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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1139/2022

ATAS/49/2023 du 31.01.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1139/2022 ATAS/49/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 31 janvier 2023

2ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, Service juridique, sis rue des Gares 12, GENÈVE

et

HOSPICE GENERAL, sis Cours de Rive 12, GENÈVE

 

 

intimé

 


appelé en cause

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante), née le ______ 1983, s’est mariée en 2009 avec Monsieur B______. De cette union sont issus deux enfants, soit C______ et D______, nées respectivement en ______ 2010 et ______ 2014. Les époux se sont séparés en avril 2018.

b. Par jugement du 11 décembre 2018, le Tribunal de première instance de Genève (ci-après : le TPI), statuant dans le cadre de mesures protectrices de l’union conjugale, a autorisé les époux à vivre séparément, confié la garde des enfants à leur mère et pris acte de l’engagement de B______ à verser, en mains de l’intéressée, des contributions d’entretien à concurrence de CHF 250.- par enfant du 1er janvier au 31 juillet 2019, puis de CHF 300.- par enfant dès le 1er août 2019. En outre, le dispositif du jugement précisait que « l’entretien convenable » des enfants avait été fixé à hauteur de CHF 535.- par mois pour C______ et de CHF 570.- par mois pour D______.

c. À la suite d’une demande de prestations déposée par B______ en juin 2019, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), dans un prononcé adressé à la Caisse cantonale genevoise de compensation le 22 novembre 2021, a reconnu à B______ (ci-après : l’époux ou le mari) un degré d’invalidité de 50% depuis le 1er juin 2020.

d. Après s’être vue informer par la Caisse cantonale genevoise de compensation que ses enfants avaient droit à des rentes complémentaires à la rente d’invalidité de son époux et qu’il lui était loisible d’en requérir le versement direct (cf. courrier du 23 novembre 2021), l’intéressée a retourné à ladite caisse, le 2 décembre 2021, un formulaire intitulé « feuille annexe », par lequel elle confirmait solliciter le versement desdites rentes complémentaires sur son compte bancaire. Elle a répondu à l’affirmative à la question de savoir si des contributions d’entretien lui étaient versées par l’autre parent, tout en précisant (sous le champ « observations du formulaire) n’avoir pas perçu lesdites contributions d’entretien en faveur de ses enfants en « octobre, novembre, décembre » (sans précision de l’année).

L’intéressée a joint au formulaire « feuille annexe » des justificatifs bancaires datés du 27 novembre 2021, attestant du paiement sur son compte bancaire, par son époux, des contributions d’entretien en faveur de ses deux enfants à hauteur de CHF 8'400.- au total entre juin 2020 et octobre 2021 (versements de CHF 600.- par mois de juin à novembre 2020 [à l’exception du mois de décembre 2020], puis de janvier à octobre 2021 [à l’exception des mois d’avril et septembre 2021]).

B. a. Le 1er mars 2022, l’Hospice général a complété un formulaire « compensation avec paiement de rétroactifs de l’AVS/AI », au terme duquel il a requis de l’OAI une compensation à hauteur de CHF 13'200.-, en lien avec les prestations qu’il avait versées en faveur des filles de l’intéressée pour la période du 1er juin 2020 au 31 mars 2022. Le formulaire était accompagné d’un décompte des paiements effectués par l’Hospice général en faveur de l’époux entre le 1er juin 2020 et le 31 mars 2022.

b. Par décision du 11 mars 2022, adressée à l’époux, l’OAI a confirmé l’octroi, en faveur de l’époux, d’une rente d’invalidité d’un montant mensuel de CHF 469.- dès le 1er juin 2020, réévalué à CHF 473.- le 1er janvier 2021.

c. Par décision du 11 mars 2022, adressée à l’intéressée, l’OAI a confirmé l’octroi de deux rentes complémentaires pour enfants, liées à la rente d’invalide de l’époux, à concurrence de CHF 188.- par mois et par enfant dès le 1er juin 2020, puis de CHF 189.- par mois et par enfant dès le 1er janvier 2021 (ch. 1). L’OAI a procédé à un décompte (ch. 2), fixant à CHF 7'924.- le total des arriérés de rentes pour enfants dues pour la période du 1er juin 2020 au 28 février 2022, tout en précisant que ce montant serait versé à l’Hospice général à titre de « compensation externe sur le paiement rétroactif », en « remboursement des pensions alimentaires déjà versées ». Enfin, sous le chapitre « versement » de la décision (ch. 3), il était précisé : « la rente sera payée [ ] sur le compte suivant : [coordonnées bancaires de l’intéressée] ».

C. a. Par lettre du 11 avril 2022, l’intéressée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours, concluant à l’annulation de la décision du 11 mars 2022 lui ayant été adressée et au versement d’un montant de CHF 3'962.- en faveur de chacune de ses filles, soit CHF 7'924.- au total.

