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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3812/2022

ATAS/446/2023 du 14.06.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3812/2022 ATAS/446/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 juin 2023

Chambre 4

 

En la cause

A_______,

représentée par Inclusion Handicap, mandataire

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A_______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1981, originaire du Portugal, en Suisse depuis 2004, mariée et mère de deux enfants nés les ______ 2005 et ______ 2011.

B. a. Elle a demandé des prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) le 10 décembre 2013 en raison d’une incapacité de travail à 100% dès le 25 novembre 2013 pour des problèmes de vision.

b. À teneur d’un rapport établi le 17 juin 2014 par les Établissements publics pour l’intégration (ci-après : les ÉPI), l’assurée avait effectué un stage d’une manière totalement satisfaisante du point de vue « employeur ». Elle était active et demandeuse. Elle avait mené à terme toute les activités proposées, même si certaines d’entre elles avaient été adaptées à sa vision et si le temps avait été parfois dépassé. Plutôt en sur-adaptation qu’attentiste et réservée, elle devrait peut-être mieux surveiller ses efforts pour tenir sur la distance. Une fatigue visuelle avait été souvent présente en fin d’activité.

c. À teneur d’un rapport établi par les ÉPI le 27 août 2015, un stage avait été organisé à B_______, où l’assurée avait dû s’occuper de l’achalandage des rayons. Après une période d’adaptation, elle s’était sentie plus à l’aise et avait accompli ses tâches à la satisfaction de son responsable, mais à un rythme plus lent que ses collègues, à cause de sa mauvaise vue qui l’obligeait à tout vérifier et faire des manipulations supplémentaires. Le responsable avait constaté qu’elle était fatiguée en fin de semaine, ce qui avait été confirmé par l’assurée, qui avait précisé qu’après une demi-journée, elle avait la tête qui tournait. Après six semaines de stage, l’assurée se plaignant de manière récurrente de maux de tête et supportant difficilement l’agitation et le bruit du magasin parce qu’elle n’arrivait plus à récupérer, il avait été décidé d’interrompre le stage et il fallait tirer la conclusion qu’une activité de vendeuse n’était pas adaptée à ses limitations fonctionnelles.

d. Selon un rapport établi par les ÉPI le 23 novembre 2015, un stage avait été organisé à son atelier de réentraînement, qui avait dû être interrompu après cinq jours, car l’assurée ne souhaitait plus le poursuivre après un premier arrêt de travail. Elle avait expliqué que les tâches qui lui avaient été attribuées lui avaient causé des maux de tête et que l’environnement de travail de l’atelier n’était pas adéquat à cause de la lumière et du bruit, malgré une adaptation du poste (déplacement de l’établi et bouchons d’oreilles). Elle était sortie des effectifs avant le terme du mandat, le 18 octobre 2015.

e. À teneur d’un rapport de « surveillance-MOP (mesures d’ordre professionnel) » du 22 avril 2016, le mandat de réadaptation était fermé, car il n’y avait pas d’activité sur le marché du travail ordinaire adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée.

f. Le docteur C_______, spécialiste FMH en ophtalmologie, a indiqué à l’OAI, le 15 décembre 2016, que la capacité de travail de l’assurée était de 100% si elle pouvait trouver un travail qui ne nécessitait pas une visualisation des détails et trop de lumière.

g. Dans un rapport du 22 mars 2018, le Dr C_______ est revenu sur ses dernières conclusions, estimant que la capacité de travail de l’assurée était plutôt de 50%.

h. À teneur d’un rapport du 9 juillet 2018 établi par l’organisation romande pour l’intégration et la formation professionnelle (ci-après : l’ORIF), dans le cadre du stage effectué par l’assurée du 19 mars au 15 juin 2018, celle-ci avait fait preuve d’une réelle volonté pour retrouver une place dans l’économie. Toutefois, l’exigibilité de 50% fixée dans les objectifs de la mesure n’avait pu être atteinte, en raison d’une trop grande fatigabilité entraînant de forts maux de tête et un épuisement physique trop important, selon l’assurée.

i. Selon une note de travail du 17 août 2018 de l’OAI, l’assurée avait terminé sa mesure à l’ORIF le 15 juin 2018. Elle avait poursuivi son stage auprès de D_______ jusqu’au 6 juillet 2018. Au niveau de la réadaptation, le tour de ce qui était possible avait été fait et il était constaté qu’elle n’arrivait pas à faire plus de 30 à 35% d’activité et que, même à ce taux, cela était difficile pour elle, en raison de ses maux de tête chroniques et de sa fatigabilité importante. Selon les observations faites, l’assurée arrivait à sa limite bien au-dessous d’un 50%.

