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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3471/2022

ATAS/351/2023 du 17.05.2023 ( LAMAL ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3471/2022 ATAS/351/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 mai 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

CSS ASSURANCE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est assurée auprès de CSS ASSURANCE-MALADIE SA (ci-après : CSS ou l’intimée) pour l’assurance obligatoire des soins.

b. Le 3 avril 2022, elle a demandé à la CSS le remboursement de frais d’hospitalisation en Thaïlande. À son arrivée, elle avait été testée positive à la Covid-19 avec symptômes, et avait été hospitalisée pendant dix jours. Tout cas positif en Thaïlande devait être hospitalisé, selon confirmation de l’ambassade de Suisse en Thaïlande. Son mari resté en Suisse avait immédiatement informé le TCS, le Groupe Mutuel (couverture Mundo) et la CSS (assurance de base). Malgré la confirmation de couverture à l’étranger, incluant la Thaïlande, reçue avant son départ, le Groupe Mutuel avait estimé qu’il n’y avait pas d’urgence médicale, vu que ses symptômes étaient légers, et avait refusé de prendre en charge ses frais d’hospitalisation.

L’hôpital avait quant à lui estimé qu’il s’agissait d’une urgence et avait voulu procéder à une radio du thorax, des prises de sang et à l’administration d’un traitement oral par Avigan®. Elle était elle-même médecin et traitait des patients Covid positifs depuis deux ans. Ce traitement médicamenteux ne faisant pas partie des protocoles validés en Suisse, elle l’avait refusé, craignant les effets secondaires possibles sur sa santé. Si elle l’avait accepté le traitement, l’hôpital aurait confirmé son état de santé urgent à son assurance.

Sur la base des justificatifs qu’elle annexait à sa demande, elle pensait être en bon droit d’obtenir le remboursement de ses frais d’hospitalisation.

En annexe de sa demande, l’assurée a notamment transmis :

-          une attestation établie à Bangkok le 21 février 2022 par l’ambassade de Suisse confirmant que les voyageurs étrangers qui entraient en Thaïlande et étaient testés positifs au Covid devaient aller en quarantaine à l’hôpital ou dans un hôtel avec soins médicaux au moins dix jours.

-          une note écrite de façon manuscrite en anglais, sur papier sans entête, non datée ni signée, indiquant en substance que si l’assurée acceptait le traitement et qu’elle présentait des symptômes, des informations seraient envoyées à sa compagnie d’assurance pour qu’elle approuve les faits. Si elle n’acceptait rien, elle devrait régler elle-même les frais avant de partir.

c. Par décision du 16 juin 2022, la CSS a informé l’assurée que celle-ci était assurée au titre de l’assurance obligatoire des soins par le biais du modèle alternatif médecin de famille, pour le risque maladie et accident. Elle avait été hospitalisée du 14 au 22 février 2022 en Thaïlande dans deux établissements. La CSS avait établi un décompte de prestations le 18 avril 2022 refusant de prendre en charge ses frais d’hospitalisation, considérant qu’ils correspondaient à une quarantaine imposée par les autorités thaïlandaises lors d’un test positif au Covid-19 à l’arrivée de l’assurée sur le territoire thaïlandais et que les conditions de prise en charge de ceux-ci n’étaient pas remplies.

d. L’assurée a formé opposition à la décision de la CSS, faisant valoir que l’hôpital thaïlandais avait estimé qu’il s’agissait d’une urgence médicale et non d’une quarantaine de confort. En effet, elle n’avait pas été placée en isolement dans un hôtel/hôpital, mais transférée dans un hôpital pour y recevoir des soins médicaux. Au moment de son hospitalisation, la Thaïlande imposait un traitement selon un protocole strict à toute personne testée positive, selon les règles instaurées au niveau national par le gouvernement. Un retour en Suisse n’était donc ni approprié ni possible. L’hôpital voulait qu’elle suive un traitement médical avec un anti-rétroviral nommé Avigan®, des radiographies et des prises de sang quotidiennes. Elle était médecin interniste, installée en cabinet. Au moment de son hospitalisation en Thaïlande, elle avait une solide expérience dans le suivi et le traitement des cas Covid. Elle avait accepté le suivi de ses signes vitaux, mais refusé le traitement proposé par l’hôpital, en raison du risque d’hépatite médicamenteuse ou d’autres effets secondaires pouvant être provoqués par les traitements anti-rétroviraux. L’hôpital avait fait pression sur elle en refusant d’annoncer sa maladie à son assurance suisse tant qu’elle n’acceptait pas son traitement. Ils lui avaient expliqué qu’elle risquait de mourir du Covid si elle ne le prenait pas. Une note manuscrite de l’hôpital le confirmait.