Elle a contesté la compensation de CHF 7'924.- effectuée par l’OAI sur le paiement rétroactif des rentes en faveur de ses filles depuis juin 2020, arguant que les contributions d’entretien fixées par le TPI en faveur de ses filles – qui avaient été chiffrées en fonction de la capacité contributive de son époux – étaient inférieures aux « besoins vitaux » de celles-ci. En effet, son époux avait versé une contribution d’entretien de CHF 300.- par mois en faveur de chaque enfant, alors que le TPI avait fixé « l’entretien convenable » de C______ à CHF 535.- par mois et celui de D______ à CHF 570.- par mois. Il en résultait un « manco » de CHF 235.- par mois s’agissant de C______ et de CHF 270.- par mois s’agissant de D______. La recourante en déduisait que le paiement rétroactif de rentes pour enfants en mains de l’Hospice général, en vue de rembourser l’aide sociale avancée par cette institution en faveur du « père », lésait les intérêts économiques de ses filles.

Par ailleurs, la recourante était d’avis que l’art. 71ter du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) avait pour but d’éviter une surindemnisation de l’enfant et que, partant, l’OAI aurait dû vérifier que les contributions d’entretien couvraient les frais effectifs de l’enfant. Tel n’étant pas le cas, elle estimait avoir droit au versement du montant de CHF 7'924.- en faveur de ses deux filles.

b. Dans sa réponse du 9 mai 2022, l’intimé (soit pour lui l’office cantonal des assurances sociales de Genève, ci-après : l’OCAS) a conclu au rejet du recours.

L’art. 85bis al. 1 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) stipulait expressément que « [ ] les organismes d’assistance publics [ ] qui, en vue de l’octroi d’une rente de l’assurance-invalidité, ont fait une avance peuvent exiger qu’on leur verse l’arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu’à concurrence de celle-ci [ ] ».

En l’occurrence, l’Hospice général avait régulièrement fait valoir un droit au remboursement de la somme de CHF 13'200.-, en lien avec des prestations d’assistance consenties en faveur des enfants de la recourante de juin 2020 à mars 2022, soit durant une période où des rentes complémentaires de l’AI avaient été accordées en leur faveur. La décision attaquée, procédant à une compensation du rétroactif de rentes complémentaires pour enfants de l’AI, était conforme au droit. Du reste, la recourante ne contestait pas le versement par l’Hospice général de prestations d’assistance en faveur de ses enfants, mais elle se limitait à prétendre que la compensation opérée portait atteinte à leurs « besoins vitaux ». Or, la question d’une éventuelle « atteinte » au minimum vital n’avait pas à être prise en compte dans le contexte de l’art. 85bis « RAVS » (recte : RAI). C’était parce que l’Hospice général avait avancé des sommes en vue de couvrir les besoins vitaux des enfants de la recourante que le remboursement des avances se justifiait.

c. La recourante a répliqué le 29 mai 2022.

À son sens, l’art. 85bis al. 1 RAI n’autorisait pas l’Hospice général à demander le remboursement de montants versés en faveur de ses filles. En effet, l’Hospice général n’était pas une assurance sociale au sens strict, qui aurait fait des avances dans l’attente d’une décision de l’assurance-invalidité.

Quoi qu’il en soit, elle était d’avis que l’art. 85bis al. 1 RAI entrait en contradiction avec l’art. 71ter RAVS, lequel prévoyait le versement rétroactif des rentes en main du parent vivant avec l’enfant. Or, elle n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale et n’était donc pas débitrice vis-à-vis de l’Hospice général. Enfin, dans la mesure où les contributions d’entretien ne suffisaient pas à couvrir les besoins financiers de ses filles, elle estimait que l’intérêt de ces dernières devait primer sur « les intérêts patrimoniaux de l’Hospice général ».

d. Par ordonnance du 21 novembre 2022, la chambre de céans a appelé en cause l’Hospice général (ci-après : l’appelé en cause), l’a invité à fournir le décompte précis des avances allouées en faveur de C______ et D______, et lui a imparti un délai pour se déterminer.

e. En parallèle, la chambre de céans a invité l’intimé à dupliquer, ce que ce dernier a fait le 6 décembre 2022, en produisant une écriture de la Caisse cantonale genevoise de compensation, datée du 5 décembre 2022. Selon l’art. 71ter al. 2 RAVS, lorsque le parent titulaire de la rente principale s’était acquitté de son obligation d’entretien envers son enfant, il avait droit au paiement rétroactif des rentes jusqu’à concurrence des contributions mensuelles qu’il avait fournies. En l’occurrence, le mari s’était acquitté envers son épouse des contributions d’entretien de CHF 300.- auxquelles il avait été condamné, par jugement du 11 décembre 2018, de sorte qu’en application de l’art. 71ter al. 2 RAVS, même si elles n’avaient pas été compensées, les prestations servies en faveur des enfants dès juin 2020 n’auraient jamais été versées à la recourante, mais au mari, de sorte qu’elles ne relevaient pas de la compensation énoncée au ch. 10074 des Directives concernant les rentes de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale (ci-après : DR). Par ailleurs, un examen préalable du minimum vital, dans le contexte de l’art. 85bis RAVS, viderait cette disposition de tout sens, puisqu’un tel examen aurait pour conséquence que les organismes ayant consenti des avances ne pourraient pratiquement plus recouvrer les sommes avancées, dans l’attente du versement de rentes.