j. Selon un rapport final du 4 septembre 2018, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) concluait, au vu des pièces au dossier et en particulier du rapport du Dr C_______ du 22 mars 2018, qu’il fallait accepter la dernière estimation de celui-ci, soit une capacité de travail dans une activité adaptée de 50%, avec une aptitude à la réadaptation dès juin 2016.

k. Par décision du 25 avril 2019, l’OAI a octroyé à l’assurée une demi-rente du 1er novembre 2014 au 30 septembre 2015. Son statut était celui d’une personne se consacrant à 50% à une activité professionnelle et à 50% à l’accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage. À l’issue de l’instruction médicale, le SMR lui reconnaissait une capacité de travail de 100% dans son activité habituelle dès le 25 novembre 2013, début du délai d’un an, et de 0% dans une activité adaptée à son état de santé dès le 23 juin 2015, puis de 50% dès juin 2016. Son taux d’invalidité était de 0%, puis de 23% dès janvier 2018, ce qui n’ouvrait pas à l’assurée le droit à une rente d’invalidité.

l. Le 20 mai 2019, l’assurée a formé recours contre la décision de l’OAI, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans).

m. Le 5 février 2020, l’assurée a informé l’OAI du fait que sa nouvelle ophtalmologue, la docteure E_______, spécialiste FMH en ophtalmologie, avait confirmé la dégradation de sa vision depuis les derniers examens réalisés en 2019, et demandé le réexamen de sa capacité de travail et de gain. Elle produisait un rapport établi par la Dre E_______ le 31 janvier 2020.

n. Le 7 février 2020, l’OAI a informé l’assurée que comme une procédure de recours était en cours, il ne pouvait se prononcer sur sa nouvelle demande de rente et qu’il examinerait sa demande à la fin de la procédure judiciaire.

o. Par arrêt du 22 décembre 2021 (ATAS/1341/2021), la chambre de céans a annulé la décision de l’OAI du 25 avril 2019 et dit que l’assurée avait droit à une demi-rente d’invalidité du 1er novembre 2014 au 30 septembre 2015 et dès janvier 2018, sous déduction des indemnités journalières versées du 18 avril au 18 octobre 2015. À tout le moins en 2018, l’assurée aurait travaillé à 80% sans atteinte à la santé et il fallait lui reconnaître un statut mixte avec une part professionnelle de 80%. C’était à juste titre que l’intimé n’avait pas retenu d’abattement supplémentaire au revenu avec invalidité, un abattement de 20% ne se justifiant pas. La chambre de céans a confirmé la décision querellée en tant qu’elle octroyait une demi-rente à l’assurée pour la période du 1er novembre 2014 au 30 septembre 2015 en retenant un statut d’une personne se consacrant à 50% à une activité professionnelle et à 50% à l’accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage et une incapacité de travail totale. S’agissant de la période courant dès le 1er octobre 2015, elle a estimé que l’assurée était capable de travailler à 30% dans une activité adaptée, en se fondant sur un rapport établi le 29 juillet 2016 par le docteur F_______, spécialiste FMH en médecine interne générale, qu’elle considérait davantage probant que l’appréciation du SMR du 31 mai 2021. Le taux d’invalidité global de l’assurée était de 16.5%, ce qui ne lui ouvrait pas le droit à une rente d’invalidité.

Dès janvier 2018, le taux devait être recalculé avec un statut mixte (80% - 20%) et la nouvelle méthode de calcul en tenant compte d’une capacité de travail résiduelle de 30%. Cela donnait un taux d’invalidité global de 50% qui ouvrait à la recourante le droit à une demi-rente d’invalidité dès janvier 2018.

C. a. Le 14 février 2022, l’OAI a accusé réception d’une demande de prestations formée par l’assurée le 5 février 2020 et l’a informée qu’il considérait qu’il s’agissait d’une nouvelle demande suite à l’arrêt de la CJCAS du 28 décembre 2021, laquelle ne pourrait être examinée que s’il était rendu plausible que l’invalidité s’était modifiée de façon à influer ses droits depuis 2018.

b. Le 18 mars 2022, l’assurée a transmis à l’OAI des certificats médicaux de la Dre E_______ datés des 31 janvier 2020 et 2 mars 2022, faisant valoir qu’ils attestaient de la dégradation de son état de santé, qui avait déjà été annoncée à l’OAI au mois de février 2020. L’état de fait auquel cette dégradation devait être comparée était antérieur à la décision du mois d’avril 2019, qui avait été annulée et remplacée par l’arrêt de la chambre des assurances sociales du 22 décembre 2021.