e. Par décision sur opposition du 5 octobre 2022, la CSS a indiqué que ce qui était déterminant pour la prise en charge par l’assurance obligatoire des soins des coûts des prestations à l’étranger, c’était que l’assurée ait subitement besoin et de manière imprévue d’un traitement à l’étranger. Il fallait que des raisons médicales s’opposent à un report du traitement et qu’un retour en Suisse apparaisse inapproprié. En tant qu’exception au principe de territorialité, le caractère d’urgence devait être interprété de manière restrictive. Il convenait dès lors de déterminer si l’état de santé de l’assurée avait nécessité des soins immédiats à son arrivée en Thaïlande. D’une manière générale, on savait que seule une partie de la population infectée par le virus de la Covid-19 nécessitait un traitement médical. Encore moindre était la proportion des personnes infectées qui devaient être hospitalisées. En l’espèce, il apparaissait que l’assurée avait souffert de symptômes légers, selon ce qui ressortait de son courrier du 3 avril 2022. Or, les symptômes légers ne justifiaient pas une hospitalisation, ni même un traitement médical spécifique. Aucun document n’attestait d’un tel besoin sur le plan médical. Selon les déclarations de l’assurée, le personnel soignant avait procédé au suivi des signes vitaux, éventuellement à des radiographies et à des prises de sang, ce qui ne constituait pas des mesures thérapeutiques, ni d’ailleurs des mesures diagnostiques, le diagnostic ayant déjà été posé. Le refus de l’assurée de se voir administrer un traitement oral par Avigan® n’était pas déterminant. D’une part, il aurait fallu que le caractère approprié de ce médicament soit démontré dans le cas particulier, ce qui paraissait difficile en l’état des connaissances médicales actuelles, et d’autre part, la prise orale d’un tel médicament ne justifiait pas encore une hospitalisation.

Les éléments du dossier ne permettaient pas de conclure que l’hospitalisation avait été motivée par les symptômes présentés par l’assurée à son arrivée en Thaïlande et les éventuels traitements nécessités par ceux-ci. Il apparaissait donc, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’hospitalisation de l’assurée n’avait pas été justifiée par des raisons médicales, mais qu’elle avait été ordonnée par le gouvernement thaïlandais afin d’endiguer la pandémie. L’urgence, au sens de la loi n’était dès lors pas avérée.

En conséquence, c’était à juste titre que la CSS avait refusé la prise en charge des factures litigieuses.

Le Département fédéral des affaires étrangères avait recommandé, au début de l’année 2022, de reporter les voyages en Thaïlande non essentiels, mettant en garde contre les mesures sanitaires prises à l’intérieur du pays. Il n’appartenait pas à l’assurance obligatoire des soins de combler l’absence de prise en charge d’une assurance-voyage ou d’une assurance complémentaire avec une couverture mondiale. Au contraire, au regard du principe de la mutualité, les exigences de prises en charge en matière d’assurance obligatoire des soins devaient être interprétées restrictivement.

En conséquence, les frais médicaux supportés par l’assurée en raison de son hospitalisation en Thaïlande du 14 au 22 février 2022 n’étaient pas à la charge de l’intimée.

B. a. L’assurée a formé recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre la décision précitée. Elle ne comprenait pas les motifs du refus de prise en charge de l’intimée. Une hospitalisation même forcée restait une hospitalisation. Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’une mesure sanitaire et pas uniquement une simple quarantaine. Elle concluait à la prise en charge par la CSS des frais occasionnés par son hospitalisation à l’étranger.

b. L’intimée a répondu au recours et conclu à son rejet.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée refusant la prise en charge des frais d’hospitalisation de la recourante en Thaïlande.

4.              