f. L’appelé en cause s’est déterminé par écriture du 8 décembre 2022. Durant la période litigieuse du 1er juin 2020 au 28 février 2022, il avait pris en charge les contributions d’entretien dues par le mari, à hauteur de CHF 300.- par mois et par enfant. Dès lors que le montant de la rente complémentaire pour enfant était inférieur à celui de la contribution d’entretien fixée par le juge, contribution d’entretien que l’appelé en cause avait intégralement pris en charge, c’était à juste titre qu’il avait obtenu le remboursement de CHF 7'924.-, somme qui correspondait au rétroactif de rentes complémentaires pour enfants accordé du 1er juin 2020 au 28 février 2022. Dès le dépôt de la demande de prestations auprès de l’OAI, les prestations d’aide financière accordées par l’appelé en cause au mari correspondaient à des avances, qui étaient remboursables en vertu des art. 85bis RAI et 37 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). À l’appui de sa détermination, l’appelé en cause a produit divers décomptes des prestations, démontrant qu’il avait versé au mari, notamment, CHF 600.- par mois entre les mois de juin 2020 et mars 2022, en vue de couvrir les contributions dues par le mari pour l’entretien de ses deux enfants.

g. La recourante ne s’étant pas déterminée sur la duplique de l’intimé et la détermination de l’appelé en cause dans le délai (au 16 décembre 2022) qui lui avait été imparti pour le faire, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - [LPA-GE - E 5 10]).

3.             Le litige porte exclusivement sur le bien-fondé de la compensation effectuée par l'intimé en faveur de l'appelé en cause (montant de CHF 7'924.- correspondant à un rétroactif de rentes complémentaires pour enfants de l'assurance-invalidité), telle qu’elle ressort de la décision du 11 mars 2022.

4.            

4.1 Selon l’art. 22 al. 2 LPGA, les prestations accordées rétroactivement par un assureur social peuvent être cédées soit à l’employeur ou à une institution d’aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (1), soit à l’assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (2).

La cession ne peut porter que sur des prestations d'aide sociale versées à titre d'avances. Compte tenu de la nature subsidiaire des prestations d'aide sociale prévues par le droit cantonal, il y a lieu de partir du principe qu'il s'agit là d'avances (Ueli KIESER, Kommentar zum ATSG, 4ème éd. 2020, n. 60 ad art. 22).

C’est le lieu de relever que les prestations versées par l'appelé en cause relèvent de la LIASI, dont l'art. 9 al. 1 consacre la subsidiarité des prestations d'aide financière accordées en vertu de cette loi par rapport aux prestations d'assurances sociales fédérales et cantonales.

4.2 L'art. 85bis RAI, dont la base légale est l'art. 22 al. 2 LPGA (ATF 136 V 381 consid. 3.2), prévoit que [ ] les organismes d'assistance publics ou privés ayant leur siège en Suisse qui, en vue de l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité, ont fait une avance peuvent exiger qu'on leur verse l'arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu'à concurrence de celle-ci. Les organismes ayant consenti une avance doivent faire valoir leurs droits au moyen d'un formulaire spécial, au plus tôt lors de la demande de rente et, au plus tard au moment de la décision de l'office AI. Est cependant réservée la compensation prévue à l’art. 20 LAVS (al. 1).

Sont considérées comme une avance, les prestations : a. librement consenties, que l’assuré s’est engagé à rembourser, pour autant qu’il ait convenu par écrit que l’arriéré serait versé au tiers ayant effectué l’avance ; b. versées contractuellement ou légalement, pour autant que le droit au remboursement, en cas de paiement d’une rente, puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi (al. 2).

Les arrérages de rente peuvent être versés à l'organisme ayant consenti une avance jusqu'à concurrence, au plus, du montant de celle-ci et pour la période à laquelle se rapportent les rentes (al. 3).

Les avances librement consenties selon l'art. 85bis al. 2 let. a RAI supposent le consentement écrit de la personne intéressée pour que le créancier puisse en exiger le remboursement. Toutefois, dans l'éventualité de l'art. 85bis al. 2 let. b RAI, le consentement n'est pas nécessaire ; celui-ci est remplacé par l'exigence d'un droit au remboursement « sans équivoque ». Pour que l'on puisse parler d'un droit non équivoque au remboursement à l'égard de l'OAI, il faut que le droit direct au remboursement découle expressément d'une norme légale ou contractuelle (ATF 133 V 14 consid. 8.3 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2016 du 1er septembre 2016 consid. 3.2 et 8C_939/2014 du 14 avril 2015 consid. 3.2).