Dans son rapport du 31 janvier 2020, la Dre E_______ indiquait que lors du dernier examen effectué le 20 janvier 2020, elle avait noté une baisse de l’acuité visuelle dans les deux yeux de l’assurée, mais de manière plus importante à l’œil gauche. Une topographie cornéenne du 24 janvier 2020 faisait suspecter une récidive du kératocône. Au vu de ses problèmes ophtalmologiques, la capacité de travail de l’assurée ne pouvait être que fortement réduite.

Dans son rapport du 2 mars 2022, la Dre E_______ indiquait que l’assurée se plaignait toujours de fluctuations de son acuité visuelle en cours de journée qui, lors d’efforts visuels soutenus, provoquaient des céphalées et une fatigue l’empêchant de se concentrer sur une tâche. De ce point de vue, la situation restait assez stable par rapport à l’examen effectué en janvier 2020.

c. Dans un avis du 28 mars 2022, le SMR a constaté que les rapports de la Dre E_______ indiquaient que la vision de l’œil gauche de l’assurée s’était détériorée autant de près que de loin et qu’il fallait demander des rapports à la Dre E_______, afin qu’elle se prononce sur la capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée, ainsi qu’au Dr F_______.

d. Dans un rapport du 24 mai 2022, le Dr F_______ a indiqué avoir vu l’assurée en consultation les 18 juin 2021 et 24 mai 2022. Elle avait des limitations au niveau de son acuité visuelle qui engendraient des céphalées, des maladresses et une hyper-concentration pour certains gestes. Elle effectuait les choses plus lentement que tout le monde avec un effort que l’on ne pouvait pas imaginer. Cela altérait clairement son rendement. En cas de reconversion professionnelle, ses troubles de la vision empêchaient de pouvoir suivre un processus d’apprentissage classique basé sur le visuel. L’assurée était inapte à 100% pour n’importe quel métier, car sa malvoyance influençait l’ensemble des critères nécessaires pour une activité professionnelle. Elle était complètement compliante tant du point de vue sa problématique ophtalmologique que du point de vue du soutien psychologique. Sur ce dernier point, elle ne nécessitait actuellement pas de traitement.

e. Dans un rapport du 27 juin 2022, la Dre E_______ a indiqué à l’OAI que l’assurée n’avait pas d’activité professionnelle actuellement. Les facteurs qui s’opposaient à une réadaptation étaient une mauvaise vision et une fluctuation de la vision ainsi que des troubles de la concentration. Il serait utile d’avoir un rapport du centre de réadaptation professionnelle qui avait évalué l’assurée lors de stages. Elle n’a pas répondu à la question de savoir combien d’heures de travail par jour on pouvait raisonnablement attendre de l’assurée dans une activité qui tienne compte de son atteinte à la santé.

f. Dans un avis du 29 août 2022, l’OAI a considéré qu’étant donné que la Dre E_______ s’en remettait au centre de réadaptation pour la capacité de travail résiduelle, il semblait raisonnable de maintenir une capacité de travail de 30% dans une activité adaptée.

g. Par projet de décision du 5 septembre 2022, l’OAI a refusé d’augmenter la rente d’invalidité de l’assurée. Au moment de l’octroi de sa demi-rente d’invalidité, l’exigibilité dans une activité adaptée était de 30% selon l’arrêt de la CJCAS du 22 décembre 2021 et l’invalidité avait été arrêtée à 54%.

Après instruction de la demande, l’OAI estimait que l’aggravation de l’état de santé de l’assurée n’avait pas été rendue plausible et qu’elle avait toujours une capacité de travail de 30% dans une activité adaptée. Cette évaluation confirmait la poursuite de son droit au versement d’une demi-rente.

h. Le 20 septembre 2022, l’assurée a formé opposition au projet de décision de l’OAI. Elle faisait valoir que la dégradation de son acuité visuelle avait été clairement documentée par les rapports de la Dre E_______ et celui du Dr F_______. Ce dernier estimait que la capacité de travail de l’assurée était nulle depuis 2020 quelle que soit l’activité envisagée. La Dre E_______ renvoyait aux conclusions des centres professionnels auprès desquels l’assurée avait fait des stages, lesquels avaient déjà montré toute la difficulté d’identifier une activité adaptée pour elle. Or, ces stages s’étaient déroulés avant la dégradation de son état de santé en 2020. Ils ne pouvaient donc être une base de détermination de la capacité de travail actuelle.