4.1 L’assurance-maladie est régie par le principe de territorialité, ancré à l’art. 34 al. 2 LAMal. Selon ce principe, seules sont à la charge de la caisse-maladie les prestations dispensées en Suisse ou, s’agissant de prestations délivrées sur ordonnance, celles qui sont prescrites par un fournisseur de prestations admis à pratiquer en Suisse afin d’être fournies en Suisse (Martin ZOBL / Kerstin Noëlle VOKINGER in Basler Kommentar, Krankenversicherungsgesetz und Krankenversicherungsaufsichtsgesetz, 2020, n. 3 ad art. 34 LAMal).

L'art. 34 al. 2 let. a LAMal confère au Conseil fédéral la possibilité de prévoir la prise en charge par l’assurance obligatoire des soins des coûts des prestations visées aux art. 25 al. 2 et 29 qui sont fournies à l’étranger, pour des raisons médicales ou dans le cadre de la coopération transfrontalière, à des assurés qui résident en Suisse.

Aux termes de l'art. 34 al. 3 LAMal, le Conseil fédéral peut limiter la prise en charge des coûts des prestations fournies à l'étranger. La notion de raisons d’ordre médical prévue à l’art. 34 al. 2 LAMal doit être interprétée de manière restrictive
(ATF
134 V 330 consid. 2.4).

4.2 Sur la base de la délégation de compétence de l’art. 34 LAMal, le Conseil fédéral a édicté l'art. 36 de l’ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102), qui définit l'étendue de la prise en charge des prestations à l'étranger.

Selon l’al. 2 de cette disposition, l'assurance obligatoire des soins prend en charge le coût des traitements effectués en cas d'urgence à l'étranger. Il y a urgence lorsque l'assuré, qui séjourne temporairement à l'étranger, a besoin d'un traitement médical et qu'un retour en Suisse n'est pas approprié. Il n'y a pas d’urgence lorsque l'assuré se rend à l'étranger dans le but de suivre ce traitement.

Ce qui est déterminant dans l’application de cette disposition est que l'assuré ait subitement besoin et de manière imprévue d'un traitement à l'étranger. Il faut que des raisons médicales s'opposent à un report du traitement et qu'un retour en Suisse apparaisse inapproprié (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 65/03 du 5 août 2003 consid. 2.2). Le déplacement à l'étranger en vue d'y effectuer un traitement exclut que ce traitement soit considéré comme urgent (ATF 128 V 75 consid. 2a).

4.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b; 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

4.4 Le principe inquisitoire, qui régit la procédure dans le domaine de l'assurance sociale (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), exclut que la charge de l'apport de la preuve ("Beweisführungslast") incombe aux parties, puisqu'il revient à l'administration, respectivement au juge, de réunir les preuves pour établir les faits pertinents. Dans le procès en matière d'assurances sociales, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où la partie qui voulait déduire des droits de faits qui n'ont pas pu être prouvés en supporte l'échec. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 128 V 218 consid. 6; ATF 117 V 261 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.1).

5.             En l’espèce, il ressort des faits de la cause que l’hospitalisation dont la prise en charge est demandée par la recourante n’a pas été due à une urgence médicale, mais à des mesures sanitaires ordonnées par le gouvernement thaïlandais. En effet, la recourante a été hospitalisée, selon ses propres dires, à son arrivée en Thaïlande, en raison du fait qu’elle avait été testée positive à la Covid-19 avec symptômes. Elle n’a pas rendu vraisemblable que les symptômes dont elle souffrait justifiaient une hospitalisation en urgence pour des raisons médicales. Il est en revanche établi par l’attestation de l’ambassade de Suisse produite que les voyageurs étrangers qui entraient en Thaïlande et étaient testés positifs au Covid devaient aller à l’hôpital ou dans un hôtel avec soins médicaux en quarantaine au moins dix jours.

Le fait que l’hôpital ait procédé à une radio du thorax de la recourante ainsi qu’à des prises de sang et voulu qu’elle prenne un traitement oral par Avigan® ne suffit pas à établir une urgence médicale. Le fait qu’elle ait dû être hospitalisée, sur instruction du gouvernement thaïlandais, ne suffit pas à lui ouvrir le droit à une prise en charge de cette hospitalisation par l’intimée.

Il en résulte que les conditions de l’art. 36 al. 2 OAMal ne sont pas remplies et la décision de l’intimée doit être confirmée.

6.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le