Par ailleurs, l'obligation prévue par l'art. 85bis al. 1 3ème phrase RAI, pour les organismes ayant consenti une avance de faire valoir leurs droits au moyen d'une formule spéciale n'est qu'une prescription d'ordre (ATF 131 V 242 consid. 6).

4.3 À Genève, selon l’art. 37 al. 1 à 3 de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), si les prestations d'aide financière prévues par dite loi ont été accordées à titre d'avances, dans l'attente de prestations sociales ou d'assurances sociales, les prestations d'aide financière sont remboursables, à concurrence du montant versé par l'Hospice général durant la période d'attente, dès l'octroi desdites prestations sociales ou d'assurances sociales (al.1). L'Hospice général demande au fournisseur de prestations que les arriérés de prestations afférents à la période d'attente soient versés en ses mains jusqu'à concurrence des prestations d'aide financière fournies durant la même période (al. 2). Il en va de même lorsque des prestations sociales ou d'assurances sociales sont versées au bénéficiaire avec effet rétroactif pour une période durant laquelle il a perçu des prestations d'aide financière (al. 3).

La chambre de céans a déjà reconnu que cette norme était suffisamment précise pour fonder un droit au remboursement en lien avec l’art. 85bis al. 2 let. b RAI, ce qui découle du reste de la lettre claire de l’art. 37 al. 1 et 3 LIASI (ATAS/177/2016 du 9 mars 2016 consid. 8 ; ATAS/870/2019 du 23 septembre 2019 consid. 4 et 5 ; ATAS/1333/2021 du 22 décembre 2021 consid. 7.1 ; ATAS ATAS/912/2022 du 13 octobre 2022 consid. 9.1.2).

4.4 Les objections contre le montant de la créance invoquée en compensation ne peuvent être soulevées dans la procédure devant l’OAI, mais doivent être dirigées directement contre l'organisme qui a fait valoir la compensation (arrêt du Tribunal fédéral 9C 225/2014 du 10 juillet 2014 consid. 3.3.1 ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 256/06 du 26 septembre 2007 consid. 6). La Caisse de compensation doit uniquement vérifier si la demande de compensation porte effectivement sur des avances consenties dans l’attente du versement de la rente et si ces avances ont été versées pour la période couverte par le paiement rétroactif de la rente. Ainsi, par exemple, pour la coordination des prestations entre l’assistance sociale et l’assurance-invalidité, est seul déterminant le fait que des prestations de l’assistance sociale et de l’assurance-invalidité aient été objectivement versées durant la même période et que les autres conditions de l’art. 85bis RAI relatives au versement en main de tiers aient été remplies (Michel VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et de l’assurance-invalidité (AI), 2011, n. 3328 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C 225/2014 du 10 juillet 2014 consid 3.3.1).

4.5 La compensation des prestations et des créances, autorisée au sein des branches et entre les branches, peut porter aussi bien sur les rentes en cours que sur les arriérés de rentes (ATF 136 V 286 consid. 4.1). Elle ne doit toutefois pas porter atteinte aux besoins urgents de la personne assurée, qui doivent être déterminés selon les règles du droit des poursuites (ATF 136 V 286 consid. 6.1 ; ATF 131 V 249 consid. 1.2). À cet égard, selon la jurisprudence, la question de l'admissibilité de la compensation sous l'angle du maintien du minimum vital au sens du droit des poursuites ne se pose pas seulement dans le cas d'une rente mensuelle en cours, mais également dans le cas d'un paiement d'arriérés de rente, car ceux-ci ont également pour but de couvrir les besoins vitaux de la personne assurée (art. 34quater, al. 2, 3e phrase, aCst. ; art. 112, al. 2, let. b, Cst.), et ce pendant la période pour laquelle ils sont versés a posteriori (ATF 136 V 286 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 305/03 du 15 février 2005 consid. 4).

Le Tribunal fédéral a tranché qu’un assuré qui a bénéficié de l'aide sociale pendant une certaine période et qui reçoit un arriéré de rente pour la même période ne peut pas se prévaloir de la limite de compensation du minimum vital selon le droit des poursuites, car celui-ci a pour but d'éviter que quelqu'un ne soit effectivement réduit à la misère par la compensation, ce dont il ne peut être question au vu du soutien reçu de l'aide sociale (ATF 136 V 286 consid. 8.1). Il en va toutefois autrement lorsqu'une personne assurée a vécu en dessous du minimum vital et n'a pourtant pas sollicité (pour une raison quelconque) l’aide sociale. Il est probable que la personne assurée - dans la mesure où elle ne disposait pas d'une fortune suffisante - a été contrainte de se procurer d'une autre manière les moyens d'assurer son existence ; on peut penser par exemple à une avance de fonds de la part d'une personne privée, qu'il s'agirait de rembourser par la suite (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1015/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.4).

