-ci manquerait à ce devoir de diligence, d’autre part (ATF 124 V 380 consid. 1). L'administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde - quant à son principe et à son étendue - la créance en restitution à l'encontre de la personne tenue à restitution (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et 5.2.1 et les références; ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références; ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références). Si l'administration dispose d'indices laissant supposer l'existence d'une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). A titre d'exemple, le Tribunal fédéral a considéré dans le cas de la modification des bases de calcul d'une rente par une caisse de compensation à la suite d'un divorce qu'un délai d'un mois pour rassembler les comptes individuels de l'épouse était largement suffisant (SVR 2004 IV N°41, consid. 4.3). A défaut de mise en œuvre des investigations, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où l’administration aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2. et les références). En revanche, lorsqu'il résulte d'ores et déjà des éléments au dossier que les prestations en question ont été versées indûment, le délai de péremption commence à courir sans qu'il y ait lieu d'accorder à l'administration du temps pour procéder à des investigations supplémentaires (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_754/2020 du 11 juin 2021 consid. 5.2 et les références).

Lorsque le versement de prestations indues repose sur une erreur de l'administration, le délai de péremption relatif d'un an n'est pas déclenché par le premier acte incorrect de l'office en exécution duquel le versement est intervenu. Au contraire, selon la jurisprudence constante, il commence à courir le jour à partir duquel l'organe d'exécution aurait dû, dans un deuxième temps - par exemple à l'occasion d'un contrôle des comptes ou sur la base d'un indice supplémentaire - reconnaître son erreur en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger de lui (ATF 146 V 217 précité consid. 2.2 p. 220 et les références; arrêt 9C_877/2010 du 28 mars 2011 consid. 4.2.1). En effet, si l'on plaçait le moment de la connaissance du dommage à la date du versement indu, cela rendrait souvent illusoire la possibilité pour l'administration de réclamer le remboursement de prestations allouées à tort en cas de faute de sa part (ATF 124 V 380 consid. 1 p. 383; arrêts du Tribunal fédéral 8C_405/2020 du 3 février 2021 consid. 3.2.2 et 8C_799/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.4).

Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de préciser, dans un cas où une caisse de compensation avait fait une erreur lors de l'octroi des prestations complémentaires à un assuré, que l'on ne pouvait pas déduire de la circonstance que ces prestations étaient fixées pour la durée d'une année et recalculées annuellement que les services chargés de les fixer et de les verser devaient avoir raisonnablement connaissance de leur caractère erroné dans le cadre de leur examen périodique; en revanche, tel était le cas au moins tous les quatre ans lors du contrôle des conditions économiques des bénéficiaires au sens de l'art. 30 OPC-AVS/AI (RS 831.301). En effet, il ne pouvait pas être exigé des services compétents qu'ils procèdent à un contrôle annuel de chaque élément du calcul des prestations complémentaires de l'ensemble des bénéficiaires, ce pour quoi d'ailleurs l'art. 30 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) prévoyait un contrôle tous les quatre ans au moins (ATF 139 V 570 consid. 3.1 p. 572 s. et les références). Cela vaut mutatis mutandis pour le régime des allocations familiales, qui est également une administration de masse (arrêts précités 8C_405/2020 consid. 3.2.2 et 8C_799/2017 consid. 5.6).

6.             En l’espèce, l’intimé admet que le versement de prestations indues découle de sa propre erreur, consistant dans la prise en compte, lors de la décision initiale du 26 février 2015, d’un séjour de la recourante en pension à l’institution D______, alors qu’elle n’y fréquente depuis le début que le centre de jour du lundi au vendredi, en journée. L’erreur résulte d’une mauvaise retranscription d’un formulaire par un gestionnaire de l’intimé.

Dans un tel cas de figure, ce n’est pas le moment de l’erreur initiale qui déclenche le délai de péremption relatif, mais bien celui à partir duquel l’intimé aurait dû, dans un deuxième temps reconnaître son erreur en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger de lui.

Comme rappelé notamment dans l’arrêt 8C_405/2020, dans le cadre d’une administration de masse tel que celui des prestations complémentaires, ce moment ne correspond pas à celui de l’examen annuel mais bien à celui de la révision périodique prévue par l’art. 30 OPC, qui doit se dérouler au minimum tous les quatre ans, soit, in casu, au plus tard le 26 février 2019.

Le délai de péremption relatif, qui était alors d’un an conformément à l’ancienne teneur de l’art. 25 al.2 LPGA a donc échu le 26 février 2020, soit avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de la novelle de la LPGA portant ce délai à trois ans. La demande de restitution du 25 avril 2022 est donc tardive.

En ne lançant la procédure de révision périodique qu’en décembre 2020, soit presque six ans après la première décision d’octroi de prestations, l’intimé n’a pas fait preuve de la diligence requise. C’est d’autant moins le cas qu’il s’agissait en outre d’une première révision, que le montant des prestations mensuelles octroyées (à tort) était important et qu’il n’y avait pratiquement aucune pièce comptable au dossier (notamment des factures de D______), l’intimé n’en ayant jamais sollicité jusqu’alors.

7.             La demande de restitution est ainsi périmée. Eu égard à ce qui précède, le recours est admis et la décision du 7 octobre 2022 annulée.

Étant donné que la recourante obtient gain de cause, une indemnité de CHF 2’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens, à charge de l’intimé (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA ; RS E 5 10.03).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 LPGA et 89H al. 1 LPA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition de l’intimé du 7 octobre 2022.

4.      Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2’500.- à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le