Si le SMR et l’OAI estimaient que les récents rapports produits par la recourante ne suffisaient pas à déterminer sa capacité de travail actuelle, de nouveaux stages devaient être organisés.

La question de la capacité de gain semblait avoir été éludée par l’OAI depuis de nombreux mois, sous prétexte qu’il convenait de préciser la capacité de travail. Or, la capacité de gain ne se confondait pas avec cette dernière. Que ce soit sous l’angle de la capacité de travail ou de gain, sa situation s’était modifiée depuis 2020, ce qui lui ouvrait le droit à une rente entière d’invalidité.

i. Par décision du 18 octobre 2022, l’OAI a rejeté la demande d’augmentation de rente et confirmé le droit de l’assurée à une demi-rente.

D. a. Le 15 novembre 2022, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans. Le SMR avait admis dans son avis du 29 août 2022 que son acuité visuelle était abaissée et fluctuante, sans retenir une aggravation, pour des motifs qui n’étaient pas très clairs. Il s’agissait ici d’une problématique ultérieure de fluctuation de son acuité visuelle au cours de la journée qui provoquait plus de céphalée et de fatigue. Cette dégradation s’inscrivait dans le contexte d’une capacité de travail déjà fortement altérée avec une capacité de travail de 30% et des limitations ayant fait obstacle à la réussite de toutes les mesures de réadaptation envisagées par l’OAI.

Conformément à la jurisprudence, les absences régulières du poste de travail pour cause de maladie devaient en principe être prises en compte lors de la détermination de l’étendue de la capacité de travail raisonnablement exigible. En revanche, des absences non prévisibles et difficilement calculables, telles que celles causées par des poussées de maladie pouvaient justifier un abattement sur le salaire statistique. La présence de fluctuations dans l’acuité visuelle en cours de journée était susceptible de causer des absences régulières du poste de travail. De ce fait, une incapacité plus importante devait être retenue (arrêts du Tribunal fédéral 8C_179/2018 du 22 mai 2018 consid. 4.2, 8C_631/2017 du 23 janvier 2018 consid. 4.4.1, 9C_414/2017 du 21 septembre 2017 consid. 4.3 et 9C_464/2007 du 25 janvier 2008 consid. 3.2.2).

Elle ne possédait pas de formation professionnelle et son ancienne activité de nettoyeuse ne lui était plus accessible. Ni l’intimé, ni les divers organismes et institutions intervenus lors de la phase de réadaptation n’avaient pu identifier des postes susceptibles de respecter son état de santé alors que sa capacité de travail était encore de 50%, puis de 30%. Compte tenu de l’importance de la dégradation constatée par la Dre E_______ depuis le début de l’année 2020, il était illusoire de penser qu’elle pourrait mettre en valeur sur le marché ordinaire de l’emploi une quelconque capacité de travail.

La recourante concluait à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er avril 2020 et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’intimé pour instruction complémentaire de sa capacité de gain au-delà du 1er janvier 2020 et nouvelle décision.

b. Le 15 décembre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours. Il apparaissait des renseignements recueillis dans le cadre de l’instruction que la vision de la recourante subissait des variations déjà avant la première décision de 2019 et que bien qu’une baisse ait été constatée, le caractère durable de celle-ci ne pouvait être établi avec certitude, les valeurs fluctuantes atteignant parfois les mesures anciennes.

La recourante indiquait encore que des céphalées et de la fatigue étaient apparues en lien avec l’aggravation alléguée de son état de santé. Ces plaintes ne pouvaient toutefois être considérées comme nouvelles. En effet, l’état de fait qui prévalait au moment de la décision d’avril 2019 faisait état de nombreuses plaintes pour desd maux de têtes, des vertiges et de la fatigue depuis 2014. Les rapports des ÉPI en faisaient également état. Les diagnostics de la recourante étaient restés sans changement et dans son dernier rapport du 27 juin 2022, la Dre E_______ se référait au centre de réadaptation professionnelle pour évaluer la capacité de travail résiduelle. Pour rappel, c’était les rapports des ÉPI qui avaient servi de base pour retenir un 30% dans une activité adaptée.