 

5.              

5.1 S’agissant des rentes pour enfants, l'art. 35 al. 1 LAI prévoit que les hommes et les femmes qui peuvent prétendre une rente d'invalidité ont droit à une rente pour chacun des enfants qui, au décès de ces personnes, auraient droit à la rente d'orphelin de l'assurance-vieillesse et survivants.

L'art. 35 al. 4 LAI et l'art. 22ter al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) ont une formulation identique. Ils prévoient que les rentes pour enfants sont versées comme la rente à laquelle elles se rapportent. Les dispositions relatives à un emploi de la rente conforme à son but (art. 20 LPGA) ainsi que les décisions contraires du juge civil sont réservées. Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions spéciales sur le versement de la rente, en dérogation à l'art. 20 LPGA, notamment pour les enfants de parents séparés ou divorcés.

5.2 L’art. 82 al. 1 RAI renvoie à l’art. 71ter RAVS, le Conseil fédéral ayant fait usage de la délégation de compétence prévue par l’art. 35 al. 4 LAI.

Aux termes de l'art. 71ter RAVS, lorsque les parents de l'enfant ne sont pas ou plus mariés ou qu'ils vivent séparés, la rente pour enfant est versée sur demande au parent qui n'est pas titulaire de la rente principale si celui-ci détient l'autorité parentale sur l'enfant avec lequel il vit. Toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité tutélaire est réservée (al. 1). L'al. 1 est également applicable au paiement rétroactif des rentes pour enfants. Si le parent titulaire de la rente principale s'est acquitté de son obligation d'entretien vis-à-vis de son enfant, il a droit au paiement rétroactif des rentes jusqu'à concurrence des contributions mensuelles qu'il a fournies (al. 2).

La doctrine précise que pour faire application de l'art. 71ter al. 1 (1ère phrase) RAVS, il faut tout d'abord que les parents ne soient pas ou plus mariés ou qu'ils vivent séparés, la séparation de fait suffisant dans cette dernière hypothèse. Le versement selon cette disposition ne peut ensuite être effectué qu'à la condition que l'enfant vive avec le parent non-rentier et que ce dernier détienne l'autorité parentale (VALTERIO, op. cit., n. 792 p. 237).

La règle prévue à l'art. 71ter al. 2, 2ème phrase, RAVS vise à éviter que lorsque le parent débiteur des contributions d'entretien s'en est effectivement acquitté, les arriérés de la rente pour enfant soient versés à l'enfant. Ceci conduirait en effet à une surindemnisation discutable au regard du but de la rente complémentaire pour enfant, qui tend à alléger le devoir d'entretien du débiteur devenu invalide et à compenser la diminution du revenu de son activité, et non à enrichir le bénéficiaire de l'entretien (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 840/04 du 28 décembre 2005 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral a interprété l'art. 71ter al. 2 1ère phr. RAVS en ce sens qu'il autorise également le paiement rétroactif des rentes pour enfants en mains du parent non bénéficiaire de la rente principale, lorsqu'il est établi que les enfants ont vécu de manière durable et stable chez ce parent et que celui-ci a assumé effectivement leur entretien et leur éducation durant cette période (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 364/05 du 19 juin 2006 consid. 4.2). L'application de la règle prévue à l'art. 71ter al. 2, 2ème phrase, RAVS (en lien avec l'art. 285a al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]) suppose qu'une contribution d'entretien ait été fixée par le juge (ATF 145 V 154 consid. 3.2 et 4.3).

La jurisprudence a précisé que la rente complémentaire pour enfant n'a, à la différence de la rente d'orphelin, pas pour fonction de compenser les difficultés financières liées à la disparition d'un parent, mais de faciliter l'obligation d'entretien de la personne invalide ou au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, singulièrement de compenser les éléments du revenu perdus à la suite de la survenance du risque assuré (âge ou invalidité) et destinés à l'entretien de l'enfant. Autrement dit, elle doit permettre au parent invalide ou au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants d'honorer son obligation d'entretien. Elle n'a en revanche pas vocation à enrichir le bénéficiaire de l'entretien (arrêt du Tribunal fédéral 9C_915/2015 du 2 juin 2016 consid. 6.2 et les références).

En outre, aux termes du ch. 10010 DR, s’il ressort du dossier que les parents vivent séparés, la caisse de compensation doit attirer l’attention du parent non bénéficiaire de rente sur la possibilité d’un paiement direct des rentes pour enfants.

Enfin, le ch. 10074 DR prévoit qu’en principe, le paiement rétroactif de la rente complémentaire de l’AVS ou de la rente pour enfant peut également, en cas de versement en mains d’un tiers ayant consenti à une avance, être compensé avec cette avance. Toutefois, si les conditions mises aux versement séparé de la rente complémentaire de l’AVS ou de la rente pour enfant sont réunies, ces rentes ne peuvent pas faire l’objet d’une compensation.

