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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1586/2022

ATAS/52/2023 du 31.01.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1586/2022 ATAS/52/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 janvier 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Elodie SKOULIKAS

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1985, a suivi une scolarité à domicile et a travaillé dès l'âge de 9 ans dans le cadre de sa famille de forains. De 2006 à 2008, il a travaillé comme assistant de montage de scènes en "free-lance", payé à la journée, puis comme assistant en éclairage cinéma en 2009 où il était chargé de la prise de commande et de l'élaboration de devis. De 2011 à 2015, il a bénéficié d'activités en réinsertion (ci-après : ADR) prolongées d'année en année avec une promesse d'apprentissage non tenue, en tant qu'aide de cuisine dans l'établissement médico-social (ci-après : EMS) C______, poste où il était chargé de la préparation des plateaux des repas et de la préparation des desserts.

b. Fin 2016, l'assuré a subi une chute qui a occasionné une vive douleur lombaire et était suivie de lombalgies persistantes.

c. Dans son rapport du 16 février 2018 au docteur D______, médecin traitant, le docteur, neurologue FMH, a fait état de quelques incohérences à l'examen neurologique, tout en admettant que l'on se trouvait probablement dans une situation de "failed back surgery". Sur celle-ci se greffait une situation sociale précaire. L'assuré avait bénéficié lors de son hospitalisation à la Clinique de Beau-Séjour d'une prise en charge plus globale avec essai de suivi psychiatrique et/ou hypnose que l'assuré avait toutefois refusé, de sorte que l'on se trouvait constamment en échec.

B. a. En juillet 2018, il a requis les prestations de l'assurance-invalidité, au motif qu'il souffrait au dos, à la hanche et à la jambe droites, ce qui l'empêchait de marcher correctement et de porter des charges.

b. Dans son rapport du 18 juillet 2018, le Dr E______ a indiqué que les investigations en mai 2017 aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) avaient mis en évidence une hernie discale L5-S1 à droite. Après l'échec d'un traitement conservateur, l'assuré avait subi une discectomie dont les suites opératoires n'avaient jamais été bonnes et s'étaient compliquées par un pseudocèle du liquide céphalo-rachidien, consécutif à la possible microdiscectomie du 8 janvier 2017, avec une brèche durale. En dépit d'une prise en charge à Beau-Séjour en raison de la persistance de la douleur lombaire, de nombreuses consultations neurologiques et de la douleur, ses souffrances n'avaient pas pu être soulagées. Sa médication consistait en Lyrica 2 x 75mg par jour. L'examen neurologique ne révélait pas d'amyotrophie des masses musculaires des deux mollets, les réflexes rotuliens étaient parfaitement symétriques, mais le réflexe achilléen droit était absent. L'assuré disait être insensible au toucher et à la chaleur respectivement le froid sur l'ensemble du membre inférieur droit. L'épreuve de Lasègue était positive à 45° à droite. La persistance des lombalgies empêchait l'assuré d'effectuer un travail de force et nécessitait une adaptation de la place de travail. Dans l'activité habituelle d'aide-cuisinier, la capacité de travail était de 50%, compte tenu des positions debout. Dans un travail en position entièrement assise, il présentait une capacité de travail à 100%.

c. Le Dr D______ a attesté dans son rapport du 10 octobre 2018 une incapacité de travail dans toute activité en raison des lombalgies persistantes. Le pronostic était défavorable.

d. Le 30 novembre 2018, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) a informé l'assuré qu'aucune mesure de réadaptation n'était actuellement possible en raison de son état de santé.

e. Dans son avis médical du 31 janvier 2019, le docteur F______ du service médical régional de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : SMR) a considéré que la capacité de travail de l'assuré était nulle dès le jour de l'accident jusqu'au 31 mai 2017, puis de 100% dès cette date. Dans les limitations fonctionnelles, il a mentionné un travail uniquement en position assise ou avec alternance des positions.

f. À la même date, l'OAI a déterminé la perte de gain dans une activité adaptée à 10%, sur la base du même salaire statistique pour le gain de valide et d'invalide, en admettant un abattement de 10% du salaire statistique retenu à titre de salaire d'invalide.

g. Dans sa contestation du 7 mars 2019 du projet de décision du 5 février 2019 de l'OAI refusant toute prestation, l'assuré a relevé avoir subi une première discectomie en mai 2017 et une seconde intervention en août 2017 pour une décompression sélective en L5-S1 et pour une adhébiolyse de la racine S1 avec micro-discectomie L5-S1. Par la suite, il avait développé une pseudocèle du liquide céphalo-rachidien avec une brèche durale qui a été ponctionnée sous guidage radiologique. Néanmoins, il continuait à souffrir de douleurs lombaires chroniques irradiant dans le membre inférieur droit sous forme de spasmes de plus en plus violents qu'il n'arrivait plus à contrôler malgré différents traitements. Au vu de l'échec de ceux-ci, il devait se résoudre à vivre avec des béquilles, des douleurs et des spasmes qui l'empêchaient d'exercer une activité lucrative régulière.

h. Par décision du 12 mars 2019, l'OAI a confirmé le refus de prestations.