Au vu des éléments apportés, il n’y avait sur le plan médical aucune modification importante de la situation de la recourante.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, le litige porte sur le droit à l’augmentation du droit à la rente de la recourante, en raison d’une aggravation de son état de santé qui serait survenue antérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que ce sont les dispositions légales dans leur teneur jusqu’à cette date qui sont applicables.

3.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.             Lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (art. 87 al. 2 RAI).

L'exigence du caractère plausible d'une modification de l'état de santé susceptible d'influencer les droits de l'assuré doit permettre à l'administration qui a précédemment rendu une décision entrée en force, d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes, respectivement des demandes de révision dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 125 V 410 cons.2b, 117 V 198 cons. 4b et les références). Lorsqu'elle est saisie d'une demande de révision, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrer en matière. À cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe respecter. Le fait que l’administration procède d’elle-même à des investigations supplémentaires ne signifie pas encore qu’elle soit entrée en matière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_531/2013 du 10 juin 2014 consid. 4.2.4 ; 8C_1025/2010 du 28 mars 2011 consid. 2.4).

5.              

5.1 En l’espèce, l’intimé a estimé dans la décision querellée que l’aggravation de l’état de santé de la recourante n’avait pas été rendue plausible. Il a fondé cette décision sur une instruction sommaire de la demande, à savoir deux demandes de rapports complémentaires aux médecins traitants de la recourante. Son refus d’augmenter la rente d’invalidité du 18 octobre 2022 doit en conséquence être qualifié de décision de non-entrée en matière au sens de l’art. 87 al. 2 RAI.

5.2 Dans son avis du 28 mars 2022, le SMR a constaté que les rapports produits par la recourante indiquaient que sa vision de l’œil gauche s’était détériorée et a estimé nécessaire de demander à la Dre E_______ de se prononcer sur la capacité de travail résiduelle de la recourante dans une activité adaptée.

Dans son rapport du 27 juin 2022, cette dernière n’a pas répondu à la question posée de manière claire, indiquant qu’il serait utile d’avoir un rapport du centre de réadaptation professionnelle qui avait évalué l’assurée lors des stages.

Dans son avis du 29 août 2022, le SMR a considéré qu’étant donné que la Dre E_______ s’en remettait au centre de réadaptation pour la capacité de travail résiduelle, il semblait raisonnable de maintenir une capacité de travail de 30% dans une activité adaptée.

Cet avis n’est pas convaincant, car la Dre E_______ ne se référait manifestement pas aux constats faits lors des précédents stages de la recourante dans son rapport du 27 juin 2022, mais estimait qu’une nouvelle évaluation devait être faite pour déterminer la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée, suite à l’aggravation de son état. Cette dernière est en effet mentionnée pour la première fois par la Dre E_______ dans son rapport du 31 janvier 2020. L’aggravation invoquée est donc survenue postérieurement à la décision de l’intimé du 25 avril 2019, et donc après l’état de fait pris en compte par la chambre de céans dans son arrêt du 22 décembre 2021, de sorte que les constats faits lors des stages précédant cette décision n’étaient plus pertinents.

Le SMR avait manifestement déjà considéré que le rapport du 2 mars 2022 de la Dre E_______ rendait plausible une aggravation de l’état de santé de la recourante et les rapports obtenus par la suite n’ont pas permis de rendre vraisemblable le contraire. En effet, dans son rapport du 24 mai 2022, le Dr F_______ retenait que la recourante était totalement incapable de travailler, alors qu’il avait considéré dans son rapport du 29 juillet 2016 que sa capacité de travail dans une activité adaptée était de 30%. Cette appréciation avait un poids certain dans la présente cause, car la chambre de céans s’était notamment fondée sur l’appréciation du Dr F_______ dans son arrêt du 22 décembre 2021 pour fixer la capacité de travail résiduelle de la recourante.

Dans ces circonstances, l’intimé devait entrer en matière sur la nouvelle demande de la recourante et instruire plus avant la question de savoir si son état de santé s’était aggravé de façon à justifier une augmentation de la rente, soit en demandant un rapport complémentaire à la Dre E_______, soit en faisant procéder à une expertise, voire en mettant en place un nouveau stage d’observation.

6.             Le recours est ainsi partiellement admis. La décision querellée sera annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour qu’il entre en matière sur la nouvelle demande, complète l’instruction et rende une nouvelle décision.

La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un conseil, elle a droit à des dépens qui seront fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA).

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision rendue le 18 octobre 2022 par l’intimé.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire, au sens des considérants.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de dépens de CHF 1'500.- à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le