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Dans le domaine des assurances sociales, la procédure est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire (art. 61 let. c LPGA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 I 183 consid. 3.2). Le devoir du juge de constater les faits pertinents ne dispense donc pas les parties de collaborer à l'administration des preuves en donnant des indications sur les faits de la cause ou en désignant des moyens de preuve (ATF 130 I 184 consid. 3.2 ; ATF 128 III 411 consid. 3.2).

Autrement dit, si la maxime inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, elle ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à son adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3). Au demeurant, il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.              

7.1 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en date du 1er mars 2022, l’appelé en cause a demandé la compensation d’avances, à hauteur de CHF 13'200.- (prestations versées au titulaire de la rente AI principale, de juin 2020 à mars 2022, en faveur des enfants qu’il a eus avec la recourante), avec des paiements rétroactifs de rentes complémentaires pour enfants de l’AI.

Dans la décision attaquée du 11 mars 2022, l’intimé a confirmé l’octroi de deux rentes complémentaires pour enfants, liées à la rente d’invalide de l’époux, à concurrence de CHF 188.- par mois et par enfant dès le 1er juin 2020, puis de CHF 189.- par mois et par enfant dès le 1er janvier 2021. L’intimé a fixé à CHF 7'924.- le total des arriérés de rentes pour enfants dues pour la période du 1er juin 2020 au 28 février 2022, tout en précisant que ce montant serait versé à l’appelé en cause à titre de « compensation externe sur le paiement rétroactif », en « remboursement des pensions alimentaires déjà versées » (lesquelles avaient été avancées par l’appelé en cause).

De son côté, la recourante – qui a sollicité le versement en ses mains des rentes complémentaires pour enfants (cf. formulaire du 1er décembre 2021) – conteste uniquement l’attribution à l’appelé en cause, à titre de compensation, du rétroactif de rentes complémentaires pour enfants de CHF 7'924.-, en vue du remboursement des avances que l’appelé en cause (à savoir l’organisme aide sociale) a versées en faveur de ses enfants de juin 2020 à février 2022. Se prévalant de l’art. 71ter RAVS (disposition réglant le versement direct, en mains du conjoint séparé ou divorcé, des rentes complémentaires pour enfants), la recourante souligne que les contributions d’entretien qui lui ont été versées par son mari ne suffisaient pas à couvrir l’intégralité des « besoins vitaux » de ses enfants, ce qui justifierait, de son point de vue, le versement en ses mains du rétroactif de rentes complémentaires pour enfants.

8.              

8.1 D’emblée, la chambre de céans rappelle qu’un droit de l’appelé en cause au remboursement des avances peut être déduit sans équivoque de l’art. 37 al. 1 à 3 LIASI. En effet, la juridiction de céans a déjà reconnu que cette norme était suffisamment précise pour fonder un droit au remboursement en lien avec l’art. 85bis al. 2 let. b RAI, comme exposé plus haut (ATAS/177/2016 précité consid. 8 ; ATAS/1333/2021 précité consid. 7.1 ; ATAS/912/2022 précité consid. 9.1.2).

Corollairement, et puisque dans le cas d’espèce, le droit au remboursement des avances repose notamment sur l’art. 85 bis al. 2 let. b RAI, le consentement écrit du titulaire de la rente principale n’était pas nécessaire (ATF 133 V 14 consid. 9.3), étant précisé que ce point n’est pas discuté dans le recours.

Ensuite, force est de constater que la période (du 1er juin 2020 au 28 février 2022) couverte par le rétroactif de rentes complémentaires pour enfants de l'AI (de CHF 7'924.-), dont la recourante sollicite le versement, se recoupe avec celle (du 1er juin 2020 au 31 mars 2022) durant laquelle l’appelé en cause a versé des prestations d'aide financière en faveur de ses deux enfants.

8.2 Par ailleurs, le montant que l’appelé en cause affirme avoir fourni en faveur des deux enfants de la recourante, à hauteur de CHF 13'200.- (soit 22 mois [période de juin 2020 à mars 2022] x CHF 600.- [somme des contributions d’entretien dues chaque mois par le mari, selon le jugement du TPI du 11 décembre 2018]) ne peut être contrôlé dans le cadre de la présente procédure (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_225/2014 du 10 juillet 2014 consid. 3.3.1). Il est quoi qu’il en soit supérieur à l’arriéré de rentes – de CHF 7'924.- – que l’intimé a attribué à l’appelé en cause en vue du remboursement des avances versées par cet organisme. Pour le reste, il convient d’admettre que dans la mesure où les prestations versées respectivement par l’appelé en cause et par l’intimé se rapportent à la même personne, à une période commune et qu’elles visent, dans les deux cas, à alléger la charge financière – pour le titulaire principal de la rente, devenu invalide – liée à l’entretien de ses enfants, le cadre de la subrogation légale, fondée sur l’art. 37 al. 1 et 3 LIASI en lien avec l’art. 85bis al. 2 let. b RAI, a été respecté (dans le même sens, cf. ATAS/912/2022 précité consid. 10).