C. a. En juin 2021, l'assuré a déposé une seconde demande de prestations à l'OAI en indiquant souffrir de problèmes de vertèbres et de spasmes en continu à sa jambe droite, si bien qu'il ne pouvait plus marcher.

b. Le 12 juillet 2021, l'Hospice général a informé l'OAI qu'il accordait une aide financière à l'assuré depuis le 1er mai 2011 et a invité ledit office à lui verser l'éventuel arriéré de rente.

c. Le 3 août 2021, le Dr D______ a attesté que l'assuré présentait des lombosciatalgies chroniques avec hyposthénie du membre inférieur droit post-discectomie L5-S1. L'évolution était défavorable avec l'apparition de douleurs chroniques et la perte de la mobilité des membres inférieurs. L'assuré était limité dans la déambulation et se déplaçait en fauteuil roulant. Sa capacité de travail était presque nulle, en particulier en position debout, mais il pouvait encore utiliser ses membres supérieurs en étant sur une chaise roulante.

d. Dans son avis du 8 février 2022, le docteur G______ du SMR a considéré que le rapport précité du Dr D______ ne permettait pas de modifier l'appréciation dudit service, selon laquelle l'assuré présentait une capacité de travail totale dans une activité en position assise. En l'absence d'une consultation spécialisée, d'imagerie médicale, de rapport de physiothérapie ou de compte-rendu d'hospitalisation, il y avait lieu de constater que la capacité de travail était restée inchangée depuis la dernière décision de l'OAI.

e. Le 14 février 2022, l'OAI a informé l'assuré qu'il avait l'intention de refuser d'entrer en matière sur sa nouvelle demande, dès lors qu'il n'avait pas rendu plausible que sa situation s'était notablement modifiée. Il lui a donné un délai de 30 jours pour apporter ses objections à ce projet de décision, tout en indiquant que s'il n'était pas en mesure de transmettre les documents appropriés pour des raisons pertinentes, il pouvait faire une demande de prolongation du délai.

f. Par courrier du 23 février 2022, l'assuré a sollicité la suspension du projet de décision afin de lui permettre de se soumettre à des examens et de produire les rapports médicaux y relatifs à l'OAI.

g. Il a annexé à sa lettre le rapport relatif à une consultation de neurologie du 8 février 2022 de la doctoresse H______, neurologue FMH à l'Hôpital de la Tour. Celle-ci a diagnostiqué des troubles moteurs (myoclonies du membre inférieur droit) suite à des neurochirurgies pour hernie discale au niveau L4-L5 à trois reprises en mai, juin et octobre 2017, et des céphalées chroniques depuis juin 2017 suite à une brèche lepto-méninguée. Le traitement actuel consistait en physiothérapie deux fois par semaine. L'assuré était gêné par des spasmes en permanence de la jambe droite, sauf pendant le sommeil, et par des céphalées depuis sa dernière opération aux HUG. Il se plaignait aussi d'une perte de sensibilité avec engourdissement de la jambe droite, de difficultés à s'endormir et d'insomnies. Il avait une canne à son domicile et s'était payé de sa poche une chaise roulante manuelle pliable, ne pouvant plus se déplacer avec des cannes à l'extérieur et sur de longues distances. Il avait aussi des douleurs dans le bas du dos. Les maux de tête étaient insupportables. Les médicaments n'avaient pas beaucoup d'effet et seul le cannabis le calmait. Il se déplaçait avec une canne à droite et évitait de poser la jambe droite. À l'examen clinique, cette médecin a notamment constaté que les réflexes achilléens n'étaient pas obtenus et que l'assuré présentait des mouvements anormaux de type myoclonies à la jambe droite et au tronc, aléatoires, distractibles, sans déficit moteur clair, ainsi que des troubles sensitifs à la jambe droite sans dermatome précis ni syndrome radiculaire irritatif. Il y avait une surcharge claire. Une imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) cérébrale et médullaire sous anesthésie serait nécessaire. La Dresse H______ se proposait également de demander des rapports au Dr E______.

h. Par décision du 31 mars 2022, l'OAI a confirmé la non-entrée en matière, en mentionnant qu’« en l'absence de contestation de votre part dans le délai fixé, [l'] Office part de l'idée que vous êtes d'accord avec le contenu de [son] projet de décision  ».