8.3  

8.3.1 Pour s’opposer au versement par l’intimé du rétroactif de CHF 7'924.- à l’appelé en cause, la recourante fait néanmoins valoir que les contributions d’entretien (de CHF 300.- par mois et par enfant) qui lui ont été versées, dès juin 2020, par son mari en faveur de ses enfants, ne suffisaient pas entièrement à couvrir les besoins vitaux de ces derniers. Elle souligne que selon la jurisprudence, le but de l’art. 71ter RAVS est d’éviter une surindemnisation de l’enfant, ce dont elle déduit (a contrario) que l’office intimé aurait dû vérifier si les besoins vitaux de ses enfants étaient couverts avant d’opérer une compensation.

Cependant, la recourante ne saurait valablement se prévaloir de l’art. 71ter RAVS pour faire obstacle au remboursement des avances accordées par l’appelé en cause. Il résulte de l’art. 71ter al. 2 (2ème phrase) RAVS que le rétroactif de rentes doit être versé au parent titulaire de la rente principale, jusqu’à concurrence des contributions mensuelles qu’il a fournies, s’il s’est acquitté de son obligation d’entretien vis-à-vis de son enfant. Cette disposition permet de déterminer à qui est dû le versement rétroactif de rentes, à savoir au titulaire de la rente principale ou au conjoint séparé (ici l’épouse). Dans le cas particulier, comme le fait remarquer l’intimé dans sa duplique, sans être contredit pas la recourante (laquelle n’a produit aucune détermination subséquente à la duplique, bien qu’un délai [au 16 décembre 2022] lui ait été imparti à cet effet), le parent titulaire de la rente principale, à savoir le mari, s’est (sauf pour trois mois correspondant aux mois de décembre 2020, avril et septembre 2021) régulièrement acquitté de son obligation d’entretien envers ses deux enfants, à tout le moins jusqu’en octobre 2021 (selon les justificatifs bancaires produits par la recourante à l’appui du formulaire qu’elle a rempli, le 2 décembre 2021, en vue de solliciter le versement séparé des rentes pour enfants), ce qui, conformément à l’art. 71ter al. 2 RAVS, exclut le versement à la recourante du rétroactif de rentes. On relèvera incidemment que, dans la mesure où les justificatifs bancaires produits par la recourante à l’appui de sa demande de versement séparé ne couvrent pas la période allant de fin novembre 2021 jusqu’en février 2022, on ignore le montant exact des contributions d’entretien que le mari a versées en faveur de ses enfants dans les deux derniers mois de l’année 2021 et au début de l’année 2022, mais quoi qu’il en soit, en l’absence de justificatifs produits par la recourante pour ladite période, il ne saurait être tenu pour établi que les contributions d’entretien n’ont pas (ou plus) été versées régulièrement, eu égard aux versements effectués jusqu’alors par le mari et au fait que ce dernier a continué, en tout cas jusqu’au prononcé de la décision attaquée, de percevoir CHF 600.- par mois de l’appelé en cause, ceci précisément afin qu’il puisse honorer son obligation d’entretien envers ses deux enfants (cf. décomptes de prestations de l’appelé en cause, produits à l’appui de sa détermination du 8 décembre 2022).

De surcroît, il sied de relever que le montant des contributions d’entretien versées mensuellement par le mari (CHF 300.- par enfant, soit CHF 8'400.- au total entre juin 2020 et octobre 2021, selon les relevés bancaires versés au dossier), excède la valeur du rétroactif de rentes complémentaires accordé par la décision du 11 mars 2022 (CHF 7'924.-). Il en résulte qu’en ce qui concerne la période visée par le rétroactif de rente, les enfants de la recourante ont déjà bénéficié, de la part de leur père, d’un soutien financier excédant le montant des rentes complémentaires accordées par l’OAI, de sorte que la recourante n’a pas droit au versement de ce rétroactif en ses mains, selon l’art. 71ter al. 2 RAVS (cf. en ce sens arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois 608 2020 91 du 27 novembre 2020 consid. 3 ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 840/04 du 28 décembre 2005 consid. 5.2). En conséquence, l’application au cas d’espèce de l’art. 71ter (al. 2) RAVS ne s’oppose pas au remboursement des avances versées par l’appelé en cause, contrairement à ce que semble considérer la recourante. Le ch. 10074 DR n’empêche pas non plus une telle compensation, puisqu’en ce qui concerne la période visée par le rétroactif, les conditions relatives au versement séparé des rentes pour enfants ne sont pas réunies, comme cela ressort de ce qui précède.