D. a. Par acte du 16 mai 2022, l'assuré a recouru contre cette décision par l'intermédiaire de son conseil, en concluant à son annulation, et à ce qu'il soit ordonné à l'intimé d'entrer en matière sur sa demande, sous suite de dépens. Sa première demande avait été examinée de façon très sommaire. Par ailleurs, le Dr D______ a constaté dans son rapport du 3 août 2020 une évolution défavorable de son état de santé avec l'apparition de douleurs chroniques et une perte de la mobilité des membres inférieurs, limitant la déambulation et nécessitant l'usage d'un fauteuil roulant. La Dresse H______ avait en outre jugé nécessaire de procéder à d'autres examens, soit une IRM cérébrale et médullaire sous anesthésie générale. En outre, le rapport de cette médecin n'avait pas été soumis au SMR. Partant, le recourant a considéré avoir démontré une aggravation de son état de santé sous forme de nouvelles atteintes neurologiques. Il a également mis en cause les compétences médicales des médecins du SMR, ceux-ci n'étant pas spécialisés dans le domaine en cause. Enfin, il avait demandé une prolongation du délai pour produire de nouveaux rapports médicaux.

b. Dans sa réponse du 14 juin 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours, persistant à considérer que le recourant n'avait pas rendu plausible une aggravation durable et notable de son état de santé. Quant aux rapports médicaux produits, ils ne relevaient pas de problème médical nouveau.

c. Dans sa réplique du 12 juillet 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions, en considérant que les constatations de la Dresse H______ étaient nouvelles, raison pour laquelle elle avait jugé nécessaire de procéder à des examens complémentaires. En effet, dans son avis du 31 janvier 2019 dans le cadre de la première demande, le SMR avait retenu seulement le diagnostic de hernie discale post-traumatique, sans limitations fonctionnelles précisément décrites. Enfin, l'intimé avait violé le principe de la bonne foi et l'interdiction du formalisme excessif en omettant de prendre en considération le rapport neurologique et la demande de prolongation de délai.

d. L'intimé a également persisté dans ses conclusions, dans sa duplique du 2 août 2022, dès lors que les rapports médicaux produits par le recourant ne faisaient pas état d'un problème médical nouveau et ne se prononçaient pas sur ses limitations fonctionnelles ni sur sa capacité de travail résiduelle. En effet, la Dresse H______ estimait uniquement que de nouveaux examens étaient nécessaires pour objectiver une potentielle atteinte à la santé et le Dr D______ rappelait des diagnostics déjà connus.

e. Le recourant n'ayant pas formulé d'observation supplémentaire par écriture du 31 août 2022, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 16 mai 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.

5.             L'objet du litige est la question de savoir si le refus d'entrer en matière sur la seconde demande de prestations du recourant est fondé, plus particulièrement si le recourant a rendu plausible une aggravation de son état.

5.1 L’art. 17 al. 1er LPGA, dans sa version antérieure au 1er janvier 2022, applicable au moment du dépôt de la seconde demande de prestations du recourant, dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Selon l'art. 87 al. 2 et 3 du règlement sur l'assurance-invalidité (RAI), dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2012, lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l'allocation pour impotent ou la contribution d'assistance a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, parce qu'il n'y avait pas d'impotence ou parce que le besoin d'aide ne donnait pas droit à une contribution d'assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l'al. 2 sont remplies (al. 3).

La jurisprudence développée sous l'empire de l'art. 87 al. 3 et 4 RAI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2011, reste applicable à l'art. 87 al. 2 et 3 RAI modifié dès lors que la demande de révision doit répondre aux mêmes critères.

5.2 L’exigence de l’art. 87 al. 3 RAI (ATF 109 V 262 consid. 3 p. 264 s.) doit permettre à l'administration, qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force, d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 125 V 410 consid. 2b p. 412, 117 V 198 consid. 4b p. 200 et les références). Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. À cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se fondant sur l'art. 87 al. 4 RAI et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas nécessaire lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF 109 V 108 consid. 2b p. 114).

5.3 Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 p. 68 s.). Eu égard au caractère atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l'administration pouvait appliquer par analogie l'art. 73 aRAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) - qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas de refus de l'assuré de coopérer - à la procédure régie par l'art. 87 al. 3 RAI, à la condition de s'en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 Cst. ; ATF 124 II 265 consid. 4a p. 269 s.). Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office, l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués.

L'exigence du caractère plausible de la nouvelle demande selon l'article 87 RAI ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS 2003, p. 396 ch. 5.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_596/2019 du 15 janvier 2020).

Lors de l'appréciation du caractère plausible d'une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations, on compare les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision administrative litigieuse et les circonstances prévalant à l'époque de la dernière décision d'octroi ou de refus des prestations (ATF 130 V 64 consid. 2 ; 109 V 262 consid. 4a).