8.3.2 Dans ce contexte, on relèvera encore que la précision, figurant au ch. 3 de la décision attaquée, selon laquelle « la rente sera payée par l’OCAS sur le compte [de la recourante] », ne se rapporte logiquement pas au rétroactif de rentes pour enfants (puisque celui-ci été a attribué à l’appelé en cause, en remboursement des avances), mais vise nécessairement le versement pour le futur des rentes pour enfants. Or, l’office AI est en droit de compenser des arriérés de rentes complémentaires, qui n’ont pas encore été versés en mains de l’épouse séparée (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 305/03 du 15 février 2005 consid. 6.1), comme en l’occurrence.

8.3.3 Pour le reste, la recourante ne peut pas être suivie lorsqu’elle sollicite le versement du rétroactif de rentes pour enfants en sus des contributions d’entretien qui lui ont déjà été versées par son mari, au motif que lesdites contributions n’auraient pas suffi à couvrir entièrement les « besoins vitaux » de ses filles. D’une part, dans la mesure où elle prétend (implicitement) à un cumul du rétroactif de rentes pour enfants avec les contributions d’entretien qui lui ont déjà été versées, la recourante perd de vue que l’art. 71ter al. 2 RAVS ne prévoit en principe pas un tel cumul, comme exposé plus haut ; l’al. 2 de cette disposition vise au contraire à éviter que, lorsque le parent débiteur des contributions d'entretien s'en est acquitté, les arriérés de rentes pour enfants soient versés à ces derniers, ce qui, selon notre Haute-Cour, conduirait à une forme de surindemnisation discutable du (des) bénéficiaire(s) de l’entretien, le but des rentes complémentaires pour enfants étant d’alléger le devoir d'entretien du débiteur devenu invalide (arrêt I 840/04 précité consid. 4.2). Il est vrai que l'art. 71ter al. 2 RAVS, par le renvoi que fait sa première phrase à l'al. 1, prévoit une réserve en faveur de toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité tutélaire ; toutefois, sous cet angle également, il n’existe pas d’argument en faveur d’un cumul, puisque le jugement du TPI du 11 décembre 2018 (entérinant l’accord par lequel le mari s’est engagé, notamment, à contribuer à l’entretien de chacun de ses enfants à hauteur de CHF 300.- par mois dès le 1er août 2019), ne prescrivait justement aucun cumul des contributions d’entretien et des rentes pour enfants en faveur de C______ et D______ (à l’inverse de la situation visée par l’arrêt I 840/04 précité, où le Tribunal fédéral des assurances avait autorisé un cumul des contributions d’entretien et d’un rétroactif de rentes pour enfants dès le prononcé du divorce, parce que ledit cumul était expressément prévu par une convention sur les effets accessoires du divorce).

D’autre part, dans la mesure où la recourante semble se prévaloir de la limite de compensation du minimum vital, en alléguant que les contributions d’entretien de CHF 600.- qui lui ont été versées mensuellement pour ses deux enfants ne couvraient pas la totalité des besoins de ceux-ci (« l’entretien convenable » ayant été estimé à CHF 535.- pour C______ et à CHF 570.- pour D______, selon le jugement du TPI du 11 décembre 2018), son argumentation se révèle dénuée de pertinence, dès lors qu’elle n’est de toute manière pas la titulaire du droit au rétroactif de rentes pour enfants dont elle revendique le versement, comme on l’a vu (cf. consid. 8.3.1 supra). Par surabondance de moyens, la chambre de céans relèvera encore que l’intéressée ne détaille pas sa situation financière et que, partant, elle ne rend pas vraisemblable qu’elle n’aurait pas été en mesure de prendre en charge la part de l’entretien non couverte par les contributions versées par le mari, ni que ses enfants auraient vécu au-dessous du minimum vital pendant la période visée par le rétroactif de rentes. Le dossier ne contient en tout cas aucun indice qui suggérerait une situation financière particulièrement précaire de la recourante et de ses deux enfants (l’intéressée soulignant elle-même dans sa réplique n’avoir jamais été dépendante de l’aide sociale).

9.             En définitive, les conditions de l'art. 85bis al. 2 let. b RAI étant remplies, l’appelé en cause a droit à la compensation des avances consenties avec le paiement rétroactif de la somme de CHF 7'924.-.

10.         Mal fondé, le recours est rejeté.

11.         La recourante, qui succombe, n’a pas droit à une indemnité de dépens (art. 61 let. g LPGA).

12.         Selon l’art. 69 al. 1bis LAI, la procédure de recours en matière de contestations portant sur l'octroi ou le refus de prestations de l’assurance-invalidité est soumise à des frais de justice.

Conformément à la jurisprudence, le litige concernant le paiement en mains de tiers d’un rétroactif de prestations n’a en soi pas pour objet l’octroi ou le refus de prestations d’assurance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 256/06 du 26 septembre 2007 consid. 2 et 7), de sorte qu’il ne sera pas perçu de frais de justice dans le cas d’espèce.

 

*****


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le