Le juge doit examiner la situation d'après l'état de fait tel qu'il se présentait à l'administration au moment où celle-ci a statué (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 p. 68, arrêts 9C_708/2007 du 11 septembre 2008 consid. 2.3 et I 52/03 du 16 janvier 2004 consid. 2.2 ; ATF 9C_789/2012 du 27 juillet 2013, consid. 2). Son examen se limite, ainsi, au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifient ou non la reprise de l'instruction du dossier (ATF 9C_789/2012 du 27 juillet 2013, consid. 4.1). Il ne sera donc pas tenu compte des rapports produits postérieurement à la décision litigieuse (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 ; 121 V 366 consid. 1b et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C 959/2011 du 6 août 2012 consid. 4.3).

6.             En premier lieu se pose la question de savoir si l'intimé a respecté le droit d'être entendu.

6.1 La jurisprudence, rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. et qui s’applique également à l’art. 29 al. 2 Cst. (ATF 129 II 504 consid. 2.2), a déduit du droit d’être entendu, en particulier, le droit pour le justiciable de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 16 consid. 2a/aa ; ATF 124 V 181 consid. 1a ; ATF 124 V 375 consid. 3b et les références).

Le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond. Selon la jurisprudence, la violation du droit d’être entendu – pour autant qu’elle ne soit pas d’une gravité particulière – est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen. Au demeurant, la réparation d’un vice éventuel ne doit avoir lieu qu’exceptionnellement (ATF 127 V 437 consid. 3d/aa ; ATF 126 V 132 consid. 2b et les références).

6.2 En l'occurrence, l'intimé a accordé au recourant, dans son projet de refus d'entrer en matière du 14 février 2022, un délai de 30 jours pour apporter ses objections à ce projet de décision, tout en indiquant que s'il n'était pas en mesure de transmettre les documents appropriés pour des raisons pertinentes, il pouvait demander une prolongation du délai.

Par courrier du 23 février 2022, soit dans le délai imparti, l'assuré sollicite la suspension du projet de décision afin de lui permettre de se soumettre à des examens et de produire les rapports médicaux y relatifs, et y annexe le rapport se rapportant à une consultation de neurologie du 8 février 2022 de la Dresse H______. Cette médecin juge nécessaire de procéder à une IRM cérébrale et médullaire sous anesthésie. Elle se propose également de se procurer le dossier médical du recourant chez le Dr E______.

Ce courrier doit être interprété dans le sens que le recourant conteste le projet de décision et qu'il demande une prolongation du délai pour se déterminer, n'étant pas encore en mesure d'étayer l'aggravation de son état par des rapports médicaux des médecins consultés, dans la mesure où il doit encore se soumettre à des examens supplémentaires.

Or, l'intimé ignore totalement la demande de prolongation et le rapport de cette dernière neurologue et rend le 31 mars 2022 une décision de refus d'entrer en matière. Dans celle-ci, il indique qu'en l'absence de contestation du projet de décision par le recourant, il suppose que celui-ci est d'accord avec ce projet.

Ce faisant, l'intimé a non seulement ignoré la contestation de son projet de décision par le recourant, mais l'a également empêché de fournir les preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves, si bien que le droit d'être entendu est manifestement violé. Comme indiqué ci-dessus, l'intimé aurait dû accorder au recourant un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'il n'entrerait pas en matière sur sa demande au cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Il ne pouvait pas non plus considérer d'emblée que les moyens de preuve proposés n'étaient pas pertinents. En effet, même si les diagnostics n'ont a priori pas changé, leur répercussion sur la capacité de travail peut s'être modifiée. Cela semble au demeurant être le cas, dans la mesure où le recourant se déplace maintenant en chaise roulante sur de longues distances et se plaint de céphalées. Même si les céphalées existent déjà depuis 2017, elles n'ont jamais été investiguées ni même mentionnées auparavant par les médecins du recourant. Enfin, celui-ci n'a jamais fait l'objet d'une IRM cérébrale et médullaire, examens que la Dresse H______ se proposait d'effectuer.

La violation de ce droit n'est pas réparable en l'occurrence. En effet, comme relevé ci-dessus, la cognition de la chambre de céans est limitée à l'examen de la question de savoir si le recourant a rendu plausible l'aggravation de son état de santé alléguée, sur la base de l'état de fait tel qu'il se présentait à l'administration au moment où celle-ci a statué. Par conséquent, la violation du droit d'être entendu entraîne in casu l'annulation de la décision.

7.             En conséquence, le recours sera admis et la décision annulée. La cause sera par ailleurs renvoyée à l'intimé pour octroyer au recourant un délai afin de fournir les preuves requises, et pour nouvelle décision.

8.             Dans la mesure où le recourant obtient gain de cause, une indemnité de CHF 1'000.- lui est octroyé à titre de dépens.

9.             L'intimé qui succombe sera condamné à un émolument de justice de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision du 31 mars 2022.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour octroyer au recourant un délai afin de fournir les preuves requises, et pour nouvelle décision.

5.        Octroie au recourant une indemnité de CHF 1'000.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le